La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°8/9
Situation du programme nucléaire
2) ASPECTS ECONOMIQUES

     Nous n'aborderons ici que trois aspects:
     - le coût du kWh nucléaire comparé au coût du kWh thermique classique
     - les difficultés de financement .du programme
     - le nucléaire et l'emploi.
     Nous verrons là encore qu'il y a loin des promesses d'il y a trois ans - le nucléaire est compétitif, il créera des emplois - aux dures réalités de 1977.

B.a. Les incertitudes du coût du Kwh nucléaire
     Le calcul du coût du kWh nucléaire et la comparaison de ce coût avec celui du kWh thermique classique sont complexes car faisant intervenir une multitude de paramètres sur lesquels reposent bien des incertitudes. Il est curieux de constater qu'en France, les résultats de ces calculs reposant sur des données aussi imparfaites soient présentés comme des certitudes absolues et servent à justifier des décisions technocratiques lourdes de conséquences. 

Les économistes de l'EDF ont pourtant la réputation d'être les meilleurs économistes français; mais la déformation volontaire ou involontaire des données, l'occultage des informations économiques, l'absence totale de paramétrage, des erreurs méthodologiques surprenantes, l'ignorance des coûts sociaux laisseraient au moins penser que les calculs ne cachent rien moins que la subjectivîié de leurs auteurs, pour ne pas dire plus.

1. Le coût d'investissement des centrales nucléaires.
     Premier élément du calcul, le coût annoncé en France semble très inférieur aux coûts étrangers, en prenant les mêmes éléments de comparaison en particulier en éliminant l'inflation.
     Cette comparaison montre des écarts importants de l'ordre de 60 $/kWe jusqu'à 200 $/kWe à partir des données de 1975. A l'heure actuelle les écarts pourraient être plus importants puisqu'en $ 1977, le coût du projet du réacteur PWR no 2 de la centrale californienne de Rarcho Secco est évalué à 1.300 $/kWe, en incluant l'anticipation de l'érosion monétaire, soit approximativement 650 à 700 $/kWe hors inflation et en $ 1974.


(NB - les $ utilisés ici sont des $ de 1974)

p.7

     L'EDF et le CEA avancent diverses explications pour justifier de ces différences(8)-(9):
     - durée de construction plus importante (9 ans aux USA contre 5 ans en France) qui pèse sur le montant des intéréts intercalaires;
     - coût de la main d'oeuvre qualifiée plus élevée aux USA,
     - commandes groupées en chaudières nucléaires et en turbo-alternateurs qui permettent de profiter d'effets de série importants;
     - engagements par paires de réacteurs avec décalage optimal dans le planning industriel
     - renforcement des normes de sécurité et de protection de l'environnement aux Etats-Unis et en Allemagne qui se traduisent par des modifications techniques, un renforcement des contrôles techniques et un accroissement de la durée de construction
     - rapports de force différents entre les firmes électro-mécaniques et les firmes électriques dans chaque pays.
     Ces différents arguments pourraient expliquer une partie des différences, mais, à vouloir trop prouver, ils ne convainquent pas:
     1. Les durées de construction en France sont et seront beaucoup plus importantes que prévu au vu des retards pris sur les premiers réacteurs (Fessenheim I et Il, Bugey II et III) du fait de la mauvaise organisation des chantiers, des retards techniques et du renforcement des contrôles du. SCPRI et  des Services des Mines.
     2. Les recommandations de ces services ont conduit à certaines transformations dont les conséquences ne sont pas répercutées sur les coûts annoncés.
     3. L'organisation mise en place autour du programme au sein de l'EDF (spécialisation de chaque région d'équipement dans la commande d'une partie de la tranche: réacteurs, turbo-alternateurs... etc.) entraîne des hausses de frais d'étude ou d'engenering qui ne sont pas pris en compte dans les coûts.
     4. Le coût de la main d'oeuvre qualifiée française est la plus élevée d'Europe et n'est pas très loin du coût observé aux USA.
     5. M. Boiteux lui-même reconnaît, dans différents interviews, qu'il faut conforter les marges de FRAMATOME au niveau de ses ventes de chaudières à l'EDF afin que cette société puisse être suffisamment solide pour pouvoir exporter
     6. Le prix de base de la centrale est automatiquement majoré de 6,2 % lorsque le programme annuel passe de 6.500 Mwe à 4.500 MWe.
     7. Les réacteurs sont de plus en plus souvent engagés par paires aux USA et la standardisation des éléments des centrales est de plus en plus répandue.
     Certes les coûts français restent inférieurs aux coûts américains, ou allemands, mais ils ne sont certainement pas au niveau de 2.150-2350 F/kWe (en Francs 1976), mais plutôt au minimum au niveau de 2.600 F/kWe.
     Un conférencier de l'EDF, P.Daurès, a reconnu ainsi publiquement, en mars 1977 qu'EDF envisageait une hypothèse plus pessimiste que 2.150 F/kWe:
suite:
     + 10-12 %: augmentation des contrôles
     + 5 % : augmentation de la durée de construction.
     Si l'on y adjoint l'effet de la réduction des programmes annuels à 5.000 MW, le coût approcherait donc bien ces 2.600 F/kWe.
     Monsieur Boiteux, dans une conférence de presse de mars 1977, reconnaissait que le coût était de 2.600 F/kWe en F 1977, soit 2.340 F en F 1976, tout en n'admettant que des hausses de coût limitées.

2. Le coût du cyde du combustible
     Deuxième élément du calcul, le coût du cycle du combustible est très sous-évalué en France quand on le compare aux chiffres de Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) de Vienne (3) ou aux estimations allemandes et américaines (2) - (10).
     a) Le prix du concentré d'uranium qui est utilisé (200 F/kgU) correspond à un prix de 15 $/lb U308.11 peut paraître surprenant que ce prix soit retenu quand on connaît l'évolution rapide du prix de l'uranium depuis deux ans. Les prix de contrats de long terme étaient l'an dernier compris entre 25-30 $/lb et cette année, supérieurs à 30 $ contre 6 à 8 $/lb en 1971 - Certains contrats «spot»ont même atteint 45 $/lb.
     L'AIEA retient des chiffres proches de 30 $, soit 400 F/kgU.
     b) Les prix actuels de l'enrichissement sont de l'ordre de 53 à 61 $/UTS pour des installations américaines construites il y a quelques décennies. Les prix qui seront demandés par les USA, Eurodif, Coredif ou Vierco pour des installations nouvelles à partir de 1980 seront très supérieurs. Il serait judicieux, d'après l'AIEA, de prévoir des prix compris entre 80 $ et 120 $/UTS (en monnaie de mi-74).
     c) Dans tous les pays on observe de grosses difficultés en matière de retraitement des combustibles irradiés (voir plus haut). En France, l'atelier HAO (Hautes Activités Oxydes) de traitement des combustibles irradiés provenant des PWR n'en est qu'au stade des essais.
     Même au cas où des unités fonctionneraient, elles seraient sujettes à un vieillissement prématuré des installations qui nécessiteraient des précautions accrues et leur fermeture plus rapide, ce qui accroît les coût du retraitement.
     Les estimations de l'AIEA, se situent aux alentours de 300 $/kgU. Les estimations du CEA et de l'EDF ont subi de leur côté des hausses importantes depuis 1972 (40 $/kgU en 1972 contre 200 $ actuellement).
     Les chiffres de l'AIEA sont tout à fait comparables à ceux utilisés par la COGEMA, nouvelle filiale du CEA issue de son démantèlement.
   Les coûts allemands sont aussi de 1,5 pf/kWh, soit environ 3,1 c/kWh, c'est-à-dire à un niveau plus proche de nos estimations que de celles de l'EDF et du CEA

p.8
Tableau: révision du coût du cycle du combustible

3 La durée d'utilisation des centrales nucléaires
     Pour la comparaison nucléaire/thermique, l'EDF et le CEA prennent des durées de fonctionnement très optimistes pour les centrales nucléaires, très pessimistes pour les centrales thermiques classiques. Ceci joue sur les coûts respectifs des kWh, les économistes calculant l'amortissement des investissements en les divisant par le «nombre d'heures actualisées» qui est déduit directement des durées annuelles de fonctionnement, c'est-à-dire des «facteurs de charge».
     Les hypothèses de calcul d'EDF et du CEA sont: 
     - pour les centrales nucléaires: un «facteur de charge» égal à 7.5 % pendant la quasi-totalité des 20 ans de durée de vie de la centrale
     - pour les centrales thermiques classiques: un facteur de charge de 75 % pendant 6 ans; celui-ci décroit ensuite si vite qu'il est inférieur à 50 % pendant la deuxième moitié de la vie de la centrale.
     Ces hypothèses nous paraissent incorrectes:
     ï En ce qui concerne le nucléaire, l'expérience industrielle est insuffisante pour supposer un taux d'utilisation aussi optimiste que celui retenu par EDF. Il semblerait même qu'aux USA des maladies de vieillesse interviennent dès la cinquième ou sixième année de fonctionnement et font baisser les performances de la centrale du fait d'arrêts prolongés de plus en plus fréquents (conf. le rapport Cormey sur les centrales américaines).
     ï En ce qui concerne le thermique classique, l'expérience semble prouver à l'opposé que d'excellents facteurs de charge peuvent être obtenus pendant la majeure partie de la durée de vie de la centrale, soit 30 ans.
     Nous avons calculé les prix du kWh nucléaire et thermique classique.
     - En prenant en compte un coût d'investissement de 2.600 F/kWe pour les centrales nucléaires (contre 2.150 F/kEe pris par EDF)
     - En retenant le coût du combustible nucléaire calculé par nous ci-dessus
     - En faisant les hypothèses suivantes sur l'utilisation des centrales:
     - nucléaire: 65 % de facteur de charge, soit 47.000 heures actualisées sur 20 ans
     - thermique classique: 40 % du facteur de charge, soit 58.450 heures actualisées sur 30 ans.
     Précisions que pour calculer des coûts comparables, il est nécessaire de comparer des services rendus identiques il faut donc calculer le coût du kWh nucléaire pour un nombre d'heures actualisées identique à celles du thermique classique, soit 58.450 heures. Il faut donc supposer la création d'une autre centrale nucléaire au bout de quinze ans pour obtenir ces 58.450 heures actualisées. C'est ce que nous avons fait dans nos calculs:
suite:
Tableau comparaison des coûts des KW/h
(données de 1976)

Hypothèse sur le prix du fuel: H1 : 300 F/T, H2 : 370 F/T


     Le coût du kw/h nucléaire que nous obtenons (10,6 c/kWh) est très proche des coûts avancés par les Allemands (12 c/kWh) ou des évaluations utilisées offideusement en janvier 1977 dans les services économiques d'EDF (10 c/kWh). Il faut noter en plus que nos calculs ne tiennent compte ni du coût de démantèlement des centrales nucléaires ni des divers coûts sociaux.
     Il apparaît donc qu'un des arguments les plus forts avancés en 1974 - le nucléaire est beaucoup moins cher que le thermique dassique - ne tient plus en 1977, soit 3 ans après. Décidément, que les choses évoluent vite et mal dans le domaine de l'électro-nudéaire!

BIBLIOGRAPHIE

1. M. Carasso et al.  Data base of the Energy Supply Model - Bechtel Corporation - Report to NSF-NTIS - Springfield USA - Août 1975.
2. M. Kleinpeter - M. Messer - Introduction of the FBR in to the nuclear power systern of  Europe - Draft-Workshop on Alternative Energy Strategies -October 1976.
3. R. Krymm - Regards nouveaux sur les coûts de l'énergie d'origine nucléaire - Bulletin AIEA. Vol. 18 no2 - 1976.
4. Brookhaven National Laboratory (BNL) Data Base - 1975-1976.
5. L. Gillon - L'énergie nucléaire vue dans son aspect économique - L'écho de la bourse: 13 mai 1976 (Bruxelles).
6. J. Feron - Communication à la Conférence Nucléaire Furopéenne, février1975 (AGN no 3, 1975).
7. VIIe Plan - Rapport de la Commission de l'Energie - Documentation francaise p. 37.
8. J. Baumier - Les coûts des réacteurs à neutrons rapides sont-ils trop élevés? - RGN no 2, 1976, p. 145.
9. Thieriet - Le coût du nucléaire est-il sous-évalué? - RGN no 56, 1975, p. 349.
10. Amory Lowins - Scale, Centralization et Electrification in Energy Systems - Symposium on future Strategies of Energy Development - Oak Ridge - October 1976, p. 19.
11. M. Boiteux - Conférence de presse annuelle Mars 1977.
12. RGN no 1 - janvier-février 1976, p. 65.

p.9

B.b. Financement du programme
     Compte tenu du coût très important des installations nucléaires, qui ont en plus une fâcheuse tendance à l'escalade, le problème du financement se pose d'une façon de plus en plus aiguë. Pour couvrir le programme, trois solutions sont possibles:
     - l'autofinancement qui entraîne une hausse des tarifs et donc consiste à faire payer le programme par le consommateur ; et dans ce cas par lequel: l'abonné domestique ou le client industriel?
     - la dotation en capital faite par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable, mais une fois encore par lequel?
     - les emprunts soit sur le marché intérieur, mais les disponibilités sont limitées, soit sur le marché international.
     La situation actuelle n'est pas brillante et suivant la formule de M. Boiteux: «Prise entre l'arbre et l'écorce, EDF fait ce qu'elle peut pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés».
     Les doléances de la direction d'EDF sont d'ailleurs fort nombreuses en ce moment:
     A propos du financement:
     «L'équipement nucléaire du pays est une affaire nationale; elle l'est dans ses motivations ; elle l'est aussi dans la volonté politique qui la sous-tend. Il me semble qu'elle ne peut pas ne pas l'être également pour son financement».
Conférence de presse du 22 mars 1977 de M. Boiteux.
     A propos de l'emprunt:
« Mais notre  crédit n'est tout de même pas illimité, et le montant de nos emprunts à l'étranger au cours des trois dernières années représente déjà l'équivalent en devises de 20 milliards de francs.» (M. Boiteux).
     Notons en passant que le chiffre d'affaires d'EDF est de 32 milliards de francs en 1976. Nous reviendront sur ce point dans l'avenir.

B.c. Nucléaire et emploi
     Le nucléaire crée des emplois. C'est un argument qu'utilise EDF pour faire accepter les contrats nucléaires aux populations réticentes.
   1. Au niveau des sites:
     Pendant la construction tout d'abord des emplois sont créés : 2.500 à 3.000 au maximum pour un site à quatre tranches, voir graphique d'EDF:

     De l'avis des défenseurs du programme nucléaire, ces emplois créent plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. Les travaux sont faits par des entreprises spécialisées, comme celles qui construisent les autoroutes, qui amènent leur main d'oeuvre. Il faut cependant loger ces personnes, ouvrir des écoles, etc., pour une période de trois à quatre ans.
     Après la construction «une centrale nucléaire de quatre tranches comprendra environ 300 agents d'EDF. L'expérience montre que 50 à 80 personnes seront d'origine locale» (source: document EDF : une centrale nucléaire dans la com mune). Sans commentaire!
     2. Dans la sidérurgie
     Les charges de travail seraient pour le contrat de programme no 1 (16 tranches):
     1% du chiffre d'affaires de l'industrie des compresseurs
     3% du tonnage de production de la robinette rie (Rateau Montréal et Cercerg)
     13% de la production totale des pompes
     Pour le groupe Creusot-Loire, ce même programme représentera en 1980 20 % de l'activité mécanique ou encore 10 % de l'activité consolidée de ce groupe.
(source: étude de DAFSA)
    D'après l'IREP (Institut de recherche et d'étude de planification), 37 entreprises françaises bénéficient de 92 % du marché, et sur ce nombre, 2 entreprises (dont Creusot-Loire) représentent à elles seules 55 % du marché.
     Ces données ne tiennent pas compte de la sous-traitance. Au niveau des entreprises, nous pouvons déjà savoir que pour la CEM, 10 % des heures de travail en 980 sont prévues pour le CPl et qu'à Nekpic, Superphénix représente 14 % de la charge de travail pour 3 ans. Cela ne représente qu'une faible part de la charge de travail des entreprises concernées.
suite:
     Il faut remarquer qu'une autre politique énergétique pourrait créer autant sinon plus d'emplois. L'industrie nucléaire est très mécanisée, très «capitalisée». Pour un investissement donné, le nombre d'emplois créés est plus faible que dans une industrie moins lourde. A capital investi égal, les économies d'énergie ou le solaire créeront plus d'emplois que le nucléaire.
     De récentes études effectuées aux Etats-Unis tendraient à montrer que les industries les plus énergivores sont généralement celles qui emploient le moins de monde (l'énergie et la force de travail sont en concurrence pour l'utilisation d'une même fraction de capital). Bien sûr, l'idéal n'est pas de travailler davantage! Mais nous avons suffisamment montré par ailleurs à quel point le nucléaire est une technologie asservissante pour ses travailleurs, pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir.
     Dans une prochaine Gazette nous réserverons une étude à ce qu'est  l'EDF depuis la nationalisation, nous pourrons voir ainsi comment, à la notion de service public a été ajoutée depuis peu à la dimension «marketing». Il sera intéressant à ce niveau d'analyser ce qui actuellement est considéré comme un objectif prioritaire la pénétration de l'électricité aussi bien dans le domaine domestique que dans le domaine industriel. En effet, un des problèmes qui se posent actuellement c'est que faire de l'électricité nucléaire dont il a été décidé a priori qu'elle devait couvrir 85 % de l'accroissement énergétique jusqu'en 1985.
 
LES DÉMÊLÉS DE LA DIRECTION D'E.D.F.
AVEC L'AGENCE POUR LES ECONOMIES D'ENERGIE

    La direction d'EDF pousse à la consommation d'énergie notamment en développant le chauffage électrique intégré (voir la Gazette 2). Tout le monde reconnaît que ce mode de chauffage gaspille l'énergie primaire, c'est-à-dire actuellement le pétrole. Il avait été décidé:
     - que la publicité pour ce mode de chauffage serait interdite: EDF passe outre «Pendant une semaine EDF a informé les professionnels du bâtiment sur le chauffage tout électrique» titre du journal rémois L'Union du 22.4.1977. Qu'attend le ministre de l'industrie pour faire respecter les propres décisions de son ministère?
     - que le taux de pénétration du chauffage électrique intégré n'excèderait pas 35 à 40 % pour les années qui  viennent et pourrait atteintre 40 à 50 % à l'horizon 85 quand le programme nucléaire serait en place.
     Or qu'apprend-on: «Une étude récemment entreprise par EDF montre que la progression du chauffage électrique intégré continue à belle allure... on s'attend que la part attribuée à l'électricité dans la construction neuve atteigne 39 % cette année et 42 % l'année prochaine, contre 30% l'année dernière» ENERPRESSE, 23.3.77.
     Effectivement M. Boiteux, dans sa conférence de presse du 22.3.77, confirme ces chiffres:
     «L'accroissement  des  ventes d'EDF a été, comme les années précédentes, particulièrement marqué en basse tension (+12,8 %) sous la poussée de la demande domestique... Il est frappant de constater que, depuis 1973, les 4 cinquièmes de l'accroissement de la demande sont imputables aux secteurs résidentiels et tertiaires, contre un dixième pour l'industrie et une quasi-stagnation dans le secteur des transports».
     Pour satisfaire en partie cette demande, EDF a été amenée à consommer plus de fuel et à dépasser le quota qui lui était alloué. Ceci a conduit l'agence pour les économies d'énergie à vouloir imposer à EDF une taxe de 50 MF. M. Boiteux se débat comme un beau diable: ce dépassement est dû selon lui à la sécheresse. C'est peut-être vrai en partie, mais cela provient aussi de l'accroissement de la demande dans les secteurs résidentiels et tertiaires, donc du CEI (CEI: chauffage électrique intégré). M. Boiteux n'est certes pas responsable de la sécheresse en France, par contre il est responsable de la publicité faite par ses services pour le CEI, publicité dont on vient de voir l'efficacité.
     Mais il faut dire que cette stratégie qui consiste à pousser à la consommation d'électricité s'impose à EDF du fait du choix du «tout nucléaire». En effet, le nucléaire ne produit quasi-exclusivement que de l'électricité. Il faut donc qu'EDF pousse pour que la machine économique française qui consommait en 1973 les deux tiers de l'énergie sous forme de pétrole, se mette à consommer de l'électricité. Cette mutation n'est pas évidente et pose de sérieux problèmes à EDF. Nous y reviendrons.
 

p.10

Retour vers la G@zette N°8