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N°44
ELEMENTS POUR UN DEBAT SUR L'ENERGIE (1)
 

QUELQUES BONS PASSAGES CENSURES
DU RAPPORT BLOCH LAINE-CREMIEUX


LA PENETRATION DE L'ELECTRICITE DANS L'INDUSTRIE

     Version originale:
     (...)
     Le rythme de pénétration de l'électricité dépend évidemment du niveau de la croissance et de la vitesse de déformation structurelle de l’industrie. Mais il semble que dans tous les scénarios, la part de l'électricité dans la consommation industrielle doive plafonner à long terme, à 40% environ, la plupart des marchés nouveaux étant assez rapidement saturés. (Original p. 19)

     Ce résultat assez pessimiste doit être nuancé dans la mesure où les industriels ne sont pas toujours avertis des perspectives très différentes des prix de l'électricité et des combustibles dans les dix ans à venir. Il devrait donc conduire soit à une intense promotion de l'électricité et de ses applications dans l'industrie, soit à des réexamens du côté de l'offre. (Original p. 20)

     Version publiée:
     Le rythme de pénétration de l'électricité dépend évidemment du niveau de la croissance et de la vitesse de déformation structurelle de l'industrie.
     Les débats, au sein du groupe, ont montré qu'au-delà des marchés indiqués ci-dessus, les industriels ont quelques difficultés à identifier les usages et les équipements qui permettront à l'électricité de prendre le relais des autres formes d'énergie consommées par l'industrie.
     Ces estimations doivent être nuancées dans la mesure où les industriels ne sont pas toujours avertis des perspectives très différentes des prix de l'électricité et des combustibles dans les dix ans à venir. La promotion de l'électricité et de ses applications dans l'industrie doit donc faire l'objet d'un effort vigoureux et soutenu. (Rapport officiel p.36)

     Ah, qu'en termes galants ces choses-là sont dites...

LES COMPORTEMENTS ET LES CHOIX DANS L'INDUSTRIE

     (...)
     A long terme, enfin, l'analyse menée précédemment a permis de mettre en évidence quelques grandes sources d'économies d'énergie. Des actions prioritaires de recherche pourraient être menées pour en favoriser l'exploitation. (Original p. 26)

     Version publiée:
     L'adjectif «grandes» a été supprimé: il n'y a pas de petits détails...

suite:
ECONOMIES D'ENERGIE OU NUCLEAIRE
(Original p. 43 à 45)

     Lorsqu'au lendemain de la crise de l'énergie, on demandait à tel haut fonctionnaire s'il valait mieux faire plus d'économies d'énergie ou plus de nucléaire, il répondait invariablement, tel un père protégeant ses deux enfants jumeaux: «il faut faire plus pour les deux». C'était vrai. Le programme nucléaire est une chance pour la France et les avantages des politiques d'économies d'énergie viennent d'être clairement mis en évidence.
     Mais la ponction du secteur énergétique sur les capacités d'épargne pèse déjà lourdement sur le marché financier; il ne faudrait pas qu'elle obère l'immense effort d'adaptation et de modernisation exigé par ailleurs de l'appareil productif français pour faire face à la crise. Il faut donc faire des choix.
     Le groupe de travail n'a pas pour mission de rendre des arbitrages ni même de faire des recommandations en la matière. Mais il se doit de souligner les contraintes qui pèsent sur ces choix. Or l'une des leçons principales des travaux analytiques que nous avons menés est que les possibilités de pénétration de l'électricité d'ici 1990 sont limitées. Le tableau ci-dessous rappelle les taux de pénétration par secteur à cette date:

 
Part de l'électricité dans la consommation d'électricité
Secteurs
1978
1990
Résidentiel
26,9%
62 à 64%
Tertiaire
46,8%
63 à 76%
Industrie-agriculture
32,4%
36,5 à 37,5%
Transports*
5,9%
6,7 à 7,8%
Total conso. finale
26%
41,5 à 42,5%

     On ne pourrait atteindre le plafond de 42,5% que par une promotion très intense de l'électricité.
     Autrement dit, en tenant compte des pertes de réseau et de l'autoconsommation du secteur énergétique, l'économie française ne pourrait absorber plus de 93 ou 96MTep selon le scénario de croissance. Or, le Conseil Central de Planification du 2 avril 1980 a fixé, dans une hypothèse de croissance moyenne (3,5%), un objectif de consommation d'électricité pour 1990: 95 MTep. Cet objectif représenterait donc le maximum de ce qu'il est possible de consommer économiquement, hors situation de pénurie brutale.

suite p. 14
p.13

suite de la p.14
     Ont été également précisés les moyens de production correspondants:
nucléaire:     73 MTep
hydraulique: 14 MTep
autres:            8 MTep
Total:            96 MTep
     Où l'on voit que le nucléaire représente 77% de la production. Etant inadapté et non rentable lorsqu'il s'agit de satisfaire des usages de pointe, il deviendrait anti-économique d'en augmenter la part.
     En conclusion, les objectifs gouvernementaux pour 1990 en matière de production d'électricité nucléaire représenteraient la limite de ce que l'économie française peut rentablement absorber. Dans l'hypothèse d'un renforcement de la politique énergétique française, l'alternative «économies d'énergie ou nucléaire» se pose de moins en moins. On ne pourra pas faire beaucoup plus de nucléaire mais il restera encore des possibilités importantes et rentables d'économies d'énergie.

     Version publiée:
     De tout ceci, il ne reste que le premier paragraphe et le tableau.
     Et le titre est devenu: «La pénétration de l'électricité» (p. 56).

LES ENJEUX
(Original p. 40)
(...)
Secteur
consomm.
1979
consomm.
tendentielle 1990 (1)
consomm. "efficace" 1990 (2)
différence entre (1) et (2) 
Résidentiel Tertiaire
63,6
89
67
22
Industrie et agriculture
65,9
89-94
72-77 (1)
17
Transports
36,4
52
34-38 (3)
18-22
Energie
25,1
28-30
27-29
1
Total
190,9
258-265
200-209
58-62
1. Croissance faible ou forte
3. Prix des carburants élevés ou bas.
suite:
     Outre que de ce tableau seuls les totaux de la dernière ligne ont été retenus, le paragraphe de commentaires suivant a été purement et simplement supprimé:
     L'écart entre la consommation tendancielle en 1990 et la consommation «efficace» représente 60 millions de tonnes d'équivalent pétrole, soit près du tiers de la consommation actuelle. Au prix moyen actuel de l'énergie pour les utilisateurs, cela fait de l'ordre de 80 milliards de francs; comme les prix de l'énergie ne semblent pas devoir se stabiliser, la facture des gaspillages serait plutôt de 120 à160 milliards de francs en 1990... si l'on ne fait rien.
LES ENJEUX D'UNE POLITIOUE DE L'ENERGIE DANS L'HABITAT

     Pourtant, une politique qui se limiterait à la promotion des substitutions ne constitue pas un «optimum» pour la nation, car la rentabilité des investissements d'économie d'énergie est égale ou supérieure, dans la majorité des cas à celle des investissements de production.
     La difficulté est d'ordre sociologique et politique. Substituer une énergie à une autre, c'est transférer d'un producteur à un autre des investissements et des financements, c'est seulement modifier la répartition des forces au sein de la «techno-structure».
     Economiser l'énergie, c'est transférer aux Français les moyens de financement pour des investissements dans le logement. C'est réduire le pouvoir «central» de décision et augmenter celui des citoyens.
     Les deux politiques sont aussi utiles pour la collectivité, aussi efficaces pour réduire la dépendance énergétique. Mais économiser l'énergie, c'est aussi faire prendre conscience aux Français des conséquences indirectes de leur comportement sur la dépendance de la nature, et finalement sur l'état des relations internationales. C'est donc une politique peut-être plus nécessaire, car elle «sous-produit» un changement des mentalités collectivement utile à long terme.
     La politique du logement pourrait être l'instrument de ce changement de mentalités. Si l'effort public total ne peut s'accroître, il serait utilisé au mieux dans une politique d'économie d'énergie qui contribue à la fois à l'amélioration du niveau de vie des citoyens et à la réduction de la dépendance extérieure.
(Original p. 15)

     Version publiée:
     Cette partie est «résumée» en 5 lignes très générales dans le rapport officiel (p. 32).

p.14

  
EN GUISE DE CONCLUSION
(Original p. 86 à 88)

     «Cherchez le pétrole» est devenu la clé des comédies et tragédies internationales, comme «cherchez la femme» est la clé des tragédies et comédies humaines». (Un député à la tribune de la Chambre 1928).

     «Cherchez le gaspi» est devenu la clé... Nous avons ratissé l'économie française, secteur par secteur, pour recenser toutes les variétés de «gaspi» qui se nourrissent de notre pétrole. Cette battue nous a permis d'évaluer non seulement les réserves présentes mais, connaissant le rythme de prolifération de cette espèce parasite, également d'en estimer l'effectif futur dans l'hypothèse où on les laisse se développer sans agir.
     Si l'on ne fait rien, en 1990, ils seront 60 millions, plus d'un par Français. Comme on le sait, de par sa définition administrative, le gaspi se nourrit d'une tonne de pétrole ou d'équivalent par an. Pour peu que celui-ci coûte, d'ici-là, deux fois plus cher qu'aujourd'hui, cela fera entre 2.000 et 4.000 F par an et par Français... presque un treizième mois. Ce n'est pas catastrophique, mais cela mérite réflexion; et il faut être conscient qu'en cas de pénurie, les gaspis seront toujours là pour ronger nos stocks: ce n'est certainement pas eux qui réduiront leur consommation!... et il sera trop tard pour ouvrir la chasse.
     60 MTep, c'est l'ordre de grandeur du programme nucléaire. Si l'on ne s'attaque pas aux gaspillages, on peut considérer que l'on aura fait le nucléaire pour rien et les pêcheurs bretons auront le plaisir de voir passer quelques centaines de «Torrey Canyon» de plus.

 
     Ce serait d'autant plus absurde que la chasse aux gaspis est une opération rentable. Rentable, cela veut dire remboursable en cinq ans pour les entreprises, en huit-neuf ans pour les ménages et pour l'Etat.
     Mais rentable ne signifie pas gratuit et l'éradication des gaspis risque de coûter quelque 450 à 500 milliards de francs. Etalée sur dix ans, cette somme très importante est en fait très vite remboursée par les économies qu'elle procure. De plus, elle représente, pour une large part, des salaires qui seront versés à l'armée des chasseurs de gaspis, lesquels - les futurs chasseurs, pas les gaspis, hélas! - sont actuellement bien désoeuvrés. Le seul point noir de l'opération est qu'il faille aller à l'étranger acheter une grande partie de leurs fusils. Sauf cette ombre au tableau, le bilan de l'opération est vraiment très positif.
     Mais la lutte antigaspi est une opération trop sérieuse pour être laissée aux seuls chasseurs. Ne vont-ils pas se mettre à nous espionner, à nous soupçonner, au moindre geste, d'intelligence avec l'ennemi?
     Il est certain qu'un gaspi sommeille en chacun de nous et qu'il serait bon de l'en faire sortir. Mais n'hésitons pas à dire que l'opération de chasse au gaspi ne peut réussir que si les chasseurs sont, dans la population, comme des poissons dans l'eau. En la matière, seules l'information, la formation, la persuasion sont payantes.
     Quant à notre cadre de vie, quant à nos conditions de travail, sauf de rares exceptions, l'élimination des gaspis ne fait que les améliorer.
     Alors qu'attendons-nous pour chasser le gaspi?
     Une telle impertinence est en effet tout à fait inadmissible!... Aussi n'a-t-elle pas été admise dans le rapport publié.
p.15


L'ELECTRICITE EN 1990
VUE PAR LE PROGRAMME SOCIALISTE

     La position officielle du Parti Socialiste sur l'énergie a fait l'objet d'un livre paru au premier trimestre 1981, donc il y a seulement quelques mois: «Energie: l'autre politique», Club Socialiste du Livre.
     L'avant-propos, signé Paul Quilès et Philippe Marchand, dit notamment ceci:
     «Il s'agit donc d'une synthèse et d'une remise en ordre des analyses sur l'énergie faites jusqu'ici par les socialistes, mais également d'un travail en profondeur, à caractère scientifique, qui précise en les chiffrant les propositions du Parti Socialiste pour une autre politique énergétique. Nous souhaitons que ce livre contribue à l'indispensable information des Français».
     Nous résumons dans le tableau suivant les objectifs des socialistes, tels qu'ils sont explicités dans ce livre, concernant la consommation d'électricité et la structure correspondante du parc de production pour l'horizon 1990:
 

Consommations 1990
Production 1990
 
TWh
 
TWh
%
Résidentiel et tertiaire
154
Charbon
60
17
Industrie
143
Pétrole-gaz
15
4
Transports
11
Hydraulique
22
20
Eurodif
31
Nucléaire
215
59
Pertes
23
     
Total
362
Total
362
100

     On peut voir que les socialistes sont loin des 450 TWh et des 70% de nucléaire visés par l'ancien pouvoir.


L'ELECTRICITE EN 1990
VUE PAR LA CFDT

     Nous avons déjà publié dans la Gazette Nucléaire N°39/40 («Programmes et perspectives»), les réflexions et propositions de la CFDT: le lecteur est invité à s'y reporter pour plus de détails. Depuis, dans sa conférence de presse du 14 avril 1981, la CFDT a présenté ses dernières propositions, très voisines des précédentes. Nous résumons ces valeurs dans le tableau suivant:
 

Consommations 1990
Production 1990
 
TWh
 
TWh
%
Résidentiel et tertiaire
150
Charbon
90
26
Industrie*
140-150
Pétrole
15-25
6
Enrichissement uranium et pertes
50
Hydraulique
80
23
   
Nucléaire
140
40
   
Divers**
15
5
Total
340- 350
Total
340-350
100
* Y compris agriculture, transports et secteur de l'énergie (hors enrichissement).
** Gaz et producteurs indépendants.
p.16

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