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N°84/85

NORMES ET SANTE
LE FACTEUR RISQUE
Générateurs de vapeur
I. Introduction
     Les GV des tranches nucléaires à eau pressurisée sont, à l'expérience, comme tout échangeur de chaleur, des appareils délicats susceptibles de subir dans le temps des endommagements plus ou moins graves qui peuvent conduire à des indisponibilités importantes de tranches. En outre, le GV présente la particularité d'être à l'interface de la partie nucléaire et de la partie dite conventionnelle, et toute dégradation susceptible d'altérer la barrière primaire/secondaire peut poser des problèmes de sûreté de l'installation.
     Les GV des centrales étrangères de conception sensiblement identique à celle des GV installés sur les tranches REP françaises (essentiellement GV WESTINGHOUSE et sous licence) ont connu, dans le passé, beaucoup d'ennuis liés en particulier à la corrosion des tubes du faisceau à partir de la paroi externe. Ces corrosions, dues principalement aux mauvaises caractéristiques chimiques de l'eau du circuit secondaire et à la compatibilité des matériaux en présence, ont conduit à des bouchages nombreux de tubes, à des indisponibilités importantes et à des coûts dosimétriques d'exploitation tels qu'un remplacement prématuré des appareils a dû être réalisé sur quelques unités (Surry 1 - 2, Turkey Point 3 - 4, Point Beach 1...).
     Pour d'autres, des réparations ont été mises en œuvre dont le retour d'expérience à ce jour n'est pas suffisant pour pouvoir dire si toute éventualité de remplacement est écartée ou si seulement l'intervention est reportée dans le temps de quelques années (San Onofre 1, Point Beach 2, Indian Point 3, Millstone 2. Ginna...).
     Les GV des tranches françaises bénéficiant en partie de l'expérience américaine et compte tenu de l'attention particulière apportée, dès leur mise en service, à la qualité de l'eau secondaire, n'ont pas connu, à ce jour, les mêmes ennuis; cependant, un phénomène de corrosion fissurante des tubes par le côté primaire en sortie de plaque tubulaire est apparu en 1980 et tend à se généraliser aujourd'hui sur de nombreux appareils équipés de tubes en alliage 600 non traités thermiquement. 
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     Sans action curative ou préventive, ce nouveau type d'endommagement est de nature à mettre en péril la durée de vie des GV.
     Cette constatation a conduit depuis quelques années les services concernés d'EDF, en relation avec le concepteur des matériels, à mener un certain nombre d'études dans les domaines suivants:
     - prise en compte du retour d'expérience sur les appareils les plus récents,
     - prévention sur les GV encore sains de façon à éviter l'apparition de la fissuration des tubes par la mise en œuvre du martelage, comme il sera vu plus loin,
     - réparation sur les GV déjà affectés par le recours au manchonnage par exemple, afin de ne pas compromettre prématurément leur durée de vie,
     - étude de GV de substitution de conception améliorée mettant à l'abri des incidents connus à ce jour,
     - étude de la mise en œuvre du remplacement des appareils anciens et des opérations associées telles que leur stockage ou/et leur démantèlement.
     Les tranches actuelles ont été conçues pour une durée de vie de 40 ans; si néanmoins, EDF est conduit à changer des GV, on visera d'une part, à minimiser les coûts dosimétriques, d'autre part, à s'assurer que l'opération ne sera pas à refaire une deuxième fois dans la vie d'une tranche.
     Par ailleurs, en dehors des inquiétudes liées à un phénomène de dégradation de type générique, il n'est pas exclu qu'un incident local puisse endommager un ou plusieurs GV d'une tranche en particulier. Il est raisonnable pour couvrir ce cas isolé qu'EDF dispose des moyens de réparation et/ou de remplacement d'appareils ainsi qu'à terme d'un stock adéquat d'appareils de rechange.
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II. Historique des incidents rencontrés en exploitation sur les GV
     Il y a lieu d'indiquer en rappel que les premières dégradations constatées sur les GV ont eu pour origine des usures ou percements de tubes, en périphérie du faisceau, par des corps étrangers présents dan la partie secondaire. Ces dégradations bien qu'ennuyeuses en soi ne présentent pas un caractère alarmant vis-à-vis de la durée de vie des GV ; l'attention particulière portée par l'exploitant, afin de maintenir un parfait état de propreté des appareils, en particulier à la fin de chantier de réparation, a permis de limiter ce problème.
     A ce jour, il faut aussi noter que les seules dégradations constatées portent sur le faisceau tubulaire et que le comportement des autres structures (séparation, séchage, enveloppe sous pression) reste satisfaisant.
     Les premiers endommagements de tubes par corrosion sont apparus en 1980 sur la tranche 1 de FESSENHEIM.
     Limitée à un seul GV, la fissuration des tubes, due vraisemblablement au mode de dudgeonnage des tubes par explosion, semble aujourd'hui n'affecter qu'une zone de 200 ou 300 tubes et le changement d'appareil qui avait été évoqué dès 1981 est reporté sine die.
     En 1981/1982, la fissuration à la base des tubes en zone de transition de dudgeonnage met en évidence l'apparition d'une «maladie» de type générique due à la sensibilité à la corrosion fissurante sous tension en eau pure de l'alliage 600 non traité thermiquement. La mise en évidence de ce phénomène complexe dont l'apparition reste liée à l'état de contrainte mécanique des tubes a conduit dès lors, à un effort important de réflexion tant dans le domaine de l'amélioration des moyens d'inspection en service que dans les études de nocivité des fissures et des risques vis-à-vis de la sûreté des tranches. Ces études ont conduit par exemple à la qualification d'une sonde tournante à courants de Foucault pour juger de l'état de santé des tubes sur un grand nombre d'appareils et à la conclusion que parmi tous les défauts rencontrés, les seuls qui posaient un problème de sûreté, étaient associés à une anomalie de fabrication (dite «Double anomalie de dudgeonnage») ce qui a conduit au bouchage préventif d'un nombre limité de tubes.
     A signaler par ailleurs une crainte de voir une dégradation des G V par usure des tubes au niveau des barres anti-vibratoires (BAV). Une étude de remplacement ou d'adjonction de BAV a été demandée par le SPT à FRAMATOME et devrait aboutir à une application possible à partir de 1987. Toutefois, les observations limitées faites à ce jour en France, si elles ne suscitent pas d'inquiétude particulière, conduisent à rester vigilant.

III. Comment se présente aujourd'hui la situation
     Le parc de GV se composera à l'horizon 90, d'environ 150 appareils en service répartis de la façon suivante:

GV 900 MW
Type 51 (A, M, B)
102
77 en alliage 600 non traité
25 en alliage 600 traité thermiquement 
GV 1.300 MW
Type 68.19
48
48 en alliage 600 traité thermiquement dont 8 en alliage 690
GV 1.450 MW
Type 73.19
4
4 en alliage 690

     Actuellement, 120 GV sont en exploitation, les plus anciens ont dépassé 55.000 h de fonctionnement.

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Aspect fissuration/corrosion
     Les 77 GV équipée de tubes en alliage 600 traité thermiquement, ou en alliage 690, ne devraient pas poser de problème de tenue dans le temps.
     Les 77 GV équipés de tubes en alliage 600 non traité thermiquement présentent de la corrosion fissurante sous tension confirmée, dès qu'ils ont dépassé 20  000 à 30 000 heures de fonctionnement. A ce jour sur certains appareils, plus de 10 % des tubes présentent des indications de fissuration.

Aspect bouchage
     Le nombre de tubes bouchés varie assez sensiblement d'un appareil à un autre. Sur certains GV plus de 100 tubes ont d'ores et déjà été bouchés (maxi 150), parmi lesquels, ceux de la première rangée à titre préventif (petits cintres).
     Ce nombre en soi ne compromet pas la vie des appareils, le seuil critique au-delà duquel pourrait apparaître une difficulté de fonctionnement des tranches étant vraisemblablement au-delà de 300 à 400 tubes bouchés.

IV. Que peut-on faire?
     Il apparaît que le devenir des G V passe par:
     - le réexamen périodique du programme d'inspection en service afin de mieux prendre en compte les connaissances nouvelles liées au retour d'expérience,
     - l'expertise de tubes extraits au cours des arrêts annuels afin de suivre l'évolution de la santé des appareils en complément des contrôles non destructifs réalisés.
     - la mise en œuvre de moyens préventifs sur les GV non encore affectés (ou peu affectés) permettant d'éviter l'apparition de fissures.
     A ce titre, 1985 a été l'année de mise au point industrielle par FRAMATOME et EDF d'un procédé de martelage de la peau interne des tubes au voisinage de la zone de transition du dudgeonnage (micro-billage).
     Un procédé concurrentiel, développé par la Direction des Etudes et Recherches, est en cours d'industrialisation (Roto peening) et pourrait présenter l'avantage d'une réduction du coût dosimétrique d'intervention.
     Des tranches (GRAVELINES 3 et DAMPIERRE 3) ont été traitées en 1985, par FRAMATOME dans le cadre d'un programme engagé par le Service de la Production Thermique sur les deux à trois ans qui viennent et portant sur les GV à tubes non traités thermiquement, à l'exception de FESSENHEIM 1 (dudgeonnage par explosion peu compatible avec le micro-billage sans étude complémentaire).
     A titre d'exemple, le bilan dosimétrique du martelage de trois GV sur GRAVELINES 3 s'est élevé à 80 Rem répartis sur 86 personnes pour 13.000 heures travaillées.
     Une optimisation de l'intervention a permis sur les tranches suivantes de descendre à 45 Rem et il n'est pas exclus de pouvoir encore diminuer ce coût (11 Rem/GV par exemple sur TRICASTIN 4).
     En comparaison, le procédé de Roto peening, pour la même internvention, devrait pouvoir limiter la dosimétrie à 25/30 Rem par tranche répartis sur une cinquantaine de personnes.
     D'autre part, une étude est demandée au constructeur pour détensionner la zone des petits cintres qui reste une zone critique à forte concentration de contraintes et à haut risque de fissuration. 

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     - le développement de moyens de réparation qui permettent de ne pas condamner des tubes fissurés et fuitards. Deux procédés paraissent aujourd'hui prometteurs:
     1. le manchonnage qui consiste à renforcer le tube dégradé à l'aide d'un deuxième manchette rendu solidaire par l'intérieur.
     2. le revêtement électrolytique qui consiste à déposer une mince couche de Nickel pur dans la zone sensible en peau interne du tube.
     La première solution relève d'une expérience industrielle limitée outre atlantique. Afin de parer à toute éventualité, un stock de sécurité de manchettes réalisées suivant une technique WESTINGHOUSE a été approvisionné par le SPT pour mise en œuvre possible à partir de l'été 1986. Cette technique de réparation si elle n'est pas considérée comme de nature à sauver définitivement un GV malade devrait pouvoir a minima prolonger sa vie de quelques années.
     La deuxième solution est encore au stade de R et D, l'objectif fixé devant permettre une mise en œuvre expérimentale sur un GV à l'été 1986.
     - l'étude de la mise en œuvre du remplacement des appareils qui devrait être terminée en 1986 afin d'intervenir si besoin était dès 1987, trois GV de rechange étant disponibles à cette date.
     - l'étude d'un GV de substitution qui, en plus d'améliorations visant à augmenter sa fiabilité et à faciliter la maintenance, devrait aboutir de part sa conception à réduire d'une part les coûts dosimétriques liés à la surveillance en service (automatisation des contrôles - réduction des longueurs de soudure...), d'autre part le coût dosimétrique de l'opération de changement de GV elle même.

V. Premier bilan
     A l'issue de cette analyse, il apparaît que d'ici un an ou deux, le parc français se présentera de la façon suivante:
     1. Des GV 900 ou 1.300 MW équipés de tubes en alliage 600 traité thermiquement (ou de tubes en alliage 690) pour lesquels, compte tenu des conditions d'exploitation retenues aujourd'hui la durée de vie initialement prévue devrait pouvoir être atteinte dans des conditions telles, que la disponibilité restera globalement bonne pendant toute cette période et que les coûts de maintenance (entre autre coûts dosimétriques) resteront peu différents des coûts usuels liés aux REP et estimés, à ce jour, comme «normaux».
     Cet ensemble constituera la moitié des GV en exploitation à l'horizon 90-95, soit environ 77 appareils.
     2. Des GV 900 MW «désensibilisés», c'est-à-dire les GV qui auront reçu avant apparition des premières fissures le traitement de micro-billage (et tout autre traitement complémentaire tel que par exemple le revêtement électrolytique de nickel pur) et dont on peut raisonnablement attendre une bonne tenue dans le temps du faisceau tubulaire.
     Cet ensemble devrait couvrir presque la moitié des 77 GV à tubes en alliage 600 non traité thermiquement et dont la fissuration n'est pas significativement amorcée à ce jour.

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     3. Des GV 900 qui à ce jour ont une dégradation déjà amorcée (par exemple BUGEY 5 - GRAVELINES 1 - DAMPIERRE 1) et qui malgré des réparations importantes auront de grandes chances d'être à changer après 1990, soit à cause d'un taux d'indisponibilité de tranche prohibitif, soit à cause d'un coût dosimétrique d'intervention inacceptable.
     Cet ensemble ne devrait pas être supérieur à 30 GV à changer d'ici la fin du siècle, au rythme d'une tranche par an, par exemple, au cours des dix dernières années.
     Il n'est pas exclu par ailleurs qu'une extension de la durée de vie des tranches au-delà de 40 ans soit possible tant pour des installations d'origine que pour des installations qui pourront profiter d'un changement de GV.

Commentaire

     Voici donc le papier sur les GV. Que signifie-t-il? Un des points critiques est donc les tubes de GV. L'origine exacte des nombreuses fissurations observées sur ces tubes n'est pas complètement identifiée mais la corrosion sous contrainte joue un rôle important. Il a été observé:
     - fissures circonférentielles sans symétrie axiale qui ont été observées sur une centaine de tubes sur le réacteur de Fessenheim et ces tubes ont dû être bouchés.
     - fissures longitudinales qui sont apparues sur un des réacteurs du Bugey et ce type de fissure s'étend à l'ensemble des GV.
     - fissures circonférentielles à symétrie axiale qui présentent un danger important dans la mesure où il n'y a pas nécessairement de fuites avant la rupture du tube. Il n'est donc pas simple de détecter la fissure et de procéder au bouchage avant la rupture.
     - enfin un dernier type de fissures apparu en 1985 à Dampierre: fissures longitudinales de hauteur réduite mais très nombreuses et rapprochées, pouvant atteindre en profondeur le tiers de l'épaisseur.
     Ces fissures obligent à une surveillance et à un contrôle serré des fuites. Le taux de fuite initialement admis était 70 l/heure, on l'a ramené à 5 l/heure. Ces phénomènes de fissuration sont importants car ils n'avaient pas été envisagés. Rien n'est actuellement satisfaisant dans les traitements entrepris car les phénomènes de fissuration sont loin d'être totalement compris.
     Par ailleurs, on trouve de nombreuses fissures en différents endroits du circuit primaire. En 1983 une fissure traversante fut découverte sur une tuyauterie d'injection de sécurité sur un réacteur à l'arrêt. En 1986 on a laissé fonctionner un réacteur avec une fissure sur son système d'injection de secours sans avertir les autorités de Sûreté. Cette décision fut prise contre l'avis de ce fameux ingénieur de sûreté qui veille 24 h sur 24 sur la centrale mais qui n'a manifestement aucun pouvoir.
      Tout de même ces phénomènes de fissuration sont importants, or les réacteurs actuels sont jeunes et les variations de puissance auxquelles ils sont soumis risquent d'aggraver sérieusement le problème.

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