La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°96/97, juillet 1989

TCHERNOBYL, TROIS ANS APRES
Editorial / SOMMAIRE
     Voici donc notre Gazette de l'été. Nous l'avons consacrée aux conséquences de Tchernobyl. Bien sûr, nous savons que nous participons, ce faisant, à la désinformation annoncée par Gymont. Nous vous laissons relire le petit texte publié par le Canard Enchaîné le 7 juin 1989. Texte qui a également été utilisé par Le Monde du même jour:
Nos militaires se cassent la tête pour quelques noyaux

     Grave sujet de cogitation le 19 avril dernier, pour quelques crânes d'oeuf des ministères de l'industrie, de la Défense, d'EDF et du Commissariat à l'énergie atomique:

Objet : GYMONT
Thème: Neutralisation d'une tentative de retournement de l'opinion vis-à-vis du nucléaire.

     Par ailleurs, il ressort que l'accident de Tchernobyl constitue pour le PACTE une véritable mine de désinformation dans la mesure où il serait possible, notamment en période de crise, de publier des reportages fallacieux sur ses conséquences et par suite d'induire dans l'opinion française des réactions de méfiance vis-à-vis de l'énergie nucléaire et ce, même si les technologies mises en oeuvre sont notablement différentes.
     En outre, les débats structurels qui ont lieu actuellement en JAUNE peuvent suggérer à des esprits superficiels l'idée que règne là-bas une démocratie véritable, servant de caution aux rumeurs, fondées ou non, qui émaneraient de ce pays.
     L'auteur de ce compte rendu, l'ingénieur en chef de l'armement Christian Dosset, dépend du secrétariat général à la Défense nationale et est détaché au ministère de l'industrie.

suite:
 
     Ce galonné s'inquiète de l'intox que les pays de l'Est pourraient déverser sur l'Occident, bêtement effrayé par la catastrophe de Tchernobyl. Décodage de son jargon, digne de James Bond, «Gymont" est le nom donné à un exercice, qui a lieu tous les trois ans, et que l'armée et la protection civile organisent on simulant un accident ou un conflit nucléaire. "Pacte» signifie pacte de Varsovie et «Jaune» URSS.
     Militaires, industriels et scientifiques ont tort de s'en faire. Grâce à eux, chacun sait désormais que les accidents nucléaires n'arrivent qu'aux étrangers. Et, dans ce cas, il est tout aussi notoire que nos frontières arrêtent les nuages radioactifs.

     Avouez que ça vaut son pesant de cacahuètes. Les Russes ont fait «exprès» pour ennuyer les nucléocrates des pays occidentaux et surtout ceux de la France, de faire péter un réacteur. Ceci oeuvrant pour la déstabilisation du nucléaire, déstabilisation inaugurée en 1979 par ces «ânes» américains à Three Mile lsland. Vous n'en aviez bien sûr jamais douté!!
     Heureusement que la France éternelle a sa bombinette, ses sous-marins et son programme nucléaire. Elle peut faire bande à part et ignorer les deux grands.
     Dommage qu'elle n'ait jamais trouvé l'homme politique capable de vraiment faire un pas vers la paix: il suffirait de geler les armements nucléaires et d'arrêter les essais à Mururoa. Ça, ça changerait les cartes: on pourrait enfin sortir des réunions où on compte avec attention le nombre d'armes du voisin, en essayant de dissimuler son propre stock.
 

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     Bon, ne rêvons pas. Mais reprenons ce problème de désinformation.
     Le conseil supérieur de sûreté et d'information nucléaire a, lors de sa dernière réunion le 6 juin 1989, traité d'un problème important : «Intervention Sanitaire en cas d'accident nucléaire». L'introduction de ce document est particulièrement en accord avec Gymont. Il s'agit d'une circulaire de 1987 (que l'on considère comme une information en 1989!).
   La présente circulaire a été préparée pour répondre, après la catastrophe survenue en avril 1986 à Tchernobyl en Union soviétique, à de nombreuses interrogations émanant tant des responsables administratifs que des médecins et des directeurs d'hôpitaux sur les dispositions à prendre dans l'hypothèse où un événement semblable surviendrait dans notre pays. Or, il faut souligner:
     1) qu'un accident identique à celui de Tchernobyl n'est pas concevable en France, car la conception même des centrales exclut une dispersion radioactive comparable à celle qui s'est produite en Union soviétique.
     2) que vis-à-vis des réacteurs existant dans les pays de l'Est, la distance rend pour notre pays très improbable un risque réellement significatif de santé publique.

     Avouez que c'est beau comme l'antique: nos réacteurs sont sans faille, ça on le savait mais surtout le prochain accident sera en URSS! (au secours, Madame Soleil!), ça ce n'est pas gentil pour les camarades.
     Ce document se termine en beauté par une autre circulaire non datée à propos de l'administration d'iode stable. Il est assez prodigieux et instructif que dans un document destiné aux médecins, fourni pour méditation au CSSIN, on ne parle que d'une éventuelle réunion sur le sujet! En 1989! 3 ans après Tchernobyl, on n'est pas encore capable de fournir aux médecins une posologie selon l'âge de l'être humain considéré, des contre-indications etc... Prodigieux
     Notre cher CSSIN ne risque pas de conseiller les hautes instances avec des documents de ce type, car sa propre information laisse beaucoup à désirer.
     Enfin, tout n'est pas noir: les accidents nucléaires commencent à être reconnus et admis. La documentation vient sur la place publique. C'est ainsi que sur l'accident de Winscale de 1957 on a eu enfin les publications classées secrètes pendant 30 ans pour ne pas faire de tort à l'énergie nucléaire. Même au pays de Fair Play, le nucléaire rend les gens bizarres.
     Ouant à l'accident russe de Kychtym, la Gazette peut toujours dire qu'elle en a parlé il y a 10 ans. Tout de même, il ne faut pas s'endormir, nous devons toujours veiller et surtout inlassablement
     - exiger l'accès au dossier
     - demander des comptes aux élus
     - et le taire à beaucoup.
     Il faut forcer l'information. Il faut d'ailleurs à ce sujet saluer les Initiatives alsaciennes. Les associations, en particulier le CSFR (Comité de Sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, 66 rue du Ballon Uffholtz 68700 Cernay), ont réussi à obtenir qu'une commission se mette en place (Commission gérée par le Conseil Général du Haut Rhin). Ces contre experts vont donc regarder les dossiers, poser des questions, faire un suivi de la santé décennale de Fessenheim. On vous tiendra au courant des travaux de cotte commissIon.
     Il y a, face aux votes verts, une prise on charge de l'écologie. Ne nous faisons aucune illusion mais constatons cette force. Après tout, ce qui compte c'est que les idées soient récupérées. Peu importe l'auteur. Mais nous devons veiller à ce qu'elles ne soient pas déviées et ça, ça exige notre attention et nos interrogations.

     Depuis l'accident du barillet de Superphénix, nous avions constaté que les autorités de Sûreté, le SCSIN pour ne pas le nommer, prenait de l'importance ou plus exactement occupait la place qu'il devait. Bon, ce n'est pas encore le paradis mais il y a des progrès. Bien sûr Superphénix a redémarré quand même mais il a été arrêté 18 mois. En ce qui concerne les autres réacteurs, il reste encore des citoses àfaire:
     - les générateurs de vapeur
     - les grappes de contrôle.
     Mais EDF a dû céder: on changera les générateurs de vapeur de Dampierre sans être on situation accidentelle et on fera le travail ensuite sur les 25 autres réacteurs. Quant au mécanisme de contrôle, on ne le change peut-être pas assez vite.
     Il n'empêche, la discussion se passe pied à pied car à Fessenhelm par exemple, le directeur de la centrale avait soigneusement omis ce type de vérification pour la visite décennale!! Il ne savait pas!! Pauvre innocent qui ne lit pas les circulaires. Le retour d'expériences c'est pour les labos de recherche, il est hors de question d'en discuter sur les sites.
     Enfin, si le SCSIN peut jouer le rôle cité dans Le Monde, on peut espérer un mieux au plan sûreté. Pour le reste, il faut toujours avoir le débat sur la place du nucléaire et son cycle.
 
«Guetter les signes précurseurs»
     Mais le SCSIN veille, joue son rôle d'aiguillon, s'efforce, souligne M. Lavérie, «d'anticiper, de guetter les signes précurseurs d'une maladie générique éventuelle d'un équipement pour la traiter à temps». Moyennant quoi, le parc électronucléaire français ne se porte pas si mal et affiche même un «taux de disponibilité» supérieur de 10% aux prévisions faites lors de sa construction. Il entend désormais ajouter la «transparence» à cette vigilance, afin que ce que M. Lavérie qualifie de «consensus contraint» du public français vis-à-vis du nucléaire soit fondé, au moins, sur des critères objectifs.
Jean-Paul DUFOUR
Le Monde, 29 juin
     C'est un extrait significatif d'un grand article «Nucléaire: le secret sur la place publique. Les services de sûreté du nucléaire sortent de leur réserve et étalent au grand jour leurs divergences avec EDF». Titre alléchant s'il en faut. Ne croyez cependant pas qu'on va débattre de la place du nucléaire, des économies d'énergie, de la pollution et du stockage des déchets si vous n'intervenez plus. On a fait un pas on avant, on peut tout aussi facilement en faire deux on arrière.
     Bonne lecture de notre dossier.
Administration d'iode stable
en cas d'accident nucléaire
     A la suite des questions posées par certains médecins après l'accident de Tchernobyl, il est apparu souhaitable de fournir au corps médical des compléments précis d'information sur l'administration d'iode stable on cas d'accident nucléaire.
     Un groupe de travail, réuni au Ministère de la Santé, a, avec le SCPRI, élaboré un projet en ce sens.
     Ce texte va faire l'objet d'une prochaine circulaire aux Préfets, qui disposeront ainsi d'une documentation de base.
     Dans un second temps, ce texte pourra être repris sous forme d'un dépliant destiné au corps médical, et aux autres corps de santé (pharmaciens, paramédicaux, vétérinaires...) notamment dans les régions d'implantation des Centrales Nucléaires. Il serait présenté de façon analogue à celle des dépliants destinés à l'information du public au sujet des PPI.
Document soumis à la méditation du CSSIN (et non daté) émanant du ministère de la santé.
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SOMMAIRE
EDITO
TCHERNOBYL, TROIS ANS APRES
Introduction, Eléments pour un bilan
La situation radiologique
La "gestion" du moyen et long terme, les problèmes agricoles
L'effet biologique des faibles doses de rayonnement, les problèmes sanitaires
Annexes
L'APRI et la carte individuelle radiologique

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