La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°98/99

FESSENHEIM, DÉJÀ DIX ANS
     
     Les réacteurs de Fessenheim sont les premiers du programme français. Le n°1 vient de subir sa révision décennale. Pour l'occasion, le conseil général avait décidé de «se payer» des experts indépendants (Réélection oblige et vert décide). Bon, n'épiloguons pas. Toujours est-il qu'une commission s'est réunie et a pondu un rapport. On peut, certes, chipoter. Cependant c'est la première fois qu'on arrive à faire une commission avec des experts étrangers (allemands et belges), on avait eu la commission Castaing mais elle était entre experts français du système et hors système. Cette fois, c'est sûrement hors système puisque les étrangers sont présents.
     Ce ne fut pas facile tous les jours. D'une part cette commission n'a été vraiment formée que début juin et pour un redémarrage prévu en août, cela faisait peu de temps. D'autre part, la documentation n'a pas été très facilement accessible. EDF ne voulait pas la fournir et il a fallu fortement insister pour avoir un accès.
     Si on analyse le travail de la commissiün indépendante, il faut se rendre compte que le refus d'EDF d'ouvrir les dossiers ne simplifiait pas la tâche. En fait, c'était la façon d'empêcher la mission d'être efficace. En si peu de temps on ne peut déjà pas improviser, mais si en plus on n'a pas le libre accès aux documents, la tâche devient vite quasiment impossible.
     Finalement, la commission s'est bien défendue et a relevé pas mal de points faibles.
     Fessenheim est un premier pas, il en faut plein d'autres pour que le nucléaire soit vraiment sous surveillance. Bien sôr, il faut aussi mesurer les limites d'une telle expertise. Comme l'ont signalé les experts indépendants: «Nous mettons un clignotant orange, nous ne donnons ni un avis contre le redémarrage ni un avis pour. Notre tâche est loin d'être finie et sur la base du travail fait nous ne donnons pas un blanc seing». Par contre, les associations qui avaient bien compris leur rôle ont, quant à elles, réclamé le non-redémarrage du réacteur. Et c'est normal. D'ailleurs, finalement, le réacteur n'a pas redémarré le 18 septembre comme c'était initialement programmé, mais à la date du 11 octobre il était encore en révision.
     Ce clignotant orange a eu de l'effet. Ce n'est pas la peine de faire de l'autosatisfaction ni de battre sa coulpe. La commission a eu un énorme travail mais elle a réussi, au moins, à obliger tout le monde (Service Central, Direction de la Centrale) à accepter des réunions, des analyses de documents. Ce ne fut pas sans mal: il a fallu revenir à la charge plusieurs fois, réclamer les dossiers encore et encore.
     Un dernier point pour faire toucher du doigt les difficultés: le Service Central a accepté le dialogue au niveau national comme au niveau régional et a aussi accepté de répondre aux questions et même de donner un accès à la documentation. Cependant, à la réunion du 3 octobre du CSSIN, il n'a pas été signalé que Fessenheim n'était pas reparti comme prévu le 18 septembre. C'est un signe, on obtient l'information mais il faut la réclamer encore et encore. Ce n'est pas spontané. Ne soyons pas amer, même si EDF n'a pas été coopérative (et c'est un euphémisme), les autres services ont fait des efforts.
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     Pour vous montrer combien EDF a traîné les pieds, voici quelques précisions:
     -  il a été impossible d'obtenir le cahier de charge de la visite décennale directement du directeur,
     - il a été impossible d'obtenir le bilan des rejets élément par élément pour les 10 ans de fonctionnement. Avec un argumentaire vérolé du genre: «la loi ne s'applique pas à titre rétroactif, nous ne vous fournirons que les années 88-89 (!)».
     L'autre argument était que tout est envoyé au Service Central de Protection contre les Rayonnements lonisants (SCPRI) que l'on peut vraiment rebaptiser «Service Central de Protection et Rétention de l'Information» - car dans l'affaire il sert d'utile parapluie. Bon, ne tirons pas davantage sur le pianiste, mais tout de même!
     Tout ceci pour vous expliquer que Fessenheim c'est un pas, mais il faut continuer. Il faudrait participer à toutes les visites décennales, pour cela il faut des associations qui réclament la constitution d'une commission. Il faut de l'argent pour payer les experts. Il faut des experts (et ce n'est pas évident de trouver des experts indépendants). Enfin, voici le dossier Fessenheim, bonne lecture.

RAPPORT DU GROUPE D'EXPERTS

     constitué suite à la décision du Conseil Général du Haut-Rhin du 14 avril 1989 sur proposition du président de la Commission de surveillance de la centrale nucléaire de Fessenheim, Monsieur Charles Haby à l'occasion de la visite décennale du réacteur Fessenheim 1.

1. Historique de la «mission d'expertise indépendante» à l'occasion du premier arrêt décennal du réacteur de Fessenheim 1
Origine et composition
     Cette mission a été décidée le 14 avril 1989 par le Conseil Général du Haut-Rhin, sur proposition de Monsieur Haby, Président de la Commission de Surveillance de Fessenheim. Elle a été composée de 5 experts - Christian Kuppers et Lothar Hahn (Institut d'écologie de Darmstadt), Jochen Benecke (Institut Sollner et Université de Munich), Luc Gillon (Université de Louvain et Centre d'Etudes Nucléaires de Mol) et Raymond Sené (CNRS - Collège de France), et de 2 consultants associés - Patrick Petitjean (GSIEN) et Michèle Rivasi (CRII-Rad).
     Par rapport aux noms choisis lors du Conseil Général du 14 avril, Lothar Hahn a remplacé Michaël Saller comme deuxième membre de l'Institut de Darmstadt; Jack Steinberger, du CERN de Genève, s'est désisté et a proposé Raymond Sené pour le remplacer; et l'Institut International pour l'environnement de Luxembourg s'est fait représenter par Jochen Benecke.

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     Ce choix visait à assurer une grande diversité des experts, quant à leur nationalité, leurs relations avec l'industrie nucléaire ou leur point de vue général sur le problème. Elles faisaient appel à des personnes ayant déjà participé à ce type d'expertise, à la demande d'autorités politiques et administratives, ou d'associations, personnes indépendantes des organismes responsables de la mise en œuvre du programme nucléaire français (EDF, CEA, Ministère de l'Industrie). Michèle Rivasi et Patrick Petitjean ont été désignés dans cette mission comme «consultants associés» pour assurer la liaison avec l'étude engagée sur l'environnement autour de Fessenheim (Michèle Rivasi) et avec les scientifiques strasbourgeois ayant suivi  l'histoire du réacteur depuis sa mise en route (Patrick Petitjean).
     Une telle composition pluraliste était le moyen de déboucher sur des appréciations les plus objectives possibles, résultant d'un travail collectif dans la diversité et de la confrontation constructive avec les autres parties concernées (les responsables de la centrale et du Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN) (Ministère de l'Industrie et Secrétariat d'Etat à l'Environnement).
     Dès le départ, cette mission était confrontée à certaines limitations, soulignées dans un texte remis par Michèle Rivasi et Patrick Petitjean lors de l'installation de la mission le 11 mai: «En raison du temps qui lui est imparti, des moyens qui lui sont alloués et de la spécificité française dans le domaine de la diffusion de l'information par les organismes publics, en raison également du fait que cet arrêt décennal est le premier à intervenir sur une tranche de 900 MWe, la mission ne pourra faire un travail exhaustif de contre-expertise. Son rôle sera de mettre en lumière les principaux problèmes de sûreté à Fessenheim (soit du fait de sa conception, soit du fait du vieillissement de certains composants), et d'en dégager des recommandations à l'intention du Conseil Général du Haut-Rhin

2. Déroulement de la mission
     1) Jeudi 11 mai 1989. Installation de la mission lors d'une réunion à l'hôtel du Département à Colmar, sous la présidence de Monsieur Weber, Président du Conseil Général et de Monsieur Haby, en présence de Monsieur Bonnet (Directeur de la centrale).
     Cette réunion a eu lieu avec la direction de la centrale, avec une première réponse d'EDF (négative) à la demande de communication de documents (dont une première liste lui était parvenue avant cette réunion). A la suite de cette réunion, Monsieur Haby demande au Directeur du SCSIN une réunion de travail et lui communique une deuxième liste de documents et questions.
     2) Jeudi 1er juin. Séance de travail au Ministère de l'Industrie à Paris entre le SCSIN et la mission, en présence de Monsieur Haby, de Monsieur Bonnet et de la DRIR Alsace.
     Elle avait été préparée, le matin, par une réunion des membres de la mission. L'après-midi, après une présentation du SCSIN et fourniture de documentation, une première discussion a eu lieu sur les problèmes soulevés dans la deuxième liste de questions.
     Une 3ème liste de documents complémentaires a été demandée par la mission, documents qui lui parviendront un mois plus tard.

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     3) Mercredi 21 juin. Séance à la centrale de Fessenheim.
     Avec une visite, le matin, de la centrale (hors enceinte) et, l'après-midi, la tenue d'une séance de la Commission de Surveillance de Fessenheim, sous la présidence de Monsieur Haby, avec les membres de la mission, Monsieur Bonnet et la DRIR Alsace.
     4) Mardi 4 juillet. Réunion d'une partie des membres de la mission à Paris au Collège de France, pour un premier travail sur les documents obtenus.
     5) Vendredi 21 juillet. Réunion de la mission à Paris au Collège de France pour étudier les documents obtenus et établir une quatrième liste de questions sur les principaux problèmes apparus, liste qui sera transmise au SCSIN et à EDF par le Conseil Général
     6) Mercredi 9 août et matin du 10 août. Réunion de travail entre la mission et le SCSIN à la DRIR à Strasbourg en présence d'experts de l'IPSN.
     Réponses aux questions de la 4ème liste, communication de documents, et consultations dossiers afférents aux travaux de l'arrêt décennal.
     7) Jeudi 10 août. Séance à Fessenheim entre la mission et les responsables de la centrale, en présence du SCSIN, de la DRIR Alsace et d'experts d'EDF et de l'IPSN.
     Etat des travaux de l'arrêt décennal, réponses d'EDF à la quatrième liste et discussions. Des documents complémentaires sont demandés oralement.
     8) Mardi 29 août. Le matin, visite à l'intérieur de l'enceinte du réacteur. Observations diverses par les membres de la mission.
     Troisième séance à Fessenheim entre la mission et les responsables de la centrale, en présence de Monsieur Haby, du SCSIN, de la DRIR Alsace et d'experts d'EDF et de l'IPSN.
     Communication de documents complémentaires, bilan de l'arrêt décennal et discussions de différents problèmes.
     9) Vendredi 1er septembre. Réunion de la mission à Paris, au Collège de France, pour l'examen d'une première rédaction du rapport final.
     10) Jeudi 14 septembre. Réunion de travail entre la mission, le SCSIN, les responsables de la centrale, la DRIR Alsace et Monsieur Haby, pour une première présentation du rapport, communiqué quelques jours auparavant à toutes les parties concernées.
     11) Lundi 18 septembre. Réunion de la Commission de Surveillance de la Centrale de Fessenheim dans les locaux du Département à Colmar. Communication du rapport de la mission d'expertise en présence de la presse. Conclusion de la mission.

2.A. Epreuves et contrôles importants effectués lors de la révision décennale
1. Epreuve hydraulique du circuit primaire.
     Cette épreuve a été faite à 207 bar de pression, en date du 1er juillet 1989. Elle a donné des résultats satisfaisants.
2. Epreuves d'étanchéité du bâtiment réacteur.
     Cette épreuve a été faite jusqu'à 3,7 bar de pression. Elle a duré du 15 au 20 août 1989. Elle a donné des résultats satisfaisants: les fuites mesurées étaient le 1/l0e de la limite admissible (0,16% de la masse de gaz par 24 heures).

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3. Vérification de l'état de la cuve et du couvercle de celle-ci.
     Cette vérification a été faite principalement avec le Robot MIS 5. Cette machine a également été utilisée pour la vérification des défauts sous revêtements (DSR microfissures). Une note séparée est jointe au sujet de cette vérification (annexe 1). Les autres vérifications de l'état de la cuve ont été satisfaisantes.
4. Vérification des grappes de contrôle et des dispositifs annexes.
     Il a été, à nouveau, procédé au changement de toutes les broches fixant les tubes guides sur la grille supérieure du réacteur. Un troisième changement s'avèrera sans doute nécessaire pour installer des broches d'une qualité satisfaisante en particulier en ce qui concerne leur durée de vie. Il a été procédé au changement de 6 grappes de contrôle. Cependant au prochain arrêt de tranche un nombre important de grappes de contrôle devront probablement être remplacées vu les nouveaux critères d'usure approuvés par le SCSIN.
5. Etat des générateurs de vapeur.
     Un rapport a été fourni sur les vérifications faites sur les générateurs de vapeur: 441 tubes ont été bouchés antérieurement et 13 tubes ont été bouchés à ('occasion de la révision décennale. Certains tubes n'ont pu être que partiellement contrôlés. 
Il y a lieu de constater que ce total de 454 tubes bouchés est encore nettement inférieur au nombre à partir duquel il faut songer au remplacement des G. V. qui comportent au total 10.050 tubes.
     Une attention particulière a été portée sur l'état des bouchons des tubes obturés. L'examen de 3 bouchons qui avaient été extraits, a été satisfaisant.
6. Etat du pressuriseur.
     Les soupapes du pressuriseur ont été changées (voir ci-dessous # 2.1). Lors de cette modification un défaut de continuité de soudure sur le chemisage inox a été constaté à proximité de l'endroit où les tubulures avaient été coupées. Ce défaut a fait l'objet d'une réparation.
7. Les pompes primaires ont été démontées et inspectées. Les moteurs ont été renvoyés hors site pour renforcement des paliers. Certaines soudures ont été vérifiées.

B. Contrôles reportés ou non effectués
     Certaines soudures d'importance secondaire telles celles de la plaque entretoise de la boîte à eau des G. V. n'ont pas été vérifiées en gammagraphie «car cette opération aurait conduit à une irradiation trop forte du personnel». Les soudures reliant les différentes parties de la volute des pompes n'ont pas été vérifiées bien qu'il existe des techniques adéquates pour faire de telles vérifications.

3. Modifications significatives apportées à l'installation
     1. Remplacement des soupapes à ressort type CRISS installées sur le pressuriseur par des soupapes pilotées du type SEBIM. Cette modification doit être considérée comme renforçant nettement la sécurité de fonctionnement des soupapes du pressuriseur (retour d'expérience de l'accident de TMI-1979). 

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2. Inversion du sens de circulation de l'eau primaire dans la cuve du réacteur entre l'écran thermique et l'enveloppe du cœur.
     Cette modification évitera tout endommagement intempestif de certaines gaines combustibles à proximité de l'enveloppe du cœur. Elle augmente la sûreté et permettra à EDF, ultérieurement, d'obtenir un meilleur rendement de l'ensemble du cœur.
3. Installation d'un filtre à sable commun aux deux unités de Fessenheim et raccordement de l'enceinte de la tranche 1 à ce filtre à sable (à rendre opérationnel). Il y a lieu de remarquer qu'il serait probablement souhaitable d'installer devant les vannes de commande de ce dispositif un écran biologique permettant à l'opérateur d'intervenir par exemple pour fermer ces vannes même après une dépressurisation partielle de l'enceinte. Il y aurait lieu également d'améliorer la qualité du dispositif de blocage de ces vannes.
4. Renforcement du palier des moteurs des pompes primaires.
     Cette modification a été faite hors site. Elle a comporté également l'adjonction d'un segment intermédiaire sur l'axe de la pompe permettant ultérieurement le démontage de la pompe sans enlèvement du moteur.
5. Diversification de certaines alimentations électriques telles le remplacement de trois redresseurs courant continu par quatre unités nouvelles.
6. Protection de la turbine à gaz installée comme groupe de secours supplémentaire.
     Il est à remarquer que ce groupe de secours ne jouit d'aucune protection extérieure car il se trouve dans un simple conteneur métallique. Le conteneur en question pourrait être placé dans une enceinte en béton armé.
7. Renforcement de dispositifs anti-incendie, pose de portes coupe-feu, etc...
     Ces réalisations ne représentent qu'une partie des travaux d'amélioration anti-incendie qu'il y a lieu de faire.
8. Panneau de repli permettant l'arrêt du réacteur lorsque la salle de commande devient indisponible, par exemple en cas d'incendie ou de fumée.
     Il y a lieu de remarquer que l'installation de ce panneau de repli nous paraît quelque peu sommaire. Bien qu'on ait ajouté une porte coupe-feu entre les deux voies du panneau de repli, la doctrine française ne prévoit aucune séparation entre ce panneau et les locaux électriques adjacents.
     Une plus grande sécurité serait obtenue si le panneau de repli était installé dans un local séparé muni également d'un accès direct de l'extérieur.
9. Qualification des pénétrations dans l'enceinte du réacteur.
     Les traversées électriques ont été adaptées aux normes actuelles.

4. Modifications ou études de sûreté non encore achevées
1. Séparation des chemins de câbles.
     Après l'incendie à Browns Ferry(1) l'attention a été attirée sur la nécessité de séparer les chemins des câbles électriques correspondant à la redondance des circuits de sécurité.
     Il existe encore des câbles de dédoublement qui suivent les mêmes cheminements: il y aurait lieu de les séparer.

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(1) 22 mars 1975 - Decatur (Alabama, États-Unis). Alors que les réacteurs 1 et 2 de la centrale de Browns Ferry fonctionnent à pleine puissance (1.065 MWé), un ouvrier travaillant sur le réacteur n°3 en construction veut vérifier avec une bougie la surpression de la salle des câbles. Il déclenche un incendie qui s'étend à tout le câblage, et met hors de service le système de refroidissement du coeur de Browns Ferry-1, ainsi que son circuit d'injection de sécurité et de nombreuses soupapes importantes. Les opérateurs réussissent à arrêter manuellement le réacteur et à le refroidir par le circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA). Il faut également arrêter Browns Ferry-2. [L'ouvrier a approché une bougie allumée du gainage plastique où passaient les câbles électriques venant de la salle de contrôle. Sept heures d'incendie (cf. Le Monde, du 19 avril 1975). L'intervention avait cependant été soigneusement programmée, après examen des plans. Le constructeur avait hélas... substitué un plastique inflammable au matériau initialement prévu.]: extrait de http://www.dissident-media.org/infonucleaire/accidents_reacteurs.html
2. Pose d'obturateur sous les bouchons obturant certains tubes des G.V.
     Suite à l'accident de North Anna (février 1989) une attention particulière a été portée aux bouchons des tubes obturés dans les G.V. pour éviter des possibilités d'accidents par projection de bouchons dans les tubes G.V. Il y aurait lieu à un prochain arrêt de poser des obturateurs en dessous des bouchons existants.
3. Comportement séismique.
     Il nous a été signalé que l'étude se poursuivrait dans les mois à venir. Cette requalification ne fait pas nécessairement partie de la révision décennale. Le pont roulant requiert une attention particulière.
4. Poursuite des améliorations anti-incendies: diverses mesures devraient encore être prises dans les prochains mois.
5. Amélioration de l'identification et(ou) de la séparation des appareillages propres à chacune des tranches de la centrale, de façon à ce qu'aucune confusion ne puisse se produire (erreur de tranche du 28.07.1989).
6. Réexamen du niveau de sûreté - Bilan des retours d'expériences - Cohérence de certaines adaptations.

5. Modifications ou compléments que le groupe d'experts estime souhaitable par comparaison à des réalisations dans des réacteurs REP semblable à ceux d'EDF
l. Protection de la piscine de stockage du combustible par une toiture résistant à la chute d'objets pouvant endommager ce combustible.
2. Installation dans le bâtiment réacteur d'un certain nombre d'appareils de mesure de l'hydrogène pouvant s'y dégager en cas d'accident «hors dimensionnement».
3. Installation dans le bâtiment réacteur de ventilateurs pour éviter l'accumulation d'hydrogène aux environs de la bâche de décharge du pressuriseur et dans les locaux voisins: bases des G.V.

6. Considérations sur la protection des travailleurs
l. Deux points importants sont formulés au § 3.3. Filtre à sable et § 8.2. Décontamination préalable.
2. Le personnel devrait disposer d'appareils permettant de mesurer les débits de dose et d'avertir l'intervenant par un signal sonore et non simplement lumineux si un seuil d'alerte est atteint.
3. Il devrait être obligatoire de se laver les mains en sortant de la zone contrôlée avant le contrôle de contamination.
4. Il faut noter l'importance des doses reçues par le personnel des entreprises extérieures: la dose moyenne reçue par les agents EDF n'est pas représentative des risques encourus par l'ensemble des intervenants. Ce constat pose le problème du suivi sanitaire de cette catégorie de travailleurs.

7. Considérations sur la surveillance du site
1. Rejets liquides et gazeux de la centrale.
     Les rejets liquides et gazeux sont toujours restés en deçà des limites d'autorisation de rejets.
     Toutefois, les résultats par radioélément des rejets liquides et gazeux effectués de 1977 à 1987 n'ont pas été communiqués par EDF. L'étude de la composition des rejets et de son évolution dans le temps pourrait révéler d'éventuels disfonctionnements dans le circuit primaire.

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     Les informations fournies sont des synthèses peu détaillées à partir desquelles il est difficile de faire des recoupements. En particulier, le détail par radioélément n'a pu être donné que pour 1988 et le premier trimestre 1989.
     Considérant qu'il n'est toujours pas possible de confronter ces chiffres à ceux du SCPRI (Ministère de la Santé) puisque celui-ci se refuse toujours à les communiquer, considérant aussi que l'exploitant EDF s'est opposé à ce qu'un laboratoire extérieur effectue des prélèvements au point de rejet, nous tenons à souligner les limites des données dont nous disposons et la légitime suspicion avec laquelle nous les utilisons.
2. Laboratoire d'environnement.
     Le laboratoire d'environnement est équipé pour des mesures b total ne donnant aucune indication sur la nature des radioéléments présents dans les échantillons d'eaux, de végétaux et de laits analysés.
     Des mesures complémentaires en spectrométrie g permettraient d'identifier les radioéléments rejetés dans l'environnement après traitement des effluents et d'analyser plus finement l'impact des rejets sur l'environnement du site.
3. Réseaux de surveillance radiologique.
     Le réseau est équipé de six balises SBN 90 et SBN 100. Ces balises sont des radiamètres et ne donnent que des mesures de débit de dose. Il y a aussi des prélèvements journaliers.
     Dans le cadre d'une meilleure surveillance du site, l'équipement devrait comprendre des balises permettant de mesurer en continu la radioactivité des aérosols des iodes et des gaz. Ces installations devraient être reliées en permanence à la centrale.
4. Réseau de surveillance météorologique.
     Le site dispose d'une seule station météorologique complète (à quelques centaines de mètres au N/NW du bloc usine). Le matériel installé sur le toit de la salle des machines n'indique que la direction, la vitesse et la stabilité des vents.
     Une évaluation correcte de la situation en cas de relâchement de substances radioactives nécessite une meilleure couverture du site. Il serait souhaitable que l'acquisition des données météorologiques concerne l'ensemble de la zone de prélèvement et qu'à chaque station de mesure du rayonnement ambiant soit associé un équipement météorologique.
5. Simulations de dispersion.
     Il serait profitable d'achever l'étude de dispersion de nuages radioactifs de façon à établir des modèles de dispersion prenant en compte les caractéristiques du site (météorologie, topographie...). Cette étude permettrait d'acquérir des données susceptibles d'améliorer les temps de réaction et la qualité des réponses aux situations accidentelles. Le temps de réponse et la précision des données acquises au niveau local conditionnent en effet l'ensemble de la gestion ultérieure.
6. Méthodologie de traitement des accidents.
     Aux questions posées sur l'impact post-accidentel sur l'environnement, il a été répondu au niveau général: la situation de Fessenheim n'a pas été particularisée. Aussi est-on fondé à constater que cette méthode générale est basée sur une estimation de l'enveloppe du terme source et sur des prises de décision prévisionnelles. Cette méthode ne nous satisfait pas.
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8. Considérations sur le déroulement de la révision
1. Il nous paraît souhaitable qu'un inventaire et un contrôle précis soient faits sur tout dispositif temporaire ou provisoire, tels que bouchon ou by-pass installés lors de l'arrêt de tranche pour permettre des essais de certains circuits ou pour éviter l'introduction de saletés dans des tuyauteries. En particulier, il faudrait un constat d'enlèvement de ces éléments provisoires, afin de s'assurer qu'aucun de ces éléments n'est resté en place.
2. Certaines vérifications n'ont pas été faites pour limiter les doses d'irradiation au personnel: il y aurait lieu d'étudier la possibilité d'une décontamination partielle ou totale du circuit primaire avant des interventions dans ce circuit, en particulier dans les boîtes à eau des G.V.
3. Il nous paraît que dès la réouverture de la cuve du réacteur pour rechargement de celui-ci, il faudrait éviter des travaux polluants tels que des meulages à proximité de la piscine ouverte et que la propreté générale de l'ensemble du bâtiment réacteur devrait être renforcée.
4. Il est bien clair qu'avant la remise en route du réacteur les actions de déconsignation et de lignage ainsi que les procédures adéquates de vérification et de contrôles et d'assurance qualité doivent être faites en disposant pour cela d'un personnel et du temps suffisants, et qu'en particulier l'installation de nouveaux équipements tels les soupapes SEBIM demande des essais de qualification de ces dispositifs.
5. Il nous paraît qu'une supervision permanente, extérieure à EDF, durant les arrêts de tranches, pourrait s'exercer de facon utile et serait de nature à renforcer la sécurité des opérations réalisées.
 

Conclusions
     Dans les limites du temps et les moyens qui lui étaient impartis et avec des éléments d'information fragmentaires mis à sa disposition, la mission d'expertise a essayé de se faire une opinion sur l'adéquation aux exigences de sûreté des actions effectuées lors de la révision décennale, sans pouvoir cependant se livrer à une expertise exhaustive et à une étude globale.
     Elle estime nécessaire qu'EDF apporte plus de soins aux contrôles avant redémarrage et une attention plus poussée aux problèmes de sûreté y compris ceux liés aux accidents hors dimensionnement.
     Elle regrette qu'un certain nombre d'améliorations n'ait pu être effectué avant la remise en route du réacteur et souhaite que ces améliorations puissent être faites le plus rapidement possible.
     Les limites de cette étude ont conduit la mission d'expertise à faire des recommandations pour améliorer la sûreté sans pour autant lui permettre de donner un blanc-seing. Dans ces circonstances, la mission d'expertise estime ne pas devoir recommander le report de la remise en route du réacteur n° 1 de Fessenheim.

suite:
ANNEXE 1
Défauts sous revêtements: D.S.R.

     La mission a étudié spécialement le dossier relatif aux DSR: note EDF de décembre 1979, note EDF de septembre 85, note du «groupe de liaison études décennales» d'EDF du 12 janvier 1989 et note SCSIN relative à la question 13 du groupe d'experts.
     Elle a également repris les documents Sûreté Nucléaire (SN) n°11 (septembre 1979) et SN n°23 (septembre 1981) ainsi que des articles de Nuclear Engineering International (avril 1987).
     Un spécialiste du bureau Vincotte-nucléaire a été consulté. Ce bureau met en œuvre diverses techniques de vérifications non destructives par ultrasons et a développé certains appareillages spécialisés en la matière.
     Il ressort de cette étude:
1. Qu'un problème important est la localisation précise du sommet, et son positionnement relatif vis-à-vis de la séparation entre le revêtement et l'acier noir, dans la mesure où une éventuelle propagation est plus rapide dans le revêtement que dans l'acier noir.
2. Que si l'appareillage actuel d'EDF est considéré comme performant, il paraît nécessaire qu'EDF accélère la mise au point et la qualification de capteurs ayant une meilleure précision de mesure, pouvant détecter des sommes plus proches de l'interface eau/revêtement. 
3. Que les conclusions à tirer des mesures faites à Fessenheim en 1989, en comparaison avec celles faites en 1985 sont les suivantes, dans la limites de la précision des mesures:
     a) la principale indication DSR ne semble pas s'être agrandie;
     b) deux des indications sur la tubulure G 3 ont des profondeurs apparentes, plus importantes en 1989 qu'en 1985 sans atteindre des dimensions dangereuses;
     c) aucun nouveau DSR important n'a été détecté sur les tubulures contrôlées (3 sur 6). Un contrôle ultérieur de toutes les tubulures serait souhaitable.
     d) on ne peut exclure totalement que le sommet de certaines indications soient dans le revêtement, compte tenu des variations dans l'épaisseur de ce revêtement.

Remarques sur le déroulement et les conclusions de la «mission d'expertise»*
formulées par M. Patrick Petitjean,
consultant associé à la mission

     La collaboration entre la mission EDF et le SCSIN
     Pour faire un véritable travail d'expertise indépendante, il était important d'avoir accès aux documents ayant trait aux travaux entrepris à l'occasion de la visite décennale, y compris pour voir le retour d'expériences sur des problèmes génériques du palier 900 MWe, ou pour connaître les travaux envisagés mais non retenus, pour cet arrêt.

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* Texte non publié par le Conseil Général et faisant partie des 4 annexes non publiées à ce jour.
     La crédibilité de la mission lui imposait aussi d'avoir accès aux documents originaux établis par EDF ou le SCSIN indépendamment de la mission et non pas de se contenter d'exposés oraux, ou de documents écrits, spécifiquement à destination de la mission et dont nous aurions été dans l'incapacité de juger de la conformité avec la réalité des problèmes.
     Nous avons demandé beaucoup de documents et, globalement, avons obtenu ou avons pu consulter une grande partie d'entre eux. Du moins, ce que nous avons pu obtenir correspond à ce sur quoi nous avions le temps de travailler dans les délais impartis.
     Cependant, la question des délais était essentielle, et la mission n'a pu tourner à plein régime qu'au mois d'août. Nous n'avons eu de premières réponses écrites qu'au début juillet et l'essentiel des documents originaux n'a été accessible qu'à partir du 9 août. Ainsi, par exemple, sur le problème de la sélection des travaux à effectuer, le document demandé dès le 11 mai n'a été accessible que le 9 août.
    .Sur la base de refus explicites (de la part d'EDF), d'oublis, de manque de temps, ou parce qu'ils n'étaient pas considérés comme reliés à cet arrêt décennal, un nombre significatif de documents demandés n'ont pu être obtenus. Par exemple le rapport de sûreté spécifique à Fessenheim; le rapport sur le retour d'expérience; les mesures EDF de rejets radioactifs par élément; des rapports plus complets sur les DSR; l'évaluation des différences entre Fessenheim; et le réacteur de référence Chinon B4; etc... Vu les délais pour rendre notre rapport, nous n'avons pu insister pour en obtenir quand même certains d'entre eux.
     Le travail avec la SCSIN et la DRIR Alsace a été globalement positif: il s'agit là d'un type de collaboration qui devrait devenir normal et banal. Bien sûr il y a eu une certaine lenteur de mise en route, certaines réponses écrites ont été un peu lapidaires, et il était normal que le SCSIN évalue au début quels rapports il pourrait avoir avec la mission (rôle joué par la séance du 1er juin, qui est restée très à la surface des problèmes). La volonté de ne pas se substituer à EDF peut aussi expliquer le renvoi fait à cette dernière pour un certain nombre de problèmes. Mais nous pouvons remercier le SCSIN et la DRIR Alsace pour leur disponibilité et leur collaboration.
     En ce qui concerne EDF, la situation de blocage du départ a été en partie surmontée. Lors de la constitution de la commission le 11 mai, il y avait eu un refus de la reconnaître, Monsieur Bonnet ne voulant avoir affaire directement qu'à la Commission de Surveillance elle même. Il y avait eu refus de communication de tous les documents demandés, y compris en refusant de reconnaître leur existence (les retours d'expérience). Le «secret industriel», avec la présence d'experts étrangers, a été mis en avant pour refuser une collaboration.
     Sur le fond, EDF contestait l'opportunité d'une telle mission, expliquant qu'il n'y avait rien que de très banal et de très réglementaire dans cet arrêt décennal. Et qu'il était donc faux de parler de «révision décennale», ou de moment décisif pour la centrale. Pourtant, si l'on en croit Monsieur Bertron, chef du SPT d'EDF (Enerpress n°4778 du vendredi 3 mars 1989, où est présenté l'arrêt décennal), tout devait être «passé au peigne fin». Toujours selon ce numéro d'Enerpresse, la visite décennale devait comporter 3 volets: les actions de surveillance réglementaires; des modifications et améliorations pour rapporcher Fessenheim I du réacteur de référence Chinon B4; et une ré-évaluation du niveau de sûreté. Il ne s'agissait donc pas d'un arrêt «banal et réglementaire», même si la ré-évaluation de sûreté dépassait le cadre de cette visite décennale.
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     La situation s'est un peu débloquée au mois d'août et, malgré la période, les responsables de la centrale ont su se rendre disponibles pour un dialogue plus constructif avec la mission, et nous les en remercions. Mais peu de documents originaux ont été effectivement fournis par EDF, et tout cela est resté loin d'une collaboration, aussi souhaitable et nécessaire pourtant qu'avec le SCSIN.

Les limites de la mission
     Nous avons déjà indiqué les limites de temps: le délai de 4 mois, en fait deux mois seulement pour le travail effectif; et la période, les vacances.
     Il faut revenir sur les limites en termes de moyens: il y a disproportion entre ceux (matériels et humains) dont disposait la mission, et ce qui est mis en œuvre dans un arrêt décennal: 800 personnes, en moyenne, ont travaillé pendant 5 mois, pour un coût de plusieurs centaines de millions de francs. La préparation de l'arrêt s'est étalée sur plusieurs mois, avec des milliers d'heures de travail. Les limites d'un contrôle externe à l'exploitant sont illustrées par les problèmes du SCSIN, pourtant aussi riches en moyens et en expériences: voir l'incident de Gravelines d'août 1989. Les bureaux d'études, auxquels les exploitants ont eux-mêmes recours dans certains pays, sont très chers. Une expertise indépendante plus complète d'un réacteur, qui serait une nécessité, demande plus de temps et moyens que n'en n'a eu cette mission.
     Faute de pouvoir être en permanence sur le site, l'accès sans restriction aux documents originaux est le principal moyen pour évaluer les travaux entrepris et, nous l'avons indiqué plus haut, la situation est encore loin d'être satisfaisante.
     Compte tenu de ces limites, la mission n'a pas pu aller au fond de toutes les questions: par exemple l'identification de toutes les spécificités de conception du réacteur de Fessenheim, ou les PUI/PPI ou même les DSR.
     D'autre part, elle a dû, pour l'essentiel, laisser largement de côté une série de problèmes, en particulier ceux qui concernent la ré-évaluation du niveau de sûreté, et la comparaison avec Chinon B4. On touche là d'ailleurs une conception de l'arrêt décennal différente entre la France, et par exemple, la Belgique, sur la liaison entre la ré-évaluation du niveau de sûreté et les contrôles décennaux réglementaires des appareils à pression.
     Nous n'avons pu étudier les questions propres au site de Fessenheim (géologie, météorologie, hydrologie, sismologie, répartition des populations avoisinantes). Nous avons aussi laissé de côté une analyse des incidents significatifs depuis la mise en route du réacteur en 1977, de leur traitement, et la comparaison avec les prévisions en matière de sûreté. Enfin, nous avons peu traité, même si cela dépasse largement le problème de Fessenheim, la conception générale de la sûreté mise en œuvre par EDF, et la comparaison avec d'autres conceptions. C'était sans doute difficile à faire pour une première expertise indépendante lors d'un arrêt décennal. Mais cela n'est pas sans conséquence pour chaque réacteur, par exemple le fait de ne pas prendre en compte ce qui est jugé très hautement improbable.
     En ce qui concerne les modalités pratiques de travail, la mission a dû se limiter à des réunions avec le SCSIN et/ou EDF, et à l'étude de dossiers. Dans la note remise par Michèle Rivasi et Patrick Petitjean lors de la réunion de constitution de la mission le 11 mai, des propositions plus amples avaient été faites: des séances (publiques ou non) d'auditions de différents intervenants sur des sujets préalablement établis, pour avoir plusieurs points de vue sur un même problème; la demande d'études spécifiques, plus ponctuelles ou spécialisées sur des problèmes à approfondir, et qui dépassent inévitablement la compétence individuelle de ses membres; des études complémentaires, de plus longue durée, sur des problèmes plus globaux, etc...

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Conclusions pour l'avenir
     La prudence des recommandations du rapport tient avant tout à toutes ces limites, à ce que nous n'avons pas pu faire. Mais elle tient aussi aux limites intrinsèques à tout travail d'expertise. A partir d'un angle d'attaque des problèmes qui n'est pas le même que celui de l'exploitant ou des autorités administratives de sûreté, nous débouchons sur des appréciations et des recommandations, qui sont autant d'éléments, aux côtés de ceux fournis par l'exploitant et par les autorités de sûreté, pour que les pouvoirs politiques fassent leurs choix. Des experts, même indépendants, ne peuvent se substituer aux pouvoirs politiques ni aux autorités de sûreté. Le choix du niveau de sûreté est aussi un choix politique et non pas un choix d'expert.
     Une expertise indépendante sur les problèmes de sûreté nucléaire (mais ce serait la même chose pour une autre industrie), et cette mission en particulier, a pour rôle de contribuer à une plus grande transparence, et surtout, à une amélioration du niveau de sûreté. Au-delà des appréciations les plus diverses sur la légitimité et les modalités de l'option «énergie nucléaire», l'amélioration de la sûreté, pour écarter autant que faire se peut les accidents graves, est l'intérêt commun de tous ceux qui sont concernés par la question. Aucune installation n'est jamais parfaitement sûre, et EDF raie de plus en plus de son vocabulaire le terme «impossible», en le remplaçant par «hautement improbable», pour parler de certains risques ou séquences accidentelles.
     Sauf cas limite (mais, en cas de risque grave apparent avant la remise en route, nous n'avons pas de raison de supposer qu'EDF ou le SCSIN auraient laissé faire une remise en route, avec ou sans la mission), nous ne pouvions donc ni nous opposer, ni donner un blanc-seing à cette remise en route, mais seulement donner des recommandations précises.
     Pour l'avenir, il nous semblerait positif que, sous des formes à déterminer par la Commission de Surveillance, un travail de suivi soit effectué à propos des recommandations faites dans ce rapport, ainsi que des études complémentaires dont certaines ont été aussi indiquées. En particulier, il nous a été annoncé lors de la réunion de travail du 9 août qu'un rapport sur les différences de sûreté entre Fessenheim 1 et Chinon B4 avait été demandé par la SCSIN à EDF pour octobre 1991: il y a matière à suivre cette ré-évaluation du niveau de sûreté.
     D'autres arrêts décennaux vont suivre régulièrement celui de Fessenheim l, partout en France, dont celui de Fessenheim II au printemps prochain. L'utilité de missions semblables à la nôtre serait grande avec des modalités qui tiennent compte de cette première expérience, notamment des suggestions faites plus haut sur les modalités de travail. Les commissions d'information sur les différents sites, le Conseil Supérieur de Sûreté Nucléaire et tout autre organisme concerné, devraient aller dans ce sens.
     La sûreté nucléaire, et donc la population, aurait grandement à gagner de l'émergence, à côté de l'exploitant EDF et de l'autorité administrative de contrôle, le SCSIN (dont le rôle est à renforcer), d'un troisième partenaire, «indépendant» (instituts, spécialistes, universitaires...) en relation avec les pouvoirs départementaux, à l'image de ce qui existe dans nombre d'autres pays.
     Au final les membres de la mission ne peuvent que se féliciter de l'initiative prise par Monsieur Haby, la Commission de Surveillance de Fessenheim et le Conseil Général du Haut-Rhin, et les remercier pour le soutien total dont ils ont bénéficié de leur part, pendant toute la durée de cette mission.
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Réactions des Associations
Les associations: Non à la remise en route
     Les organisations suivantes ont signé un communiqué dont nous publions des extraits: C.S.F.R. (Comité de Sauvegarde de Fessenheim et de la pleine du Rhin); A.F.R.P.N. (Haut-Rhin) (Association fédérative régionale pour la protection de la nature); M.R..J.C. (Mouvement rural de jeunesse chrétienne).
     «Feu orange» ont conclu les experts réunis le 18 septembre par la commission de contrôle de la centrale nucléaire de Fessenheim. Ce signal de danger nous oblige à attirer l'attention de la population sur les points suivants.
     Les contrôles sont manifestement incomplets. Certaines soudures, par exemple, dans les générateurs de vapeur n'ont pas été vérifiées. Les recherches de fissure n'ont été effectuées que dans trois tubulures sur six. EDF est dans l'incapacité de prouver scientifiquement qu'aucune fissure ne s'est propagée dans le revêtement de la cuve et l'étude du comportement sismique est loin d'être terminée.
     Certaines modifications, par ailleurs, restent à réaliser. Ainsi la séparation des appareillages propres à chacun des réacteurs n'est pas satisfaisante, ce qui a provoqué l'incident de fonctionnement des vannes au mois d'août dernier. La piscine de stockage du combustible irradié est toujours recouverte d'une toiture précaire.
     En ce qui concerne l'information, il est particulièrement regrettable qu'EDF refuse de révéler aux experts le détail des produits radioactifs rejetés. Cela rend difficile la détection du dysfonctionnement du réacteur. Les experts précisent même: «Nous tenons à souligner les limites des données dont nous disposons et la légitime suspicion avec laquelle nous les utilisons.» (...)
     Dans les rapports annexes, plusieurs scientifiques soulignent le risque d'accident grave dû à l'explosion détonnante d'hydrogène, à l'explosion vapeur, à la surchauffe de l'enceinte par fusion du cœur à haute pression. N'oublions pas qu'en cas de défaillance du système de confinement, la quantité de produits de fusion rejetés peut être plus élevée qu'à Tchernobyl.
     Les nombreux problèmes et réserves cités par les scientifiques prouvent que l'industrie nucléaire fait encourir aux populations environnantes des risques inacceptables. (...) Avec les Bürgerinitiation allemands et suisses, nous demandons la non-remise en route du réacteur 1 de Fessenheim et nous nous déclarons prêts à poursuivre la lutte contre ce dernier bastion régional d'une industrie dangereuse et dépassée.
Dernières Nouvelles d'Alsace, 24-9-89
Fessenheim a le feu vert du SCSIN le 12 octobre 89
     Tout va bien, est-il précisé, mais en faisant le tour des incidents, on s'aperçoit que le 5 septembre, au cours des opérations de redémarrage, on a arrêté la circulation de l'eau de refroidissement pendant 25 minutes. Cet incident est une fois de plus un non-respect des spécifications des techniques d'exploitation. En clair, cela veut dire que lorsqu'on fait courir les opérateurs, ils se trompent.
     Il serait bon de faire un recensement de tous ces incidents car les classer est fort intéressant mais ne donne pas de solution.
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Réponse d'un des membres associés aux différents articles sur Fessenheim
Mise au point
     Je suis très surpris de la mise en cause des participants allemands de la «mission d'expertise indépendante», telle qu'elle ressort des propos de Monsieur Haby rapportés dans les journaux du 17 octobre. Cette mise en cause est d'autant plus aberrante qu'elle est contraire au procès-verbal de la commission de surveillance du lundi 18 septembre par Monsieur Haby: 1) L'un des deux experts allemands, le Professeur Benecke, partage les conclusions communes des experts, sous réserve qu'EDF tienne compte des critiques faites. 2) Tous les experts sont unanimes pour considérer que les problèmes généraux des réacteurs 900 MWe faisaient partie du champ de la mission. Les problèmes de tous les PWR français sont, a fortiori, ceux de Fessenheim: ils sont d'ailleurs abordés dans le cours même du rapport. 3) Monsieur Gillon, belge et non pas allemand, a déposé une annexe concernant un problème général des PWR, à savoir le risque «hydrogène», comme Messieurs Benecke et Hahn ont déposé des annexes sur d'autres problèmes généraux. 4) Tous les experts considèrent que leur mission reste incomplète tant qu'ils n'auront pas pu discuter de ces annexes. Qu'ils n'aient pas eu les moyens de travailler et de discuter de ces problèmes généraux est d'ailleurs une des raisons majeures pour l'absence de «feu vert». 5) La divergence entre Monsieur Hahn et le reste de la mission tient à deux choses: il a estimé que les problèmes de tenue de l'enceinte de confinement étaient insuffisamment présents dans le rapport final, et que ces problèmes étaient suffisants pour demander la non remise en route du réacteur. Je ne vois pas en quoi une telle opinion, légitime, devrait conduire à penser que Monsieur Hahn n'est pas «neutre».
   Mettre en cause les participants allemands de la commission est donc un mauvais procès, et je suis entièrement solidaire de mes collègues allemands. Faut-il encore insister sur le fait que la «neutralité» d'une mission d'expertise est collective, qu'elle nécessite le pluralisme, entre ceux qui sont «pour» et ceux qui sont «contre», avec tous les intermédiaires? En France particulièrement, il n'y aura pas d'expertise neutre sans participation d'étrangers.
     Les réserves du Professeur Benecke sont d'autant plus justifiées que Monsieur Bonnet, directeur de la centrale de Fessenheim, semble bien parti pour ne tenir aucun compte des recommandations de la mission, d'après les comptes rendus de sa conférence de presse. Monsieur Bonnet ne retient que l'absence de «feu rouge» et oublie toutes les critiques. La politique de l'autruche d'EDF, et son absence de collaboration avec des experts indépendants, sont loin d'être une garantie quant à la manière de traiter les problèmes de sûreté. Si rien n'est fait d'ici un an ou deux pour tenir compte des résultats de l'expertise indépendante, nous seront fondés à demander l'arrêt immédiat du réacteur. Nous attendons d'ailleurs toujours des explications sérieuses et complètes sur les 5 semaines de retard pour le redémarrage, retard brusquement apparu à une semaine de la remise en route prévue mi-septembre.
     En ce qui concerne le «feu vert franc et massif» donné par Monsieur Auverlot au redémarrage du réacteur, faut-il remettre en mémoire le cas de Gravelines: son «feu vert franc et massif» avait laissé fonctionner le réacteur dans de très mauvaises conditions de sûreté pendant près d'un an, réacteur qui est toujours à l'arrêt depuis juillet dernier. En matière de sûreté, la prudence et la modestie s'imposent.
     J'ai participé à cette mission d'expertise en toute indépendance, sans chercher à «crédibiliser» quiconque, que ce soit EDF (ce que semble souhaiter Monsieur Haby), l'Etat, Monsieur Haby ou les associations écologistes. Mon seul souci est d'arriver à une coopération entre toutes les parties concernées pour améliorer la sûreté des réacteurs, parce que c'est l'intérêt de la population. Je peux témoigner que c'était le cas de TOUS les membres de la mission, allemands compris. 
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Information en provenance de nos lecteurs
Le Monde du 13/10/89, p.21 (Rhône-Alpes)
La commission de surveillance des centrales nucléaires
nomme trois experts indépendants
     La commission départementale de surveillance des centrales nucléaires de Creys-Malville et de Saint-Alban/Saint-Maurice, qui réunit des élus du départemenl de l'Isère, les responsables des sites nucléaires, des représentants d'associations ou de syndicats, a choisi trois experts indépendants afin de l'aider dans ses travaux. Il s'agit de Mr Auguste Colas, entré au Commissariat de l'énergie atomique (CEA) en 1957, qui a participé à la construction du site de retraitement de la Hague; Mr Pierre Chantoin, spécialiste de la filière à neutrons rapides et Serge Sharaguer, d'origine argentine, qui a lui aussi été expert au CIA. Lors de cette réunion, M. Henri Hallé, directeur de Saint-Alban, a fait le point sur la prolongation de l'arrêt de la tranche 2 de sa centrale: les défauts relevés sur un tube d'un des quatre générateurs de vapeur ont été observés sur quatorze tubes. La centrale de Nogent-sur-Marne est elle aussi atteinte par ce défaut «générique», qui impose un long traitement.
     Mr Pierre Schmitt, responsable du surgénérateur de Creys-Malville, a, de son côté, précisé les conditions de l'accident survenu le 1er octobre dans l'enceinte de sa centrale: un engin de levage, mis en place pour procéder à l'enlevement d'une passerelle, s'est décroché de ses attaches. Selon Mr Schmitt. l'engin d'une tonne, en chutant de 40 mètres, n'a qu'«éraflé le dôme de protection du réacteur, qui était à l'arrêt». La date prévisionnelle de redémarrage de Superphénix est toujours fixée pour le 3 février 1990 (Le Monde Rhône-Alpes du 29 septembre).

Le nuage radioactif est hien passé

     Malgré les déclarations rassurantes, tout le monde, à l'époque, s'en doutait: en 1986, le nuage radioactif provoqué par la catastrophe de Tchernobyl ne s'était pas arrêté par miracle à la frontière italienne. Des scientifiques de l'université Claude-Bernard de Lyon avaient décelé, dès le 10 avril, des particules de produits de fission en suspension (Le Monde Rhône-Alpes du 13 mai 1986).
     Il a fallu attendre la réunion du comité de surveillance, le 10 octobre dernier, pour prendre connaissance de la radioactivité dans l'environnement de la centrale de Saint-Alban/Saint-Maurice. Le 5 mai 1986, les relevés effectués dans l'air, dans le lait et sur les vegétaux, montent en flèche, poussés par quelques doses supplémentaires de becquerel.
     Plus de doute aujourd'hui  le nuage a bien remonté la vallée du Rhône. Plus de trois ans ont été nécessaires pour officialiser cette information...

Commentaire:
     Experts indépendants semblerait normalement, et selon le dictionnaire, signifier «sans lien». Alors de qui se moque-t-on à choisir trois anciens du CEA? On peut certes changer d'avis mais d'agent payeur plus difficilement.
     Quant au nuage radioactif: apprendre en 89 qu'il est passé au-dessus de la France en 86, merci la transparence! Mais il faut oser le faire: trois ans pour donner officiellement une information connue de tous!!
     L'information fait des progrès en France, mais nous aimerions qu'en plus on ne nous prenne pas pour des imbéciles!!!

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