La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°107/108

ITTEVILLE ET SAINT-AUBIN
(suite et pas fin)


Introduction

     La polémique sur les sites de Saint-Aubin et d'Itteville continue.
     Pour Itteville, on est au point mort. On attend une hypothétique décision judiciaire. Il est vrai que le site est en réhabilitation depuis 1971. On peut bien se payer 2 ou 3 ans de plus. Reste que le radon continue à se dégager (comme le temps de 1/2 vie du radium est de 1.620 ans, ça peut encore durer un temps certain) et que l'on a arrêté de construire à 600 m du site. Il faut donc tout de même se décider à faire quelque chose.
     Pour Saint-Aubin, on a mesuré, on a creusé, on a remué.
     Finalement, le CEA a dû admettre quelques carences dans les contrôles mais il a toujours scrupuleusement respecté les directives du SCPRI.
     L'argumentaire est très très joli: l'encart - ci-contre - sur le décret du 18 avril 1988 est d'ailleurs explicite. A condition de mettre ses déchets dans suffisamment de terre, on peut stocker la quantité qu'on veut n'importe où, n'importe comment, puisque ce n'est pas radioactif au sens de la loi...
     Trêve de plaisanterie, il est temps de demander aux parlementaires de revoir leur copie et de se pencher enfin sur une loi règlementant le nucléaire.
     Nous vous offront les différents éléments du dossier.
     D'abord l'encart sur les 50 grammes, puis l'article que nous avons envoyé au Monde mais qui-bien-sûr-n'a-pas-été publié. Un petit rappel sur Itteville qui reste en panne mais dont on espère bien qu'on va se préoccuper en haut lieu. Et puis, pour finir, Saint-Aubin et la saisine de l'office parlementaire.
     Tout ce dossier pour vous inviter à réagir et à envoyer le maximum d'informations à l'office. Nous avons des informations qui nous reviennent de toute la France. Il ya sur ce problème des déchets faiblements actifs une politique ou une absence de politique très alarmante:
     - Stockage ou entreposage des fûts espagnols sur le carreau de la mine de Lodève,
     - Traitement d'uranium allemand sur les sites du Limousin,
     - Stockage ou entreposage de fûts "radifères" dans les mines de Vendée,
     - Stockage dans des décharges de classe 1 (Nord, Eure, etc.) de déchets radioactifs.

     Stop! N'en jetons plus. Il faut préciser les règles du jeu, sinon nous allons vers une catastrophe comme à Montchanin ou bien comme avec les résidus de Sévéso. Je sais bien que l'on prétend toujours que ce n'est pas dangereux et qu'il n'y a aucune conséquence pour les êtres humains et leur environnement, mais les incantations n'ont jamais suffi, il est préférable de faire les enquêtes de santé. 
 
Le décret du 18 avril 1988
relatif à la protection contre les rayonnements ionisants

     Le décret 88-521 du 18 avril 1988 détermine les cas où l'exercice des activités de production, de traitement, de manipulation, d'utilisation, de détention, de stockage, de transport et d'élimination des substances radioactives naturelles ou artificielles doit être soumis à un régime de déclaration ou d'autorisation préalable.
     Notamment, cette obligation n'existe pas lorsque l'une des conditions suivantes est remplie:
     a) soit l'activité massique de toutes les substances radioactives est inférieure à 100.000* Bq/kg (500.000 Bq/kg dans le cas des substances radioactives solides naturelles),
     b) soit l'activité totale des radionucléides les plus toxiques est inférieure à 5.000** Bq,
     C'est-à-dire par exemple que le stockage d'une radioactivité de 5.000 Bq contenue dans moins de 50 g de matière est soumis à déclaration ou autorisation préalable. Si cette même radioactivité de 5.000 Bq est contenue dans plus de 50 g de matière, cette obligation n'existe pas.


     Ces chiffres étaient, dans l'avis du 6 juin 1970, émis par le Ministère de la Santé: 
* 74.000 Bq/kg et ** 3.700 Bq

p.2

Article non publié:
Le 9-03-1991
A l'attention de J.P. DUFOUR
(Le Monde)
Les déposantes du CEA ou le droit du plus fort.

     Le cycle du nucléaire dont la France possède quasiment toutes les étapes sur son territoire, de la mine au stockage des déchets, se doit de respecter les humains et leur environnement. Pour ce faire, diverses lois, arrêtés, décrets, avis, règles (plus ou moins) fondamentales ont été promulgués.
     La France étant un pays latin, tout cet arsenal contient tout et son contraire. Les textes pourront soit pratiquer le flou artistique, soit contenir directement des articles de dérogation et lorsque ces deux notions sont absentes ou insuffisantes, il suffira que les textes d'application ne soient pas publiés pour que la réglementation devienne inopérante.
     Il reste malgré tout des domaines mal "couverts" par le législatif. Celui des déchets radioactifs en est un et ce n'est pas de chance car c'est justement un secteur très sensible.
     A l'occasion de la réhabilitation de sites sur lesquels le CEA stockait, pardon, déposait des déchets - Saint-Aubin pour le site de Saclay et Itteville pour le site du Bouchet -, déchets qui, à son avis, ne devaient pas être considérés comme radioactifs, il est apparu que la lecture des textes existants se faisait de façon différente.
     Le CEA, appuyé en cela par le SCPRI, se réfère à un avis de 1966, texte n'ayant pas valeur réglementaire. Cet avis propose de considérer un déchet comme non radioactif si son activité est inférieure à 100 Bq/g ou si l'activité totale est inférieure à 5.000 Bq/g. Le décret de 1986, malheureusement (ou heureusement...) sans texte d'application, précise que les 2 limites à ne pas dépasser sont 100 Bq/g et 5.000 Bq au total. Cette petite nuance entre ou et et n'est pas innocente car dans le premier cas pour des activités inférieures à 100 Bq par gramme on peut déposer n'importe quelle quantité sur un terrain, même si l'activité totale déposée dépasse considérablement la valeur limite de 5.000 Bq fixée dans le deuxième texte réglementaire.
     Il apparaît une fois de plus que le nucléaire français est géré de façon aberrante. En effet, comment a-t-il pu sembler normal de laisser le même organisme, le Commissariat à l'Energie Atomique, déposer ses déchets et définir les règles de dépôt?
     Les commentaires "officieux" dudit CEA (6 mars 1991) à propos du site de Saint-Aubin sont d'ailleurs explicites: "...Tous ces déversements de boues, au niveau très faible de radioactivité mesuré systématiquement avant les déversements (sic), était une pratique considérée comme normale et appuyée sur les règles d'usage du SCPIRI."

suite:
     Le stockage des déchets et aussi la mise en attente des sites (Saint-Aubin et Itteville) s'étaient faits sans publicité excessive. Mais ces sites sont situés en zone urbanisable et il aurait été agréable de les récupérer. Ce fut l'occasion pour les Associations de Défense de l'environnement de se saisir des dossiers. Force est de constater que la gestion et la capacité de dialogue du CEA laissent quelque peu à désirer.
     Dans un premier temps, il fut impossible d'avoir des mesures, d'avoir accès aux archives, d'avoir des réunions.
     Par chance les Associations ont pu faire faire des prélèvements et des mesures par des laboratoires indépendants puis obtenir la création de commissions destinées à examiner les problèmes avec les élus locaux concernés. Il reste le handicap fondamental: le monde "officiel", les médias, considèrent le CEA comme l'expert, ses analyses, ses conclusions sont paroles d'évangile. C'est ce que contestent les associations qui réclament la présence de laboratoires indépendants. Que s'est-il finalement passé?
     Au Bouchet, le CEA a fait ses mesures, son interprétation, que le Président de la Commission locale a fait sienne, plaçant de ce fait le reste de la Commission ainsi que les autorités locales dans une impasse.
     A Saint-Aubin, le CEA s'est fait aider par le CNRS. II y a donc eu plusieurs laboratoires qui ont fait des mesures. Mais à ce stade, le CEA en publiant le 6 mars les résultats des mesures et ses commentaires a court-circuité la Commission mise en place par le Préfet. C'est pourtant cette commission qui était chargée de l'interprétation des résultats et qui doit donner un avis sur le devenir de la déposante de Saint-Aubin et de tous ces déchets décidés non radioactifs par le CEA.
     Car l'enjeu est là, la Société civile, et en particulier ses élus, pourront-ils enfin avoir une quelconque autorité sur le CEA pour l'obliger à n'être qu'un exécutant et non un décideur par exemple en matière de déchets?
     L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientitïques et technologiques a fait l'objet d'une saisine sur ce sujet. Il est malsain qu'un organisme officiel comme le CEA se comporte en groupe de pression. II faut qu'il se plie aux règles démocratiques, ce qui signifie que les conclusions d'une commission peuvent être différentes des siennes et qu'il devra accepter de s'y conformer. Ceci signifie aussi que le pouvoir politique saura édicter la règle et aura la volonté de la faire respecter.
     L'enjeu n'est pas cette fois capital sur le plan de la santé ni sur celui de la sûreté. Mais ce dysfonctionnement flagrant des institutions risque fort de peser lourdement sur la crédibilité du CEA et de son appendice l'ANDRA dans la politique de gestion des déchets radioactifs, que de bon ou de mauvais gré nous serons bien obligé de mettre en œuvre.
Monique SENÉ
Présidente du Groupement de Scientifiques
pour l'Information sur l'Energie Nucléaire (GSIEN)
p.3

A PROPOS D'ITTEVILLE
Objet: Réponse CEA-DC 90-16,17-01-91

     Le commentaire d'accompagnement, ainsi que le dossier joint ne sont pas vraiment une réponse au problème que pose la décharge du Bouchet sis sur la commune d'Itteville.
     1. la critique du dossier faite par le GSIEN est une critique scientifique point par point, pas un amusement ni une défiance systématique. La réponse ne l'est pas.
     Il ne s'agit pas de se convaincre qu'il n'y a que 50 g de Radium, il s'agit d'avoir un quadrillage qui permette d'envisager de faire la réhabilitation du site, ce qui, en l'état du dossier ne peut être mené à bien. L'exercice qui consiste à partir de la valeur prédestinée de 50 g pour trouver le tonnage est très intéressant mais n'apporte pas de réponse sur ce qui a été déposé sur ce site. Or c'est sur ce point que les avis divergent entre le CEA et les Associations. Les nouveaux dossiers joints ne font que confirmer les réserves déjà émises:
     - impossible d'avoir une idée exacte du contenu radioactif,
     - impossible d'être affirmatif sur son impact sanitaire, en particulier pour le rendre à un usage qui n'en ferait plus un endroit surveillé.
     Il faut pouvoir classer le site et en assurer la surveillance.
     Il est indispensable de définir, non seulement le contenu massique d'une terre mais aussi le contenu global pour être à même de statuer sur le fait que l'on n'est pas en présence de déchets radioactifs.
     Il n'y a pas là de méfiance, il y a une demande de clarification des textes législatifs. Clarification qu'il n'est pas question de demander au CEA - depuis quand le pollueur édicte-t-il les règles? - mais au Conseil d'Etat, par exemple.
     2. il n'y a pas de réponse au point crucial de suivi du site depuis 1970. Les points non localisés sont toujours non localisés et en conséquence on ne peut faire aucun travail sur le site puisque lors de la vérification du bien fondé des travaux on ne pourra pas faire de comparaison avant et après. Rappelons que ce n'est pas une question destinée à "ennuyer", mais les modèles de transfert d'une contamination surfacielle mis au point par le CEA, conduisent à appliquer un facteur correctif. On multiplie par 3 la valeur surfacielle d'un dépôt vieux de 10 ans. Il est donc essentiel de localiser en profondeur les mesures faites sur le site et d'avoir une date pour les différents apports de produits radioactifs.

suite:
     3. quant à l'affirmation que les remarques contenues dans la note GSIEN ont été discutées en séance, le GSIEN présente à la réunion est à l'aise pour affirmer que ce ne fut pas le cas. Il y a eu présentation d'arguments et la commission s'est séparée en devant se revoir pour déposer enfin des conclusions. Depuis, il n'y a eu aucune autre réunion.
     4. la remarque finale qui assure que le dossier est clos est également fausse et je n'en veux pour preuve que la lettre de Monsieur Fayolle, maire d'Itteville. Cette lettre confirme qu'il y a eu le rapport "Sergolle" mais que ce rapport doit être discuté. Il est vrai que le dossier est depuis resté en suspend mais ceci n'a rien changé au problème: la déposante (décharge) d'Itteville doit être réhabilitée.
     5. le CEA ne se juge jamais en tort et fait dossier sur dossier pour prouver qu'il ne peut pas faire d'erreur. Cette attitude n'a aucun fondement, car tout le monde peut se tromper et tout va mieux quand on le reconnaît. On peut de cette façon éviter de persévérer sur de mauvaises voies.
     6. Il est temps de revoir les textes législatifs pour définir ce qu'est un déchet radioactif. Ce qui est sûr c'est qu'actuellement pour les sites de surface on a défini ce que peuvent contenir les colis, le maximum de colis pour chaque élément que l'on peut admettre sur un site, le tout devant permettre, en 300 ans, de ramener le niveau de radioactivité au niveau naturel. En conséquence, pour un site ne recevant pas de déchets radioactifs, on ne doit pas dépasser le niveau naturel: ce n'est pas le cas d'Itteville.

Commentaire:
     Nous entretenons avec le CEA des courriers sur le problème d'Itteville et St-Aubin. Nous avons donc reçu, à propus d'Itteville, une série de documents axés sur la teneur en Radium. Evidemment, on peut se centrer sur ce sujet pour éviter de répondre aux questions de fond.
     Nous n'avons pas encore répondu directement au CEA parce que ce type de polémique est finalement sans intérêt. Nous publions dans ce numéro, après les données sur la Hague, les documents relatifs au Bouchet. C'est finalement assez comique d'obtenir des précisions sur certains déchets "entreposés" sur le site Manche grâce à notre enquête sur le site du Bouchet et aux multiples interventions de la CRIIRAD.
     Le Bouchet, ce n'est pas terminé mais pour le moment, cela dort une fois de plus.

p.4

A PROPOS DE SAINT-AUBIN
COMMENTAIRE OFFICIEUX CEA
Résultats des analyses comparatives
sur la déposante de Saint-Aubin

     Les équipes du CEA, de l'IPSN et du CNRS ont mis en œuvre des moyens importants pour avoir une connaissance très fine de la radioactivité résiduelle présente sur la déposante du centre de Saclay:
     · cinq équipes tant au CNRS qu'au CEA se sont mobilisées, sur une période de quatre mois, pour faire les analyses.
     · 20.000 points ont élé contrôlés sur le site (superficie 70.000 m2).
     · de nombreux prélèvements et analyses ont élé effectués selon un protocole commun (spectrométries a, g; spectrométrie de masse; carottages; mesure d'aérosols).
     Les principaux résultats montrent une grande concordance; ils sont les suivants:
     · 0,22 gramme de plutonium sont répartis sur des zones limitées du terrain et dans 2.000 tonnes de boues séchées.
     · 1 milligramme de césium 137 est contenu dans ces mêmes zones.
     · 20 milliardièmes de gramme de cobalt 60 sous forme de grains, d'ailleurs relirés lors des prélèvements.
     Le CEA tient à souligner:
     · que ces résultals confirment l'absence totale de tout risque pour le travailleur et pour le public pouvant être amené à venir sur le site, et a fortiori pour les populalions environnantes.
     · que cette radioactivité provient de l'épandage des boues résultant du traitement à Saclay des eaux induslrielles du Centre. Toutes les données (nature et quantité des radioéléments, hétérogénéité et emplacement de ces radioéléments, faible épaisseur de la contamination) confirment la corrélation entre la présence de la radioactivité résiduelle et celle des boues séchées épandues sur le site de 1965 à 1976.

COMMUNIQUÉ COMMUN CEA-CNRS / IN2P3
Résultats des mesures sur le site de l'Orme des Merisiers

     Les représentants des laboratoires du CEA, de l'IPSN[1] et du CNRS / IN2P3[2] se sont réunis le 28 février sous la présidence du Haut Commissariat à l'Energie Atomique, le professeur Jean Teillac, pour comparer les résultats des analyses qu'ils ont effectuées sur les échantillons de terre prélevés sur le site de l'Orme des Merisiers à Saint-Aubin.
     Les opérations se sont déroulées de la façon suivante:
     - Un contrôle radiométrique (20.000 mesures) des 70.000 m2 du sile a mis en évidence l'existence de régions faiblement contaminées, représentant une surface d'environ 8.000 m2, sur laquelle douze zones plus actives ont été détectées.

suite:
     - Des prélèvements de surface ont été effectués en dix-sept points, et complétés par cinq carottages jusqu'à un mètre de profondeur. Ces échantillons ont élé analysés par spectrométrie (de masse, a, g) afin de déterminer tous les radioéléments présents, dont le plutonium et le césium.
     - Une spectrométrie g in situ a permis de vérifier que les échantillons prélevés sont bien représentatifs des zones de prélèvement.

Les résultats des analyses:

     Deux types de présence de radioactivité des sols ont été mesurés:
     - Des micro-particules contenant du cobalt 60, sous la forme de grains. L'activité tolale de l'ensemble de ces grains est estimée à 750.000 Becquerels (Bq) correspondant à un poids de cobalt 60 d'environ vingt milliardièmes de gramme.
     - Un grand nombre de radio-éléments présents de manière diffuse: produits d'activation (cobalt 60, europium 152...), produits de fission (césium 137...) et actinides (thorium, plutonium, américium...). Cette radioactivité est principalement contenue dans des boues d'épandage issues des réseaux d'effluents du Centre d'Etudes de Saclay. Sur la base des mesures en profondeur et des surfaces concernées, on peut estimer que la quantité de boues épandues correspond à un maximum de 2.000 tonnes de matières préséchées. Leurs activités massiques sont comprises entre 100 et 3.000 Bq/kg en plutonium; la zone d'activité maximale (1.000 à 3.000 Bq/kg) représente environ le centième de la surface totale de la déposante.
     Parmi ces radio-éléments:
     La quantité de plutonium contenue dans ces 2.000 tonnes est de l'ordre de 0,22 gramme, correspondant à une activité totale de 0,5 GBq[3] et à une activité massique moyenne de 250 Bq/kg.
     La quantité totale de césium 137 a été évaluée à 0,0009 gramme correspondant à une activité totale de 2,8 GBq et à une activité massique moyenne dans les boues de 1.400 Bq/kg.
     Le radium 226 a été observé en un seul point, avec une activité massique de 11.800 Bq/kg. L'activité en plomb 210 en ce point est du même niveau.
     Des mesures en strontium 90 ont été faites à partir de trois échantillons, le strontium étant dans la partie la plus active du terrain. Deux échantillons contiennent environ 500 et 600 Bq/kg.
     - Les rapports d'activité des différents isotopes du plutonium et de l'europium varient sensiblement d'un point à l'autre, ce qui s'explique par les origines différentes des boues.


1 - Institut de protection et de sûreté nucléaire. 
2 - Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du Centre national de la recherche scientifique. 
3 - 1 GBq = un milliard de Becquerels.
p.5

     La mesure des aérosols, effectuée à l'aide d'une balise située au milieu du terrain, montre qu'il n'y a aucune dispersion radioactive dans l'atmosphère. 
     La radioactivité naturelle de la région parisienne délivre à ses habitants un équivalent de dose de 1,5 mSv/an. D'après les calculs de l'IPSN[4], une personne vivant 24 h/24 sur le terrain de Saint-Aubin recevrait un équivalent de dose supplémentaire de 0,6 mSv/an. La somme de ces deux chiffres correspond à la moyenne d'équivalent de dose reçue en France (2 mSv/an). 
     Tous les résultats sont disponibles sous la forme de rapports détaillés, qui ont été transmis au Préfet de l'Essonne. 
     Compte tenu de leur bonne cohérence, ces résultats concluent la campagne de mesures contradictoires, entreprise sur ce site à l'initiative du CEA. 

LA DÉPOSANTE DE L'ORME DES MERISIERS
(Commentaires CEA)

Les utilisations du site depuis 1950

     La déposante de l'Orme des Merisiers se trouve située sur un terrain appartenant au CEA, proche du Centre d'Etudes de Saclay, et implanté sur la Commune de St-Aubin.
     Ce site CEA, qui comprenait à l'origine deux carrières d'une vingtaine de mètres de profondeur, a rempli plusieurs fonctions depuis son acquisition en 1950:
     · De 1950 à 1965, ce site servit de lieu de dépôt des ordures ordinaires (ordures ménagères, déchets métalliques, déchets combustibles, terres de construction) du Centre de Saclay et des communes voisines, comme Gif-sur- Yvelle ou St-Aubin. Au terme de celle période, une des deux carrières se trouva entièrement comblée, l'autre n'étant qu'aux trois quarts pleine.
     · De 1965 à 1973, une partie bien identifiée du site, isolée du reste, a servi d'entrepôt pour des blocs de béton contenant les déchets radioactifs du Centre de Saclay. Ces blocs ont été ensuite envoyés au Centre de Stockage de la Manche. Des fissurations de ces blocs, dûes au gel, sont survenues autour des années 1970, occasionnant une contamination de cette aire de stockage. La décontamination de cette partie a eu lieu en 1973, après l'évacuation des blocs.
     · De 1965 à 1976, le site servait encore pour recevoir les terres provenant des constructions de Saclay (en début de période), puis pour brûler les ordures ordinaires, et pour y entreposer les résidus de l'entretien des pelouses et plantations du Centre. Il servait aussi de 1ieu d'épandage des boues de traitement des eaux industrielles, sanitaires et chimiques du Centre de Saclay.
     · De 1976 à aujourd'hui, le site est utilisé pour trois usages:
     - préséchage des boues de traitement des eaux de Saclay dans trois fosses qui constituent une Installation Classée Pour l'Environnement;
     - dépôt des terres, terreaux et résidus de l'entretien des pelouses et plantations du Centre;
     - aire de transit pour les ordures ordinaires du Centre, qu'on a cessé de brûler en 1976, et qui sont enlevées périodiquement par la SITA (Société Industrielle de Transports Automobiles).

suite:
     Ces deux dernières activités ont fait l'objet le 21.12.1990 d'une déclaration d'existence conformément à l'article du décret n°77 1133 du 21.09.77 pris pour l'application de la loi n°76.663 du 19.07.76 relative aux ICPE.

Les événements de la fin 1990

     Des prélèvements de terres faites sur le site de la déposante par "Le Parisien" en septembre 1990 et analysés par les soins de la CRII-Rad ont montré la présence de plusieurs radioéléments artificiels, en particulier le cobalt, le césium, l'europium, l'americium et le plutonium.
     Pour faire le bilan de la radioactivité de ce site, le CEA a entrepris en novembre 1990 une cartographie complète de la radioactivité du site et a lancé, en association avec des laboratoires du CNRS, une campagne d'analyse des sols, en particulier sur la douzaine de zones où la cartographie a révélé une radioactivité plus élevée que sur le reste du site.
     Ces mesures viennent de s'achever. Elles montrent qu'une surface limitée du terrain contient effectivement des quantités faibles des radioéléments artificiels cités plus haut. Elles ont aussi permis de détecter la présence en quelques points de micropoussières contenant des traces de cobalt 60, et de deux objets contaminés par du radium.

Les causes de la contamination observée

     Les mesures faites permettent d'établir une étroite corrélation entre la présence des radioéléments artificiels et celle des boues séchées provenant de la période 1965-1976, pendant laquelle les boues de traitement des diverses eaux de Saclay étaient épandues sur le site. Ces eaux, dont une partie provenait des laboratoires du Centre de Saclay où l'on étudie de nombreux éléments radioactifs artificiels, contenaient des traces de ces éléments. Elles étaient traitées et décantées systématiquement de façon à les purifier et à les réutiliser. Avant 1976, les boues résiduelles du traitement étaient épandues sur la surface de la partie centrale de la déposante, ou bien déversées dans la carrière non encore comblée du site. 
     Ces déversements de boues expliquent bien les caractéristiques de la radioactivité du site observée et mesurée aujourd'hui:
     - la nature des radioéléments observés est bien celle que nous donnent les analyses des boues en notre possession qui étaient faites systématiquement avant chaque envoi;
     - la quantité des radioéléments observés est compatible avec les analyses. Les boues pouvaient parfois en effet contenir quelques milliers de becquerels par kilogramme pour les émetteurs a et parfois plus pour les émetteurs b;
     - l'hétérogénéité de la composition des prélèvements faits en divers points de la déposante s'explique aussi par la variation de la composition des boues d'une année sur l'autre, et par le nombre des déversements (une quarantaine au moins en dix ans), qui ne sont pas nécessairement faits au même endroit du site;


4. effectués à la demande de la Commission mise en place par le Préfet de l'Essonne, commission présidée par le professeur Guillaumont (résultats remis à la commission en décembre et janvier derniers).
p.6

     - l'emplacement des zones contenant des radioéléments est explicable, les déversements ayant eu lieu sur la surface libre de la zone centrale du site et dans la carrière non comblée;
     - la faible épaisseur de la contamination sur la zone centrale du site se comprend bien. En effet, mille mètres cubes environ ont été déversés sur une surface de plusieurs milliers de mètres carrés, ce qui conduit à des épaisseurs de l'ordre de quelques dizaines de centimètres;
     - un usage relativement plus systématique de la carrière non comblée peut conduire à cet endroit à des épaisseurs contaminées de l'ordre du mètre.
Tous ces déversements de boues, au niveau très faible de radioactivité mesuré systématiquement avant les déversements, était une pratique considérée comme normale et appuyée sur les règles d'usage du SCPRI.
Paris, le 13 mars 1991
à Destinataires in fine
     Le site de l'Orme des Merisiers est une aire de transit et d'entreposage de 7 hectares situé sur le plateau de Saclay. A l'été 1990, certains ont pu estimer que les traces de plutonium observées en un point situé à l'intérieur du terrain étaient le signe d'un danger sanitaire potentiel. Ceci a conduit les pouvoirs publics à mettre en place plusieurs commissions afin d'examiner la situation.
     Afin d'apporter toute l'information nécessaire sur l'état de cette aire de transit, et pendant qu'un travail d'archives était parallèlement mené, le Commissariat à l'Energie Atomique a pris début novembre 1990 l'initiative d'une campagne de mesures approfondies. Dans un souci de transparence, elle a été menée contradictoirement entre les laboratoires du CEA, de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire et de ceux de l'Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules du CNRS. Pendant quatre mois, une dizaine de laboratoires ont élaboré des protocoles de prélèvements, entrepris et mené à bien les mesures nécessaires à la détermination des teneurs en radioisotopes contenus dans les terres. Certaines de ces mesures telles que celle du plutonium sont délicates et longues aux bas niveaux d'activité observés. Ce travail a été conduit méthodiquement et rigoureusement et je tiens à remercier tous ceux qui y ont participé.
     De la confrontation scientifique est ressortie une très bonne cohérence entre les résultats des différents laboratoires. Sur les 7 hectares du terrain, on peut estimer que les terres contiennent 0,2 gramme de plutonium, c'est-à-dire 0,5 GBq; l'activité massique n'excède 1.000 Bq/kg que sur une superficie de l'ordre du centième de la superficie tolale. Pour sa part, la quantité de 137 Cs est estimée inférieure au milligramme. A ces activités diffuses contenues dans les boues en provenance des stations de traitement des eaux du Centre d'Etudes de Saclay, on doit ajouter celles provenant de sept grains de quelques milligrammes contenant du 60 Co qui ont été prélevés et des traces de radium en un endroit localisé. 
suite:
     La réponse à la question d'un éventuel risque sanitaire pour le public pouvant être amené à pénétrer sur le site ou pour les populations environnantes est claire: la radioactivité résiduelle contenue dans les terres du site l'Orme des Merisiers est à un niveau et dans des proportions beaucoup trop faibles pour induire un risque quelque (quelconque). Les résultats présentés dans les documents joints en font la démonstration.
Professeur Jean TEILLAC
Haut-Commissaire à l'Energie Atomique
ÉTAT DU SITE CEA DE ST-AUBIN
(ESSONNE)
VIS-A-VIS DE LA RÈGLEMENTATION
(Avis SCPRI)

     A) D'une manière générale, la responsabilité de l'état des sites nucléaires eux-mêmes incombe:
     - à l'exploitant en premier lieu. Le CEA dispose à cette fin d'un service de protection contre les radiations (SPR) sur chacun de ses centres d'une part, et d'autre part de l'IPSN pour la surveillance de l'ensemble.
     - sur le plan du contrôle, au SCSIN et aux DRIR, du Ministère de l'Industrie et du Ministère chargé des risques majeurs, tant que ces sites comportent des sources radioactives dépassant certains seuls fixés par la règlementation.
     B) Pour sa part, le SCPRI, service technique des ministères du travail et de la santé, contrôle le respect des règles de la radioprotection des travailleurs dans les limites des sites, et de l'hygiène publique à l'extérieur de ces limites.
     C) Ancienne carrière de pavés, le terrain clôturé de St-Aubin, de 70.000 m2, appartient au CEA (CEN-Saclay) depuis 1950. Il a été autorisé en 1961 à stocker, sur une dalle d'environ 1.500 m2, 2.500 cylindres de béton contenant des fûts de déchets faiblement radioactifs. En 1973, cette autorisation ayant pris fin, les blocs ont été évacués à La Hague.
     D) Le site de St-Aubin, bien que n'étant plus autorisé à stocker de substances radioactives, reste sous la responsabilité du CEA et de ses propres services de surveillance d'une part, ainsi que de la DRIR, d'autre part.
     E) Actuellement, le SCPRI mesure à l'extérieur, au droit de la clôture et sur toute sa longueur, un débit de dose qui ne dépasse pas 0,20 microsievert par heure, le même, aux fluctuations de la radioactivité naturelle près, que celui de la région parisienne. L'ensemble des résultats des mesures du SCPRI dans l'environnement proche et distant du site de St-Aubin (voir communiqués précédents) est conforme à la règlementation de radioprotection.
     F) La clôture du site de St-Aubin est en bon état. Elle ne présente pas de solution de continuité. Il est impossible de la franchir par inadvertance. Elle est fermée par une grille coulissante à contrôle électrique. Hors de cette entrée licite, on ne pourrait pénétrer sur le site autrement que par escalade ou effraction.

p.7

MESURE  DE  RADIOACTlVITÉ
DES EAUX DE RUISSELLEMENT DE L'AIRE
DE L'ORME DES  MERISIERS


Date de prélèvement
Activité b
totale
Bq/l
Tritium

Bq/l

Strontium 90

Bq/l

Césium 137

Bq/l

1972
41
4.000
21
3,7
1973
42
3.000
17
2,5
1974
12
300
2,7
A.A.S.
1975
9,1
180
2,1
A.A.S.
1976
7,8
220
3,2
A.A.S.
1977
8,9
140
3,4
A.A.S.
1978
6,6
75
1,3
A.A.S.
1979
4,9
75
1,1
A.A.S.
1980
4,8
70
0,75
A.A.S.
1980
<0,27
-
-
<0,20
Seuils de mesure
-
-
-
1,5

Commentaire: 
     On a rajouté dans le tableau SCPRI les mesures de 1990. Il y a un trou de 10 ans mais on peut supposer que des mesures ont été faites. Simplement comme d'habitude pour avoir les résultats, il faudra vraiment insister.
     Malgré les espérances du CEA, St-Aubin n'est pas encore un site dont on ne parlera plus. D'autant plus que le CEA, pour éviter (quoi donc au fait?)... donc le CEA envisage de construire sur ce vaste terrain un laboratoire ou deux. Dans l'un on testerait des robots permettant de travailler en atmosphère radioactive, c'est pratique, on pourra s'exercer directement sur le site.
     La commission n'a pourtant pas encore rendu réellement son verdict. Un avis (joint après) a été pris lors de la dernière réunion. Il n'est pas forcément le meilleur. Le GSIEN l'a voté (enfin la présidente), par contre la CRll-Rad s'est abstenue. Après avoir réfléchi, il semble qu'il soit préférable de laisser les officiels de la commission se décider. Quant à nous, essayer d'aller aussi loin que possible dans l'amélioration du site et ne pas s'engager par un vote puisque, de toute façon, étant simplement présent pour apporter et transmettre l'information, nous n'avons pas à nous prononcer.

suite:
     Cette réflexion fait suite à des discussions saines sur le sujet: il faut effectivement éviter de s'engager puisque nous n'avons aucun moyen de contrôle pour savoir ce qui va réellement se passer une fois un avis obtenu. Les expériences passées nous laissent pessimistes: on nous écoute bien un peu mais industrie oblige, on ne tient guère compte, sauf incident grave, des réserves.

MESURE DE LA RADIOACTlVITÉ DE L'EAU DE L'YVETTE
PRÉLEVÉE A ORSAY


Date de prélèvement
Activité a
totale
Bq/l
Activité b
totale
Bq/l
Tritium

Bq/l

Potassium

Bq/l

Uranium

Bq/l

2è trim. 83
0,44
0,16
17
4,3
A.A.S.
4è trim. 83
0,052
0,20
15
4,9
A.A.S.
2è trim. 84
A.A.S.
0,23
A.A.S.
4,4
1,0
4è trim. 84
A.A.S.
0,20
A.A.S.
4,8
1,0
2è trim. 85
0,043
0,16
A.A.S.
4,3
A.A.S.
4è trim. 85
0,037
0,22
A.A.S.
6,0
A.A.S.
2è trim. 86
0,046
0,34
A.A.S.
4,0
A.A.S.
4è trim. 86
0,040
0,17
A.A.S.
4,8
A.A.S.
2è trim. 87
0,055
0,18
A.A.S.
4,7
A.A.S.
4è trim. 87
0,055
0,18
A.A.S.
4,6
A.A.S.
2è trim. 88
0,042
0,21
A.A.S.
4,2
A.A.S.
4è trim. 88
0,040
0,16
A.A.S.
4,3
A.A.S.
2è trim. 89
0,037
0,18
A.A.S.
4,3
A.A.S.
4è trim. 89
0,038
0,21
A.A.S.
5,6
A.A.S.
2è trim. 90
0,040
0,17
11
4,6
A.A.S.
4è trim. 90 0,041 0,17 11 4,3 A.A.S.
Référence: eau de Seine prélevée à Bougival
1989
0,037
0,16
A.A.S.
3,4
A.A.S.
1990
0,035
0,15
A.A.S.
3,6
A.A.S.
Seuils de mesure
0,075
-
40
-
1,0

N.B.: A.A.S.: aucune activité significative

p.8
DERNIÈRE MINUTE
Avis de la commission "Déposante de l'Orme des Merisiers", commune de Saint-Aubin

     La commission a examiné dans sa séance du 22 mars 1991 l'ensemble des mesures de radioactivité actuellement disponibles concernant le site de la déposante de l'Orme des Merisiers.
     Les résultats montrent l'existence d'une contamination inhabituelle en radionucléides artificiels sur environ 10% de la superficie du terrain. Elle paraît surtout superficielle et elle est répartie en plusieurs zones dont les teneurs en radionucléides sont différentes.
     L'activité totale que l'on peut désormais évaluer pour chaque radionucléide montre que ce terrain aurait dû être déclaré au titre de la législation sur les "Installations Classées pour la Protection de l'Environnement" radioactives depuis 1979.
     La radioactivité du terrain à l'aplomb des anciennes carrières de ce site doit être mesurée. A cet égard, deux sondages profonds seront réalisés.
     La commission a également examiné l'évaluation de l'équivalent de dose effectué par le CEA pour une personne qui vivrait en permanence sur les parties les plus contaminées du terrain. Cette dose estimée à 0,60 mSV/an (à 30% près selon la commission et sous réserve de vérification par un autre organisme) ne dépasse pas la dose de 5 mSV/an qui figure dans la législation française ni celle de 1 mSV/an que la CIPR recommande de ne pas ajouter à la dose due à la radioactivité naturelle, lorsqu'il s'agit d'une personne du public.
     II est admis que celle dose n'induit pas de risque sanitaire signifieatif pour les populations avoisinantes.
     Compte tenu de la localisation du site et de l'hétérogénéité de la contamination la commission recommande que les parties les plus contaminées du terrain soient traitées de façon à être protégées contre le ruissellement et l'érosion en attendant d'être enlevées et stockées dans un site adéquat, en conformité avec les dispositions actuelles ou futures.
     l.a commission souligne l'ambigüité de la réglementation actuelle concernant le dépôt de substances radioactives dans l'environnement et souhaite qu'elle soit rapidement levée.
     Cet avis a été approuvé par 8 memhres de la commission sur les 9 présents, l'un d'eux s'étant abstenu.

Le Président de la commission
R.GUILLAUMON

CARTOGRAPHIE DU TERRAIN DE L'AIRE DE TRANSIT
DE L'ORME DES MERISIERS
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