La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°115/116

SUIVI DOSIMÉTRIQUE
des intervenants des entreprises prestataires d'EDF


     Les travailleurs employés dans les installations nucléaires de base font l'objet d'une réglementation particulière destinée à assurer leur protection contre les rayonnements ionisants.
     Cette protection, la "radioprotection", comporte la surveillance dosimétrique, c'est-à-dire le contrôle des doses de rayonnements ionisants reçus.
     Au plan réglementaire, la responsabilité de la surveillance individuelle incombe à l'employeur. L'exploitant a, par contre, la responsabilité des mesures de caractère collectif et opérationnel.
     En matière de suivi individuel, la responsabilité d'EDF ne peut donc être que morale. Le respect des limites légales d'équivalent de dose est la responsabilité du médecin du travail et de l'employeur.
     Cette surveillance est réalisée à l'aide de dosimètres photographiques délivrés par le SCPRI, laboratoire unique pour tous les travailleurs intervenant dans les INB, à l'exception des établissements du CEA et de l'EDF qui ont été autorisés, par arrêtés (17-07-1989 et 05-03-1990), à assurer la surveillance de leur propre personnel sous surveillance du SCPRI (intercomparaison des résultats). Il existe un laboratoire privé qui délivre également de tels films et les développe.
     Les résultats de ce suivi dosimétrique sont consignés dans le dossier médical de l'intéressé et revêt de ce fait un caractère confidcntiel.
     Le suivi dosimétrique ne pose pas de problème pour les travailleurs fixes (CEA, EDF, COGEMA, grosses entreprises...). Par contre, un certain nombre de travailleurs dits "d'entreprises extérieures" sont mobiles et passent d'une installation nucléaire à une autre, d'une entreprise à une autre, éventuellement d'un pays à un autre et leur suivi dosimétrique est rendu plus difficile.
     Le suivi dosimétrique des "travailleurs mobiles" n'est pas toujours assuré correctement, en raison de défaillances de l'organisation actuelle, soulignées par les médecins et les employeurs, par exemple:
•  les dossiers médicaux ne suivent pas toujours les travailleurs,
•  il est difficile de trouver quel est le véritable médecin du travail cians le cas du suivi de personnel intérimaire,
•  connaissance des résultats de la dosimétrie réglementaire avec plusieurs mois de retard.
     Cet état de fait est unanimement reconnu, y compris par le Ministère de la Santé qui vient, par arrêté du 31 juillet 1991, de rendre obligatoire la carte de suivi médical.
     L'objet de cette carte, délivrée par le SCPRI, signée par l'intéressé, puis validée par le médecin du travail tous les six mois, permettra de confirmer l'aptitude du travailleur et l'existence d'un dossier médical spécial, mais, en aucun cas, ne mentionnera les doses reçues. En pratique, la situation restera vraisemblablement la même en raison des difficultés d'identification des médecins du travail.
     Il est important de savoir que la connaissance de la dosimétrie est indispensable si l'on souhaite optimiser l'organisation du travail, en vue de réduire aussi bas que raisonnablement possible les doses reçues par les intervenants (principe ALARA).
suite:
Situation à EDF
     Le système actuel n'est pas adapté aux travailleurs des entreprises extérieures. Cette situation préoccupe particulièrement EDF qui fait appel à de nombreuses entreprises extérieures utilisant elles-mêmes des sous-traitants, essentiellement pendant la période des arrêts de tranches.
     La situation se caractérise ainsi:
• l'effectif des agents d'entreprises intervenant sur les sites EDF est estimé à 20.000 personnes, contre 16.000 personne agents EDF catégorie A
• la part des doses reçues par les travailleurs d'entreprises extérieures, environ 80% du total, tend à augmenter en raison du nombre plus important d'arrêts de tranche et de la réalisation des premières visites décennales plus longues en durée et coûteuse en dose
• la dose moyenne reçue par arrêt de tranche et le nombre d'agents concernés dépendent de la spécialité exercée par les intervenants
• certaines entreprises estiment que 50% de leur personnel dépassent 15 mSv/an; 20% dépassent 30 mSv et que 10 à 15% se situent entre 40 mSv et la limite est de 50 mSv/an. 

Evolution du contexte
a ) Nouvelle directive européenne
     Cette situation était connue de la CEE qui a publié, en décembre 1990, une nouvelle directive sur la protection opérationnelle des travailleurs extérieurs (EURATOM 90/641) fixant des responsabilités de l'exploitant comme à l'employeur en matière de suivi dosimétrique.
     Cette directive n'est pas encore traduite dans le droit français.
b ) CIPR 60
     La Commission Internationale de Protection Radiologique a publié en 91 la "CIPR 60" qui recommande des niveaux d'exposition plus sévères qu'actuellement et qui nécessitent un suivi sur plusieurs années (100 mSv/5 ans pour 50 mSv/an actuellement).
c ) Dosimétrie d'opération
     L'arrêté du 28 août 1991, sur les recommandations au Médecin du Travail, comporte un paragraphe sur le rôle de la dosimétrie opérationnelle dite "d'opération" vu par l'Administration, ce qui officialise l'existence de cette dosimétrie opérationnelle.
d ) Enjeu industriel
     Le suivi dosimétrique des intervenants constitue une nouvelle donnée à prendre en compte vis-à-vis de la concurrence des pays étrangers. Certains pays utilisent et intègrent d'ores et déjà les aspects dosimétriques pour appréeier la qualité des prestations offertes. La rapidité de mise à disposition de l'information est un des critères de compétitivité. Enfin, dans le contexte de l'internationalisation de la profession, il est de première importance que le nucléaire fmnçais présente une image de cohérence et de professionnalisme. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d'un système uniforme qui soit capable de fournir, rapidement, la consolidation de toutes les doses prises par un individu chez les exploitants français.
e ) Position d'EDF
     Le nucléaire ne pourra continuer à être mis en œuvre que s'il y a acceptation par le public. Cette acceptation implique, entre autres choses, un égal degré de protection de tous les travailleurs en centrale nucléaire.

p.16

Conclusions
     Les industriels et les exploitants du nucléaire vont être de plus en plus impliqués dans le suivi dosimétrique des travailleurs d'entreprises extérieures par les responsabilités nouvelles liées à l'évolution de la réglementation et par les futures restrictions réglementaires issues des recommandations de la CIPR 60.
     Sans vouloir se substituer aux autorités sanitaires, ils estiment qu'ils ont la possibilité d'apporter leur concours à l'amélioration du système de suivi dosimétrique. Des difficultés particulières sont liées à l'aspect confidentiel du dossier médical qui rend délicate la connaissance de la dosimétrie par les employeurs et les responsables des entreprises utilisatrices. Le secret médical doit certes protéger les travailleurs contre les abus (licenciements ou refus d'embauche) mais ne doit pas aller à l'encontre de la réduction de leurs doses.
     Aussi EDF a-t-elle développé un fichier national "DOSINAT" qui permettra, dès 1992, à tout exploitant de Centre de Protection d'Electricité Nucléaire de connaître, en temps réel, la dosimétrie "opérationnelle" de tout intervenant sur son site.
     La mise en place de ce fichier informatisé a fait l'objet de demandes auprès de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté). L'autorisation a été donnée le 16 juillet 1988 à EDF de recueillir un certain nombre d'informations nominatives enregistrées, relatives à la formation et à la vie professionnelle (spécialité, diplôme...) et en matière de dosimétrie. Les données dosimétriques ne peuvent être conservées que 14 mois (art. 4 de la décision), aussi, pour être plus conforme avec la future réglementation européenne, une nouvelle demande est en cours pour une conservation des doses sur une durée de 5 ans.
     L'action de l'amélioration du suivi dosimétrique des travailleurs extérieurs fait partie de la démarche nationale entreprise par EDF visant à l'amélioration de la sûreté. Il est prévu de créer un document (type "livret") destiné aux agents des entreprises extérieures, contenant des informations relatives à la formation, à la qualification, aux habilitations et permettant l'accès aux données dosimétriques "d'opérations".
     Le fichier DOSINAT est une première étape qui doit rapidement s'ouvrir vers d'autres exploitants (CEA, COGEMA) et le GIIN (Groupement Intersyndical de l'Industrie Nucléaire) avec lequel EDF a signé un protocole de collaboration. Ce fichier de dosimétrie opérationnelle permettra d'optimiser l'organisation du travail et d'attirer l'attention des employeurs et médecins du travail sur le cas des agents atteignant certains niveaux de dose.
p.17a

LE SUIVI DOSIMETRIQUE des travailleurs des" entreprises extérieures"
intervenant dans les installations nucléaires
     C'est vers le milieu des années 70, au moment où l'énergie nucléaire en France a amorcé son virage industriel, que nous avons recommandé de manière claire, le nécessaire suivi dosimétrique des travailleurs d'entreprises extérieures.
     Dans un ouvrage paru en 1975 (CFDT 75), ainsi que dans sa seconde édition de 1980 (CFDT 80), nous avons proposé, pour assurer ce suivi dosimétrique, un "outil" que nous avions appelé "passeport nucléaire".
     Voici ce que nous écrivions:
     "Si les travailleurs du CEA ou de l'EDF sont relativement bien suivis, tant qu'ils restent dans leur entreprise, il n'en est pas de même pour l'ensemble des autres travailleurs, en particulier pour les travailleurs intérimaires, ceux à qui on confiera les travaux les plus risqués, par exemple pendant les arrêts annuels de tranches électronucléaires. Suivis pendant un mois ou deux et pouvant, de ce fait, intégrer la dose-trimestrielle, ils redeviendront "vierges" dès qu'ils auront quitté le chantier.
     Pour peu qu'ils deviennent des spécialistes recherchés de ce genre de travail, ils seront connus de tous pour leurs capacités techniques et peut-être surtout pour leur "incognito" au titre de la radioprotection.
     Un tel passeport - qui existe déjà en Allemagne - permettrait d'enregistrer toutes les doses reçues, irradiation ou contamination, et de suivre ces travailleurs, quel que soit leur employeur".
     Ce type de "passeport", appelé "Carnet d'exposition" devait voir le jour en 1976, sous l'impulsion de l'EDF et de quelques industriels du secteur nucléaire. Il est commercialisé par le GIIN et fourni par les employeurs aux travailleurs de la catégorie A (DATR) qui interviennent dans les Installations Nucléaires.

1. Le constat 
     En mars 1979, lors d'un Congrès placé sous l'égide de l'AIEA, du BIT et de la CIPR, nous avons insisté sur les difficuités présentées par le suivi des travailleurs qui effectuent des chantiers en Europe dans les différents pays limitrophes nucléarisés (ZER 79).

     L'importance du suivi des expositions des personnels des entreprises extérieures, était pour nous illustrée par la fraction importante de la dose collective reçue par ces travailleurs, dans deux maillons du cycle du combustible:
     - le réacteur nucléaire (valeurs moyennes sur 13 réacteurs européens),
     - l'usine de retraitement du combustible (Usine de La Hague).
     Les variations de ces données en fonction du temps, sont représentées sur le tableau n° 1:
Tableau n° 1
Fraction de la dose collcctive reçue par le personnel des "entreprises extérieures" (valeurs exprimées en %)
Installation
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
13 réacteurs européens
47,8
61,4
55,7
44,4
55,3
56,0
-
-
Usine de La Hague
-
-
27,5
40,9
43,4
53,7
54,2
42,0

     En 1984, nous avons montré qu'il y avait, dans le monde, compte tenu des filières de réacteurs ou des pratiques de divers pays possédant des réacteurs LWR, des répartitions différentes pour ce qui concerne la fraction de la dose collective reçue par les personnels extérieurs intervenant sur le site d'une centrale nucléaire (ZER 84):
     - Royaume Uni: 27% de la dose collective sont reçus (1991) par les personnels des entreprises extérieures (23% de 1978 à 1981) 
     - France: 67% (1982) 
     - Japon: 94%

p.17b

2. La situation française aujourd'hui
     De l'ensemble du cycle du combustible, nous n'examinerons ici que deux maillons importants: l'usine de retraitement du combustible (La Hague) et les réacteurs EDF. 
2.1. L'usine UP2 de La Hague
     Le tableau n° 2 fournit les données de la dose collective de l'usine de La Hague ainsi que l'évolution de la fraction de cette dose concernant les personnels des entreprises extérieures. Les effectifs de ces dernières sont, pour une très large majorité, constitués de travailleurs affectés en permanence à l'usine UP2.
     Les valeurs de la dosimétrie des personnels COGEMA et Entreprises Extérieures proviennent de la dosimétrie réglementaire, effectuée au moyen d'un film dosimètre. Compte tenu de l'importance des effectifs moyens (en 1988-89 environ 2600 COGEMA et 2750 Entreprises Extérieures), ces variations, statistiquement fiables, montrent qu'il n'y a pas de différences très significatives du point de vue dosimétrique entre ces deux groupes de travailleurs.
     Il faudra cependant vérifier si la progression observée depuis 1987 jusqu'en 1990 ne se poursuit pas.
Tableau n° 2
Variation de la distribution de la dose collective totale
à l'usine de La Hague - COGEMA
(Sources: rapports annuels du Comité Central d'lIygiène et Sécurité du Groupe CEA)
année
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
Coge-
ma*
3,99
3,83
3,45
3,36
3,23
3,04
4,54
4,39
3,43
3,45
2,82
2,13
1,51
Ent.
Ext.*
2,43
1,86
2,58
3,91
2,80
2,87
2,75
3,72
3,49
3,56
3,41
3,25
2,68
total*
6,42
5,69
6,03
7,27
6,03
5,91
7,29
8,11
6,92
7,01
6,23
5,41
4,19
Ent. Ext.
(%) total
37,9
32,7
42,8
53,8
46,4
48,6
37,7
45,9
50,4
50,8
54,7
60,1
64,0
*Dose collective exprimée en "homme-sievert"
2.2. Le parc électronucléaire d'EDF
     Le tableau n° 3 fournit les données de la dose collective délivrée dans l'ensemble du parc électronucléaire d'EDF ainsi que l'évolution de la fraction de cette dose concernant les travailleurs des entreprises intervenantes.
     Les doses reçues par les agents affectés à l'ensemble des réacteurs du parc (UNGG, REP, RNR) ainsi que celles relatives aux agents "hors centrales" constituent la dose collective des personnels EDF.
Tableau n° 3
Variation de la distribution de la dose collective totale
dans les centrales nucléaires d'EDF
(Sources: rapports annuels du Service de la Production Thermique d'EDF)
Année
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
EDF
*
4,00
7,70
7,30
11,0
15,9
18,7
21,0
21,5
22,5
23,7
23,2
26,4
Ent.
Ext.*
6,00
10,6
11,6
19,8
20,7
35,7
35,1
43,7
67,6
66,8
64,8
77,8
total*
10,0
18,3
18,9
30,8
36,6
65,6
62,6
67,0
75,0
73,8
73,7
74,7
Ent. Ext.
(%) total
60,0
57,9
61,4
64,3
56,6
65,6
62,6
67,0
75,0
73,8
73,7
74,7
*Dose collective exprimée en "homme-sievert". 
     Au cours des dernières années, pratiquement les 3/4 de la dose collective ont été reçus par les personnels d'entreprises extérieures.
     Toutefois, ces données diffèrent significativement de celles relatives à l'usine de La Hague:
     - la dosimétrie des agents EDF est relative aux résultats de la dosimétrie réglementaire assurée par les services d'EDF et transmise au SCPRI,
     - la dosimétrie des intervenants extérieurs est calculée à partir des résultats de la dosimétrie opérationnelle mise en œuvre par l'EDF. Les résultats de la dosimétrie réglementaire ne sont pas accessibles aux services d'EDF. En outre, ils ne pourraient pas être utilement interprétables.
suite:
     En effet, lors d'un "arrêt de tranche" survenant environ tous les 12 mois dans une installation où travaillent de l'ordre de 270 personnes (dont 6 équipes d'une douzaine d'agents en service continu) c'est 700 à 800 personnes qui interviennent pendant environ deux mois (FOR 85) pour réaliser des tâches de durées variables effectuées en horaire normal, en horaire décalé ou en service continu.
     Le tableau n° 4 montre en effet qu'entre 1987 et 1989, la dose collective (EDF + Entreprises Extérieures) attribuable aux seuls arrêts de tranche représente les 3/4, voire même près de 4/5, de la dose collective totale annuelle.
Tableau n° 4
Importance de la dose collective
délivrée durant les arrêts de tranches électronucléaires
de 900 MWe et de 1300 MWe de l'EDF
(Sources: Rapports d'Activité du Service de la Protection Thermique d'EDF) 
Année
Dose collective en homme.sievert
Fraction due à l'arrêt de tranche
 
arrêt de tranche
annuelle
%
1987
61,82
81,10
76,2
1988
60,64
81,21
74,7
1989
77,84
98,99
78,6

3. La gestion des doses
     Si le suivi dosimétrique est simplifié à l'usine de La Hague du fait de l'unicité du traitement de la dosimétrie réglementaire et de la relative stabilité du personnel intervenant, la situation est significativement différente pour le parc électronucléaire d'EDF.
3.1. Evaluations dosimétriques du SCPRI
     Si à l'échelon national il revient au SCPRI d'assurer la dosimétrie réglementaire des entreprises intervenantes sur les sites EDF, il est difficile d'obtenir des résultats, même très globaux, sur celle dosimétrie.
     Le tableau n° 5 a été dressé en utilisant les maigres données publiées par le SCPRI dans ses rapports annuels d'activité.

Tableau n° 5
Evolution de la dosimétrie annuelle des "entreprises extérieures" (1)
(doses exprimées en milligrays) 
(Sources: Rapports d'Activité du Service de la Protection Thermique d'EDF)
Année
Nb de
travailleurs
Dose moyenne
Fraction par tranche de dose en %
 
 
 
0 à 5
5 à 10
10 à 15
15 à 50
> à 50
1976
2182
1,7
95,1
2,5
1,4
0,8
0,17
1977
2399
2,4
95,7
2,4
1,2
0,6
0,1
1978
2790
1,4
96,0
2,4
1,0
0,5
0,1
1979
3247
1,3
95,9
2,3
1,1
0,6
0,1
1980
4596
0,9
95,8
2,0
1,3
0,8
0,1
1981
5713
2,1
92,8
2,3
1,5
3,3
0,1
1982
6397
(2)
86,6
6,2
3,0
4,1
<0,1
1983
6977
-
84,2
6,7
3,8
5,2
<0,1
1984
7330
-
84,9
5,7
3,5
5,8
<0,1
1985
7928
-
85,0
6,7
3,1
5,2
<0,1
1986
(3)
-
 
 
 
 
 
(1) le SCPRI fournit des données statistiques pour 4 types d'activités: médecine, industrie, recherche, divers. Ce service précise que la rubrique "industrie" regroupe essentiellement les opérateurs de gammagraphie et les agents intervenant dans les centrales nucléaires.
(2) Depuis 1982, le SCPRI ne publie plus les doses moyennes dans ses rapports d'activité...
(3) Depuis 1986, le SCPRI ne public plus de rapport d'activité...
p.18

     Ces données indiquent, pour les années 1984-85, qu'environ 420 personnes ont reçu une dose annuelle supérieure à 15 milligrays (1,5 rad/a).
     Or, une estimation récente (LEF 90), effectuée par enquête auprès des entreprises extérieures et portant sur le quart environ de la dose collective recensée par l'EDF en 1988, montre que:
     - 45% de l'effectif exposé a reçu une dose supérieure à 15 millisieverts, et
     - 27%, une dose supérieure à 20 millisieverts.
     Ces pourcentages représenteraient respectivement environ 2.500 et 1.500 travailleurs.
     L'écart observé entre les données de cette enquête et celles fournies par le SCPRI est considérable, car les populations des travailleurs exposés à plus de 15 mSv diffèrent dans un rapport pratiquement égal à 6.
     En outre, les valeurs de la dose collective "Entreprises Extérieures" (mesurée par EDF au moyen de la dosimétrie opérationnelle) de 1984-85 et celle de 1988 (voir tableau n° 3), qui sont dans un rapport 1,65, ne peuvent expliquer cette importante différence. 
3.2. Comparaison des données dosimétriques du SCPRI et de l'EDF
     Nous pouvons, pour les années où le SCPRI a fourni des doses moyennes (1976-1981), vérifier la cohérence entre les doses collectives déduites des données SCPRI et celles obtenues par EDF.
     A cet effet, nous allons comparer la dose collective de travailleurs de l'industrie à celle des salariés d'entreprises qui interviennent dans le parc des réacteurs EDF:
Tableau n° 6
Comparaison des données SCPRI et EDF
relatives à la dose collective des "entreprises extérieures"
 
Données SCPRI
Données EDF
 
Année
Nb. travailleurs
(1)
Dose moyenné
(millisievert)
Dose collective
(h.sievert)
Dose collective
(h.sievert)
Rapport EDF
SCPRI
1976
2182
1,7
3,71
4,9 (2)
1,32
1977
2399
2,4
5,76
5,0
0,87
1978
2790
1,4
3,92
6,1
1,56
1979
3247
1,3
4,22
10,6
2,51
1980
4596
0,9
4,14
11,6
2,80
1981 5713 2,1 12,0 19,8 1,65
(1) Ces données qui prennent en compte les entreprises intervenantes dans le parc EDF et les manipulateurs de gammagraphie devraient conduire à une valeur supérieure à celle obtenue par EDF.
(2) Dose relative à la seule centrale de Chooz.

     Excepté pour l'année 1977, on observe une sous-évaluation importante des doses reçues par les entreprises intervenantes. La valeur moyenne, sur 6 ans, est égale à 1,72.
     Compte tenu de ce résultat, il est utile de poser quelques questions:
     - Est-ce que les doses déduites de la dosimétrie opérationnelle réalisée par EDF sont évaluées par excès?
     - Est-ce que les intervenants qui sont dotés par EDF d'un dosimètre électronique ne portent pas de film dosimètre réglementaire?
     - Ou plus généralement, est-ce que les divers types de fraude dont nous avons eu connaissance par certains témoignages sont suffisammem répandus pour affecter la dose collective enregistrée par le SCPRI?
     Avant de tenter de répondre à ces questions, nous pouvons regretter que le SCPRI ne publie pas:
     - de données plus complètes sur la dosimétrie individuelle et notamment la dose moyenne des travailleurs exposés dans l'industrie. et ceci depuis 1982;
     - de rapport d'activité annuel, depuis 1986, seul document où l'on pouvait avoir quelques données sur le nombre de travailleurs exposés et la répartition des doses.

4. Evaluation des écarts  entre la dosimétrie réglementaire et la dosimétrie opérationnelle
     L'EDF effectue elle-même la dosimétrie officielle de son personnel au moyen de films dosimètres, conformément à l'arrêté du 19 avril 1968. Le SCPRI procède chaque année à des contrôles qui consistent à fournir des dosimètres SCPRI qui sont portés en même temps que les dosimètres EDF.

suite:
     Comme l'agrément, qui est délivré au cas par cas à ceux des employeurs qui ont les moyens d'assurer eux-mêmes la dosimétrie individuelle, peut être retiré par le SCPRI, on peut supposer que jusqu'alors les mesures effectuées par EDF répondent aux critères de qualité imposés.
     En outre, nous pouvons également analyser les données fournies par l'annexe "sécurité et radioprotection" des rapports annuels d'activité du Service de la Production Thermique d'EDF.
     Dans ces documents, nous trouvons, pour les années 1987 à 1989, des valeurs de la dose collective évaluée pour toutes les centrales au moyen de la dosimétrie "réglementaire" ou des relevés journaliers des dosimètres d'intervention. L'écart entre ces deux valeurs rapporté à celle de la dosimétrie officielle, nous indique les variations moyennes:
Tableau n° 7
Dose collective annelle des agents EDF affectés dans les centrales
Ecart entre la dosimétrie "officielle" et la dosimétrie "opératioonelle"
(doses exprimées en homme-rem)
Année
1989
1988
1987
Dose collective
"dosimétrie film"
2265,6
2104,6
2139
Dose collective
"dosimétrie opérationnelle"
2143
1932
2021
Ecart par rapport au film (%)
-5,4
-8,2
-5,5

     Ces résultats montrent que la dosimétrie "opérationnelle" sous-évalue légèrement la dose collective obtenue au moyen de films dosimètres (-6,4% en moyenne sur 3 ans). 
     En supposant que la qualité des mesures effectuées de 1976 à 1981 n'était pas significativement différente de ce qu'elle était de 1987 à 1989, on peut dire que les données du SCPRI sous-évaluent la dose collective annuelle des personnels d'Entreprises Extérieures qui interviennent dans le parc des centrales EDF.
     Il est cependant impossible, sans enquêtes approfondies, d'expliciter les raisons de cette sous-évaluation relativement importante (facteur 1,72 en moyenne de 1976 à 1981).
5. Constat et propositions
     L'analyse des données dosimétriques actuellement disponibles montre que:
     - le SCPRI sous-évalue la dose collective reçue par les Entreprises Extérieures. Pour les années 1976 à 1981, nous chiffrons par un facteur 1,72 cette sous-évaluation.
     - la population des salariés d'entreprises qui interviennent dans les centrales du parc électronucléaire de l'EDF et reçoivent des doses annuelles supérieures à 15 millisieverts est sous-estimée par le SCPRI dans un rapport supérieur à 5.
    Ce constat plaide en faveur d'un réexamen des modalités de recueil des données de la dosimétrie réglementaire.
     L'attribution, à l'échelon national, d'un numéro dosimétrique individuel, associée à un fichier centralisé de la dosimétrie officielle dont l'accès serait réglementé, permettrait de réduire les disparités actuelles. Il sera nécessaire également que les entreprises (EDF, COGEMA, etc.) qui font appel à des sociétés intervenantes, aient la responsabilité de vérifier, outre le port du film, l'identification du dosimètre.


Bibliographie
(CFD 75) - Syndicat CFDT de l'Energic Atomique. '"L'électronucléaire en France", Editions "Le Seuil", Collection "Points Sciences" (1975). 
CFD 80) - Syndicat CFDT de l'Energie Atomique. "Le dossier électronucléaire", Editions "Lc Seuil", Collection "Points Scicnces" (1980). 
(FOR 85) - Forest Henri, "Travailler en Centrale Nucléaire" dans "Les Risques du Travail", Editions "La Découverte", Paris, 1985. 
(LEF 90) - Lefaure C. et Lochard J., "La dosimétrie des travailleurs des entreprises extérieures dans les centrales nucléaires" dans "Risque et Prévention", Bulletin du CEPN, n° 9 (novembre 1990). 
(ZER 79) - Zerbib Jean-Claude, "Les recommandations de la CIPR et les travailleurs" in "Application of the dose limitation system for radiation protection", Congrès AIEA - CIPR- BIT - Vienne (mars 1979). 
(ZER 84) - Zcrbib Jean-Claude, "Performances dosimétriques de différents parcs de réacteurs à eau légère", Symposium sur la "Pratique de la radioprotection sur le lieu de travail" organisé par la CCE Luxembourg - 26 et 27 novembre 1984.
p.19

Trois personnes exposées accidentellement dans une installation industrielle
équipée d'un accélérateur d'électrons
     L'appareil est un accélérateur électrostatique d'électrons de type Van de Graaff, de marque "Samson". Il est fabriqué aux USA (Massachusetts) par la société "Hight Voltage".
     Cet appareil a été installé par la société française Vivirad (Strasbourg) à Forbach pour le compte de la société Ionest.
     La société Ionest, créée en janvier 1989, avait pour objectif la stérilisation par irradiation au moyen d'un faisceau d'électrons (d'énergie comprise entre 1,6 et 2,5 millions d'électronvolts-MeV) de produits  pharmaceutiques et de matériaux chirurgicaux.
     Cette société, après diverses difficultés*, est reprise par une nouvelle société dénommée "Electron Beam Service" (EBS).
     La nouvelle société vise un autre marché: le traitement, par ionisation, de copeaux de téflon en provenance de Hollande: le téflon irradié à très fortes doses (dizaines de mégarads) devient cassant, ce qui permet de le broyer très finement. La poudre "micronisée" ainsi obtenue constitue la matière de bombes d'aérosols utilisés comme agent de démoulage.

Le traitement des copeaux de téflon
     Des bacs remplis de copeaux de téflon sont disposés sur un convoyeur qui les véhicule au moyen d'une bande transporteuse horizontale.
     Les bacs sont irradiés en passant sous le faisceau vertical d'électrons qui est animé d'un mouvement de va-et-vient, afin de balayer toute la largeur du bac de copeaux.
     Les débit de dose délivrés par ce type d'appareil se mesurent en millions de rads par seconde.
     Le parcours des électrons, de 2 Me V environ, dans un milieu de densité proche de 1 comme l'eau, le téflon ou les tissus humains, est de l'ordre de 1 cm.
     Le téflon (C2F4) qui est un tétrafluoroéthylène, se décompose partiellement sous irradiation en libérant notamment un gaz - le fluor - qui, au contact de l'eau (présente dans l'air, les poumons ou en surface de la peau), donne un acide puissant l'acide fluorhydrique - qui peut occasionner des brûlures graves (brûlures pulmonaires notamment, pour lesquelles on ne dispose pas de traitement médical).

Le déroulement probable des faits
     Compte tenu des diverses informations parues dans la presse et obtenues à d'autres sources, un scénario possible des événements peut être décrit.
     En juillet 1991, un bac de copeaux de téflon s'était bloqué sous le "cornet" dans lequclle faisceau d'électrons effectue son va-et-vient. L'énergie délivrée a enflammé les copeaux et une pièce de l'irradiateur a été endommagée. Il a fallu l'importer des Etats-Unis, ce qui a occasionné un retard de production.

suite:
     L'origine de ce blocage est probablement imputable à l'installation d'un convoyeur "banal", non adapté aux contraintes qui sont celles d'une installation délivrant de très forts débits de dose et qui proscrivent formellement l'emploi de certains matériaux (plastiques notamment, mais aussi huiles, graisses) dont les propriétés se dégradent rapidement sous l'effet des rayonnements.
     Il est possible qu'en août - aux environs du 12 - un bac se soit à nouveau bloqué. Pour intevenir rapidement, afin d'éviter le risque d'incendie, seule la source d'électrons a été coupée et, munies d'un masque pour protéger les poumons contre les vapeurs de fluor, les trois personnes présentes dans l'installation ont pénétré dans la salle en passant au-dessus du convoyeur.
     Dans ces conditions (coupure de la source d'électrons mais maintien de la tension accélératrice), le débit de dose peut être très significativement réduit, mais pas totalement annulé. Il subsiste en effet, à température ambiante, une émission d'électrons qui seront accélérés si le dispositif d'accélération est maintenu en fonctionnement. Dans ces conditions, même si la réduction du nombre d'électrons émis par la source mise à l'arrêt atteint un facteur 10.000, le faisceau délivre encore plusieurs centaines de rads par seconde.

Les conséquences
     En cas d'irradiation par les électrons du faisceau direct de tout ou partie de l'organisme, les dommages occasionnés dépasseront très largement la couche basale de l'épiderme, qui se trouve en moyenne à 7/100 de millimètre de la face externe de la peau, compte tenu du parcours des particules égal à 1 cm.
     La dose requise pour la chute des cheveux est de l'ordre de 400 rads environ, délivrés au niveau de la racine (3 à 5 mm de profondeur). La brûlure au 2ème degré est atteinte entre 1.600 et 1.800 rads en exposition unique. La nécrose des tissus survient vers 2.000 à 2.500 rads.
     Dans le cadre de l'hypothèse précédente, une exposition de quelques secondes suffit donc pour obtenir ces effets.
     Malgré une certaine imprécision, les dommages ainsi occasionnés et les délais de leurs apparitions permettent une "dosimétrie biologique".
     Les brûlures se manifestent généralement au bout de 2 à 3 semaines. Une apparition plus précoce témoigne d'une dose plus importante que la "dose seuil" à partir de laquelle le dommage se manifeste habituellement. La restauration s'effectue dans un délai de 3 à 6 mois avec des séquelles de gravité variable.
     Les ulcérations superficielles relèvent d'un traitement médical. Les ulcérations profondes et les nécroses relèvent d'une intervention et d'un traitement chirurgical que l'on ne peut exclure pour la personne qui a été la plus exposée.

p.20

     Dans le cas de Forbach, il est possible que les brûlures chimiques dues à l'acide fluorhydrique se soient combinées à l'irradiation du faisceau direct, du faisceau diffusé et du rayonnement de freinage.
     L'analyse du taux d'aberrations chromosomiques effectuée sur un prélèvement de sang pourra donner une valeur de la dose moyenne reçue par le corps entier, en profondeur.
     Parmi les points à éclaircir, il faut noter la non cohérence entre les doses lues sur les films dosimètres - dont les valeurs n'excèdent pas 100 rads - et les effets observés sur l'organisme qui n'apparaissent que pour des doses dix à vingt fois supérieures. 
     Seule une reconstitution, menée au moyen de "fantômes" (mannequins articulés constitués de squelette humain entouré de matière plastique équivalente aux tissus humains) permettra de déterminer la variation de la dose en profondeur et, compte tenu du témoignage des accidentés, d'évaluer les fourchettes de dose les plus probables délivrées à divers tissus ou organes (cristallin de l'œil, thyroïde, poumon, moelle rouge, ele.).
La dose en profondeur
     Comme nous l'avons signalé, le parcours des électrons d'environ 2 MeV étant de l'ordre de 1 centimètre dans les tissus, les dommages occasionnés aux parties de l'organisme touchées par le faisceau direct, peuvent concerner des zones se trouvant entre la surface externe du corps et 1 cm de profondeur.
     Par ailleurs, les électrons, en s'arrêtant dans la matière, produisent - avec un rendement qui se mesure en "pour mille" des photons g dont l'énergie varie entre zéro et l'énergie maximale des électrons. C'est pour allénuer ce type de rayonnement relativement pénétrant que l'accélérateur est placé dans une casemate en béton dont les murs ont 1,8 m d'épaisseur.
     Après arrêt de la source, la réduction du débit de dose des électrons conduit certes à une diminution proportionnelle du débit de dose dû aux photons, mais il est nécessaire de connaître le débit photonique résiduel en divers points de la casemate. Seule, une reconstitution pourra fournir des données, même imprécises, sur la dose délivrée aux organes des trois intervenants et sa distribution.
Aspects réglementaires
     Les exploitants de ce type d'installation sont principalement concernés par le décret du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants.
     Il est certain, compte tenu des informations dont nous disposons (mais dont certaines devront être validées) que plusieurs dispositions importantes prévues par ce texte n'ont pas été respectées par la Société EBS. Il s'agit notamment des dispositions suivantes:
     - la déclaration à l'Inspecteur du Travail de ce générateur électrique de rayonnements ionisants (art. 15) qui la transmet au Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI)  avec les informations qui l'accompagnent.
     - la désignation par l'employeur d'une personne compétente, laquelle doit avoir préalablement suivi avec succès une formation à la radioprotection (art. 17).
     L'avocat de la Société EBS a confirmé qu'il n'avait pas été désigné de "personne compétente".
     Ceci est un point clé. En effet, c'est à celle personne qu'il revient, entre autres:
     * de procéder à l'analyse périodique des postes de travail exposés,
     * de veiller au respect des mesures de protection contre les rayonnements ionisants,
suite:
     * de recenser les situations ou les modes de travail susceptibles de conduire à des expositions exceptionnelles ou accidentelles des travailleurs,
     * de participer à la formation à la sécurité des travailleurs exposés.
     - l'employeur est tenu d'organiser la formation à la radioprotection des travailleurs exposés et doit remettre une notice écrite à tout travailleur affecté ou appelé à pénétrer occasionnellement dans la zone contrôlée (art. 19). Celle notice doit l'informer:
     * des dangers présentés par l'exposition aux rayonnements ionisants et ceux présentés par son poste de travail,
     * des moyens mis en œuvre pour s'en prémunir,
     * des méthodes de travail offrant les meilleures garanties de sécurité,
     - le contrôle avant la première mise en service de l'accélérateur (art. 29)
     - les signalisations appropriées (prévues par l'article 24) destinées à informer les travailleurs des risques d'irradiation lorsque la machine fonctionne, sont rédigées en langue anglaise (d'après les photographies publiées par "Le Républicain Lorrain": "Irradiation Area when Flashing").
     - les travailleurs affectés auprès de l'accélérateur ont bien reçu un dosimètre individuel (comme le prévoit l'article 34) mais n'ont, semble-t-il, pas eu la "fiche d'aptitude", délivrée par le Médecin du Travail (art. 36), qui est nécessaire pour être affecté à des travaux les exposant aux rayonnements ionisants. L'examen médical réglementaire, effectué le 20 août 1991, aurait alors été postérieur à l'accident.
     En outre, compte tenu du fait que les rayonnements ionisants produits par l'accélérateur d'électrons sont susceptibles d'induire des maladies professionnelles (qui figurent au Tableau N° 6), l'employeur devait, conformément aux dispositions du Code de la Sécurité Sociale (art. L. 461-4), en faire la déclaration à la Caisse d'Assurance Maladie - CPAM - et à l'Inspecteur du Travail.
     Celle déclaration doit être faite avant le commencement des travaux (art. R 461-4).
     Le fait que de tels manquements graves à la législation existante puissent se produire, montre la nécessité de mettre en place des dispositions complémentaires.
     Outre la déclaration que le détenteur d'un générateur électrique de rayonnements ionisants doit faire à l'Inspecteur du Travail (art. 15), il serait utile de prévoir, par exemple, que ceux qui vendent ou cèdent (à titre gratuit ou onéreux) un appareil neuf ou usagé fassent également une déclaration séparée à l'Inspecteur du Travail.
     Il serait également souhaitable de prévoir des dispositions particulières, pour ceux des appareils et leurs installations qui constituent des ensembles à "hauts risques" (même potentiels).
     Par exemple, on pourrait, dans le décret du 2 octobre 1986, prévoir des dispositions particulières aux générateurs électriques de rayonnements utilisés en tant qu'irradiateurs industriels. Elles viendraient s'ajouter aux dispositions particulières prévues pour d'autres sources de rayonnements (comme les générateurs de rayonnements X, les sources scellées ou les sources non scellées).
     On pourrait, de surcroît, traiter de manière plus spécifique ces irradiateurs dans l'arrêté du 1 er juin 1990 définissant les méthodes de contrôle.
* Ouverture, en avril 1991, d'une procédure de redressement judiciaire par le Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines.
p.21

LA REMISE EN SERVICE DE L'ACCÉLÉRATEUR DE FORBACH
     En août 1991, 3 intérimaires ont été gravement irradiés à Forbach. Or, malgré les réserves du SCPRI, la Chambre civile d'appel de Metz a autorisé la remise en route de l'accélérateur le 19 décembre. La raison essentielle est que "le maintien de l'interdiction causerait la mort certaine de cette entreprise" . Comme le souligne Claude Birraux, auteur d'un rapport sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires au sein de l'office parlementaire: "l'affaire ERS est significative d'un dysfonctionnement de notre système de contrôle radioactif ".
     Ou bien le SCPRI est habilité à vérifier et à arrêter une installation.
     Ou bien il n'a pas plus de pouvoirs qu'une société d'experts, L'APAVE en l'occurrence. Et ce sont donc les juges qui, en leur âme et conscience décident si oui ou non une installation est dangereuse.
     Or si on peut et doit admettre des expertises diverses, si on peut admettre des laboratoires différents, il faut un organisme qui fasse la synthèse, sous surveillance d'une commission.
     Les juges ne peuvent pas donner un avis technique, ils ne peuvent que vérifier que la loi est suivie. Mais on peut avoir rempli un dossier et ne pas respecter les principes de sûreté. Dans ce cas précis les manquements à la loi sont tels qu'il est inadmissible de donner raison à l'industrie sous prétexte de chômage! Quand apprendra-t-on que c'est inadmissible de placer des travailleurs dans la situation où ils n'ont aucun choix juste celui de vendre leur vie.
     La proposition de C. Birraux est d'avoir une Direction de la Radioprotection avec comme support technique le SCPRI, du même type que la Direction de la Sûreté Nucléaire ayant l'IPSN comme support. Compte tenu des manquements de cette société et des manquements de l'administration, il est plus que temps de ne pas se satisfaire de ce redémarrage et d'exiger une refonte de la législation. Quant aux tribunaux force est de constater que le droit administratif a encore frappé: il est toujours du côté du manche. Etre gravement irradié et brûlé relève de la faute des intérimaires et d'eux seulement. Bravo!
p.22a

La quasi-totalité des cancers professionnels n'est pas reconnue par la Sécurité Sociale

en cours...

     "Ces dernières années, surtout aux Etats-Unis, de nombreuses études ont essayer d'estimer la part des cancers professionnels dans l'incidence des cancers chez l'homme. Les estimations les plus raisonnables attribuent actuellement 4 à 8% environ des cancers à une exposition professionnelle. 
     Sur la base de celte proportion, le nombre de cancers professionnels en France pourrait être estimé entre 7.000 et 14.000 nouveaux cas chaque année. Or, seuls une centaine de cancers sont déclarés par an au titre de la déclaration des maladies professionnelles (informaùon insuffisante du corps médical sur le risque de cancer professionnel mais aussi difficulté à établir une relation de cause à effet entre une exposition et une pathologie du fait d'une période de latence souvent très longue)".
Extrait de "La lutte contre le cancer en France",
rapport élaboré par la Commission Nationale des Cancers
sous la direction du Professeur Yves Caehins,
nov. 1985, page 60.
     Depuis la publication de ce rapport la situation n'a guère changé. En 1989, 128 cancers professionnels ont été recensés par la Sécurité Sociale. 
Citons quelques extraits du code de la Sécurité Sociale (J.O. du 21 décembre 1985):
TITRE VI
Dispositions concernant les maladies professionnelles
Article L. 461-2
     Des tableaux annexés aux décrets en Conseil d'Etat énumèrent les manifestations morbides d'intoxications aiguës ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d'une façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par les dits tableaux, qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents.
suite:
Ces manifestations morbides sont présumées d'origine professionnelles.
NOTA: pour les autres affections provoquées par les rayonnement ionisants, il s'agit du tableau n° 6.

Article L. 461-6

     En vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie profcssionnelle et de l'extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, losqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établic par arrêté ministériel, après avis du conseil supéricur de la prévention des risques professionnels.
     Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. 
Combien parmi les médecins traitants ou les médecins du travail respectent celte obligation qui leur est faite par le Code de la Sécurité Sociale? Le non-respect de celte obligation contribue certainement pour une part non négligeable dans la carence des reconnaissances des cancers professionnels.
p.22b

Retour vers la G@zette N°115/116