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N°161/162
PRESENTATION A LA CONFERENCE DES PRESIDENTS DE COMMISSIONS LOCALES D'INFORMATION
PREMIERS ÉLÉMENTS
SUR LES "COÛTS DE RÉFÉRENCE " DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ
Ministère de l'industrie de la poste et des télécommunications
Direction générale de l'énergie et des matières premières
Direction du gaz, de l'électricité et du charbon
14 Avril 1997

I - L'étude "coût de référence

L'industrie chimique dispose d'une gamme de moyens de production, présentant chacun des caractéristiques technico-économiques propres et utilisant différentes énergie primaires : uranium, charbon, gaz, fioul, énergies renouvelables…L'étude des "coûts de référence", régulièrement entreprise par le Ministère de l'industrie, est destinée à comparer la compétitivité de ces équipements pour différentes conditions d'utilisation:

- fonctionnement en base (pendant presque toute l'année),

- fonctionnement en semi-base (pendant plusieurs milliers d'heures par an),

- fonctionnement en pointe (pendant quelques centaines d'heures par an).

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     Dans un contexte où les moyens de production existants sont largement suffisants pour répondre à la demande, et où des décisions d'investissements ne sont pas nécessaires à court terme, l'étude vise tout d'abord à donner un éclairage sur les évolutions techniques et économiques des différentes filières de production d'électricité, afin de préparer les choix futurs.
     Une telle étude a en outre des conséquences immédiates sur un certains nombres d'actions publiques. Il s'agit par exemple du récent lancement des programmes d'action en faveur de la cogénération ou de l'éolien. Il s'agit aussi de la réforme des tarifs de l'électricité, dans la mesure où les tarifs sont fondés sur les "coûts marginaux de développement" (c'est-à-dire sur les coûts d'investissement et d'exploitation liés à une consommation supplémentaire d'électricité); la baisse des tarifs d'hiver, qui est entreprise dès avril 1997, constitue par exemple une conséquence des possibilités nouvelles qu'offrent les "cycles combinés au gaz" fonctionnant en semi-base .
      La mise à jour de l'étude sur les "coûts de référence" va être terminée en mai 1997, avec le concours d'un groupe de travail associant les principaux opérateurs du secteur énergétique.
     Le Ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications a souhaité que la réunion des Présidents de CLI du 17 avril soit l'occasion de fournir des premiers éléments d'information sur cette étude.

II - Les résultats
     L'évaluation des coûts de production de l'électricité nécessite de faire des prévisions à très long terme. L'étude "coûts de référence" retient ainsi un éventail de scénarios de prix des énergies primaires, et deux hypothèses de change du dollar (5F et 6,50F).
     De même, les calculs sont effectués avec deux "taux d'actualisation" :
     - un taux de 8% (préconisé par le Commissariat général du plan),
     - un taux de 5% (qui se rapproche des "taux d'intérêt réels" actuels).
     Le tableau ci-dessous compare le coût de production en base des différents équipements. Compte tenu des différents scénarios examinés, les résultats sont exprimés sous la forme de fourchettes. Le tableau (ci-dessous) met par ailleurs en évidence les évolutions observées depuis la précédente étude des "coûts de référence".

    · Toutes les filières de production sont dans une dynamique de progrès
     D'une manière générale, l'étude "coûts de référence" montre que toutes les filières de production d'électricité dont dans une dynamique de progrès : amélioration de la disponibilité du nucléaire, baisse du coût d'investissement et amélioration du rendement des moyens thermiques classiques…

Il en résulte une baisse significative des coûts de production par rapport aux évaluations faites en 1993.
     · Le nucléaire reste aujourd'hui le moyen le plus compétitif pour la production d'électricité en base

suite:
     L'étude "coûts de référence" montre que le nucléaire demeure compétitif pour une production en base, dans la très grande majorité des hypothèses envisageables, le coût du nucléaire étant par ailleurs très stable dans tous les scénarios. Toutefois, cet avantage s'est atténué depuis l'étude menée en 1993.
     Pour l'avenir, des progrès sont attendus du futur réacteur EPR. A ce stade, il est prématuré d'établir de véritable "coûts de référence" de l'EPR, certains choix techniques n'étant pas définitivement arrêtés. Les premières évaluations montrent cependant que le réacteur EPR pourrait apporter un gain significatif sur la coût de production en base par rapport au palier N4 actuel, grâce à une disponibilité améliorée, à de meilleures performances du coeur et à une durée de vie allongée à 40 ans.
     · L'intérêt économique du nucléaire repose en particulier sur la possibilité d'engager un nombre suffisant de tranches.
     La compétitivité de la filière nucléaire dépend de la capacité à mettre en oeuvre un programme comportant un nombre suffisant de tranches, avec une cadence d'engagement régulière. L'écart de coût entre un programme de 10 tranches et une programme réduit à 4 tranches a ainsi été estimé entre 1,5 et 2 c/kWh. Ce phénomène illustre l'importance de la programmation à long terme des investissements de production, défendue par la France auprès de ses partenaires européens dans le cadre des discussions communautaires sur le "marché intérieur de l'électricité". L'effet "programme" devrait pouvoir être mis à profit lors du renouvellement du parc nucléaire actuel, compte tenu des capacités très importantes qu'il sera nécessaire de mettre en oeuvre.
      ·Les progrès des cycles combinés au gaz se confirment
     Les progrès obtenus notamment sur le coût et les performances des turbines à gaz fonctionnant en cycle combiné ont pour effet que le nucléaire pourrait être concurrencé par les cycles combinés au gaz si le prix du gaz et le cours du dollar se maintenaient à un niveau durablement bas sur le long terme. Des progrès supplémentaires sont par ailleurs attendus sur les cycles combinés à l'horizon 2005, avec une baisse probable du coût d'investissement et une amélioration des rendements.
     Il convient toutefois de souligner que si le coût du nucléaire est très stable dans tous les scénarios considérés, le coût de production du cycle combiné est particulièrement sensible à l'hypothèse retenue sur le prix du gaz et sur le cours du dollar. A ce titre d'illustration, une variation du prix du gaz de 0,1 USD/MBtu a un impact d'environ 0,5 c/kWh sur la coût de production en base du cycle combiné. Le nucléaire constitue ainsi une assurance précieuse contre les incertitudes sur les évolutions des changes et des prix des combustibles fossiles.
     · Le cycle combiné au gaz domine la semi-base, avec une plage de compétitivité variant largement selon les scénarios d'évolution du prix du gaz.
     Le cycle combiné au gaz ressort clairement comme le moyen de production le plus compétitif en semi-base, c'est-à-dire pour des durées d'utilisation moyennes. Selon les hypothèses retenues sur le prix du gaz, le cycle combiné devient compétitif à partir d'une durée d'appel comprise entre 1 600 heures et 2 600 heures par an; il reste compétitif jusqu'à une durée d'appel qui en fonction de scénarios extrêmes, peut varier entre 3 700 heures et 8 760 heures.
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     Le renforcement de la position du cycle combiné au gaz sur la semi-base se fait notamment au détriment des filières au charbon. Le domaine de compétitivité des filières au charbon apparaît aujourd'hui restreint, du fait de la baisse des coûts de production des cycles combinés au gaz, mais aussi de l'amélioration des performances du nucléaire. Toutefois, la technique du lit fluidisé circulant pourrait demeurer un choix intéressant en semi-base dans un scénario de tension sur le prix du gaz , et conserve un intérêt en termes de diversification du parc de production; à moyen terme, l'augmentation de la puissance unitaire des chaudières à lit fluidisé circulant pourrait d'ailleurs conduire à des gains sur le coût de production.
     On notera qu'en dessous des durées de fonctionnement justifiant l'appel aux cycles combinés au gaz (c'est-à-dire pour des durées d'appel inférieures à 1 600 ou 2 600 heures par an selon les scénarios), les moyens de production les plus compétitifs sont les turbines à combustion au gaz ou bien, pour la pointe proprement dite, au fioul domestique.
     · La production décentralisée d'électricité constitue une diversification intéressante du parc de production .
     L'étude des "coûts de référence" s'intéresse également aux moyens de production décentralisés que sont la cogénération et les aérogénérateurs. Par opposition aux équipements centralisés, il s'agit d'installations de puissance plus modeste, situés près des lieux de consommation, et permettant ainsi d'économiser des coûts de développement et d'exploitation des réseaux électriques.
     La cogénération, c'est-à-dire la production combinée d'électricité et de chaleur valorisée, apparaît comme une solution alternative économiquement intéressante, pourvu bien entendu qu'existent des besoins de chaleur à proximité. Sur un plan, strictement économique, les turbines à vapeur à contre-pression (par exemple au charbon) présentent une excellente compétitivité par rapport aux moyens de production centralisés pour un fonctionnement en base, mais leur développement est limité par le nombre de sites capables d'absorber les volumes de vapeur particulièrement importants produits par cette technique. Les turbines à gaz fonctionnant en cogénération sont également compétitives en base et en semi-base à partir d'une certaine taille (40 MW). En revanche, les installations de cogénération de plus petite taille (turbines à combustion de moins de 10 MW, moteurs à gaz) présentent des coûts de production intrinsèques plus élevés que les équipements centralisés; ces installations conservent toutefois un intérêt dans la mesure où elles permettent d'économiser des coûts de transport et de distribution de l'électricité.
     L'énergie éolienne, pour sa part, reste plus onéreuse que les équipements centralisés, mais l'étude "coûts de référence" confirme qu'elle devrait se rapprocher de la compétitivité à l'horizon 2005, compte tenu des progrès attendus sur les machines.
     · Enfin, la comparaison économique ne doit pas occulter les "externalités" des différentes filières : impact sur l'environnement, sécurité d'approvisionnement, indépendance énergétique, balance commerciale…
     L'étude "coût de référence" fournit des éléments d'ordre purement économique, mais ne prend pas en compte l'ensemble des coûts sociaux et environnementaux qui, bien que difficilement quantifiables, sont particulièrement importants.
     Au-delà de son intérêt économique pour la production d'électricité en base, le nucléaire présente un intérêt majeur en termes de réduction des émissions de polluants atmosphériques et de lutte contre l'effet de serre.
suite:
     Le nucléaire présente également des avantages par rapport aux moyens de production thermiques classiques en matière de sécurité d'approvisionnement et d'indépendance énergétique. Comme l'attestent les résultats de l'étude "coûts de référence", il offre une assurance précieuse contre les évolutions des prix des combustibles fossiles et contre le risque de change, et constitue donc un facteur de stabilité des coûts.
     Il permet enfin de localiser en France l'essentiel de la valeur ajoutée de la filière énergétique, et constitue un domaine où la France a acquis un savoir-faire industriel de premier plan, avec des retombées à l'exportation.

III - Quelles conséquences tirer de l'étude "coûts de référence" ?
     · Les évolutions constatées sur les coûts de production jusifient des adaptations de la structure des tarifs de l'électricité, qui seront mises en oeuvre à partir d'avril 1997.
     La structure des tarifs de l'électricité est élaborée à partir des "coûts marginaux de développement" des moyens de production et des réseaux électriques, afin d'orienter correctement les choix des consommateurs à travers un signal tarifaire reflétant les coûts occasionnés par une consommation supplémentaire.
     Les évolutions constatées sur le coût des modes de production justifient aujourd'hui une adaptation de la structure tarifaire. Il s'agit pour l'essentiel de prendre en compte les progrès constatés sur les moyens de production en semi-base (cycles combinés au gaz) et en pointe (turbines à combustion). Cette mise à jour conduit à une baisse relative des prix d'hiver par rapport au prix d'été. A cette réforme de la structure tarifaire se superposera une diminution importante du niveau moyen des tarifs de l'électricité au cours des prochaines années.
     La réforme de la structure tarifaire horo-saisonnière sera menée à bien dans le cadre du "contrat d'entreprise" qui a été signé entre l'État et EDF le 8 avril 1997. Elle sera largement entamée dès avril 1997 : pour les tarifs à usages industriels par exemple, l'écart de prix entre les périodes les plus chères et les moins chères sera réduit d'environ 30%; près de la moitié des ajustements nécessaires se trouvera alors effectuée.
     ·L'équilibre actuel entre l'offre et la demande d'électricité ne nécessite pas de décision d'investissement à court ou à moyen terme.
     A court et moyen termes, notre parc de production est suffisant pour faire face à la croissance de la demande d'électricité, compte tenu de la bonne disponibilité du parc nucléaire et de la faible croissance de la consommation. Des décisions d'investissement ne sont donc pas nécessaires.
     · A long terme, le renouvellement du parc de production constitue une échéance majeure, à laquelle il convient de se préparer dès maintenant.
     Les évolutions rapides mises en évidence par l'étude " coûts de référence" montrent qu'il serait illusoire de vouloir prédire dès maintenant quelle sera la compétitivité relative des différents équipements à l'horizon de renouvellement du parc nucléaire.
     Il est toutefois probable que le poids relatif du nucléaire dans le bilan de production national sera à terme moins important qu'aujourd'hui, et que l'on assistera à une certaine diversification du parc de production, compte tenu du resserrement de la compétitivité des filières et de l'intérêt indéniable des cycles combinés au gaz pour un fonctionnement en semi-base.  


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     Aujourd'hui, il importe avant tout de se préparer à aborder l'échéance du renouvellement du parc dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire notamment en laissant toutes les options ouvertes : nucléaire, cycle combiné, et charbon.`
     En ce qui concerne le nucléaire, la préparation de l'avenir passe par la poursuite de la coopération franco-allemande engagée en 1992 sur le réacteur du futur ("EPR"). Les études d'avant-projet détaillé" du réacteur EPR ont débuté en 1995, et leur achèvement est prévu à la fin de 1997. Une évaluation précise du coût et des performances de l'EPR sera alors disponible. L'avenir du nucléaire passe également par la poursuite des efforts de recherche sur la fin du cycle du combustible, et par le développement de nouvelle techniques d'enrichissement de l'uranium, susceptibles de réduire significativement le coût de cette opération.
     En ce qui concerne les moyens de production thermiques classiques, il est indispensable de maîtriser la technique des cycles combinés, ce qu'EDF a commencé à faire par des investissements dans des projets à l'étranger. Par ailleurs, il est nécessaire de maintenir l'avance acquise par la France en matière de technologies de combustion propre du charbon, avec des réalisations telles que la chaudière à lit fluidisé circulant (LFC) de Gardanne.
     La diversification du parc de production passe aussi par le développement de moyens de production décentralisés, lorsque ceux-ci peuvent contribuer au bilan électrique dans de bonnes condition économiques. C'est ainsi que les nouvelles conditions d'achat de l'électricité produite par cogénération, qui ont été mises en place en mars 1997 par le Ministère de l'industrie, de la poste et des télécommunications, vont permettre à cette filière de se développer dans de bonnes condition. De même, l'éolien constitue une énergie renouvelable prometteuse, et il convient de préparer la France à exploiter sa ressource éolienne : c'est l'objet du programme "Eole 2005", dont la première tranche se concrétise en 1997.
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