La G@zette Nucléaire sur le Net!  
N°175/176, juin 1999
E.D.F - POLE Industrie

Division Ingénierie et Services
RÉUNION DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA SÛRETÉ ET
DE L'INFORMATION NUCLEAIRES DU 23 MARS 1999
FAITS MARQUANTS DU DÉMARRAGE DES CENTRALES NUCLÉAIRES DU PALIER N4


1- PRÉAMBULE
     Le palier N4 fait suite aux paliers 900 MWé (34 unités) et 1.300 MWé (20 unités). Les évolutions dans sa conception prennent en compte les 700 années-réacteur de retour d'expérience en exploitation du parc nucléaire d'EDF, ainsi que les enseignements de l'accident de Three Mile Island (1979). Il se situe dans la continuité du programme électronucléaire français.
     Le retour d'expérience de l'exploitation des réacteurs des paliers 900 et 1.300 MWé a nourri la réflexion sur la conception des systèmes, des équipements, et du mode d'exploitation du palier N4. Dans certains cas, ces réflexions ont également conduit à l'intégration des modifications en parallèle sur le parc en exploitation.
     L'amélioration de son niveau de sûreté a été un souci permanent.
     CHOOZ B 1, tête de série du palier N4, est le cinquante-cinquième réacteur à eau pressurisée, conçu et réalisé en France pour EDF. Il constitue une étape majeure dans le programme électronucléaire français, de par sa puissance (1.450 MWé), et sa conception entièrement française.

2- LES PRINCIPALES INNOVATIONS DU PALIl'.R N4
     Le palier N4 a permis de franciser la filière avec pour objectifs d'améliorer la sûreté, d'augmenter le rendement des équipements et de réduire ainsi les coûts par kW produit.
     Les principales innovations concernent:
     - des générateurs de vapeur en Inconel 690 pour limiter les problèmes de corrosion et avec économiseur pour améliorer le rendement des échanges,
     - la conduite accidentelle par état entièrement informatisée, y compris pour les états d'arrêt du réacteur,
     - la conception d'une salle de commande à l'ergonomie optimisée sur la base du retour d'expérience et des technologies de contrôle-commande les plus modernes,

suite:
     - l'amélioration de la conception des systèmes de sauvegarde qui donne aux opérateurs un délai de réflexion plus long avant action volontaire lors d'un accident,
     - La turbine «ARABELLE» comportant en une seule ligne d'arbre un corps Haute Pression - Moyenne Pression (HP-MP) combiné, au lieu du corps Haute Pression (HP) des paliers précédents et trois corps Basse Pression (BP).

3- LES PRINCIPALES ÉTAPES DU DÉMARRAGE
     Trois des quatre unités ont été raccordées au réseau électrique national respectivement le 30/08/96 et le 10/04/97 pour les deux unités de CHOOZ B dans les Ardennes et le 24/12/97 pour l'unité 1 de CIVAUX dans la Vienne. Le premier chargement en combustible de la 2ème unité de CIVAUX est prévu en mai 1999 et le premier raccordement au réseau électrique fin 1999.
     L'essentiel du retard à la mise en exploitation définitive des unités a été causé par les difficultés techniques à mettre au point le nouveau système informatisé de commande de la centrale. La décision en cours de projet d'abandonner le matériel français CEGELEC P20 et de le remplacer par du matériel éprouvé industriellement HARTMAN et BRAUN, a retardé d'environ quatre ans le démarrage de la première unité.
     Après cet aléa, la mise au point des systèmes ou matériels nouveaux a pu reprendre.
     Les causes des retards supplémentaires (environ deux ans) sont liées à la mise au point comme sur tout nouveau palier technique des équipements les plus innovants. Pour le palier N4, on peut citer: la turbine, les guides de grappes, les pompes primaires et les modifications du système de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA).

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4- VALIDATION DES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS

Le contrôle commande
     Le système de contrôle commande totalement informatisé constitue une innovation majeure. Nous pouvons dès à présent tirer un bilan positif de sa mise en oeuvre et des premiers mois d'exploitation:
     - en premier lieu, ce bilan confirme l'aptitude d'un système de Contrôle-Commande complètement informatisé à répondre aux exigences de fiabilité, sûreté de fonctionnement et exploitation nécessaire à la conduite d'une tranche nucléaire.
     - en deuxième lieu, cette mise en oeuvre confirme la validité des options techniques retenues par EDF et ses fournisseurs aussi bien au niveau de l'architecture d'ensemble du système que de la conception de chaque sous-ensemble. A souligner en particulier la démonstration qu'il est possible de retenir un automate industriel courant non spécifique à l'industrie nucléaire, pour la mise en oeuvre d'une grande partie des automatismes de la Centrale.
     - enfin, il n'y a pas eu à ce jour d'incident significatif lié à l'informatisation des données. Ceci valide l'architecture de la chaîne Conception Assistée par Ordinateur (CAO) ainsi que tout le processus extrêmement rigoureux de saisie, validation et intégration des données dans le système.
     - le retour d'expérience de ce système de Contrôle-Commande se poursuit et les améliorations feront l'objet d'une intégration à l'occasion des premiers arrêts pour rechargement des tranches.

Le changement des guides de grappes
     Les grappes de commande ont pour rôle de maîtriser la réaction nucléaire. Elles pénètrent dans le coeur du réacteur en coulissant dans des tubes-guides. En cas d'arrêt d'urgence, ces grappes de commande doivent pouvoir descendre dans le coeur très rapidement. Une valeur maximale du temps d'insertion des grappes a été fixée, en se basant sur la cinétique des accidents envisagés.
     Pour le palier N4, un nouveau guide de grappes a été conçu pour améliorer le comportement vibratoire des crayons de grappes au droit des cartes de guidage.
     Après la mise en évidence de temps de chute supérieurs au critère de sûreté pour ces nouveaux guides de grappes (installés à DAYA BAY et sur le palier N4) et les investigations menées, la décision a été prise de les remplacer en totalité par des guides de grappe de type 1.300 MWé.
     Le retard pris sur le N4 résulte essentiellement de la priorité donnée par EDF à la résolution du problème à DAYA BAY, à une époque où les négociations de LING AO étaient primordiales.

Le comportement des groupes motopompes primaires
     Les pompes primaires du palier N4 sont d'une conception différente des pompes des paliers précédents. En particulier, elles sont équipées d'une nouvelle hydraulique qui permet de disposer d'un débit plus important.
     Au cours des différents essais réalisés sur boucle d'essais et sur site, il a été constaté une dérive des caractéristiques des pompes, pouvant entraîner une augmentation de quelques % du débit d'eau primaire dans la cuve du réacteur.
     Les conséquences potentielles de cette augmentation du débit sont:
     - un meilleur refroidissement des assemblages combustible mais à l'inverse une très légère augmentation du temps de chute des grappes de commande;
     - et une réduction de la marge relative à la tenue mécanique des assemblages combustibles.

suite:
     L'origine de cette anomalie a fait l'objet de nombreuses investigations et l'évolution du débit de la cuve est surveillée en permanence, de manière à garantir que ce débit reste dans des limites acceptables pour la sûreté.
     Le règlement définitif de cette affaire est en cours et fait l'objet de discussions avec l'Autorité de Sûreté.

La résistance à la fatigue thermique suite à l'incident RRA de CIVAUX I du 12/5/98
     La fissuration du RRA de CIVAUX 1 a conduit à la décision de décharger les trois tranches du palier.
     L'origine de cette fuite localisée sur un coude RRA est imputable, d'une part à une conception de la zone de mélange incriminée moins favorable que celle adoptée sur les paliers précédents, et d'autre part à un fonctionnement prolongé du circuit RRA à fort écart de température dans la zone de mélange principale; ce type de fonctionnement en période de démarrage est d'une durée très supérieure à la pratique habituelle lors de l'exploitation normale des tranches.
     L'ensemble des mesures mises en oeuvre en terme:
     - de conception du circuit diminuant les sollicitations (mélange optimal, installation générale),
     - de dispositions constructives renforçant la tenue à la fatigue thermique de la zone de mélange (matériels monoblocs, éloignement et arasage/polissage des soudures),
     -de suivi du fonctionnement à fort écart de température,
permettent dès à présent de garantir la sûreté de la nouvelle conception du circuit RRA à minima jusqu'au terme du premier cycle de chacun des réacteurs du palier N4. Un protramme de recherche et développement est d'ores et déjà engagé pour permettre de proposer des règles de conception permettant d'éviter à l'avenir ce type de difficultés.

Le défaut de soudure des aubages fixes du corps Haute Moyenne Pression de la turbine
     Le palier N4 est équipé de turbines de nouvelle génération. Ces turbines intègrent plusieurs innovations technologiques qui les rendent plus légères, plus compactes et qui améliorent leur rendement.
     Les contrôles effectués en mars 1998, sur les deux tranches de CHOOZ B ont mis en évidence la fissuration de plusieurs soudures sur les aubages fixes Haute Pression et Moyenne Pression, ainsi que des ruptures de chapeau d'ailettes sur les rotors Basse Pression. La conception de ces éléments n'étant pas identique pour chaque turbine, ces défauts affectent essentiellement CHOOZ B 1, mais aussi CHOOZ B2 et CIVAUX sur les diaphragmes Moyenne Pression.
     Un scénario de remplacement et/ou de renforcement des pièces turbines a été décidé mi-98, puis revisé à mi-octobre par ALSTHOM et les réparations mises en oeuvre.

CONCLUSIONS
     L'introduction d'une salle de commande totalement informatisée qui constitue l'innovation majeure du palier N4 a été validée par les premiers mois d'exploitation.
     La période d'indisponibilité récente d'environ une année supplémentaire est due pour l'essentiel:
     - à la Turbine ALSTOM Arabelle de conception nouvelle qui a nécessité des modifications importantes suite aux défauts constatés en exploitation.
     - à la sensibilité à la fatigue thermique du circuit de refroidissement du réacteur qui a été modifié suite à l'incident du 12 mai sur l'unité de CIVAUX 1.
     En effet, quelque soit le soin apporté à la conception, il n'est pas possible d'éviter l'apparition d'anomalies dans les premières années d'exploitation. Sur tous les paliers nucléaires, une phase de mise au point a toujours été nécessaire.
     Par rapport aux démarrages des paliers précédents 900 et 1.300 MW, les anomalies rencontrées ne sont pas plus nombreuses. Leur impact en délais a été supérieur pour la partie la plus innovante: le contrôle-commande.

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COMMENTAIRE GAZETTE

     Je trouve ce papier fort intéressant à plus d'un titre. En effet il n'est pas fait allusion aux problèmes de santé soulevés par les amibes et qui obligent EDF à des contorsions. Comment traiter l'eau puisque le chlore (eau de javel) est inefficace sauf à des doses telles (et encore) que la Vienne ne pourra plus être considérée comme une rivière. Et le poids radioactif futur d'interventions telles que celle réalisée 5 mois après le démarrage du réacteur pour cause de fissuration inattendue!
     Ensuite l'analyse technique est tout de même un peu courte: je veux bien que les paliers aient des problèmes mais naïvement j'aurais pensé que «les améliorations» étaient testées AVANT la montée en puissance, ce qui manifestement n'est pas le cas. Si on peut réparer de l'informatique c'est-à-dire rendre un programme fiable on ne le pourra pas pour les puces associées et ça restera la grosse inconnue, génératrice de problèmes à terme. Quant à la turbine ou aux défauts d'étanchéité sur les générateurs de vapeur c'est vite dit «défauts de réalisation».
     Intéressant, alors où est la qualité nucléaire, son suivi?

     La DSIN n'est pas sur les sites en permanence, que va-t-il se passer avec une telle accumulation d'«erreurs»; erreurs c'est vite dit. A partir du moment où il s'agit d'une mauvaise conception, la réparation est du bidouillage. Qu'on se soit planté à Daya Bay avec des barres de contrôles qui ne voulaient pas descendre est déjà révélateur d'une incohérence (c'est le moins qu'on puisse dire) dans la délivrance d'autorisation pour accepter une modification. Qu'on ait recommencé avec l'informatique, le RRA et la turbine en passant par des tas de trucs que je ne citerai pas prouve qu'on persiste un peu trop dans l'erreur.
     Il n'est pas sérieux d'expliquer gravement que le RRA n 'est pas prévu pour supporter un «fort écart de température» plus que quelques heures sur toute la vie de la centra/e. Ce qui fait qu'en 5 mois on a crevé le plafond (pour un réacteur qui doit vivre 40 ans!!!) et fissuré les circuits de refroidissement.
     Je n'insisterai pas sauf pour terminer sur une anecdote révélatrice. A la question d'un participant à la CLI «Pourquoi prélever le lait dans des fèrmes non situées sous les vents dominants?» La réponse fut «L'analyse de la survie des fermes du secteur pour des contrats de longue durée a montré que ce seront ces fermes qui subsisteront dans le futur...» Très bien et alors ? Ceci est la surveillance vue par EDF...
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