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G@zette N°217/218

IRSN
Rapport d'activité 2003 (extraits)
LE FIGARO 19/08/04


Le vieillissement des REP et le réexamen de sûreté associé aux troisièmes visites décennales

     En mai 2003, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a rendu son rapport sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs. Selon les auteurs, le rapport vise à répondre à des questions fondamentales pour la production électrique française telles que "quels sont les phénomènes pouvant limiter la durée d'exploitation des centrales nucléaires? Comment peut-on lutter contre leur vieillissement, à quel prix et dans quelles conditions de sûreté? ". Dans la perspective des troisièmes visites décennales des réacteurs de 900 MWe (VD3 900 MWe) qui débuteront en 2008, l'IRSN a étudié le programme du réexamen de sûreté de ces réacteurs pour une mise en oeuvre d'amélioration à cette échéance et la manière dont le vieillissement est pris en compte.

Le vieillissement des composants, des structures et des systèmes

     Les dégradations dues aux divers phénomènes de vieillissement peuvent affecter l'aptitude au service des composants, structures ou systèmes ayant un rôle important au regard de la sûreté de fonctionnement normal ou accidentel des installations. Dans certains cas, des composants ou des structures ne sont pas remplaçables (fragilisation des cuves, perte de précontrainte du béton des enceintes de confinement) ou leur remplacement serait jugé d'un coût prohibitif par l'exploitant (vieillissement des câbles électriques, la perte de ténacité de certains composants moulés des circuits primaires). L'effet d'un vieillissement excessif ne pourra pas être corrigé par des réparations ou des remplacements: il affecte donc directement la durée de vie des tranches. Dans les autres cas - c'est-à-dire pour l'ensemble des autres composants ayant un rôle dans la sûreté de l'installation - il existe des parades aux dégradations mais la défense en profondeur, donc la sûreté, peut se trouver affaiblie de façon plus ou moins importante et plus ou moins durable.

     Le réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe associé aux troisièmes visites décennales
     En France, des réexamens de sûreté sont réalisés périodiquement (environ tous les 10 ans) pour les réacteurs nucléaires. Ces réexamens sont l'occasion de dresser un bilan de l'état de ces réacteurs, mais aussi de reconsidérer leur niveau de sûreté en tenant compte des réflexions développées dans l'intervalle ou appliquées à des installations plus récentes ou en projet. Un réexamen de sûreté débute par des propositions de sujets à traiter faites par EDF que l'IRSN examine à la demande de la DGSNR.

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Les conclusions de cet examen sont généralement présentées pour avis au Groupe Permanent pour les Réacteurs nucléaires  (GPR).
     Dans ce cadre, l'IRSN a présenté au GPR, en juin 2003, son évaluation de la démarche et du contour des études proposées par EDF pour préparer le réexamen de sûreté associé aux troisièmes visites décennales des 34 réacteurs de 900 MWe. Ces études seront utilisées pour définir les modifications à apporter aux installations afin que leur exploitation puisse être poursuivie au-delà des troisièmes visites décennales dans des conditions satisfaisantes.
     L'IRSN a proposé que le réexamen de sûreté étudie l'applicabilité aux réacteurs de 900 MWe, des exigences de sûreté associées au projet EPR, de manière à rapprocher autant que possible leur niveau de sûreté de celui du projet de réacteur le plus récent, lorsque cela est techniquement réalisable et que le gain pour la sûreté est significatif.
     L'IRSN a de plus veillé à ce que le contenu du réexamen de sûreté soit suffisamment étendu, comme le veut la pratique internationale. Il a en particulier mis l'accent sur les domaines pour lesquels le retour d'expérience apporte peu d'enseignements comme les accidents ou les agressions (les feux de forêts, les tornades, les vents extrêmes et les températures élevées de l'air et de l'eau des fleuves...). Les installations feront également l'objet d'une réévaluation sismique pour tenir compte de l'évolution des connaissances techniques dans ce domaine.
     L'IRSN a également recommandé que soit étudié de façon approfondie l'ensemble des risques d'explosion. Ces risques sont liés au stockage et à l'utilisation de gaz sous pression comme l'hydrogène et l'acétylène.
     La place des études probabilistes de sûreté (EPS) dans le réexamen de sûreté
     Les EPS ont fait l'objet de développements importants à EDF et à l'IRSN depuis les deuxièmes visites décennales. Aussi, le réexamen de sûreté VD3 900 MWe s'appuiera sur des EPS de niveau 1 réactualisées pour tenir compte des dernières modifications matérielles mises en place dans les installations; il tirera aussi bénéfice de l'EPS incendie et de l'EPS de niveau 2 développés par l'IRSN. Rappelons que les EPS aident à apprécier les dispositions retenues par l'exploitant, grâce à une investigation systématique des scénarios accidentels. Elles permettent notamment de mieux pondérer l'importance pour la sûreté des problèmes identifiés lors de la conception ou de l'exploitation. L'EPS de niveau 1 identifie les scénarios menant à la fusion du coeur et détermine leurs fréquences. L'EPS incendie vient compléter celle-ci en intégrant les risques spécifiques liés à cette agression. L'EPS de niveau 2 permet d'évaluer la nature, l'importance et la fréquence des rejets radioactifs hors de l'enceinte de confinement.
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La durée de vie des centrales nucléaires françaises
     Les concepteurs des centrales nucléaires françaises ont retenu une durée de vie théorique de 40 ans pour le dimensionnement des principaux composants. C'est le cas pour la cuve et l'enceinte de confinement. Toutefois, la durée de vie réelle d'une centrale nucléaire doit tenir compte de trois facteurs principaux:
     - l'usure normale des composants et des systèmes, appelée parfois vieillissement, dépend notamment de l'âge, des conditions de fonctionnement et des actions de maintenance effectuées par l'exploitant;
     - le niveau de sûreté requis évolue en tenant compte des nouvelles exigences retenues dans le cadre des réexamens de sûreté; la rentabilité doit rester satisfaisante par rapport à celle des autres moyens de production.
     Selon EDF, de nombreuses raisons militent pour un lissage sur 20 à 30 ans du renouvellement du parc, ce qui nécessiterait une prolongation notable de la durée de vie de certains réacteurs au-delà de 40 ans. Ceci ne sera évidemment réalisable que si leur niveau de sûreté, réévalué tous les 10 ans, le permet.
     Les risques liés au vieillissement
     Dans la perspective des troisièmes visites décennales, EDF a engagé en 2001 des travaux sur la maîtrise des risques associés aux phénomènes de vieillissement des centrales nucléaires. Ces phénomènes peuvent altérer les propriétés physiques des matériaux et provoquer par exemple des diminutions de résistance mécanique se traduisant par des pertes d'intégrité ou d'étanchéité de barrières de confinement ou une moindre fiabilité de composants ou de systèmes.
     L'IRSN a effectué une évaluation de la méthode et de l'organisation d'EDF pour la maîtrise du vieillissement. L'une des difficultés identifiées concerne l'assurance de l'existence de possibilités satisfaisantes de remplacement de composants ou matériels usés ou obsolètes, après les troisièmes visites décennales. Les risques liés au vieillissement pourraient, en effet, résulter d'un manque d'anticipation quant à l'identification et à la compréhension des mécanismes du vieillissement ainsi que de dispositions de maintenance préventive insuffisantes ou inadaptées, voire de lacunes dans la préparation de la maintenance curative.
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     L'IRSN a aussi examiné les difficultés posées par le vieillissement du personnel chargé de l'exploitation des centrales nucléaires et le renouvellement massif des compétences attendu sur la période 2010-2020.
     Les conclusions de l'évaluation réalisée par l'IRSN ont été présentées au Groupe permanent pour les Réacteurs nucléaires les 4 et 11 décembre 2003. Si la méthode et l'orgamsation mises en place par EDF pour la gestion du vieillissement sont apparues globalement adaptées au maintien du nivean de sûreté des réacteurs, le Groupe Permanent a, sur proposition de l'IRSN, retenu un certain nombre de recommandations portant par exernple sur l'analyse approfondie du retour d'expérience, l'anticipation des études de réparation et de remplacement de certains équipements et la prise en compte du vieillissement dans les programmes de surveillance et de maintenance des composants, systèmes et structures.

Les fiches d'analyse du vieillissement

     Le point principal de la démarche proposée par EDF est l'établissement de fiches d'analyse du vieillissement (FAV). Ces fiches résultent de l'analyse systématique des composants, structures et systèmes importants pour la sûreté et des dégradations de vieillissement qui pourraient les affecter. Chacune de ces fiches, au nombre de 450, fait actuellement l'objet d'une analyse par l'exploitant sous divers aspects:
     - le mécanisme de vieillissement redouté est-il suffisamment maîtrisé (connaissance, cinétique et conséquences) ?
     - la maintenance et les contrôles périodiques prévus dans les programmes de maintenance (nature et périodicité) sont-ils adaptés à la détection suffisamment précoce des dégradations éventuelles?
     - les parades (réduction des causes, réparations, remplacements) sont-elles prévues?
     Les résultats de cette analyse, qui doit se terminer dans le courant de l'année 2005, seront à prendre en compte pour l'établissement des programmes des troisièmes visites décennales des tranches et conduiront, pour les cas les plus importants, à des dossiers spécifiques de démonstration d'aptitude à la poursuite de l'exploitation (DAPE) en préalable à ces troisièmes visites décennales.
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L'expertise dans le domaine du stockage géologique des déchets radioactifs
     Dans le cadre de ses missions d'appui technique auprès des pouvoirs publics, l'IRSN développe et exerce une expertise dans le domaine de la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, et en particulier du stockage géologique des déchets de haute activité et à vie longue. En effet, si la loi du 39 décembre 1991 a donné un cadre ouvert à la recherche de voies de gestion de ces déchets (transmutation, entreposage, stockage), les compétences déjà acquises par l'IRSN en matière de sûreté des installations nucléaires l'ont amenée à focaliser sur les questions que pose la sûreté d'un éventuel stockage géologique.
     Ainsi, l'IRSN conduit des recherches centrées principalement sur l'étude des milieux argileux, en cohérence avec le milieu constitutif du laboratoire souterrain de Bure (Meuse) qui relève de l'ANDRA. Des expérimentations in situ à Tournemire (Aveyron) et en laboratoire, des modélisations et des exercices méthodologiques d'analyse de l'impact d'un stockage sont réalisés dans le cadre de contrats européens ou de collaborations bilatérales, en France - ENSMP, École polytechniaue, universités, CEA...- et en Europe - CEN.SCK (Belgique), université de Berne (Suisse), NAGRA (Suisse), ENRESA (Espagne).
     Par ailleurs, à la demande de la DGSNR, l'IRSN évalue l'avancement des travaux de l'ANDRA concernant la faisabilité d'un éventuel stockage géologique à Bure.
     Actions menées à Tournemire
     La station expérimentale de Tournemire, un ancien tunnel ferroviaire de 2 km de long, creusé il y a plus d'un siècle, donne accès directement à une formation argileuse toarcienne, autorisant ainsi la réalisation d'expérimentations au sein d'une couche d'argile avec un recouvrement de 250 m de roche sédimentaires. Ces argiles possèdent suffisamment de similitudes avec celles du site de Bure pour permettre à l'IRSN de conduire des programmes de recherche aptes à améliorer son expertise.
     L'existence éventuelle de fracturations naturelles et le rôle que celles-ci pourraient jouer dans les mécanismes de transfert constituent des points importants de la sûreté d'un stockage. C'est pourquoi l'IRSN a conduit un important programme pluridisciplinaire dans l'objectif de tester les méthodes permettant d'identifier et de caractériser les discontinnités. La nature et les caractéristiques des fractures naturelles pouvant affecter un massif argileux sont maintenant mieux connues. Il reste à préciser le rôle que joue cette fracturation dans les temps de transfert des fluides et des solutés au travers d'une couche argileuse à l'échelle des tepms géologiques.
     Le creusement de puits, de galeries, de tunnels dans une formation argileuse provoque par ailleurs des modifications de l'état des contraintes initiales du massif avec l'apparition d'une zone perturbée autour des ouvrages. Localement, cette zone perturbée modifie significativement les propriétés hydrauliques intrinsèques du massif (perméabilité, porosité...), ainsi que le sens des écoulements; elle doit donc être traitée dans le cadre des évaluations de la sûreté à long terme d'un éventuel stockage. 
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En 2003, l'IRSN a réalisé deux nouvelles galeries instrumentées, respectivement de 40m et 15m de long, présentant une section semi-circulaire de 5m de diamètre, afin d'étudier les perturbations hydromécaniques induites par le creusement. L'interprétation de cette expérimentation, notamment pour la validation des modèles rhéologiques développés dans le passé, est prévue pour les trois années à venif.

     Collaborations internationales
     L'IRSN participe à un essai de ventilation en galerie dans le cadre du projet international du Mont-Terri (canton du Jura, Suisse). Cette expérience a pour objet de suivre la progression du front de désaturation dans le massif rocheux autour d'un micro-tunnel, sous atmosphère contrôlée. Ce processus se manifestera lors de la réalisation d'un stockage et risque de faciliter la propagation de fissures dans le massif à proximité des galeries.
     Par ailleurs, le développement de gradients thermiques dans un massif argileux peut induire de fortes modifications hydrauliques et mécaniques. Depuis 1995, l'IRSN participe au projet international DECOVALEX dédié aux effets des couplages THM (Thermique Hydraulique et Mécanique) sur la circulation de l'eau dans les milieux fracturés.

     Actions menées sur le site de l'est du Bassin parisien
     Les études menées par l'IRSN sur les formations sédimentaires de l'est du Bassin de Paris se sont articulées, entre 1999 et 2002, avec le Programme National de Recherches Hydrologiques (PNRH) 99/35 du CNRS, qui associait divers organismes publics (INSU, ANDRA et Gaz de France). A partir de 2003, les travaux, réalisés en collaboration avec le CNRS, se sont focalisés sur la compréhension de la géométrie du système de failles de Saint-Diez situé dans la région du site de Bure.
     Dans le cadre d'une convention passée avec l'ANDRA, l'institut effectue par ailleurs des analyses d'échantillons d'argilite et d'eau prélevés au cours du fonçage des puits du laboratoire de Bure, et des forages environnants. L'objectif de ces analyses est de préciser, à l'échelle locale, les compositions chimique et isotopique des eaux.

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     Les données acquises dans le cadre de ces travaux, mais aussi à partir de données disponibles dans le domaine public, viennent alimenter une base de données géologiques, hydrogéologiques et hydrogéochimiques sur le bassin de Paris (BPDATA), constituée par l'IRSN depuis 1998. Cette base de données est utilisée en collaboration avec l'École Nationale Supérieure des Mines de Paris, pour la compréhension et la reconstitution des différents schémas possibles d'écoulement dans l'est du bassin de Paris.

Évaluations réalisées en 2003

     Parmi les activités d'expertise de l'IRSN concernant le stockage des déchets radioactifs, l'évaluation du "dossier 2001 argile", élaborée par l'ANDRA, a constitué une étape importante dans le suivi de l'avancement des travaux relatifs à la faisabilité d'un stockage de déchets de haute activité dans des formations géologiques argileuses. Ce dossier synthétise en effet les connaissances acquises par l'ANDRA jusqu'à la fin de l'année 2001 concernant les caractéristiques hydrogéologiques, géochimiques et géomécaniques des formations sédimentaires du site de Bure, décrit des options de conception d'une éventuelle installation de stockage et présente une première approche pour évaluer la sûreté d'une telle installation.
     L'évaluation de l'IRSN a été présentée le 24 juin 2003 au groupe permanent d'experts pour les installations destinées au stockage à long terme des déchets radioactifs. L'IRSN s'est en particulier attaché à évaluer de quelle manière l'approche développée par l'ANDRA permet d'identifier et de prendre en compte les incertitudes subsistantes, qui portent notamment sur les propriétés naturelles du site, les méthodes de réalisation des ouvrages de stockage et l'incidence des perturbations d'ordre thermique, hydraulique, chimique et mécanique sur la sûreté globale de l'installation. Les modélisations des transferts à long terme de substances radioactives présentées par l'ANDRA ont également été évaluées, en tenant compte notamment des résultats des différents exercices de même nature auxquels l'IRSN a participé (en particulier les projets SPA et BENIPA, inscrits dans les programmes cadres de recherche de la Communauté européenne).
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La protection de l'homme et de l'environnement
Les risques chroniques et la radioactivité
     Parmi les perturbations de l'environnement souvent évoquées comme une oeuse possible de la montée de certaines pathologies, le cas de la radioactivité mérite des réponses claires. C'est pourquoi l'IRSN a lancé le programme ENVIRHOM, qui a été évalué positivement en 2003 par son conseil scientifique après une période de 2 ans destinée à tester la faisabilité des options retenues.
     L'objectif d'ENVIRHOM est de permettre des évaluations d'impact, fondées sur des données scientifiques validées, traitant le cheminement et les effets des radionucléides depuis leur introduction dans l'environnement jusqu'aux hommes et autres organismes exposés de la biosphère. Pour cela, il faut élaborer un indicateur d'atteinte, utilisable dans des situations où l'agent radioactif est diffus, à des concentrations faibles, en synergie avec d'autres agents et exerce ses effets dans la durée. Ce sont très précisément des situations complémentaires de celles auxquelles est adapté le Sievert, indicateur dont la représentativité du risque n'est solidement établie que pour des expositions moyennes, délivrées en un temps bref et le plus souvent par irradiation externe. De plus, il ne s'agit pas seulement d'étudier les atteintes qui se traduisent par des cancers. Pour les populations animales et végétales, les influences sur la reproduction ou sur d'autres performances des individus sont essentielles, tout stress pouvant avoir à la longue un pouvoir de sélection et de réduction de la biodiversité.
     Dans ce contexte, les recherches du programme ENVIRHOM portent principalement sur deux sujets: d'une part, la cinétique des transferts et les facteurs d'accumulation et d'inhomogénéité, d'autre part, les effets réels, par exemple sur l'évolution de populations animales ou sur le comportement d'individus affectés.
     Dans sa phase de faisabilité, le programme a principalement porté sur le cas de l'uranium, élément radioactif omniprésent dans l'environnement à des concentrations quelquefois notables.

     Les facteurs de transfert, d'accumulation et d'inhomogénéité
     Pour ce premier sujet, des rats ont été contaminés de façon chronique pendant deux ans. Il a été constaté que l'incorporation de l'uranium et son élimination diffèrent nettement de ce qui est admis pour une contamination sur une très courte durée. Il a également été relevé que la répartition de l'uranium entre les organes n'est pas identique à ce qu'elle aurait été après une contamination ponctuelle. Enfin, dans un même organe, de forts écarts ont été notés par rapport à l'hypothèse de répartition homogène qui est celle des modèles actuels.
Ces observations ont été faites non seulement chez le rat mais aussi sur des organismes très différents comme des bivalves d'eau douce.
     On peut donc d'ores et déjà affirmer, et ceci constitue un premier résultat essentiel d'ENVIRHOM, que la contamination chronique relève de lois sensiblement différentes de celles de la contamination aiguë. La confirmation de l'absence d'homogénéité justifie des approfondissements du programme car c'est précisément en situation d'inhomogénéité que des concentrations locales notables sont possibles même lorsque la quantité totale de contaminant est relativement faible.

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Il en est sans doute de même pour l'ensemble des radionucléides susceptibles de jouer un rôle dans les contaminations chroniques. Il faudra, à cet égard, déterminer s'il peut y avoir coïncidence entre les zones d'accumulation et les zones les plus sensibles à la présence de contaminant.
     Dans le domaine des transferts dans l'environnement, la relation entre la biodisponibilité et la spéciation chimique a été étudiée. Il a notamment été établi que des variations du pH ou des variations des concentrations d' autres éléments peuvent avoir une influence conséquente sur les transferts. Ce résultat, qui était attendu, a une grande importance pratique: c'est, en plus des mécanismes spécifiquement biologiques de concentration, une des raisons de l'inhomogénéité de l'environnement, tout inhomogénéité pour un paramètre entraînant en cascade des inhomogénéités pour d'autres. Il signifie également qu'une mesure locale de radioactivité n'est pleinement exploitable que si les autres paramètres locaux sont connus.

     Les effets réels
     Sur ce second sujet, l'IRSN a par exemple mis en évidence les effets de la concentration de l'uranium dans l'eau sur la survie de populations d'algues microscopiques. Une influence importante a été constatée, non seulement de la concentration des différentes formes chimiques qu'il peut prendre. D'autres résultats originaux en matière de comportement ont été établis tels que l'influence de la concentration d'uranium sur les temps d'ouverture de bivalves, sur le sommeil de rats et sur leurs performances en labyrinthe.
     Ces résultats sont prometteurs, mais soulignent l'ampleur des travaux à réaliser avant de pouvoir faire de véritables évaluations d'impact sur l'homme et l'environnement pour des situations d'exposition chronique. Il est à noter que pour les toxiques chimiques, des règlements et des guides d'évaluation existent au niveau européen. Les travaux du programme ENVIRHOM devraient contribuer à élaborer des documents du même type pour la radioactivité.
 
 

Évaluation du programme ENVIRHOM

     En novembre 2003, date de son évaluation par son comité scientifique, le programme ENVIRHOM avait produit 16 publications et 29 représentations dans des congrès. 16 thésards et post-doctorants ont contribué à cette première phase. 36 chercheurs et techniciens se consacrent à ce programme qui est réalisé dans des laboratoires de Cadarache (Bouches-du- Rhône), Pierrelatte (Drôme) et Fontenay~aux-Roses (Hauts-de-Seine) auxquels s'ajoutent désormais le laboratoire de radioécologie marine de Cherbourg (Manche). Les mêmes équipes participent aux programmes de recherche européens FASSET et ERICA destinés à rassembler et à développer des connaissances applicables à l'évaluation du risque sur l'environnement.
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L'expertise nucléaire de défense


La compatibilité des matières nucléaires

     L'IRSN assure la centralisation et le contrôle des données comptables concernant les matières nucléaires présentes en France une mission de concours technique effectuée pour le compte du HFD.

     La centralisation des données comptables
     Le système réglementaire établi par la loi du 25 juillet 1980
"sur la protection et le contrôle des matières nucléaires" impose
aux détenteurs de ces matières de mettre en oeuvre des dispositions techniques adaptées pour en prévenir le vol, le détournement ou la perte accidentelle. Ces dispositions incluent la connaissance précise de la quantité, de la nature et de la localisaition des matières détenues ou échangées, une   comptabilité rigoureuse et un inventaire annuel exhaustif. Deux statuts réglementaires sont définis:
     - la détention de quantités importantes de matières nucléaires nécessite une autorisation et la transmission quotidienne des données comptables. Ce régime concerne principalement les grands acteurs de l'industrie nucléaire.
     - la détention de quantités plus faibles n'impose qu'une déclaration comptable annuelle. Les installations relevant de ce régime sont souvent en dehors de l'industrie nucléaire.
     La comptabilité nationale assurée par l'IRSN, qu'il ne faut pas confondre avec la comptabilité des sources radioactives, permet aux pouvoirs publics de disposer d'une vision en temps quasi réel des matières nucléaires présentes en France, en fournissant des informations cohérentes, pertinentes et fiables, susceptibles d'être contrôlées dans le cadre d'inspections.

Définition des matières nucléaires

     L'appellation matières nucléaires désigne les éléments susceptibles d'être utilisés, directement ou indirectement, pour la fabrication d'une arme nucléaire. Au titre de la loi du 25 juillet 1980, les matières nucléaires dont l'élaboration, la détention, l'utilisation, le transport, l'importation et l'exportation sont soumis à autorisation ou à déclaration, sont, à l'exception des minerais, les matières contenant les éléments suivants ou leurs composés le plutonium, l'uranium, le thorium, le deutérium, le tritium et le lithium 6. Suivant les quantités de matière et leur état, une autorisation ou une déclaration est requise.
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     Une source d'informations et un outil de contrôle pour les pouvoirs publics
     La base de données gérée par l'IRSN pour assurer la comptabilité nationale des matières nucléaires abrite la localisation de l'ensemble des stocks des matières nucléaires présents sur le territoire national ainsi que leur historique. Elle est alimentée par les déclarations reçues en provenance de 250 installations autorisées et 300 installations soumises à déclaration annuelle. Pour les installations autorisées, l'IRSN a, en 2003, reçu et traité 83.000 lignes d'écriture comptable figurant sur 35.000 Bordereaux de Déclaration d'Opérations sur Matières Nucléaires (BDOMN). Ces BDOMN sont des documents codifiés correspondant à des déclarations de variations de stocks et rendant compte des opérations ayant affecté les matières. Transmis sous format numérique ou sur papier, les BDOMN font l'objet, avant d'être acceptés, de 350 contrôles informatiques pour vérifier leur cohérence et leur conformité aux exigences réglementaires. Les déclarations sont enregistrées et donnent lieu à une mise à jour immédiate des stocks de la comptabilité nationale.
     Pour les petits détenteurs, l'IRSN a, en 2003, établi 650 demandes de déclaration annuelle qui ont conduit, après contrôle, à répertorier 300 installations dont les déclarations ont été enregistrées dans la comptabilité nationale. Celles-ci concernent surtout de faibles quantités de deutérium ou d'uranium présentes dans des laboratoires mais aussi des pièces mécaniques ou des barrières radiobiologiques en uranium appauvri, utilisées dans certains appareils de radiothérapie ou dans des appareils de gammagraphie utilisés pour des contrôles non destructifs. La comptabilité nationale est une copie sécurisée des comptabilités locales des détenteurs de matières, au décalage près correspondant au délai de transmission des déclarations. Un contrôle réglementaire mensuel, effectué par les détenteurs autorisés sur la base des états comptables transmis par l'IRSN, permet de déceler et de corriger les écarts entre les données comptables locales et celles enregistrées par l'IRSN.
     Les données disponibles sont utilisées dans le cadre des analyses et expertises menées par l'IRSN ou durant les inspections menées avec le concours de l'Institut.
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     Les principales tâches effectuées pour assurer cette comptabilité sont:
    - la gestion et mise à jour quotidienne de la base de données;
    - le contrôle du respect des règles de déclaration;
    - le développement d'outils d'analyse et d'inspection;
    - la réalisation d'inspections à la demande de l'Autorité, dédiées à l'expertise de la comptabilité (9 inspections durant l'année 2003);
     - la transmission d'états comptables aux pouvoirs publics, à des détenteurs de matières et aux instances internationales
d'assistance aux entreprises pour la rédaction de leurs déclarations.

     Un nouveau système comptable informatisé en 2003
     En juin 2003, un nouveau système d'information pour la gestion de la comptabilité nationale des matières nucléaires, dénommé Cicéron, a été mis en fonctionnement sans entraîner de perturbation dans le traitement quotidien des données. Cicéron dispose de fonctions accrues par rapport au système précédent, pour la gestion comptable, la consultation et le contrôle automatique ou ponctuel des données. L'IRSN suit également attentivement l'évolution des systèmes informatiques mis en place par les entreprises françaises pour atteindre leurs objectifs réglementaires.

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Évolution de la réglementation nationale et nouveau règlement EURATOM
     L'IRSN a également la charge de faire évoluer les règles de déclaration comptable en fonction de demandes des industriels et
des autorités, afin que les premiers puissent répondre à leurs obligations réglementaires et les secondes remplir leur rôle de contrôle.
     Une grande partie des installations nucléaires françaises est aussi soumise aux obligations découlant du traité EURATOM. Une spécificité française réside dans le lien fort qui existe entre la comptabilité due au titre de la loi de juillet 1980 et celle due au titre de la réglementation européenne. L'IRSN, en tant qu'appui technique des pouvoirs publics, centralise mensuellement les déclarations françaises et assure leur transmission à la Commission européenne.
     La révision en cours du règlement EURATOM qui conduira à de nouveaux rapports comptables et à une modification de la déclaration des déchets aura un impact sur la comptabilité nationale.
     Après négociations en 2003, les grandes lignes du règlement, dont la publication est prévue en 2004, sont stabilisées. Les évolutions nécessaires de la comptabilité nationale et des systèmes d'informations connexes feront l'objet d'une concertation entre l'IRSN et l'ensemble des acteurs concernés.
     Le nouveau règlement EURATOM sera applicable pour partie dans un délai de 120 jours après sa publication, ce délai passant à trois ans pour ce qui concerne les évolutions comptables.
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