Le débat sur l'effet des
faibles doses est toujours d'actualité. Trois principaux rapports
concrétisent les différentes positions en présence:
1. Les recommandations 2005 de la CIPR
Ces recommandations confirment les raisons du choix de l'hypothèse
linéaire sans seuil pour la relation dose-effet. Ainsi le chapitre
4 de ces recommandations, consacré aux aspects biologiques, précise
(paragraphe 101) que :
"Although there are recognised exceptions,
for the purposes of radiological protection the Commission judges that
the weight of evidence on fundamental cellular processes supports the view
that in the low dose range up to a few tens of mSv, it is scientifically
reasonable to assume that in general and for practical purposes cancer
risk will rise in direct proportion to absorbed dose in organs and tissues.
This view accords with that given by UNSCEAR (2000)".
Le détail des analyses faites par la
CIPR pour aboutir à ces conclusions est contenu dans :
- le document fondateur du Comité 1
"Biological and epidemiological information on health risks attribuable
to ionizing radiation: a summary of judgements for the purpose of radiological
protection". Non encore approuvé par la Commission Principale
il doit être réexaminé en mars avant sa mise sur le
site web pour consultation,
- le rapport du Groupe de travail "Low
doses extrapolation of radiation-related cancer risk" a été
approuvé pour consultation sur le site web de la CIPR.
2. Le rapport du Comité britannique
CERRIE (Committee Examining Radiation Risks of Internal Emitters).
Ce rapport, publié en octobre 2004,
met l'accent sur les incertitudes associées à l'évolution
du risque de cancer dû à l'exposition aux rayonnements lorsque
l'exposition résulte de l'incorporation de radionucléides.
Il considère que le niveau d'incertitude dans l'estimation d'une
l'exposition interne est comparable à celui qui existe dans le cas
de l'exposition externe, pour les quelques radionucléides (Il s'agit
du plutonium, du thorium (sous forme de thorotrast) et du radium.) dont
les données de base sont solides et fiables ; la gamme d'incertitude
associée à l'évaluation de la dose aux organes et
aux tissus correspond à un facteur 2 à 3 au-dessous ou au-dessus
de la valeur centrale acceptée. Pour les autres radionucléides,
cette gamme d'incertitude serait nettement supérieure (facteur d'incertitude
de 10 ou plus). A ces incertitudes sur la dose s'ajoutent celles liées
aux estimations du risque.
Le Comité COMARE (Committee on Medical
Aspects of Radiation in the Environment) dont dépend CERRIE,
a donné son avis sur le rapport produit par celui-ci. COMARE déclare
approuver l'essentiel des conclusions tout en précisant que les
données disponibles ne permettent pas de montrer que le risque dû
aux expositions internes est radicalement sous-estimé. Dans son
communiqué de presse du 20 octobre 2004 (cf. www.comare.org.uk),
COMARE indique:
"The CERRIE report examines in detail the
uncertainties involved in making radiation risk estimates and shows that
the uncertainties are greater for internal emitters than for external radiation.
Uncertainties in estimating risk from internal emitters are typically within
a factor of two or three above and below a central best estimate, but in
some cases they can become a factor of ten or more. Current recommendations
on radiation risks from the International Commission on Radiological Protection
(ICRP) are under review. COMARE hopes that ICRP will address the
issue of uncertainties in future recommendations."
traduction: Le rapport CERRIE examine
en détail les incertitudes liées à l'estimation du
risque lié aux radiations et montre que les incertitudes sont plus
importantes lors de contamination interne que lors d'irradiation externe.
Typiquement les incertitudes dans l'estamination du risque lors d'une contamination
interne sont sous estimées d'un facteur 2 à 3, pouvant même
dans certains cas atteindre un facteur 10 ou plus. Les recommandations
de la CIPR sont en révision. COMARE espère que la CIPR
se penchera sur les incertitudes pour les futures recommandations.
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suite:
Il faut rappeler que le Comité CERRIE
a été mis en place en 2001 et comporte une douzaine d'experts
du NRPB, de l'industrie nucléaire, des universités et de
groupes écologistes (deux membres du Comité se sont désolidarisés
des conclusions de CERRIE considérant que les radionucléides
artificiels présentent un bien plus grand danger que les radionucléides
naturels, car l'espèce humaine n'a pas eu la possibilité
de s'y adapter et de s'en protéger efficacement au fil des siècles
passés ; en conséquence le facteur d'incertitude à
retenir devrait plutôt être de 100 ou 1000. Ces deux experts
ont contribué à la rédaction du rapport ECRR qui a
été à l'origine de la création du Comité
CERRIE et du GT/ECRR à l'IRSN).
3. Le nouveau rapport de l'Académie des Sciences et de l'Académie
de médecine
Ce rapport, sur "la relation dose/effet et
l'estimation des effets cancérogènes des faibles doses de
rayonnements ionisants", publié le 20 octobre 2004, fait suite
et réactualise d'autres travaux de l'Académie des Sciences
(1995) et de l'Académie de Médecine (1999-2000). Il souligne
les limitations de l'hypothèse linéaire sans seuil :
"En conclusion, ce rapport émet
des réserves sur l'usage de la RLSS (relation linéaire sans
seuil) pour évaluer le risque cancérogène des très
faibles doses. La RLSS peut constituer un outil pragmatique utile pour
fixer les règles de la radioprotection pour des doses supérieures
à une dizaine de mSv ; mais, n'étant pas en accord avec les
concepts biologiques correspondant à nos connaissances actuelles,
elle ne peut pas être extrapolée sans discussion aux très
faibles doses, ni utilisée pour l'évaluation du rapport bénéfice-risque,
imposée au praticien dans le cadre de la pratique radiologique par
la directive européenne 97-43. Les mécanismes biologiques
sont différents pour des doses inférieures à quelques
dizaines de mSv et pour des doses supérieures. Les risques éventuels
dans la gamme de dose des examens radiologiques doivent être estimés
en tenant compte des données radiobiologiques et expérimentales
; on ne peut pas se contenter de l'usage d'une relation empirique dont
la validité est problématique. Pour de telles doses, son
usage pourrait surévaluer le risque et faire renoncer à des
examens susceptibles d'apporter au malade des informations utiles.
Sur le plan de la radioprotection, ce rapport
devrait conduire les décideurs confrontés au problème
des déchets radioactifs ou au risque de contamination à réexaminer
la méthodologie utilisée pour l'évaluation des risques
de ces très faibles doses délivrées avec un très
faible débit de dose.
Enfin ce rapport confirme qu'il n'est pas
acceptable d'utiliser le concept de dose collective pour évaluer
les risques liés à l'irradiation d'une population."
Commentaire
Le rapport CERI (ECRR en anglais) critique
une partie des recommandations de la CIPR. En particulier si le CERI ne
remet pas en question le système de radioprotection quand il est
question des expositions externes, il n'en est pas de même pour la
contamination interne. Il considère que les évaluations actuelles
sous estiment fortement ce mode de contamination.
Le CERI propose donc de nouveaux coefficients
de risque et de nouvelles limites de doses. Ces limites sont très
inférieures (facteur 300 pour le strontium) à celles adoptées
dans le cadre de la législation française (européenne
et internationale aussi).
Quant à l'Académie des Sciences
et celle de Médecine elles continuent à s'arquebouter sur
la certitude que les faibles doses sont sans effet. En conséquence
et par défense de pratiques médicales qu'il serait bon de
revoir, il ne faut pas trop s'attarder. En particulier cette position peut
aider pour les déchets et leur banalisation sous dérogation.
A suivre...
p.8
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