La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°231/232, septembre 2006
TRANSPARENCE et DECHETS.... 2 LOIS....

EDITORIAL / SOMMAIRE



     CERTAINS NUMEROS DE LA GAZETTE 229/230 ONT PU PRESENTER UN PROBLEME (11-22 manquants): N'HESITEZ PAS A ME RECLAMER UN NUMERO CORRECT.
     La Gazette de la rentrée va vous permettre de récupérer le fil des "choses nucléaires".
     La Suède (Forsmark) nous a gratifié d'un incident niveau 2 assez corsé: un court-circuit a entraîné en cascade l'arrêt automatique du réacteur mais aussi l'arrêt de l'alimentation des diesels de secours, l'arrêt de l'alimentation de la salle de contrôle. Si bien que pendant 23 minutes (et malgré les procédures) l'état du réacteur était un point d'interrogation. Les opérateurs ont réussi à faire redémarrer les diesels mais avoir des écrans noirs ne rend pas forcément très joyeux. Les défectuosités des onduleurs-redresseurs étaient connues, mais leur changement sûrement encore à l'étude: la maintenance ne peut pas être remise à plus tard s'il y a un soupçon de mauvais fonctionnement. Tout a son importance et dans un réacteur encore plus car aucun moyen visuel ne peut remplacer les systèmes informatiques.
     Enfin il n'y a pas eu plus de dégâts mais tout de même. Cette fameuse "anomalie sur un système d'alimentation électrique (onduleur/redresseur) a empêché, durant cet incident, le démarrage de 2 des quatre groupes électrogènes de secours chargés de prendre le relais de l'alimentation électrique extérieure et conduit à la mise en service des systèmes de sauvegarde du réacteur (aspersion d'enceinte et refroidissement de secours) (..) Les causes exactes de l'incident ne sont pas encore totalement établies. Il pourrait s'agir d'un défaut de conception d'un ensemble onduleur/redresseur, déjà apparu en Allemagne. SKI a conclu que le défaut sur ce système était un défaut de mode commun (pouvant se produire simultanément sur des matériels redondants) et a classé l'incident au niveau 2 sur l'échelle INES." (Extrait fiche IRSN du 4 août)
     "Alors que Greenpeace a réclamé que soient contrôlés après cette défaillance, les 443 réacteurs en service dans le monde, l'incident de Forsmak a provoqué des remous dans la campagne électorale suédoise. Le 17 septembre, un nouveau Parlement sera élu. Allié traditionnel du gouvernement social-démocrate sortant, le Parti de gauche (ex-communiste) a réclamé une accélération de la sortie de l'atome - décidée après un référendum dans ce sens organisé en 1980 - et la fermeture, d'ici à 2010, d'un des dix réacteurs aujourd'hui en service. Jusqu'à présent, seuls les 2 réacteurs de la centrale de Barschäck ont fait l'objet d'une telle mesure. La droite, qui pourrait revenir au pouvoir, a paru embarrassée par l'incident de Forsmark, alors qu'elle est favorable au nucléaire." (Le Monde /A.Jacob/ 6-7 août)
     A part cela j'ai reçu des états de suivi associatifs de Civaux et de Fessenheim. Il en existe aussi à Gravelines, ce sera pour la prochaine Gazette.
     Les lois sur la transparence et sur les déchets sont votées. 
     Il y a eu beaucoup d'efforts pour y faire rentrer les acquis du débat public mais finalement bien peu a été repris.
     Il semble tout de même (lettre de Mme la Ministre de l'Ecologie Nelly Olin) que la notion de suivi après les débats fasse son chemin. Reste à savoir quel chemin...
     Quant à la transparence et la consultation, tout le monde est d'accord.
     Et pourtant la mise en oeuvre patine souvent.
     Il y a eu un bel exercice sur le site de Saclay: fusion d'OSIRIS. Dans l'exercice, rien ne sortait pour cause de filtres absolus et bien sûr on a reçu quelques jours après une annonce qui laisse sceptique sur "leur efficacité à 100%":
     "Anomalie au centre CEA de Saclay
     Le test annuel des pièges à iodes en sortie du réacteur expérimental OSIRIS, effectué le 12 juillet 2006, a mis en évidence une efficacité de 730, inférieure à la valeur limite prescrite qui est de 1000. Cet événement a entraîné l'arrêt manuel sans délai du réacteur. Les pièges à iode incriminés seront changés et leur efficacité contrôlée avant le redémarrage du réacteur. Ce dépassement d'une limite requise pour l'exploitation, qui n'a eu aucune conséquence pour le personnel et pour l'environnement, est classé au niveau 1 de l'échelle INES qui en comporte 7."
suite:
     Comme quoi l'exercice était peu réaliste: on aurait dû ajouter un rejet d'iode au lieu de le déclarer impossible pour cause de filtres protecteurs. Dans la réalité, il se fait qu'ils ne le sont pas mais, bien sûr ce fut sans conséquence puisqu'il n'y a pas eu d'accident.
     L'enquête publique pour la création de l'EPR à Flamanville s'est déroulée du 15 juin au 31 juillet: nous n'avons obtenu les dossiers que le 28 juillet et donc envoyé nos remarques le 3 août.
     Cette enquête et l'article du Monde (cité juste après l'édito) avaient déclenché la réflexion de R. Sené et voici le résultat:
A propos du récupérateur de corium.
     Les deux accidents majeurs survenus sur des réacteurs nucléaires, Three Mile Island, puis Tchernobyl (on oubliera Windscale, Saint Laurent...) ont apporté 2 certitudes:
     - la première, un cœur de réacteur peut fondre et le "syndrome chinois" n'est pas qu'une blague d'ingénieur du nucléaire un soir de libation,
     - la seconde, si un accident, même mineur, arrivait en France, nécessitant l'évacuation des populations voisines, c'en serait fini de l'industrie nucléaire.
     D'où l'invention du "récupérateur de corium".
     Scénario: survient un pêt de travers sur un réacteur. En application de la loi de Murphy, les em.. nuis s'enchaînent dans une logique illogique implacable et une efficacité encore jamais atteinte dans le nucléaire.
     Le cœur se dénoie, fond, perce la cuve et se met à réagir joyeusement avec le béton du puits de cuve, puis celui du radier. (Pour la succession voir d'abord TMI, puis Tchernobyl)
     Alors, tel Zorro, intervient le récupérateur de corium.
     Les ingénieurs ont pensé à tout, tout calculé (avec plein de décimales), tout optimisé, tout... enfin presque tout!
     La composition du béton est telle qu'après avoir été bouffé par le mélange en fusion (on parle de béton "sacrificiel") le mélange prend une fluidité ad hoc (on passe de la constipation à la colique – mais pourquoi ne pas avoir utilisé des dragées Fuka immortalisées par Coluche?). Puis il s'accumule dans un espace ad hoc et enfin le sphincter, non la "porte fusible" s'ouvre au bon moment et hop, c'est gagné, le merdium corium s'écoule, s'étale et est refroidi après déclenchement de la chasse d'eau. Je m'aperçois qu'ils ont omis le distributeur de papier hygiénique et qu'il n'est pas précisé s'il y a un raccordement au réseau d'évacuation des eaux usées...
     Tout ce bazar me fait penser à ce que faisaient nos anciens pour conjurer un fléau. Ils érigeaient à la croisée des chemins, à l'entrée des villes des statues de la vierge ou autres saints sensés arrêter, voire repousser (est-ce de là que vient le nom de Repussart?) les fléaux, les épidémies, les hordes barbares. L'efficacité de tels dispositifs n'a toujours pas été démontrée, mais cela rassurait les populations laborieuses, et le commerce, les industries pouvaient continuer à prospérer... jusqu'à l'épidémie de peste suivante.
     Le récupérateur de corium découle de la même philosophie. Le constructeur et l'autorité de sûreté font semblant d'y croire, mais ce qui compte, c'est que le petit peuple y croit.
     Je propose donc, pour faire un retour aux traditions (oubliées par Total à l'usine AZF de Toulouse) d'ajouter à ce dispositif une statue, à l'effigie du plus grand bienfaiteur de l'industrie nucléaire que la France ait engendré, non encore béatifié, mais cela ne saurait tarder, le professeur Pellerin, Saint Pellerin.
     Grâce à cette icône, de même que le passage du nuage ne pouvait pas avoir d'effets, le corium passera sagement sans faire de dégâts.
     Amen!
      p.1

 

Pierre Pellerin serein sur son nuage
(Hervé Morin-Cécile Prieur)
Le Monde 30-06-06
     A son propos circulent toutes les légendes. Il aurait arrêté le nuage de Tchernobyl à la frontière; aurait fait construire un hôpital dans un abri antiatomique sous l'établissement qu'il dirigeait; aurait hanté les lieux, de nuit, bien après son départ à la retraite... Pierre Pellerin qui dirigeait le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) en 1986, continue de fasciner, vingt ans après l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
     Mis en examen, le 31 mai, pour "tromperie aggravée" par la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy dans le dossier des conséquences du passage sur la France du nuage radioactif, le Professeur Pellerin 82 ans, est soupçonné d'avoir minimisé l'impact sanitaire de ces retombées.
     Depuis sa mise en examen, il a rendez-vous tous les mardis avec la juge pour des auditions qu'il transforme en cours magistraux sur le nucléaire. C'est que l'affaire a réveillé la combativité du vieux monsieur, qui réclamait depuis le dépôt de la plainte, en 2000, par la Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur la Radioactivité (CRII-Rad) et l'Association Française des Malades de la Thyroïde (AFMT), de livrer sa version des faits. S'il refuse toujours de parler aux médias, il reste fermement convaincu d'avoir pris les bonnes décisions dans la gestion de la crise: aux avant-postes en 1986, il est, à ce jour, la seule personne à être directement mis en cause dans l'affaire.
     L'homme est un pur produit de la "nucléocratie" française. Médecin électroradiobiologiste, médecin du travail, agrégé de biophysique, il a fondé le SCPRI en 1956 et en est resté l'inamovible directeur jusqu'en 1992. A l'origine dépendant de l'INSERM, placé sous la tutelle du ministère de la Santé, le SCPRI est très vite devenu un acteur incontournable du secteur nucléaire, fort en 1986 de 120 salariés, contre 3 à l'origine. Sis au Vésinet (Yvelines), il est chargé de la protection de la population contre la radioactivité: il effectue des mesures dans l'environnement, dans et autour des installations nucléaires, et établit normes et techniques de prévention. Ses prérogatives et son autonomie en font alors quasiment un Etat dans l'Etat.
     Le patron du SCPRI est décrit comme "un autocrate de dimension unique". "Il avait notamment sous ses ordres, deux adjoints qu'il méprisait de façon joyeuse", se souvient Jean-Claude Zerbib, ancien ingénieur radioprotection du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), qui reste encore ébahi par "sa répartie et son toupet incomparables". Aucune initiative n'était tolérée: "En réunion, ses adjoints sortaient toujours cinq minutes avant de donner leur point de vue, le temps d'en référer à Pellerin", raconte Jean-Claude Nénot, ancien responsable de la radioprotection de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN). Il cultivait le goût du secret, peut-être hérité de ses missions sur les sites d'expérimentation de la bombe française à Reggane (Algérie) et Moruroa. "C'était un homme difficile, très rigoureux, qui ne laissait rien passer, et qui vous engueulait facilement, témoigne Rémy Carle, ancien patron du parc nucléaire d'EDF. On redoutait de l'avoir au bout du fil, car il était un peu rude." EDF a pourtant accepté sans barguigner les exigences du professeur, qui imposait jusqu'à la couleur des voyants d'alerte des appareils de mesures.
     C'est que Pierre Pellerin est un croisé de l'atome. En 1974, au moment du lancement du programme électronucléaire français, il estime, devant l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) que "le véritable danger serait que l'opposition à l'énergie nucléaire se généralise et mette alors réellement en cause le développement indispensable de cette source d'énergie particulièrement saine". La même année, dans les Annales des Mines, il recommande "de ne pas développer de façon excessive les mesures de sécurité dans les installations nucléaires afin qu'elles ne provoquent pas une anxiété injustifiée".
suite:
     Sa soif de contrôle paraît sans limites. Monique Sené, du Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire (GSIEN) se souvient que dans les années 1980, le GSIEN avait lancé une étude auprès des médecins alsaciens pour voir comment ils réagiraient en cas de catastrophe nucléaire. "Pierre Pellerin avait fait passer une note auprès du conseil de l'ordre pour s'y opposer", affirme la physicienne. Le chef du SCPRI n'avait pas non plus été enthousiasmé par les campagnes du GSIEN en faveur des intérimaires du nucléaire dont le suivi des expositions aux rayonnements était jugé défaillant. "La grande antienne était de ne pas affoler les populations", résume Mme Sené.
     Lorsque la catastrophe de Tchernobyl survient, le 26 avril 1986, cette vision a-t-elle pesé dans l'appréciation des risques? La France, à la veille des deux ponts traditionnels de mai, étrenne à peine sa première cohabitation entre François Mitterrand et Jacques Chirac. L'URSS est toujours debout, le principe de précautions encore dans les limbes. Le nucléaire civil, fils de l'atome militaire, reste une affaire d'initiés.
     Pierre Pellerin occupe donc naturellement le terrain: à partir du 29 avril, le SCPRI diffuse plusieurs dizaines de communiqués, à la tonalité rassurante - l'IPSN, les ministères de la Santé et de l'Agriculture en font autant. Le SCPRI centralise toutes les mesures réalisées sur le territoire. Les centres de recherche du CEA, les portiques des centrales EDF détectent bien le passage du nuage, mais on leur défend de diffuser des informations au public. "A Saclay, la direction avait fait interdire un tract explicatif des mesures que nous avions prises, qui ne montraient pourtant rien de très inquiétant", se rappelle M. Zerbib.
     Alors que les pays voisins mettent en oeuvre une série de moyens de protection des populations (distribution d'iode, interdiction de certaines denrées...), la France ne prend d'abord aucune initiative: Pierre Pellerin affirme le 2 mai, que "ni la situation actuelle, ni son évolution ultérieure ne justifient dans notre pays quelques contre-mesures sanitaires que ce soit". Les médias lui font encore confiance.
     Mais, le 10 mai, tout bascule. Invité du journal de TF1 par Jean-Claude Bourret, le Pr Pellerin a la surprise de trouver face à lui la physicienne Monique Sené. Désarçonné, il décrit des retombées bien plus importantes qu'admises jusqu'alors. En direct et cartes à l'appui, il parle de contaminations jusqu'à 400 fois supérieures à la radioactivité déjà présente dans l'environnement... La thèse de mensonge d'Etat peut enfler.
     Vingt ans plus tard, cette polémique est toujours aussi vive. Quelques jours après la catastrophe, des citoyens se fédèrent et procèdent à leurs propres mesures sur le terrain. Née de cette initiative, la CRII-Rad n'aura de cesse de contester les évaluations du SCPRI. Le Pr Pellerin flaire le danger et tente alors de disqualifier ces "irresponsables". "Il était hyper-méprisant à notre encontre, se souvient Michèle Rivasi, fondatrice de la CRII-Rad. J'avais convaincu le Conseil Général de la Drôme d'installer des balises de radioactivité, ce qu'il n'avait pas supporté. Il était descendu dans le département avec un wagon rempli de matériel pour prouver qu'en cas d'accident nucléaire, il contrôlait la situation".
     On a encore joué avec les degrés pour cause de canicule. L'ASN a donné son autorisation et l'IRSN va étudier l'impact de ce type de dépassement.
     Comme les épisodes caniculaires risquent de se suivre, il est grand temps de vérifier l'impact de ces rejets.
     Il y a plus: comment travailler en temps de canicule si les locaux sont non réfrigérés et comment peuvent fonctionner les équipements.
     Enfin bonne lecture en ce retour de vacances
p.2

Sommaire
EDITO
En direct des sites: -1 Fessenheim -2 Civaux
Loi déchets et loi sur l'eau: contradiction majeure; Greenpeace et les déchets du site Manche; les anti-labo face aux élus meusiens; Problématique des déchets A, B, C; Contamination
Loi TSN et Loi Transparence; Analyse rapide du dossier "état de l'environnement CEA-Cadarache"; Site de stockage en Lituanie
AVEN: nouvelles de Tahiti - Soldats anglais et soldats français
Communiqué "enfants de Tchernobyl"
Légionelles: 1-Note d'information ASN 2- Lettre de l'ASN à EDF 3-Action du "Réseau Sortir du Nucléaire"
Déchets nucléaires: article de l'Ecologiste; Communiqué sur l'uranium; "incident" de Forsmark (Suède); livre la conception bioclimatique

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