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G@zette N°249/250
CULTURE DE SURETE: EDF DANS LE ROUGE !!!


Association Nationale des Commissions Locales d'Information
Groupe Matières et Déchets Radioactifs
FICHE TRITIUM - Octobre 2008



     Le tritium est un isotope de l'hydrogène (caractéristiques physiques: émetteur beta d'énergie maximum 18,6 keV dit mou ou de faible énergie et 12,35 ans de période radioactive).
     Naturellement, il est principalement dû à l'action des rayonnements cosmiques sur l'azote, l'oxygène et l'argon. Environ 99% de ce tritium est incorporé dans l'eau et suit le cycle de cet élément (pluie, cours d'eau, océan, évaporation…).
     Artificiellement, il se forme dans les explosions nucléaires, les réacteurs nucléaires:
     - mécanisme de fission: tritium dans le combustible, il reste piégé dans les combustibles (87%) et dans les gaines (13%) d'où les rejets de l'usine AREVA-La Hague.
     - production de tritium pour les armes nucléaires
     - réaction avec le régulateur de la fission (bore + neutron donne lithium + neutron donne tritium) d'où tritium dans les rejets des réacteurs.
     Le tritium est présent sous trois formes: eau tritiée (HTO), tritium lié organiquement (OBT) ou gaz (T2, HT). Comme l'hydrogène dont il est un isotope, il est extrêmement mobile et participe au cycle hydrogène. Le tritium s'échange avec l'hydrogène stable au sein de la matière: sa mobilité est plus forte sous forme d'eau (période biologique -temps pour que la moitié du tritium ingéré soit éliminé - environ 12 jours) que sous forme OBT (période biologique pouvant aller jusqu'à plusieurs mois).

     Estimation de dose
     Pour 1TBq gazeux Þ 0,001 microSv  et pour 1 TBq liquide Þ 0,000.001 microSv: La forme gazeuse  (voie inhalation ou ingestion) est  plus nocive que la forme liquide. 
     C'est pourquoi les usines rejettent le tritium sur forme liquide, moins de 1% est rejeté sous forme gazeuse. 
     Quelques chiffres qui montrent la décroissance radioactive du tritium
     * Avant les essais (nucléaires);
     - l'eau de pluie contenait 0,6 Bq par litre 
     - L'eau de rivière contenait 0,8 Bq par litre
     - L'océan contenait un taux inférieur à 0,1 Bq par litre 
     * Après les essais:
     En 1963, moment où les essais nucléaires ont été les plus nombreux, l'eau de pluie contenait jusqu'à 150 Bq par litre à 20% près.
     En 1990, l'eau de pluie contenait encore (seulement?) 2 Bq par litre
     La quantité de tritium disséminée dans l'environnement était en 1970 d'environ 2,4.1020 Bq. Il y en aurait actuellement 4,3.1019 Bq dans l'océan suite aux essais militaires.
     La fabrication d'armes nucléaires conduit à des rejets de tritium dans l'atmosphère. Ainsi en 1999, Valduc a émis 2,67.1014 Bq avec une répartition HTO/HT de l'ordre de 80/20.
     Où se trouve le tritium
     Partout: à cause des essais nucléaires, il y en a davantage dans l'hémisphère Nord (essais américains, russes, français et chinois) que dans l'hémisphère sud (américains, anglais et français). L'environnement est marqué autour des sites de réacteurs, des sites de retraitement, des laboratoires d'armement, des laboratoires de molécules marquées.
     A partir des données CEA et IRSN il est possible d'établir un bilan de la quantité de tritium naturel et d'origine artificielle (voir tableau ci-dessous).
    Evolution des rejets tritiés
     L'industrie du nucléaire civil rejette tout le tritium dans l'environnement principalement sous forme liquide. Ces rejets augmentent actuellement. En effet, pour optimiser le fonctionnement des réacteurs il est possible de faire séjourner le combustible plus longtemps (de l'ordre 2 ans), mais il faut augmenter son taux de brûlage (exprimé en GWj/t).

suite:
Ces taux peuvent être obtenus en accroissant le pourcentage d'uranium fissile (U235). Cependant augmenter ce pourcentage (de 3,5% à 4,1 voire 4,9%) modifie le fonctionnement du réacteur.  Il faut jouer avec la concentration en bore pour réguler la fission. Or, l'action de neutron sur le bore aboutit à produire du tritium. Il en est produit aussi à partir de la lithine servant à ajuster le pH de l'eau..
     Les demandes de rejets en tritium des divers sites de réacteurs ou de retraitement ont donc augmenté à cause de ces évolutions du combustible ou vont augmenter. Le décret tient compte de ce fonctionnement des réacteurs dans l'autorisation (pour un réacteur à Golfech 35 TBq/an contre 50 TBq/an).
     Les déchets tritiés se présentent sous forme liquide, solide ou gazeuse. Ils proviennent à 90% en volume des activités (fabrication et  recherche) de la Direction des Applications militaires du CEA, des activités du CEA civil (10% en volume) et des petits producteurs - laboratoires, laboratoires de recherches - (1% en volume). C'est pour ce type de déchets que le CEA doit étudier pour fin 2008 une solution d'entreposage respectueuse de l'environnement. Ces déchets sont actuellement entreposés sur les sites militaires et ne peuvent être accepté par l'ANDRA en raison de leurs émissions gazeuses.
     Le CEA prépare un rapport (fin 2008) sur un entreposage des déchets tritiés pour une gestion utilisant la décroissance du tritium (demi-vie 12,35 ans) soit en 123 ans la quantité initiale d'origine artificielle aura décrut d'un facteur 1024. Le gros problème est l'extrême mobilité du tritium: il faut donc concevoir des emballages et prévoir une récupération des rejets.
     ITER (réacteur de recherche sur la fusion) sera aussi un gros producteur de déchets tritiés.

     Tranfert à l'environnement
     Le tritium est rejeté sous forme liquide sur les sites de centrales, l'usine de retraitement. Il est considéré comme «peu dangereux» et géré par rejet. C'est une solution de facilité qu'il convient de réexaminer.
     Il serait possible de l'entreposer pour attendre son élimination par décroissance radioactive, mais aucun procédé n'a été exploré, pour parvenir à un niveau industriel. Les industriels arguent du fait que ce type de piégeage est coûteux et risque d'entraîner des problèmes pour les travailleurs. Cependant, les récents résultats sur les risques engendrés par le tritium doivent obliger à un réexamen de cette position. Tout rejet peut être considéré comme un déchet potentiel: l'inconvénient du rejet est qu'il quasiment impossible de le récupérer dans l'environnement pour protéger faunes, flores et donc les populations d'une ingestion certes faible mais chronique.
     La France n'a pas encore pris la mesure du problème: les centrales nucléaires obtiennent des autorisations de rejets de tritium en augmentation, à cause de la mise en place de nouveaux combustibles entraînant une nouvelle gestion. Or, ces autorisations reposent sur le fait qu'il n'y a pas concentration du tritium dans la chaîne alimentaire : on considère que la teneur en tritium dans une espèce biologique est égale à sa teneur dans l'eau. Des expériences récentes (2000 et années suivantes) et des études décrivent un phénomène de bioconcentration (bioaccumulation?). Des études menées autour de Valduc et de Cadarache ont montré des bioconcentrations dans les plantes dès les années 1980. Cependant les divers mécanismes de bioaccumulation (bioconcentration) sont mal connus: en effet les études ont été arrêtées jusque vers les années 2000.
     La surveillance autour de Sellafield a permis de mettre en évidence des concentrations en tritium dans les poissons, les mollusques et les crustacés 10 fois supérieures à celles dans l'eau de mer. De plus sous la forme organiquement liée (baie de Cardiff – rejets d'une usine de molécules marquées) les concentrations en tritium dans les poissons sont de 1.000 à 10.000 fois supérieures à celles de l'eau de mer.
     Compte tenu des productions de tritium dans les diverses installations et en devenir (1,5 kg par an ou 325 PBq) dans ITER (expérience de fusion contrôlée?), il convient de réévaluer les risques liés au tritium et aux nanoparticules métalliques tritiées.

pp.13b-14
La situation du tritium à l'état naturel et en phase de production en Terabecquerel (TBq)
forme Echelle
Stock naturel 1,5X106 TBq liquide (99%) Planète
Equilibre
Production naturelle par an 50 à 70.000 Tbq liquide (99%) Planète
Production artificielle: militaire, essais nucléaires qui ont rejeté de 1943 à 1963 24x107 TBq soit 160 fois le stock naturel
Remarque: en 1995 la quantité a baissé d’un facteur 10
Planète
Production de tritium militaire par an 1.200 TBq par an        gazeux
    0,2 TBq par an        liquide
Localisé
Production des laboratoires de recherche par an 420 TBq par an          gazeux Localisé
Production du retraitement pour 1100 t et par an 12.000 TBq par an      liquide
      80 TBq par an      gazeux
Localisé dans le nord du Cotentin
Production EDF par an 1.500 TBq par an   liquide
   100 TBq par an   gazeux
Remarque: environ 20 TBq/ an pour les 900 et 30 TBq/an pour les 1.300 MWe
Localisé en France
On rappelle que 3 grammes de tritium = 1.000 TBq
Tableau des unités utilisées
Bq 1
k 103
Méga 106
Giga 109
Tera  1012= mille milliards de Bq
Penta 1015


     Impact du tritium
     Le tritium est très mobile au niveau de tous les systèmes (plantes et animaux terrestres, plantes et animaux aquatiques). Il s'échange avec l'hydrogène au niveau moléculaire (ADN, protéines,...). 
     Le rayonnement du tritium, très peu pénétrant est, par contre, plus dangereux en ingestion. En effet, toute l'énergie est déposée en une trace courte (0,6 microns). Ceci favorise la formation de lésions multiples plus difficilement réparables.
     La désintégration du tritium produit un gaz: l'hélium. Ceci conduit à la perte d'un hydrogène au sein d'une molécule: ce phénomène biologique appelé «transmutation nucléaire» a des conséquences mal connues (mutations générées) dans la cellule. 
     L'effet isotopique: certaines expériences suggèrent que le tritium serait préféré à l'hydrogène et ce à cause de sa masse. Dans ces conditions le rôle de molécules d'eau enrichie en tritium en interaction au niveau ADN pourrait être plus important que prévu sur le patrimoine génétique. 
     L'effet biocinétique: les coefficients de dose du tritium sont les plus faibles parmi les radionucléides. De nombreuses données suggèrent de s'intéresser non seulement au tritium libre, mais à la forme OBT. Dans ces conditions des résultats récents (Cardiff) suggèrent un coefficient de dose 50% plus élevé que celui de la CIPR.
     De même l'Efficacité Biologique Relative devrait passer de 1 à 2 voire davantage (recommandation du groupe AGIR en Grande Bretagne – 2007)

Questions toujours sans réponse
     - Effet isotopique (le tritium - 2 neutrons, 1 proton - est plus lourd que l'hydrogène - 1proton): nécessité de compléter les études en particulier autour des sites militaires.
     - Y a-t-il un phénomène de bioamplification ou bioaccumulation pour le tritium? C'est à dire une bioaccumulation préférentielle dans les chaînes alimentaires: les études des années 1970-1980 le suggéraient, celles faites à Cardif le confirment: il convient de reprendre ce sujet sans délai.
     - Peut-il y avoir un phénomène de proximité («bystander») dans le cas du tritium?
     La réponse semble affirmative. Beaucoup de travaux utilisant des molécules marquées avec le tritium ont été réalisées. Ainsi Geraschchenko et Howell (2004/2005) constatent que les cellules voisines de celles qui ont été marquées par le tritium prolifèrent. Persaud et al. (2007) signalent que les cellules voisines de celles ayant reçu une faible irradiation (transfert linéique d'énergie faible) mutent.

suite:
     - Quelle est la réelle toxicité du tritium à l'égard de la santé humaine, en particulier pour le fœtus et la femme enceinte?
     Il faut préciser l'impact du tritium sous forme OBT. Son action au niveau cellulaire en particulier sur l'ADN et les  protéines, et revoir les divers modèles.
     Il est donc essentiel d'amplifier les travaux de recherche pour renforcer les connaissances dans tous les domaines. Il faut améliorer la surveillance autour des sites nucléaires: les rejets de tritium doivent être minimisés, car nos connaissances nouvelles sur cet élément engagent à la prudence.

     Textes Réglementaires 
     - Directive Européenne n°96/29/EURATOM adoptée le 13 mai 1996 (site geosciences)
     * Elle fixe les normes de bases relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants.

Public Travailleur
Dose efficace 1 mSv 100 mSv/5 ans consécutifs
et au plus 50 mSv/an
Dose équivalente à la peau 50 mSv 500 mSv
et
     * L'activité au-dessous de laquelle une pratique est exemptée de déclaration est de 109 Bq (Directive Européenne n°96/29/EURATOM du 13 mai 1996).
     * Le risque d'exposition au tritium est lié à la contamination interne. Le tritium est dans le groupe 4 (radiotoxicité faible) (décret 88-521 du 18/04/88). Ce risque n'a pas été changé.
     * Pour les eaux de boisson, les recommandations de l'OMS (1993) préconisent une limite de 7.800 Bq/L. La Directive Européenne 98/83/CE du 8 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, donne comme indicateur de la contamination des eaux « la concentration de tritium » et la valeur proposée comme seuil d'alerte est de 100 Bq/L. 

     - Code de la santé publique: décret modificatif n°2007-1582 du 7 novembre 2007 relatif à la protection des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants et portant modification du code de la santé publique.

p.15a
     Cette fiche bénéficie des données des fiches CEA, IRSN, de la fiche du Comité Scientifique de l'ANCLI, de la fiche ACRO et de la fiche GRNC de Jean-Claude Amiard
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