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G@zette N°259, février 2011
ET SI ON PRENAIT LE TEMPS DE REFLECHIR....

Audition de l'ANCCLI par l’Office Parlementaire
Mme Monique Sené, Vice Présidente de l’ANCCLI, Collège «Experts» de la CLI de Saclay, de la CLIS de Fessenheim et de la CLI d’AREVA la Hague
M. Jean-Claude Autret, GPMDR et GPPA de l'ANCCLI, CLI de Flamanville
M. Jacques Foos, membre du Comité scientifique de l’ANCCLI
Le bilan du PNGMDR
Mardi 21 décembre 2010


     Le bilan du Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR)
     Interrogée par M. Christian Bataille sur la façon dont l’ANCCLI, partie prenante, depuis l’origine, de l’élaboration du PNGMDR, perçoit son évolution, Mme Monique Sené, parlant au nom de Mme Chantal Rigal, présidente du groupe permanent "Matières et déchets radioactifs" de l’ANCCLI, dont elle a excusé l’absence, s’est d’abord félicitée de la prise en compte dans le dernier PNGMDR, par l’intermédiaire des représentants d’associations, de certaines des orientations dégagées par les travaux de ce groupe. Celui-ci a, en effet, abordé, dernièrement, plusieurs sujets d’importance, tels que ceux du tritium, de la réversibilité et des déchets FAVL, sous l’angle de la recherche du site et de l’inventaire des déchets. 
     Mme Monique Sené a, par contre, regretté l’absence de participation des associations aux commissions restreintes, constituées par l’ASN et la DGEC, uniquement avec les exploitants et l’IRSN, pour traiter certaines questions, en amont de l’élaboration du PNGMDR. A ce sujet, elle s’est référée, d'une part, aux pré-réunions, restreintes en nombre de participants, mais ouvertes aux associations, organisées par l’ASN, dans le cadre de ses groupes permanents, afin d’examiner certains problèmes avant les sessions plénières, et, d’autre part, à la réactivité des groupes de travail du HCTISN, comprenant de dix à quinze membres seulement, dont, parfois, une majorité d’invités ne faisait pas partie du Haut Comité; celui-ci assurant toutefois, systématiquement, la présidence et le secrétariat.
     Mme Monique Sené a également jugé que les conditions de participation aux réunions plénières du PNGMDR pouvaient encore être améliorées : d’une part, les déséquilibres dans l’ampleur des délégations, celles de l’Andra, d’Areva ou de l’IRSN étant souvent nombreuses, créent un frein à la prise de parole; d’autre part, la communication tardive des documents, le plus souvent distribués sur place, interdit à l’ANCCLI de les examiner, a fortiori d’en débattre préalablement. Malgré son nombre de pages respectable, les versions préparatoires du PNGMDR, rédigées par le ministère, ne sont elles-mêmes parfois communiquées aux participants que quelques jours avant son examen.
     S’agissant de l’organisation en petits groupes de travail, M. Jean-Claude Autret a établi un parallèle avec les travaux du Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d'un accident nucléaire ou d'une situation d'urgence radiologique (CODIR-PA), auxquels l’ANCCLI a été amenée à contribuer: la fragmentation, en onze groupes de travail, des différents aspects du domaine, s’est montrée contre-productive sur les sujets transversaux, si bien que l’ASN a préféré revenir à une organisation plus globale répartie sur deux commissions, certains groupes de travail étant maintenus en "veille" pour traiter d'ultérieures questions spécifiques.
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     Mme Monique Sené, reconnaissant la difficulté, pour les associations, à participer à une multiplicité de groupes de travail, a estimé qu’une remise moins tardive des documents constituerait probablement la solution la plus opérationnelle. Tout en convenant du travers commun des rédacteurs, consistant à remettre leur document à la date butoir fixée, en général à la veille d’une réunion, M. Jean-Claude Autret a relevé qu’il était possible de s’organiser  pour pallier ce défaut, comme le montre l’exemple des documents d’enquêtes publiques, désormais remis par l'exploitant à la CLI AREVA la Hague, trois mois à l’avance, au lieu de devoir les examiner uniquement pendant le temps de l’enquête. Il a estimé souhaitable d’engager, pour le PNGMDR, une démarche analogue, visant une meilleure gestion du temps consacré à son élaboration, ainsi qu’une amélioration des conditions de son actualisation.
     Mme Monique Sené a ensuite expliqué que le rapport du HCTISN sur le cycle du combustible avait mis en évidence certaines zones d’ombre du PNGMDR, résultant de l’absence de mise en perspective sur les conditions de l’accumulation des déchets; pour être véritablement éclairant, le bilan en stock devrait en effet être complété par des informations sur les flux. Si l’inventaire de l’Andra donne, de son côté, un aperçu de leur situation géographique, il manque de précision quant à leurs caractéristiques. De plus, des problèmes, marginaux, d’incohérence entre les différents catalogues de l’Andra, ont été mis en évidence. Ces manques résultent plus probablement d’insuffisances dans la restitution des données que dans leur contenu même, l’Andra disposant d’informations particulièrement complètes. Mme Monique Sené a précisé que l’Andra avait engagé des actions correctives pertinentes. Elle a estimé que cet exemple illustrait la façon dont les échanges entre les différentes instances et les associations permettaient d’éclairer et de faire avancer les problèmes.
     Si des marges d’amélioration subsistent, Mme Monique Sené a jugé l’évolution du PNGMDR positive, avec l’extension, progressive, de son champ à de nouveaux aspects, tels les stériles miniers ou les déchets à radioactivité naturelle renforcée, la mise en évidence des besoins d’entreposage pour le refroidissement des déchets, ou encore la fixation d’échéances pour la récupération et le reconditionnement des déchets anciens. Mme Monique Sené a, enfin, salué l’exhaustivité du décret d’application du PNGMDR, garant de la bonne prise en compte des différentes actions à engager par les exploitants. M. Christian Bataille s’est félicité que cet avis traduise une amélioration de l’efficience du service public.
     Tout en partageant l’avis favorable de Mme Monique Sené, M. Jean-Claude Autret a relevé l’insuffisance, dans le dernier PNGMDR, des développements consacrés aux rejets d’installation, sous forme liquide ou gazeuse, tels le tritium, le carbone 14 ou d’autres radionucléides, lesquels constituent des déchets ultimes. Mme Monique Sené a confirmé que ces rejets représentent une modalité de gestion des déchets, au même titre que leur stockage, consistant à les disperser dans l’environnement. 
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     M. Christian Bataille a considéré que ces différentes remarques concourraient à transformer le PNGMDR en un document de référence pour l’ensemble de la filière, auquel tout un chacun pourrait se référer pour trouver les réponses à ses questions sur les matières et déchets.
     M. Jean-Claude Autret a, d’autre part, regretté la lisibilité perfectible du PNGMDR, notamment pour sa partie prospective, absconse sur plusieurs points. M. Christian Bataille a rappelé qu’à l’origine, le PNGMDR était un document destiné à être lu uniquement par des experts, ce qui peut expliquer que le document actuel se présente encore comme un commentaire du décret. Néanmoins, dès la première édition, il lui avait été adjointe une synthèse destinée au grand public. Mme Monique Sené a estimé celle-ci insatisfaisante, sous sa forme actuelle, dans la mesure où elle ne renvoie pas au PNGMDR lui-même. Elle a suggéré d’adjoindre cette synthèse, suivie des recommandations et du sommaire, en tête du document principal, en veillant à renvoyer vers les développements correspondants. 
     M. Christian Bataille a relevé la difficulté résultant de la séparation du bilan des différentes filières de leurs perspectives, obligeant le lecteur à aller de l’un à l’autre. Il a, d’autre part, proposé d’ajouter au PNGMDR un panorama général, présentant la dimension historique de la gestion des matières et déchets, ce qui permettrait aux lecteurs de mieux se situer par rapport au sujet. L’absence de prise en compte de cette dimension par les médias est, en effet, manifeste. Ainsi, dans un reportage sur les mines du Limousin, le journaliste a omis de rencontrer le Groupe permanent des mines du Limousin, dont l’existence lui avait pourtant été signalée par le président de l’ASN. Mme Monique Sené a confirmé ce travers des médias consistant à donner le sentiment de découvrir un sujet sur lequel des associations travaillent, en liaison avec le ministère compétent, depuis trente ans. M. Jean-Claude Autret a partagé l’intérêt de replacer la gestion des matières et déchets dans son contexte, notamment historique, ainsi que l’idée d’intégrer la synthèse au document, avec des renvois, pour chaque filière, à un bloc unique, rassemblant bilan et perspectives, permettant ainsi au lecteur de la synthèse d’approfondir les sujets qui le concernent. M. Jacques Foos a évoqué la possibilité de renvoyer le lecteur vers des références Internet, permettant ainsi une actualisation permanente du document. M. Jean-Claude Autret a synthétisé ces différentes propositions par l’idée d’un PNGMDR offrant aux lecteurs plusieurs niveaux de lecture: la synthèse, le rapport détaillé et le renvoi vers des références Internet.

Recherches sur la séparation-transmutation

     M. Jacques Foos a rappelé qu’avant de rejoindre  le Comité scientifique de l’ANCCLI et, comme Vice-président, les trois CLI du Cotentin, il avait, en tant que professeur et responsable de la filière nucléaire, au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM),  dirigé, durant vingt-cinq ans, le laboratoire des sciences nucléaires, ainsi que, pendant vingt ans, un groupe de travail sur le cycle du combustible et la gestion des déchets. Son laboratoire, exclusivement financé par l’industrie au travers de contrats annuels, a développé un procédé de séparation des actinides, fondé sur la complexation-nanofiltration, plus performant que celui, basé sur l’extraction par solvant, du CEA. Dans le cadre du "retraitement poussé", le CNAM est inventeur d’environ cent trente brevets (brevets français étendus à l’international), déposés par Cogema. Ces recherches, présentées devant la CNE, ont permis de démontrer la faisabilité de la séparation des actinides. Malgré ces progrès décisifs, le financement s’est tari, les industriels privilégiant la voie de la vitrification, avant stockage, des déchets de haute activité, jugée plus immédiatement opérationnelle.
     Mme Monique Sené a relevé que l’industrialisation d’un processus de séparation-transmutation nécessiterait d’évaluer, au préalable, ses conséquences sur l’ensemble de la filière. Elle a rappelé que M. Robert Dautray, ancien Haut Commissaire à l'énergie atomique, avait déjà évoqué ses inconvénients possibles, en terme de multiplication des usines de séparation, de complexification des usines de façonnage du combustible et de protection des personnels. Elle a, enfin, mentionné les difficultés de stockage de certains actinides, dit filants, difficiles à maintenir dans un conditionnement. À ce sujet, M. Jean-Claude Autret a rappelé que la séparation devant, comme tout processus industriel, générer des pertes de matière, celles-ci devaient être étudiées avec attention, compte tenu de la nocivité de certains actinides, a fortiori s’ils sont filants.
     M. Jacques Foos a insisté sur la démonstration de faisabilité de la séparation des cinq ou sept produits de fission vraiment gênants ainsi que des actinides, apportée par les travaux du laboratoire des sciences nucléaires du CNAM. Il a convenu des difficultés de son industrialisation, notamment au plan de la sûreté, mais a jugé celle-ci réalisable, en regard de la mise en oeuvre, à l’usine de retraitement de La Hague, d’un procédé similaire, dénommé Purex, pour la séparation du plutonium et de l’uranium. Il reconnaît que ces travaux n’avaient pas tous abouti. Aussi, aurait-il souhaité que plus de moyens puissent être affectés à la poursuite de ces recherches, afin d’atteindre un objectif ultime compatible avec l’acceptation sociale: ramener la radioactivité des déchets, après une période de décroissance de trois cents ans, au niveau de la radioactivité naturelle. En tout état de cause, il continue à suivre les développements réalisés sur cet axe défini en 1991 par la loi dite "Bataille".

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     Mme Monique Sené a ensuite signalé plusieurs difficultés pour la mise en oeuvre de l’étape suivant la séparation, c’est-à-dire la transmutation. En premier lieu, la nécessité de disposer d’un flux de neutrons, généré par un réacteur ou un accélérateur de particules, avec des implications, en termes de coût énergétique et de déchets, restant à évaluer. En deuxième lieu, son inefficacité sur les produits de fission, tel le césium, dont la section efficace, extrêmement réduite, implique des temps d’exposition prolongés au flux de neutrons. En troisième lieu, les conséquences, sur le cycle du combustible, de la forte radioactivité des aiguilles de combustible intégrant des actinides. De ce fait, bien que sa faisabilité en laboratoire soit également démontrée, Mme Monique Sené a estimé, conformément au PNGMDR, que la transmutation demeurera, pour les vingt ou trente prochaines années, au stade des recherches, qu’elles soient effectuées, par le CEA et le CNRS, au niveau national, ou en coopération avec d’autres pays, par exemple la Belgique, au travers de programmes de recherche européens.
     M. Christian Bataille, déplorant les réticences des industriels à intégrer la réflexion sur la séparation-transmutation aux recherches sur les réacteurs de quatrième génération, s’est interrogé sur la possibilité, d’étudier des enchaînements opératoires, modifiant les procédés utilisés, y compris dans les réacteurs, afin de minimiser les problèmes de sûreté résultant de la manipulation des actinides. Mme Monique Sené a indiqué que les réticences des industriels étaient assez logiques, dès lors qu’ils se montraient avant tout soucieux d’avancer sur le développement de nouveaux réacteurs, sans ajouter la difficulté de la gestion des actinides. Elle a expliqué que la transmutation des actinides dans un réacteur de puissance implique, soit de les associer aux assemblages d’aiguilles de combustibles, ce qui augmenterait considérablement la radioactivité de celles-ci, soit de les concentrer dans des aiguilles spécifiques, solution mise en oeuvre en laboratoire ou dans le réacteur de recherche Phénix, conçu à cette fin, mais difficilement transposable au cœur d’un réacteur de puissance, dont l’équilibre découle d’une optimisation extrêmement délicate. M. Christian Bataille a suggéré, que des recherches pourraient justement être en cours à l’Institut Kurchatov, à Moscou, sur de nouveaux types de combustibles, fabriqués selon des procédés eux-mêmes nouveaux, mieux adaptés à la maîtrise des émissions radioactives des actinides. Il a également regretté que ne soit pas prise en compte la possibilité de structurer les recherches sur ces questions en définissant une gradation de la difficulté à manipuler les différents actinides.
     M. Jacques Foos est revenu sur l’intérêt des populations pour le raccourcissement de la durée d’activité des déchets, qu’il avait pu lui-même vérifier à de nombreuses reprises, en tant que chercheur, à l’occasion de conférences. Mme Monique Sené a considéré le public plus sensible au problème des déchets radioactifs de faible ou moyenne activité qu’à celui des déchets de haute activité. Les premiers sont mal identifiés, ne disposent pas tous d’une filière adaptée, sont entreposés sur les sites des centrales; elle a pris l’exemple de ceux issus du démantèlement de l’atelier HAO (haute activité oxyde) à La Hague, dont la reprise et le conditionnement nécessiteront des études complémentaires. À l’inverse, les déchets de haute activité sont mieux connus, disposent, avec la vitrification, d’un conditionnement d’une tenue certaine; ils devront, à l’exception des premiers verres d’origine militaire, encore rester entreposés durant cinquante ou cent ans avant de pouvoir être stockés. M. Christian Bataille a noté que si leur gestion s’avère satisfaisante en France, les déchets de haute activité ne bénéficient pas de la même attention dans tous les pays, par exemple aux États-Unis, où ils se trouvent éparpillés sur divers sites. Revenant sur le délai minimum de cinquante années mentionné par Mme Monique Sené pour le refroidissement des déchets de haute activité, délai sur lequel les industriels restent eux-même silencieux, il s’est interrogé sur l’urgence de la construction du stockage géologique profond à l’échéance fixée par la loi, en 2025. Évoquant les projets d’extensions d’entreposage à La Hague, Mme Monique Sené s’est accordée sur la possibilité de temporiser la réalisation du futur centre de stockage.
     Concernant ce délai d’un demi-siècle, qui constitue, en quelque sorte, une unité de temps pour le secteur nucléaire, M. Christian Bataille a constaté qu’il s'accordait difficilement avec les échéances des élus, dont le mandat court le plus souvent sur cinq ans, d’où la tentation de reporter les décisions. Mme Monique Sené a noté que cette discordance pouvait aussi conduire à précipiter les décisions. M. Christian Bataille s’est félicité qu’en France le temps nécessaire ait néanmoins été accordé à la question des déchets, la première loi sur leur gestion datant de près de vingt ans. Mme Monique Sené a relevé l’exception du traitement hâtif du dossier des déchets FAVL. M. Christian Bataille a convenu que si la démarche adoptée pour les déchets FAVL n’était pas en cause, la volonté d’aboutir en quelques mois, au lieu des quelques années nécessaires, avait mis l’Andra en difficulté. M. Jacques Foos a expliqué cet empressement par la volonté des industriels d’aboutir à une solution dans des délais courts, en tout cas à l’échelle d’une génération d’ingénieurs, indépendamment des conséquences à plus long terme.
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Position de l’Autorité de sûreté nucléaire et de la Direction générale du travail sur l’avis des Groupes permanents d’experts en radioprotection portant sur les évolutions souhaitables pour les fonctions et la formation des Personnes compétentes en radioprotection
22 novembre 2010

I. Contexte 
     Le projet de directive européenne « normes de base », qui regroupe en un seul texte les directives (1) déjà transposées en droit national, introduit des évolutions significatives en matière d’organisation de la radioprotection des travailleurs. 
     Il prévoit notamment que les missions de l’expert qualifié mentionné dans la directive Euratom 96/29 et assurées en France par la personne compétente en radioprotection (PCR) fassent désormais l’objet de deux missions distinctes. La première, confiée à un expert dénommé RPE (2), assurant des missions générales d’expertise et de conseil auprès de l’employeur, la seconde, confiée à un agent dénommé RPO (3), chargé au sein de l’entreprise des tâches à caractère opérationnel. 
     Dans la perspective de l’évolution des règles communautaires et afin d’en évaluer l’impact sur le dispositif réglementaire français porté par le code du travail, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la direction générale du travail (DGT) ont saisi les deux groupes permanents d’experts en radioprotection placés auprès de l’ASN (4). 
     Outre cette question, ces groupes ont été chargés de dresser un état des lieux du dispositif réglementaire en vigueur et de se prononcer sur l’opportunité et les modalités de mise en œuvre d’une approche graduée des risques dans la définition des exigences en matière de statut, de compétences, de formation, de missions, de responsabilités et d’indépendance de la PCR. 
     Les groupes permanents d’experts ont rendu leur avis à l’issue de réunions tenues les 13 et 14 avril 2010 au cours de laquelle ont été analysées les conclusions du groupe de travail spécialement mis en place à cet effet. Le présent document précise la position de l’ASN et de la DGT sur les recommandations figurant dans cet avis. 

II. Position de l’ASN et de la DGT sur l’avis des groupes permanents d’experts en radioprotection 
L’ASN et la DGT soulignent la qualité et l’exhaustivité du travail conduit par les GP et le groupe de travail. Le rapport du GT accompagné de l’avis sera rendu public. L’ASN et la DGT notent que:
     - l’ensemble des professionnels s’accorde à reconnaître que le système, en place en France depuis quatre décennies, n’a pas failli à ses objectifs et que la désignation de la PCR a contribué au développement progressif d’une culture de radioprotection au sein des entreprises;
     - le dispositif actuel de PCR apparaît globalement adapté à une large majorité des secteurs d’activité concernés, mais pour une meilleure efficacité, pourrait être optimisé sur certains aspects. Ainsi, le temps alloué à la mission de PCR et les moyens mis à sa disposition devraient être précisés par voie réglementaire;
     - une formation à plusieurs niveaux pourrait utilement être introduite, en raison de la variabilité du risque radiologique  d’une installation à une autre;
     - l’évolution des règles communautaires, accueillie favorablement par les groupes permanents d’experts, impactera en profondeur le dispositif national actuel qui apparaît comme intermédiaire à celui introduit par le projet de directive où le RPO assurera un rôle principalement opérationnel, par la mise en œuvre des mesures de prévention sur le site et le RPE qui sera plus chargé des missions d’expertise et de conseil auprès de l’employeur;
     - la prise en compte de cette évolution au niveau communautaire devrait conduire à instituer dans le droit français un statut d’expert qui devra bénéficier d’une formation à la radioprotection d’un niveau nettement supérieur à celui de la PCR. Cette évolution, nécessaire, devra être conduite dans le respect du dispositif actuel dont l’efficacité est reconnue.
     L’ASN et la DGT, qui partagent sur le fond les observations exprimées par les groupes permanents d’experts, ont décidé d’engager les deux démarches complémentaires suivantes: 

suite:
Au niveau communautaire 
     L’ASN et la DGT s’assureront, lors de la préparation de la position française sur le projet de directive Euratom, que soient précisés les rôles et missions confiés respectivement au RPE et au RPO ainsi que les exigences correspondantes en matière de formation. Il conviendra de veiller néanmoins à ce que les orientations retenues dans la directive ne compromettent pas l’efficacité de son dispositif de PCR. 

Au niveau national 
     Dans un premier temps, la DGT apportera les aménagements réglementaires nécessaires pour instaurer une approche graduée dans la définition des exigences en matière de formation de la PCR en modifiant l’arrêté du 26 octobre 2005 relatif aux modalités de formation de la personne compétente en radioprotection et de certification du formateur. Pour répondre à cet objectif principal, la DGT et l’ASN projettent les évolutions suivantes:
     - instaurer trois niveaux de formation des PCR:
     * le premier, moins exigeant que celui existant, visera les activités radiologiques à risque faible tel que l’usage d’appareils de radiologie rétro-alvéolaire;
     * le deuxième, correspondant à celui des PCR actuelles, visera les activités où la gestion du risque radiologique est complexifiée par sa nature ou son ampleur (sources non scellées, radiologie conventionnelle,...);
     * le troisième, notablement renforcé, visera les activités à risque élevé telles que celles pratiquées dans les installations nucléaires de base ou pour des conditions d’exercice des fonctions PCR plus complexes (médecine nucléaire, externalisation de la fonction de PCR,...).
     - homogénéiser la qualité des formations dispensées par les différents formateurs, en précisant les critères de compétence requis ainsi que les moyens pédagogiques mis en œuvre;
     - consolider les connaissances pratiques des PCR, en augmentant le temps alloué aux travaux dirigés et aux travaux pratiques;
     - garantir l’indépendance des contrôles de connaissances, en chargeant un organisme dédié de l’élaboration et de la mise à disposition des programmes d’examens théorique et pratique;
     - accroître les compétences des PCR externes, en renforçant le contenu de leur formation ainsi que les exigences concernant le niveau pré-requis d’accès à celle-ci.
     Il conviendra également d’engager une réflexion sur l’insertion de la formation PCR dans les cursus de formation initiale des professionnels ayant vocation à exercer les fonctions de PCR.
     Dans un second temps, après stabilisation du texte communautaire par la Commission européenne, la DGT et l’ASN engageront, dans le cadre des travaux préliminaires de transposition, une réflexion sur l’évolution de l’organisation de la radioprotection dans les entreprises, notamment pour substituer dans le code du travail les rôles et missions des RPE et RPO à ceux de la PCR, en tenant compte des évolutions apportées au dispositif de formation de la PCR décrites ci-dessus.
     L’opportunité d’un renforcement du statut de ces acteurs de la radioprotection par l’instauration de mesures de protection sociale ainsi que la prise en compte des acquis professionnels sera également examinée.


Notes:
1- Directive 96/29/ Euratom du 13 Mai 1996, directive 97/43/Euratom du 30 Juin 1997, directive 89/618/Euratom du 27 novembre 1989, directive 90/641/Euratom du 4 décembre 1990 et directive 2003/122/Euratom du 22 décembre 2003.
2- RPE: Radiation Protection Expert.
3- RPO: Radiation Protection Officer.
4- GPRAD: Groupe permanent d'experts en radioprotection pour les applications industrielles et de recherche des rayonnements ionisants, ainsi que pour les rayonnements ionisants d’origine naturelle.
GPMED: Groupe permanent d'experts en radioprotection pour les applications médicales et médico-légales des rayonnements ionisants.
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GROUPE PERMANENT D’EXPERTS EN RADIOPROTECTION
AVIS PORTANT SUR LES EVOLUTIONS SOUHAITABLES POUR LES FONCTIONS ET LA FORMATION DES PERSONNES COMPETENTES EN RADIOPROTECTION

     Les GPRAD et GPMED ont pris connaissance du rapport élaboré par un groupe de travail (GPPCR) associant des membres des deux groupes permanents.
     Les deux groupes permanents estiment que ce rapport est très complet et répond à la lettre de mission ASN/DGT. Ils s’associent globalement aux constats et propositions du GTPCR.
     Néanmoins, la présentation du rapport a suscité un débat approfondi et a permis de dégager 3 axes:
1- les constats
     * La désignation de PCR a conduit à de réels progrès en radioprotection ainsi qu’au développement progressif d’une culture de radioprotection. Et le dispositif en place répond très largement à la plupart des situations d’expositions.
     * Néanmoins le dispositif PCR est spécifique à la France et si on examine le projet de directive Euratom la position PCR paraît intermédiaire entre le RPO (Radiation Protection Officer : rôle de mise en œuvre des actions) et le RPE (Radiation Protection Expert: rôle d’expertise et de conseil).
     * Suivant les contextes la situation de la PCR peut correspondre à un métier mais le plus souvent à une mission.
     Pour autant, le dispositif actuel souffre d’imperfections notamment des disparités et des insuffisances dans la qualité des formations proposées conduisant à des niveaux hétérogènes des acteurs formés. De plus, le manque de reconnaissance de la PCR ainsi que des (humains et matériels) à sa disposition revient de façon récurrente.
2- les propositions
     * Ces constats et un réel besoin de stabilité dans le champ réglementaire invitent à ne pas déstabiliser un dispositif qui, malgré des imperfections, a fait ses preuves. La PCR devrait pouvoir rester au cœur du dispositif.
     * Le cadre actuel de formation à la radioprotection pourrait être élargi vers un dispositif plus en adéquation avec une certaine gradation des risques rencontrés par les acteurs, sans pour autant développer des formations à la carte ciblées sur un type trop étroit de situation d’exposition.
suite:
     * La proposition émise par le GTPCR de 3 niveaux de référence en radioprotection des travailleurs est le reflet de la gradation des risques et devrait permettre d’encadrer toutes les situations d’exposition. Sur ce point, les deux groupes permanents notent que cette proposition vise l’évolution du dispositif français, mais que l’articulation avec le futur dispositif européen (RPE, RPO) nécessite d’être clarifiée.
     * Concernant la formation de la PCR:
     - Le volume de volet pratique de la formation doit être adapté et s’appuyer sur un réel enseignement pratique de qualité. Les deux groupes permanents insistent sur la nécessité de développer des matériels pédagogiques adaptés et notamment des guides pratiques.
     - Une session de retour d’expérience, dans un délai de 6 à 12 mois après l’examen, pourrait être incluse dans le dispositif de formation initiale.

3- les pistes de réflexion
     * La reconnaissance de la PCR pourrait être favorisée à travers l’adoption d’un statut, lui permettant de renforcer son indépendance et d’asseoir son autorité dans son domaine d’exercice, dans le respect d’une approche globale de la gestion des risques. La notion d’indépendance de la PCR nécessite une réflexion complémentaire.
     * Les modalités de désignation devraient être renforcées pour garantir l’adéquation entre les moyens et les missions à accomplir par les acteurs de la radioprotection.
     * L’existence d’employeurs qui s’auto-désignent PCR ne peut être exclue notamment pour les petites et très petites entreprises. L’employeur a, en effet, une responsabilité générale de protection des salariés. Néanmoins, il convient de privilégier la désignation d’un salarié quand la situation le permet.
     * Dans le but de renforcer les pratiques en radioprotection, une réflexion élargie s’avère nécessaire sur l’accès aux informations dosimétriques.
     Au-delà de cet avis, les deux groupes permanents estiment que plusieurs points soulevés lors de la présentation de ce rapport nécessiteraient d’être complétés par des réflexions ultérieures.

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