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G@zette N°263, février 2012

La Cour des Comptes et l’ASN bousculent le nucléaire français

CIVAUX
La fuite de TRITIUM


     Décision n°2012-DC-0258 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 24 janvier 2012 portant mise en demeure de la société Electricité de France (EDF) de se conformer aux dispositions de l’article 14 du titre III de l’arrêté du 31 décembre 1999 modifié dans le centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) de Civaux 

     Le Collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, 
     Vu le code de l’environnement et notamment son article L. 596-14;
     Vu le décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives, notamment son article 54;
     Vu l’arrêté du 31 décembre 1999 fixant la réglementation technique générale destinée à prévenir et limiter les nuisances et les risques externes résultant de l’exploitation des installations nucléaires de base, modifié par l’arrêté du 31 janvier 2006;
     Vu la décision n°2009-DC-0138 du 2 juin 2009 de l’Autorité de sûreté nucléaire fixant les prescriptions relatives aux modalités de prélèvements et de consommation d’eau et de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux des installations nucléaires de base n°158 et n°159 exploitées par Electricité de France (EDF-SA) sur la commune de Civaux (département de la Vienne) modifiée par la décision n°2011-DC-0234 du 5 juillet 2011 de l’Autorité de sûreté nucléaire;
     Vu la décision n°2009-DC-0139 du 2 juin 2009 de l’Autorité de sûreté nucléaire fixant les limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux des installations nucléaires de base n°158 et n°159 exploitées par Electricité de France (EDF-SA) sur la commune de Civaux (département de la Vienne) modifiée par la décision n°2011-DC-0233 du 5 juillet 2011 de l’Autorité de sûreté nucléaire;
     Considérant qu’une présence anormale de tritium dans les eaux souterraines a été constatée par l’exploitant du centre nucléaire de production d’électricité de Civaux (Vienne) le 13 janvier 2012 sur le piézomètre N7 situé à 30 mètres en aval hydraulique d’une capacité de rétention des réservoirs KER recevant des effluents tritiés, une activité volumique en tritium de 540 Bq/l plus ou moins 33 Bq/l ayant été mesurée sur un prélèvement;
     Considérant que l’inspection réalisée par l’ASN le 17 janvier 2012 à la suite de l’événement susmentionné, a conduit à constater que le revêtement de la capacité de rétention des réservoirs KER présentait des défauts de type fissure, faïençage, écaillement et cloquage du revêtement, rendant inopérante son étanchéité au tritium;
     Considérant que l’article 14 du titre III de l’arrêté du 31 décembre 1999 susvisé, relatif au stockage et à l’entreposage de liquides radioactifs dispose que: «Tout stockage ou entreposage en récipients, à l'exception de ceux dont les récipients ont une capacité unitaire inférieure ou égale à 250 litres, susceptibles de contenir des produits liquides toxiques, radioactifs, inflammables, corrosifs ou explosifs est associé à une capacité de rétention. [...] La capacité de rétention est étanche aux produits qu'elle pourrait contenir et résiste à l'action physique et chimique des fluides. Le dispositif de vidange équipant la capacité de rétention doit présenter ces mêmes caractéristiques et maintenir le confinement.»;
     Considérant que l’activité volumique en tritium habituellement mesurée dans ces eaux souterraines au cours des douze derniers mois était systématiquement inférieure au seuil de décision, soit environ 9 Bq/l;
     Considérant qu’au cours de l’inspection du 17 janvier 2012 l’ASN a constaté que les résultats d’analyses confirmaient la présence anormale de tritium dans les eaux souterraines sur le piézomètre N7, notamment les analyses effectuées par l’exploitant sur des échantillons prélevés les 13, 14 et 15 janvier 2012 dans ce même piézomètre et présentant des activités volumiques en tritium respectives de 600 Bq/l, 570 Bq/l et 540 Bq/l, assorties d’une incertitude de plus ou moins 36 Bq/l;
     Considérant que le III de l’article 16 de la décision n°2009-DC-0138 du 2 juin 2009 de l’Autorité de sûreté nucléaire susvisée dispose que «Aucun rejet radioactif liquide n’est autorisé par d’autres voies que celles prévues à cet effet, en particulier en dehors des ouvrages visés au IV ci-dessous. Ces ouvrages permettent une bonne dispersion des rejets dans le milieu.»;

suite:
     Considérant que EDF, au vu des constatations effectuées lors de l’inspection du 17 janvier 2012, n’a pas respecté les dispositions d’étanchéité pour les rétentions de l’article 14 de l’arrêté du 31 décembre 1999 susvisé et les dispositions d’interdiction de rejet d’effluents radioactifs hors des voies prévues à cet effet de l’article 16 de la décision du 2 juin 2009 susvisée;
     Considérant que EDF a pris des dispositions conservatoires, notamment par le pompage des liquides présents dans la capacité de rétention, pour éviter la poursuite des rejets de tritium hors des voies de rejet prévues à cet effet par la décision du 2 juin 2009 susvisée;
     Considérant en conséquence qu’il n’y a plus de risque immédiat de rejet de tritium dans l’environnement hors des voies de rejets prévues à cet effet mais que la situation de la capacité de rétention n’est pas pour autant conforme à la réglementation;
     Décide:
     Article 1er
  EDF est mise en demeure de rétablir, dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la présente décision, l’étanchéité de la capacité de rétention (y compris ses puisards) des réservoirs KER du CNPE de Civaux (INB n° 158 et n° 159), éventuellement par des moyens provisoires.
     Article 2
E     DF est mise en demeure de procéder, dans les meilleurs délais et au plus tard le 31 août 2012, aux réparations pérennes de la capacité de rétention (y compris ses puisards) afin d’assurer de manière pérenne le respect des dispositions prévues à l’article 14 de l’arrêté du 31 décembre 1999 susvisé.
     Article 3
     EDF adressera à l’Autorité de sûreté nucléaire, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, un dossier décrivant les opérations de réparation définitive et leur échelonnement dans le temps.
     Article 4
     Le directeur général de l’ASN est chargé de l’exécution de la présente décision qui sera notifiée à EDF et publiée au Bulletin officiel de l’ASN.
     Fait à Paris, le 24 janvier 2012: le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, signé par: André-Claude Lacoste, Michel Bourguignon, Marie-Pierre Comets, Jean-Jacques Dumont, Philippe Jamet.

Objet: Inspection n°INSSN-BDX-2012-0720 du 17 janvier 2012 – environnement (inspection sur événement)

     Réf.:
     [1] Télécopie de déclaration d’un événement significatif pour l’environnement reçue le 18/01/2012 référencée D5057/ESE/0/12/01 [2] Décision n°2009-DC-0138 du 2 juin 2009 fixant les prescriptions relatives aux modalités de prélèvements et de consommation d’eau et de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux des installations nucléaires de base n°158 et n°159 exploitées par Electricité de France (EDF-SA) sur la commune de Civaux (département de la Vienne)
     [3] Décision n°2009-DC-0139 du 2 juin 2009 fixant les limites de rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux des installations nucléaires de base n°158 et n°159 exploitées par Electricité de France (EDF-SA) sur la commune de Civaux (département de la Vienne)
     [4] Décision n°2011-DC-0233 du 5 juillet 2011 modifiant la décision n°2009-DC-0139 du 2 juin 2009
     [5] Décision n°2011-DC-0234 du 5 juillet 2011 modifiant la décision n°2009-DC-0138 du 2 juin 2009
     [6] Arrêté du 31 décembre 1999 fixant la réglementation technique générale destinée à prévenir et limiter les nuisances et les risques externes résultant de l’exploitation des installations nucléaires de base modifié

     Monsieur le directeur, 
     Dans le cadre des attributions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) concernant le contrôle des installations nucléaires de base prévu à l’article L. 592-21 du code de l’environnement, une inspection sur événement a eu lieu le 17 janvier 2012 au centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) de Civaux sur le thème «environnement» à la suite de la découverte d’une activité volumique anormale en tritium dans les eaux souterraines de la centrale.
     Veuillez trouver ci-dessous la synthèse de l’inspection ainsi que les principales demandes et observations qui résultent des constatations faites, à cette occasion, par les inspecteurs.

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     Synthèse de l’inspection
     Cette inspection a été diligentée à la suite de l’information, par vos soins, de la découverte d’une activité volumique de l’ordre de 540 Bq/l en tritium dans les eaux souterraines prélevées dans le piézomètre N7 de la centrale.
     Les inspecteurs se sont fait présenter l’ensemble des mesures analytiques, des actions d’investigations et des mesures correctives entreprises par l’exploitant de la centrale depuis la mise en évidence de cette situation. 
     Ils ont inspecté la zone de rétention des réservoirs d’effluents issus de l’îlot nucléaire (KER), issus des circuits secondaires (SEK) et des réservoirs dits de «santé» (TER).
     L’exploitant s’est organisé pour répondre aux questions de l’ASN de manière complète, ouverte et transparente. 
     Les inspecteurs estiment que cet événement révèle une attention insuffisante aux risques de contamination par le tritium, tant en ce qui concerne l’état de la capacité de rétention, les programmes de surveillance du génie civil, le choix des méthodes de mesures employées par le service de prévention des risques et la formation des agents.
     Cette inspection a fait l’objet de trois constats d’écart notable.

     A. Demandes d'actions correctives
     Les inspecteurs se sont rendus dans la capacité de rétention associée aux réservoirs KER, SEK et TER.
     Cette dernière est constituée de plusieurs dalles de béton armées, entourées d’un mur d’enceinte d’environ 2 mètres de haut, recouverte d’un revêtement armé à base de résines sur une hauteur d’environ 1,2 mètres. Elle est susceptible de contenir des effluents tritiés.
     L’article 14 de l’arrêté du 31 décembre 1999 [6] prévoit que «tout stockage ou entreposage de récipient [...]susceptibles de contenir des produits liquides toxiques, radioactifs, inflammables, corrosifs ou explosifs est associé à une capacité de rétention [...]. La capacité de rétention est étanche aux produits qu’elle pourrait contenir et résiste à l’action physique et chimique des fluides. Le dispositif de vidange équipant la capacité de rétention doit présenter les mêmes caractéristiques et maintenir le confinement
     Les inspecteurs ont constaté que, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la capacité de rétention, des fissures sont présentes dans le béton, dont certaines ont manifestement fait l’objet d’une réparation d’étanchéité à l’aide de mastics ou de gels de silicone. Ils ont également relevé que le revêtement armé n’est pas intègre, qu’il présente de nombreux faïençages, écaillages, cloques. Certaines cloques sont percées, révélant la présence de liquide entre le revêtement et le béton qu’il est censé protéger. 
     Le tritium est un radionucléide de petite taille, extrêmement mobile et capable de traverser des matériaux divers, dont le béton brut. Les inspecteurs considèrent donc que la capacité de rétention n’est pas étanche aux fluides qu’elle a pour mission de contenir.
     Cette analyse est par ailleurs conforme aux critères de la fiche de maintenance génie civil «FMGC N°14: dégradations des revêtements sur béton des puisards et rétentions», consultée par les inspecteurs, qui signale en particulier que les cloques percées sont des défauts «traversants».
     A.1 L’ASN vous demande de remettre dans les plus brefs délais la capacité de rétention des réservoirs KER, TER et SEK et ses puisards dans l’état prescrit par la réglementation.

suite:
     A.2 L’ASN vous demande de lui proposer un plan de travaux visant à renforcer significativement la pérennité de la résistance de cette capacité de rétention. Ce plan de travaux sera discuté avec l’ASN avant de faire l’objet d’un engagement de votre part.
     Les inspecteurs ont consulté les analyses effectuées sur les échantillons d’eau prélevés dans le piézomètre N7 les 4, 13, 14, 15 janvier 2012.
     Dès le 3 janvier 2012, un agent en charge des effluents avait remarqué que les résultats d’activité volumique en tritium des effluents de la rétention étaient inhabituellement hauts (de l’ordre de 1.500 Bq/l) et avait mis en évidence, lors d’une visite sur le terrain, une fissure dans la capacité de rétention des réservoirs KER. Sachant qu’un prélèvement dans la nappe serait effectué le lendemain, il n’a cependant pas jugé nécessaire de demander une analyse prioritaire de ce dernier, car la charge de travail des équipes du laboratoire de surveillance environnementale lui apparaissait très importante.
     L’analyse sur l’échantillon prélevé le 4 janvier 2012 a donc été effectuée le 9 janvier 2012, les premiers résultats disponibles le 10 janvier 2012 ont fait apparaître une activité volumique inhabituellement élevée en tritium, de l’ordre de 540 Bq/l, ce qui a conduit les opérateurs du laboratoire à remettre en doute leur procédure de mesure. Ils ont effectué une seconde puis une troisième mesure sur ces échantillons, dont les résultats ont été concordants et finalement confirmés le 13 janvier 2012. Cependant, entre le 9 et le 13 janvier, aucune alerte interne à la centrale ou information de la hiérarchie n’a été effectuée pour signaler ces valeurs anormalement élevées. De même, l’agent qui avait réalisé les investigations initiales n’a pas signalé au laboratoire ses soupçons concernant la fissure constatée dans la capacité de rétention, ce qui aurait permis un partage d’information plus rapide.
     Il ressort des entretiens menés par l’ASN que les agents se sont concentrés sur l’aspect technique de la mesure et ont travaillé sous une certaine pression due à la charge d’activité. L’ASN s’interroge sur les modes de travail, de communication, de compte-rendu, de suivi managérial, de partage transverse entre les équipes qu’un tel délai peut révéler.
     A.3 L’ASN vous demande de réaliser et de lui communiquer une analyse des causes de ce retard d’information interne à la centrale nucléaire. Vous étudierez plus particulièrement les facteurs organisationnels et humains, concernant l’équipe en charge du laboratoire environnement, le service environnement en général et la direction de la centrale.
     Depuis la découverte de cet événement, vous réalisez des prélèvements et analyses quotidiennes sur l’eau issue du piézomètre N7. Il convient en effet d’adapter le programme de suivi de la nappe au phénomène constaté.
     A.4 L’ASN vous demande de lui proposer un programme de suivi renforcé des eaux souterraines et superficielles proches de la centrale nucléaire.
     A.5 L’ASN vous demande de mettre en ligne sur le site internet du réseau national de mesure de la radioactivité dans l’environnement l’intégralité des résultats de mesure obtenus dans le cadre de ce suivi renforcé des eaux souterraines et superficielles.
     A.6 L’ASN vous demande de faire effectuer un prélèvement sur l’ensemble de vos piézomètres et de les faire analyser par un laboratoire indépendant agréé pour la mesure de radioactivité dans l’environnement. Vous lui transmettrez ces résultats.
     Le jour de l’inspection, vous n’aviez pas terminé vos analyses techniques pour identifier la source de la fuite de tritium. L’inétanchéité d’un organe pourrait en être la cause.
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     A.7 L’ASN vous demande de finaliser dans les plus brefs délais vos analyses techniques et de réparer les organes et tuyauteries à l’origine de la fuite d’eau tritiée. 
     Avant de pénétrer dans la rétention, les inspecteurs ont demandé quelles mesures de contamination avaient été effectuées par les services d’EDF, afin d’assurer l’absence de risque pour les agents amenés à réaliser des contrôles de la capacité de rétention. Il leur a été répondu que des mesures de non-contamination avaient été effectuées et permettaient un accès sans précaution particulière. En posant des questions sur les méthodes de mesure employées, les inspecteurs ont mis en évidence que les techniques de mesure utilisées ne permettaient d’identifier que des radionucléides émettant des rayonnements gamma, alors que le tritium émet des rayonnements bêta. Les contrôles réalisés ont donc simplement permis de certifier l’absence de produits de fission dans la rétention, mais non l’absence de tritium.
     À la fin de l’inspection, le personnel du laboratoire a par ailleurs confirmé que les flaques d’eau stagnantes dans la rétention pouvaient avoir une activité de l’ordre de 1000 Bq/l, ce qui n’avait pas été signalé aux inspecteurs et aux agents EDF lors de leur visite de terrain.
     Les inspecteurs se sont fait présenter l’ensemble des mesures analytiques, des actions d’investigations et des mesures correctives entreprises par l’exploitant de la centrale depuis la mise en évidence de cette situation. 
Ils ont inspecté la zone de rétention des réservoirs d’effluents issus de l’îlot nucléaire (KER), issus des circuits secondaires (SEK) et des réservoirs dits de «santé» (TER).
     L’exploitant s’est organisé pour répondre aux questions de l’ASN de manière complète, ouverte et transparente. 
     Les inspecteurs estiment que cet événement révèle une attention insuffisante aux risques de contamination par le tritium, tant en ce qui concerne l’état de la capacité de rétention, les programmes de surveillance du génie civil, le choix des méthodes de mesures employées par le service de prévention des risques et la formation des agents. 
     Cette inspection a fait l’objet de trois constats d’écart notable
     L’ASN considère donc que les mesures de détection de la contamination, de signalisation, d’information des personnels et de prévention des risques sont nettement insuffisantes. Les inspecteurs ont par ailleurs relevé que plusieurs agents EDF présents, issus de services différents, ne connaissaient pas les principales caractéristiques du tritium.
     A.8 L’ASN vous demande de mettre en œuvre des mesures radiologiques adaptées au risque (en l’occurrence, la présence de tritium) et d’informer de manière plus précise les personnels du risque de contamination présenté par les flaques d’eau stagnantes.
     A.9 L’ASN vous demande de justifier par un calcul approprié le zonage radiologique de la capacité de rétention et de ses puisards.
     A.10 L’ASN vous demande de vous assurer que le personnel qui est intervenu pour des opérations dans cette zone, notamment les opérations de pompage et de nettoyage du puisard n’a pas subi de contamination par le tritium.
     A.11 L’ASN vous demande de mettre en œuvre les meilleures techniques disponibles pour décontaminer la capacité de rétention et ses puisards et retrouver des conditions normales d’exploitation.
suite:
     A.12 L’ASN vous demande de renforcer la formation de l’ensemble des personnels EDF et sous-traitants sur les caractéristiques particulières du tritium, ses modes de diffusion et les moyens appropriés de le détecter et de s’en protéger.
     L’article 30 de l’arrêté du 31/12/1999 [6] prévoit que «l’ensemble des dispositifs de confinement statique et dynamique fait l’objet de contrôles périodiques adaptés». Votre programme de base de maintenance préventive (PBMP) génie civil N4 prévoit une visite de ces installations tous les 5 ans. 
     La dernière visite avait eu lieu en juillet 2009, dans le cadre de la prise en compte du retour d’expérience de l’événement de Socatri de juillet 2008. Elle avait mis en évidence plusieurs défauts d’étanchéités, qui ont ensuite été réparés en septembre 2009. À cette occasion, seules des reprises et corrections locales ont été effectuées sur les défauts identifiés. Lors de la visite des inspecteurs, il est apparu un grand nombre de nouveaux défauts, qui nécessitent des actions correctives urgentes. Le rythme de visite prévu par votre PBMP est donc inapproprié.
     A.13 L’ASN vous demande de modifier la périodicité des inspections internes destinées à vous assurer du bon état et de l’intégrité de la capacité de rétention KER-SEK-TER, afin de prévenir toute dégradation de cette dernière.
     Lors de leur visite de terrain, les inspecteurs se sont rendus à proximité du piézomètre N7. Ils ont constaté qu’un conteneur mobile de type «SAFRAP» était présent à proximité pour recueillir les effluents issus du pompage du piézomètre dans le cadre des derniers prélèvements. Ce conteneur contenait donc de l’eau potentiellement radioactive. Il n’était pas bouché. Il ne disposait pas d’un bac de rétention. Cette situation n’est pas conforme à l’article 14 de l’arrêté du 31/12/1999 sus-cité.
     De plus, il était situé à proximité immédiate d’un regard de collecte du réseau d’eau pluviale de la centrale et des traces d’humidité entouraient le bac mobile et le regard, indiquant un déversement de fluide récent, par exemple la vidange du tuyau flexible lové sur le dessus du conteneur. Les inspecteurs ont demandé qu’un prélèvement dans le réseau d’eau pluviale soit réalisé. Les résultats des analyses effectuées sur ce prélèvement n’ont pas fait apparaître de contamination au tritium dans le réseau.
     A.14 L’ASN vous demande de vous assurer que vos agents et sous-traitants qui sont amenés à manipuler des fluides potentiellement contaminés prennent toutes les dispositions nécessaires pour éviter une diffusion dans le réseau d’eau pluviale, notamment par la mise en place de rétention, la fermeture des conteneurs et leur placement à des endroits appropriés.
     Vous faites réaliser vos prélèvements d’eau dans les piézomètres par une société prestataire. Cette dernière n’intervient qu’en jour ouvrable. Confrontés à une valeur anormalement élevée confirmée dans la journée du vendredi 13 janvier 2012, ce sont donc les agents EDF du laboratoire environnement, qui ne réalisent pas habituellement ces opérations, qui ont procédé pendant le week-end aux prélèvements dans les piézomètres pour analyses complémentaires. Ces derniers se sont estimés insuffisamment formés pour réaliser ce genre d’interventions.
     D’après le IV de l’article 1 de l’annexe 1 de la décision citée en référence [2], l’exploitant doit être en mesure de réaliser les opérations nécessaires à la gestion d’une situation incidentelle ou accidentelle, en permanence.
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     A.15 L’ASN vous demande de renforcer la formation des agents EDF afin d’assurer votre capacité, à tout moment, à réaliser des prélèvements d’eau dans les piézomètres au sein de l’INB, à des fins de surveillance environnementale, notamment en situation incidentelle ou accidentelle.
     Vous avez informé téléphoniquement l’ASN, la préfecture et la commission locale d’information (CLI) de la découverte de valeurs anormalement élevées d’activité volumique en tritium dans les eaux souterraines. Or l’article 5 de l’annexe 2 de la décision citée en référence [2] prévoit également une information de la DDASS (maintenant la délégation territoriale de l’Agence régionale de santé), de la police de l’eau et de la direction générale de la santé du ministère de la santé en cas d’«incident ou d’anomalie de fonctionnement de l’installation nucléaire ou d’un équipement ou d’une installation [...] tels que fuite de réservoir [...], élévation anormale de la radioactivité». 
     Lors de l’inspection, vous n’aviez pas procédé à ces informations immédiates obligatoires.
     A.16 L’ASN vous demande de vous assurer que les cadres de direction ont une connaissance exacte et exhaustive des dispositions réglementaires qui vous sont imposées concernant l’information des institutions en cas d’incident.
     Lors de l’inspection de la capacité de rétention KER-SEK-TER, les inspecteurs ont constaté que la plupart des coffrets électriques du système de traçage électrique des tuyauteries, destinés à les protéger contre le gel, sont fortement marqués par la rouille.
     A.17 L’ASN vous demande de procéder à la réparation de ces coffrets électriques et de vous assurer que l’intégralité du système de traçage électrique fonctionne correctement.
     La procédure de contrôle de la rétention KER-SEK-TER date de l’époque où ces dernières étaient disjointes. Elle n’est donc plus à jour.
     A.18 L’ASN vous demande de remettre à jour votre procédure de contrôle du bon état de la rétention KER-SEK-TER.
     L’interlocuteur hydrogéologue CEIDRE/TEGG (Centre d’Expertise et d’Inspection dans les Domaines de la Réalisation et de l’Exploitation/département Technique d’Essai en Géologie, Géotechnique et génie civil) consulté par téléphone au cours de l’inspection a indiqué que certains piézomètres du site avaient été instrumentés par des capteurs de pression, ce qui avait permis l’acquisition de données pendant un an sur les mouvements d’eaux souterraines au droit de la centrale. Au jour de l’inspection, ces données n’avaient pas toutes été analysées.
     A.19 L’ASN vous demande de mener cette expertise à terme dans les meilleurs délais et de lui en transmettre les résultats dès qu’ils seront disponibles.

     B.  Compléments d’information
     Le jour de l’inspection, vous n’aviez pas fini vos analyses techniques pour identifier la source de la fuite en tritium et ses voies de propagation vers le milieu naturel. Il ne vous a donc pas été possible de donner à l’ASN une estimation du terme source de cette pollution et de sa propagation possible hors du site.
     B.1 L’ASN vous demande de lui transmettre, dès que vous en disposerez, votre évaluation du terme source de la pollution en tritium et des résultats des modélisations de sa propagation dans les sols et les eaux souterraines.
     Vous envisagez, en lien avec les experts en hydrogéologie de vos services centraux, de procéder à des pompages dans les eaux souterraines afin de limiter les conséquences de la pollution à l’extérieur du site.
     B.2 L’ASN vous demande de la tenir informée des actions de mitigation que vous mettrez en œuvre en précisant le mode de traitement des volumes d’eau éventuellement pompés.
     Le puisard de la capacité de rétention KER-SEK est en béton recouvert d’un revêtement armé. En cas de dégradation de ce revêtement, son étanchéité n’est plus assurée. Un revêtement métallique pourrait apporter une protection supplémentaire et permettre l’instrumentation du puisard, notamment avec un détecteur d’humidité entre le cuvelage et la structure en béton.
     B.3 L’ASN vous demande de vous prononcer sur la pertinence et la possibilité de mettre en place dans ce puisard un cuvelage métallique associé à un détecteur d’humidité afin de disposer d’une barrière supplémentaire de protection pour l’environnement.

suite:
     Les inspecteurs ont consulté le rapport d’inspection interne du réservoir 0 KER 006 BA. Le compte-rendu fait apparaître des dégradations prononcées sur le fond du réservoir, qui ont nécessité sa réfection presque complète. Interrogés à ce sujet, vos services ont indiqué que ce type de dégradation était presque systématiquement constaté à l’occasion de ces visites internes, qui ont lieu tous les 5 ans. Vous n’avez cependant pas jugé utile de partager ce problème avec vos services centraux et les autres sites.
     B.4 L’ASN vous demande d’établir en relation avec vos services centraux le retour d’expérience des dégradations observées sur les réservoirs KER du parc électronucléaire. Vous l’informerez des informations obtenues et lui indiquerez votre position quant à une modification du rythme des visites internes pour les rendre plus fréquentes.
     Dans la capacité de rétention KER-SEK-TER, les inspecteurs ont remarqué la présence de plusieurs trous de forme carrée, qui constituent des points d’accumulation d’eau stagnante et risquent de constituer des points faibles pour l’étanchéité de la rétention.
     B.5 L’ASN vous demande de lui indiquer l’origine et le rôle de ces trous ainsi que votre intention concernant leur maintien ou leur suppression au vu du retour d’expérience. Vous ferez part à l’ASN du plan d’actions éventuellement associé.
     Le site a subi une période d’étiage et de sécheresse prolongée en 2011, ce qui a entraîné la saturation des volumes d’entreposage dans les réservoirs KER, du fait de l’impossibilité de rejeter ces effluents dans la Vienne dans le respect des débits minimaux fixés par la décision (article 17) citée en référence [2].
     Trois emplacements sont encore disponibles dans la capacité de rétention pour mettre en place des réservoirs supplémentaires. Vous avez indiqué aux inspecteurs avoir initié la demande d’une telle modification auprès de vos services centraux.
     B.6 L’ASN vous demande de la tenir informée des suites données à cette demande d’augmenter le volume disponible pour l’entreposage des effluents KER et de lui indiquer la programmation de cette modification.
     Les inspecteurs ont consulté certaines actions correctives mises en œuvre à la suite de l’inspection du 22 septembre 2010, qui portait notamment sur un événement de déversement de fluide tritié à l’intérieur d’un local.
     Ils ont relevé que la demande A2 de la lettre de suite référencée CODEP-BDX-2010-052522 du 30 septembre 2010 qui portait sur des propositions de modification d’un tronçon de tuyauterie afin d’éviter le renouvellement d’un tel événement avait fait l’objet, de votre part, d’une réponse de court terme, visant à modifier les procédures d’intervention pour prévenir les intervenants des risques de déversement.
     L’ASN estime qu’il serait préférable de rendre vidangeable la tuyauterie concernée par une modification matérielle pérenne.
     B.7 L’ASN vous demande de vous prononcer sur la réalisation d’une modification matérielle sur la ligne de rejet KER concernée par l’événement du 28 août 2010 afin de la rendre vidangeable.
     À la suite de cet événement, vous aviez indiqué que vous solliciteriez l’intégration du local GK115 où il s’était produit dans le programme de base de maintenance préventive (PBMP) génie civil pour le palier technique N4. Vous avez effectué cette demande par courrier D5057/SC3M/11/0068 du 4 janvier 2011.
     B.8 L’ASN vous demande de lui communiquer la réponse de vos services centraux à cette requête et les dispositions prises, le cas échéant, par le CNPE de Chooz vis-à-vis de ce local.

     C.  Observations
     C.1 L’ASN a noté que, d’après l’analyse menée par vos services centraux sur l’hydrogéologie du site, le sens d’écoulement de la nappe d’eau souterraine concernée par la pollution est orienté vers la Vienne, où elle subit une forte dilution et qu’il n’y a aucun captage et usage de cette eau souterraine entre la source supposée du tritium et la Vienne.
     Je vous demande de me faire part de vos observations et réponses concernant ces points sous deux mois.
     Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation.
     Je vous prie d’agréer, Monsieur le directeur, l’expression de ma considération distinguée.
     Pour le Président de l'Autorité de sûreté nucléaire, et par délégation, le chef de la division de Bordeaux,

SIGNE PAR Anne-Cécile RIGAIL
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