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G@zette N°272, MAI 2014

LA VIGILANCE CITOYENNE BASE DE LA SÛRETÉ ET DE LA RADIOPROTECTION
Incidents survenus au centre américain de stockage de déchets radioactifs WIPP en février 2014
Point de la situation au 12 mars 2014 (IRSN)


    Après quinze ans de fonctionnement, le WIPP (Waste Isolation Pilot Plan), centre de stockage de déchets radioactifs situé au Nouveau-Mexique (Etats-Unis), a connu, au mois de février 2014, deux incidents notables: un incendie dans la zone nord de l’installation puis 9 jours plus tard, un relâchement d’activité dans la zone sud.
     Le WIPP est conçu pour accueillir, au sein de cavités creusées dans du sel à environ 660 mètres de profondeur, 176.000 m3 de déchets dits transuraniens (contenant notamment de l’Américium et du Plutonium), issus d’activités nucléaires de défense (recherches militaires et production d'armes nucléaires). Cette installation est en exploitation depuis mars 1999.
     Les informations rassemblées ci-après proviennent des communiqués de l’exploitant de cette installation (DoE – Department of Energy- ref 1) et de publications par la presse, disponibles sur internet. L’IRSN ne dispose pas à ce jour d’information supplémentaire.
     Incendie
     Le DoE a informé qu’un incendie s’est déclaré le 5 février 2014 dans la zone nord de l’installation sur un camion utilisé pour évacuer du sel excavé.
     Selon le rapport de sûreté [ref 2], la zone nord est dédiée à des expérimentations et des recherches, eu égard notamment à la possibilité de prendre en charge des déchets exothermiques dans le WIPP, ces déchets n’étant actuellement pas acceptés pour stockage dans cette installation. Le feu aurait pris à proximité du puits dédié à la gestion du sel excavé [ref 3] et aucun colis de déchets n’était à proximité de l’incendie  [ref 1]. Il est à noter que la zone en cours d’exploitation (partie sud), qui contient les colis de déchets radioactifs stockés, se situe à une distance de plusieurs centaines de mètres de ce puits. De la fumée s’est échappée par au moins un puits.
     Le dispositif d’extinction d’incendie, dont était équipé le camion, s’est immédiatement déclenché selon le porte-parole du DoE  [ref 3]. La ventilation des installations souterraines a été arrêtée [1]. Il n’est toutefois pas précisé si cet arrêt a été ponctuel et si la ventilation a été remise en fonctionnement en mode réduit et/ou filtré.
     Le DoE a annoncé que toutes les opérations de stockage ont été suspendues et que les installations souterraines ont été évacuées avec succès. Six employés transférés à l’hôpital en raison d’une possible inhalation de fumées en sont ressortis quelques heures après. Une équipe de secours est descendue le jour même dans les installations souterraines et a confirmé l’extinction de l’incendie et l’absence de fumées résiduelles. De la mousse a été répandue afin d’empêcher une éventuelle reprise du feu. Le porte-parole du DoE a indiqué qu’il s’agit de l’incendie le plus sérieux qui se soit produit dans les installations souterraines du WIPP [3].
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     Relâchement de radioactivité
     Le 14 février 2014 vers 23h30, une balise située dans les installations souterraines du WIPP à proximité d’une cavité en cours d’exploitation (remplissage par des colis de déchets) depuis 2013, a détecté de la contamination dans l’air, à un niveau élevé d’après le porte-parole du DoE  [1] [4]. Le système de ventilation est automatiquement passé en mode «filtration» [1]: l’air sortant des installations souterraines par le puits dédié à l’extraction de cet air est alors dirigé vers un réseau équipé de filtres très haute efficacité dits «filtres THE».
     Malgré ce dispositif, des traces d’américium et de plutonium dans l’air ont été détectées à l’extérieur de l’installation, au niveau de la station d’échantillonnage située le long de la route d’accès au WIPP, à environ 800 m au nord-ouest du puits d’extraction d’air. Cette contamination a été annoncée le 19 février par le DoE et la presse  [1] [4]. Selon les mesures publiées par le DoE, un pic d’activité a été enregistré au niveau de la station précitée sur le relevé du 15 février (0,87 Bq au total comptés sur le filtre). Les mesures réalisées sur la même station le 18 février ont montré que le niveau est redescendu à une valeur comparable à celles observées avant l’évènement (de l’ordre de 0,004 Bq). Une autre station de mesure située sur le site semble montrer un léger marquage. En revanche, il n’a pas été détecté de contamination sur les points de prélèvement plus éloignés du centre.
     Le DOE a publié une simulation du panache d’activité relâché à l’extérieur de l’installation, réalisée par le NARAC3 [1]. Cette modélisation est fondée sur d’une part les mesures effectuées à la sortie de l’émissaire de rejet d’air (après filtration), d’autre part les paramètres météorologiques enregistrés au moment du rejet et durant 4 jours après celui-ci. Selon le NARAC, l’essentiel de l’activité, soit environ 3,7.107 Bq (1 mCi), a été rejeté sur une durée de l’ordre de 15 heures. Le panache résultant s’est dirigé vers le nord-ouest et a atteint la station située le long de la route d’accès au WIPP. Le NARAC a également estimé les doses liées à l’inhalation qui auraient pu être reçues par une personne se trouvant dans le trajet du panache. Ces doses, estimées selon le NARAC de façon pénalisante, seraient inférieures à 10 microSv à l’extérieur du site du WIPP et inférieures à 100 microSv sur le site. Le CEMRC4 a précisé [5] que les niveaux de radioactivité détectés sont bien en deçà d’un niveau pouvant induire des conséquences sur l’homme et l’environnement. Il reste que le niveau mesuré du pic de contamination est très supérieur au bruit de fond dus aux transuraniens communément mesuré autour du centre (de l’ordre de 0,004 Bq pour le Plutonium et 0,0005 Bq pour l’Américium, par échantillon), ce qui semble indiquer un relâchement de particules radioactives par le puits de sortie d’air du WIPP pendant le bref moment entre l’occurrence de l’évènement et le passage de la ventilation en mode filtration [5]. Sur ce dernier point, il est à noter que le directeur de la sûreté des déchets du SwRI5, centre de recherche et d’expertise nucléaire, a émis des réserves sur les performances des systèmes de filtration, qui n’ont jamais été testés [6].
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     Pour le DoE, le niveau de contamination enregistré dans l’environnement serait compatible avec la très faible proportion de contaminants (au maximum 0,03%) que laissent passer les filtres THE. Sur la base de mesures, corroborées par le CEMRC (cf. [7]), réalisées en amont (station A) et en aval (station B) du système de filtration de la ventilation, le DoE a précisé [1] que le système de filtration du WIPP a été efficace à plus de 99% pour capturer les substances radioactives relâchées pendant l’évènement. Toutefois, le DoE indique [1] qu’une partie du système de ventilation qui permettait à une fraction de l’air extrait de contourner le système de filtration a été étanchéifiée. Il subsiste donc une incertitude sur le fait qu’une part d’air non filtré ait conduit à un relâchement direct d’activité en surface.
     Le DoE a indiqué qu’aucun employé n’était présent dans les installations souterraines lors du déclenchement de la balise le 14 février et qu’aucune contamination externe n’a été constatée sur les personnes présentes sur le site du WIPP, les équipements et les matériels [1]. Des prélèvements d’échantillons biologiques ont été réalisés sur ces employés par mesure de précaution. Une contamination interne de 13 membres du personnel due à l’Américium 241 a été annoncée le 26 février [1]. Lors de cette annonce, le DoE a précisé qu’il était prématuré de spéculer sur la base de ces résultats préliminaires quant aux effets sur la santé de cette contamination interne, ou quant au traitement qui pourrait être nécessaire. Le personnel a fait l’objet d’examens complémentaires. Le DoE a annoncé que des niveaux très faibles de contamination ont été détectés dans des prélèvements de selles concernant 17 employés. En revanche, les résultats des analyses urinaires se sont révélés négatifs, ce qui tend à montrer soit que la contamination n’a pas pénétré dans les poumons, soit que la contamination inhalée n’a pas été suffisante pour être passée, à des niveaux détectables, dans le sang puis l’urine.
     Le DoE a envoyé des équipements de mesure, dans le puits d’entrée d’air et le puits de gestion de matériaux d’excavation, qui n’ont pas révélé de contamination de l’air de ces puits. Le DoE prévoit l’entrée de membres du personnel du WIPP dans les installations souterraines dans les deux semaines à venir, afin de connaître plus précisément l’ambiance radiologique ainsi que l’origine du relâchement radioactif [1]. Les scénarios mentionnés sont un effondrement de plafond de cavité de stockage ou le poinçonnement d’un colis de déchets par un chariot à fourche  [6]. Ce relâchement est considéré par l’exploitant comme sans lien avec l’incendie du 5 février [6]. Compte tenu de la distance et du délai qui ont séparé les deux incidents, l’IRSN estime que l’absence de lien entre eux est plausible mais que ceci doit être confirmé par les investigations à venir qui devraient permettre de faire la lumière sur l’origine exacte du relâchement d’activité.
 Le DoE a nommé un conseil d’enquête («Accident Investigation Board») composé de membres du DoE, de l’administration de la sûreté des mines et de la santé (Mine Safety and Health Administration) ainsi que d’experts notamment en incendie, ventilation et sécurité minière [1].
Références:
[1] DoE News Release : http://www.wipp.energy.gov/1
[2] Rapport de sûreté du WIPP, novembre 2013: http://www.wipp.energy.gov/2
[3 à 6] Current Argus, 5 au 27 février 2014
[7] CEMRC radiological results, 14 février 2014
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Documentation traduite par Antoine Godinot
I) Réunion du 15 mai 2014
http://new.livestream.com/
le groupe a mis les diapos de leur présentation à l'écran sur leur site (avec photo de famille devant les déchets) :
http://www.wipp.energy.gov/ .pdf

     Depuis la réunion du 8mai, ils ont fait deux descentes. A celle du samedi 10 mai ils ont observé les déchets avec camera, un i-pad au bout d'une perche télescopique. On voit des fûts avec des traces noires. Tammy Reynolds dit que c'est un intercalaire (des feuilles mises sur les fûts, de couleur noire), qui, soit a fondu, soit a été endommagé pour une autre raison, et le résultat est  probablement une réaction thermique avec la matière de ces intercalaires (le noir vient d'eux) et des sacs qui contenaient l'oxyde de magnésium (magnésie).
     Les experts DOE sont en train de faire analyser les filtres du CAM, l'appareil de mesure en continu qui était au fond, qu'ils ont remontés à la sortie précédente, et ils auront peut-être des indications chimiques en plus de celles radiologiques. Ils ont fait une deuxième descente aujourd'hui 15 mai avec la perche encore rallongée de 3 mètres. Ils vont étudier ces nouvelles photos. Par ailleurs ils repoussent d'une semaine le changement des filtres de surfaces (qui ont avalé deux choses : la suie de l'incendie puis la radioactivité de l'évènement contaminant) parce qu'ils veulent avoir identifié la cause de l'évènement contaminant avant.
     - Question : voit-on des trous ou fissures ou déformation sur les fûts?
     Réponse : pour l'instant on n’a pas vu d'indication de ce type, mais on va regarder sur les nouvelles photos/films d'aujourd'hui
     - Question : cela fait longtemps qu'il n'y a plus personne dans le dépôt, qu'en est-il de la surveillance de type minier?
     - Réponse :  on a des systèmes de contrôle qu'on surveille; dans les équipes qui sont descendues, il y avait des ingénieurs miniers et ça a l'air bon ; enfin lorsque la dernière fois on a dit qu'on voulait une zone près des puits où l'on puisse aller en habits normaux, c'est notamment pour ça, pour l'entretien minier. C'est aussi une de nos priorité et on va commencer à faire les deux en parallèle (problème déchets, entretien minier).
     - Question : quelle est la température à la surface des fûts, est-ce que cela a pu être assez chaud pour faire fondre les sacs de la poudre de magnésie ?  
     - Réponse : on a mesuré la température de surface des containers et il n'y a rien d'anormal.
     - Question sur la radioactivité
     - Réponse : maintenant que l’on commence à bouger les choses, à grimper sur le devant avec une échelle, la plus haute mesure aujourd'hui a été 100.000 dpm-alpha (~17 Bq/cm2 ou 170.000 Bq/m2) mais on s'attendait à cela. La dose gamma est négligeable. Ils sont soumis à une dose < 0,02 mSv, mais comme ils sont très bien protégés, ils ne prennent rien du tout.
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     - Question de John Heaton, le fonctionnaire médiateur qui est agacé: Qui est responsable dans un cas comme ça?Deuxième intervenant
     - Réponse : ils disent qu'ils donnent leurs critères d'acceptation pour le WIPP, puis discutent avec les centres qui envoient du contenu radiologique et chimique, et enfin ils font une RTR, Real Time Radiography. La matière combustible est interdite. Donc ils ne peuvent pas répondre qui est responsable. Tammy Reynolds répond que, quand ils auront identifié ce qui s'est passé, ils pourront peut-être départager les responsabilités. Mais John Heaton bougonne et n'est pas content : ça fait 3 mois que ces problèmes se sont passés, on descend une fois par semaine. Alors quand va-t-on sortir ces fûts et les analyser... et ça a l'air bien difficile de désigner un responsable.
     - Question un peu plus tard qui rebondit sur celle de John Heaton : pourquoi n'avez vous pas plusieurs équipes qui font plusieurs choses pour qu'on avance plus vite?
     - Réponse :  c'est le système élévateur (hoist) du puits-déchets qui est hors service à cause de l'incendie. C'est pour cela qu'en ce moment, on le fait nettoyer de la suie par beaucoup du personnel. C'est vaste, il y a beaucoup de travail et il faut nettoyer aussi tous les conduits de ventilation avec l'électronique. Or cet élévateur est celui qui peut porter les grosses charges et un grand nombre de personnes. La réglementation minière nous interdit d'avoir plus de 24 personnes au fond actuellement sans ce puits là et en plus on ne peut pas descendre de grosses charges (on ne peut descendre que 4-5 personnes à la fois dans les puits du sel). On pense qu'il faut encore un mois à un mois et demi avant qu'on puisse le remettre en service.
     [note perso : à mon avis c'est une demie-réponse; ils pourraient mettre 24 personnes en continu alors; je pense que la principale raison est qu'ils ont peur qu'il se produise de nouveau un "évènement" tant qu'ils ne savent pas exactement ce qui l'a produit]
     - Question d'un employé du WiPP (qui dit qu'il est à un poste de mise en place de déchets) "pour le futur de nous tous": 1) Va-t-on pouvoir sauver la zone 7 dans le futur?, et 2) Une fois qu'on aura changé les filtres, est-ce qu'on pourra y retourner avec les équipements diesels?
     Réponse : Pour la zone (panel) 7 oui, à ce qu'on a vu, on peut la sauver. Il existe des méthodes pour nettoyer décontaminer ou fixer la contamination et l’on est en train de voir pour ça. Pour la chambre 7 de cette zone 7, on verra.  Pour les diesels, pour qu'ils puissent être utilisés il faut qu'il y ait une certaine circulation d'air. Quand on se met en filtration, elle n'est plus suffisante, ou plutôt la possibilité est plus limitée car en ce moment en filtration, on a le droit d'en utiliser un (un "bolter", je suppose un véhicule qui plante les clous). En fait on va avoir besoin de plus, donc on va mettre des systèmes portatifs supplémentaires filtrant les particules de diesel afin qu'on puisse utiliser temporairement plus d’un bolter. On va aussi essayer d'augmenter un peu le flux d'air (Dana Bryson parle même d'essayer de le doubler en filtration). On comparera diesel et voiture électrique, on est en train d'étudier tout ça  [et Dana Bryson se précipite pour remercier le personnel du WIPP : on comprend qu'il y a de la tension car les gars ne font plus du tout ce qui est leur boulot normal depuis 3 mois, on leur fait faire du nettoyage, et ils sont inquiets sur l'avenir de leur boulot]
     - Discussion sur la "litière de chat" (kitty litter)
     - Réponse : Il n'y a pas le droit d'y avoir de liquide dans les déchets donc on met un absorbant, un solidifiant. C'était souvent inorganique et ils citent les argiles bentonite ou vermiculites. Et donc ils ont employé une substance organique, c'est ça qu'ils surnomment la "litière de chat", et le problème viendrait de là (par réaction avec des nitrates oxydant) mais ils ne donnent pas plus de précision. Pareil, pour où se trouvent ces déchets, ils sont encore en train "d'investiguer". Il y a aussi une remarque sur les gaz. Leur réponse est qu'une vérification de l'émission des gaz est obligatoire avant le transport: c'est un peu court, et s'ils se forment après?
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     - Discussion sur l'accessibilité, on ne peut plus accéder aux déchets    
     - Réponse de Tammy Reynolds en riant: Ah oui il faudrait qu'on laisse des allées pour pouvoir inspecter les déchets par la suite. Non on en met autant qu'on peut dans une pièce et ensuite on ferme.
     commentaire perso: génial le coup des allées pour inspecter les déchets ensuite; c'est bien toute la question de la réversibilité: elle est totalement exclue en enfouissement parce que justement on ne va pas y faire des allées! Penser aux alvéoles des "B" à Bure que l’ANDRA prévoit maintenant longue de 500 m, avec seulement quelques cm entre les déchets, déchets qui sont des inapprochables "remote handed" 100% pour un Bure!, et bourré d'hydrogène, méthane et cie, c'est du même topo que Astrid, on a à faire à des fous-furieux!
      Deuxième intervenant: Jim Stafford, ESH (Environnement Safety & Health) recovery manager [d'après internet vient du site de Savannah River] : 140 employés ont été testés, les plus à risques (notamment les 14 présents cette nuit-là) dans les quelques jours qui ont suivi, certains autres plusieurs semaines après. Il y a eu un test urine positif, 21 fécaux positifs et 118 en dessous du seuil de détection (apparemment les tests ont été faits dans le laboratoire WIPP de Carlsbad). Le maximum est 8 mg [quels produits pour avoir le poids du Bq) ? Il dit c'est l'équivalent d'une radio de la poitrine, que pour qu'une dose soit "assignée" il faut 10 mg donc qu’aucune dose n'a été "assignée". Il dit que ce qui est dans fèces, c'est ce qui s'en va vite alors que dans l'urine c'est ce qui est passé dans le sang et qui a donc va vers des organes cibles dans le corps. Il y a une question sur la solubilité mais il ne répond pas vraiment [selon moi, ex si c'est insoluble dans les poumons, on ne le verra pas dans le sang, mais ça continuera à irradier les poumons]
     - Question : lors de l'incendie du 05 février [donc rien à voir avec ci-dessus] y-a-t-il eu des personnes affectées?
     - Réponse : oui, six personnes ont été transportées suite à inhalation de la fumée, l'une d'entre elles a été suivie plus longtemps.

II) Réunion DOE au Town Hall de Carlsbad le 08 mai 2014 :
http://new.livestream.com/rrv/wipptownhall9
     C'est Jim Blankenhorn, Recovery Manager, qui parle cette fois. Depuis la réunion du 1 mai, ils ne sont pas retournés aux déchets. Ils sont allés au fond mais uniquement dans la zone des puits : puits de l'entrée d'air et puits du Sel et une galerie latérale où ils ont fait un contrôle minutieux à la suite de quoi la zone a été déclarée "propre". Et ils ont installé internet au fond du dépôt dans cette zone. Ils la prépare comme vraie plate-forme de base dans laquelle on peut rentrer avec des habits normaux, pour les travaux qui vont suivre. C'est donc seulement à une prochaine descente qu'ils iront inspecter le dessus des déchets abîmés avec une caméra au bout d'un mât télescopique.
Après étude des rapports isotopiques et autres données qu'ils ont collectées, ils penchent vers des nitrates de LANL (Los Alamos National Laboratory) comme contributeurs de la source de radioactivité. Il pourrait s'agir d'une réaction énergétique entre les nitrates "si non traités" et de la matière organique comme des plastiques ou du papier. Rien n'est sûr encore et il y a deux autres lots de déchets qui sont aussi des candidats possibles (l'un aussi du LANL et l'autre ils n'ont pas voulu dire d'où disant qu'ils ne veulent pas accuser sans preuve).
     - LANL, Los Alamos National Laboratory est aussi un département du DOE. LANL a été créé de toutes pièces en 1943 pour le projet Manhattan, pour la bombe, sous la direction du Général Groves et celle scientifique de R. Oppenheimer (les 3 premières bombes de juillet-août 1945, Alamogordo, Hiroshima, Nagasaki) puis on y a fait beaucoup d'autres armes atomiques variées pendant la guerre froide. Los Alamos est aussi dans l'État du Nouveau Mexique mais dans la partie Nord de l'État, près de Santa Fé, à 450-500 km du WIPP.
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     - Note perso : Pour la bombe au plutonium, il faut l'extraire donc faire du "retraitement", c'est à dire beaucoup de cuisine chimique. On a donc en aval tout un tas de produits chimiques, plus ou moins radioactifs. Kychtym-Tchéliabinsk est une réaction chimique qui a envoyé la radioactivité en l'air. Il se trouve qu'il y a des points communs entre Los Alamos et Marcoule, où avec quelques longueurs de retard, les français appliquaient les méthodes américaines de l'époque. La réaction oxydant-réducteur, celle qui produit les explosifs chimiques, est un vrai problème pour les déchets radioactifs. "Les enrobés bitumineux de concentrats d'évaporation contenant d'importantes quantités d'oxydants énergiques peuvent être le siège de réactions exothermiques pouvant entraîner une inflammation du bitume. En particulier les ions nitrates, et surtout le nitrate d'ammonium, peuvent oxyder les composés organiques; cette réaction fortement exothermique pouvant être catalysée par la présence de nitrites. Ces inconvénients disparaissent à conditions de limiter la teneur minérale globale des suspensions et d'avoir une température de l'enrobé n'excédant pas 160°C" (CEA in Barillot et Davis 1994, p. 178). Ou encore : "... risque d'explosion lié à la présence simultanée de certains produits tels que nitrates (en particulier nitrate d'ammonium) et de certains produits organiques (traces de solvants et produits de dégradation du TBP)." (Lefèvre "Les déchets nucléaires", CEA/Eyrolles 1986, p. 358; TBP = tributyl phosphate utilisé pour séparer les U et Pu depuis les années 50 jusqu'à maintenant). Or, justement : "...les bitumes anciens de Marcoule contenant une certaine teneur en tributyl phosphate..." (Andra "Dossier 2005 Argile" vol. III p. 141, p. 386). Il y a 60.000 de ces fûts de bitumes à Marcoule, dont la majorité est promise à un Bure et le reste pour un site FAVL que l'Andra est en train d'installer à coté de "Soulaines".
     - Question : en 2008 le LANL a envoyé des déchets de haute activité fermés, est-ce que ceux-là pourraient être un problème?
     - Réponse : Il n'y a aucun déchet fermé au WIPP, tous ont une ouverture et s'il y a une boîte à l'intérieur, on vérifie par rayons X, Real Time Radiography, qu'elle est percée. Ils ne voient aucune réaction qui aurait pu provoquer une explosion. Puis il dit, on en a reçu des fermés en 2008, mais c'était à nous de les ouvrir.
     - Question : si c'est des nitrates, combien y-en-a-t-il, et ailleurs dans le dépôt ?     
-Réponse : ça n'est pas un nouveau type de déchets. Il y en a dans d'autres zones du dépôt. Mais ils sont passés d'un absorbant inorganique à un absorbant organique. Et c'est à cause de cette matière organique qu'on se penche sur ces déchets-là. Des comme ça, il y en a 55 dans la Zone 7. On sait qu'il y en a aussi dans la zone 6 après je ne sais pas, faudra qu'on vérifie.
- Question : si c'est ça, qu'est-ce qu'on va faire de ces déchets ? On va tous les mettre au WCS ?, faut-il ressortir ceux qui sont dans le WIPP ?  
  Et une autre question même type : "pourquoi tournez-vous autour du pot, pourquoi ne pas y aller et sortir le fût défectueux ?"        
     - Réponse : Avant de décider on va faire une analyse de situation. Si c'est toute la série, "on a une décision à prendre" : si on ferme cette zone du stockage en l'état, ou si on retire les 55 : ça sera une analyse coût-sécurité. Mais on est loin de pouvoir prendre une décision. Le LANL fera en sorte de régler ce problème chimique. "Ils ont parmi les meilleurs scientifiques du monde". Il parle à un moment d'une série de 4.499 conteneurs d'une campagne d'arrivage de LANL, de 459 partis au WCS; mais de 55 en zone 7. Il a dit aussi si c'est un seul conteneur qui est défectueux, ils le laisseront.
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     Le WCS, Waste Control Spécialists est un centre privé mais qualifié par les autorités pour les déchets de faible radioactivité dans le style Soulaines/Morvilliers et ouvert en 2007. Il est dans l'état du Texas mais tout près de la frontière avec celui du Nouveau-Mexique et donc en fait pas très loin du LANL. Originellement le WCS ne devait accueillir de déchets radioactifs que du Texas (de centrales nucléaire et hôpitaux) mais avec les évènements au WIPP, il a été autorisé à toute vitesse, de servir de lieu de stockage provisoire pour les déchets du LANL qui devaient aller au WIPP et initialement c'était dit être pour un an. En effet suite à des frayeurs avec des feux qui en 2011 avaient approché les déchets du LANL, celui-ci s'était engagé à évacuer une série de déchets avant l'été. Les envoyer au WCS (au lieu du WIPP) permet au LANL de respecter cet engagement.
     - Question : une fois que vous aurez trouvé le déchet coupable, quel sera le timing?        - Réponse : il faudra  1) qu'on décontamine; 2) rattraper les travaux de sûreté purement miniers; 3) il va y avoir des changements à faire dans la ventilation; 4) des programmes à revoir. Au minimum cela prendra 18 mois mais plutôt entre 24 et 36 mois pour faire tout ça. Seulement après on pourra (-rait) reprendre les opérations à plein régime.
     Le monde est petit. Les locaux, comme Dale Janway, le Maire de Carlsbad, est en admiration devant Joe Franco le patron du CBFO, CarlsBad Field Office (patron du WIPP), un peu comme M. Antoine Maire de Bure est en admiration devant l'Andra. On s'appelle par son prénom. Ce qu'ils veulent surtout, c'est que le WIPP continue, mais ils ne veulent plus d'alerte comme ça. Donc eux (avec M. John Heaton le fonctionnaire d'État nommé pour traiter la crise et aussi Ryan Flynn, le Secrétaire de l'environnement de l'État du Nouveau Mexique) ces trois là, ce qu'ils veulent, ce n'est pas qu'on ressorte les déchets mais qu'on bouche l'endroit où a eu lieu l'évènement contaminant, et même qu'on fasse ça vite (comme ça si ça recommence, ça ne fuira pas en surface est leur idée) et qu'on en parle plus.... [ça tombe bien pour le DOE parce qu'on sent bien que c'est ce qu'ils ont l'intention de faire].
     Ce Monsieur Ryan Flynn secrétaire à l'environnement dit que les théories sur l'évènement changent tous les 15 jours : au début on a dit que l'incendie avait fait sortir du radon, puis on a dit qu'un plafond s'était effondré, "aujourd'hui, c'est la théorie des nitrates" mais ce qui l'inquiète ce n'est pas tant la technique et les déchets, mais que : "le public va finir par ne plus avoir confiance en nous". Aussi, au LANL on lui avait dit 26 fûts, et ce n'est pas le même nombre qu'on lui donne du côté du WIPP, donc, d'un côté il voudrait qu'on dise tout ce qu'on sait sur le champ, mais d'un autre non car les responsables se contredisent sans cesse...

     Dernière note perso : le choix du site du WIPP, c'est un peu comme chez nous à Bure ou à Stocamine. Zone désertique, mines de potasse qui ferment, aussi zone pétrolière (il y a de nombreux puits de pétrole/gaz, traditionnels ou en fracking autour du WIPP). Il y a cette vidéo en anglais : http://vimeo.com/90802239  Il y a eu des protestations contre le WIPP mais surtout loin dans le nord du Nouveau-Mexique et c'était pour les transports, la crainte que le plutonium transporté par ces nombreux camions en cas d'accident condamne une région, l'eau... Peu de protestations dans le Sud et le WIPP est dans un désert, c'est plutôt comme la Meuse, ils ont cherché à avoir le WIPP. Ce sont des déchets de la bombe donc on leur a dit intérêt Fédéral, et comme chez nous que "tout sera incroyablement bien fait", et les gens font confiance et les sous et les emplois... Ils disent aussi que les hispaniques ne sont pas riches et protestent peu. Maintenant la couche est  essentiellement de sel au WIPP (formation Salado, d'âge Permien; il y a des poches de saumure ici et là, 2 % d'eau, gaz possible). Elle est épaisse de ~ 600 m et est séparée de l'aquifère de dessus par 390 mètres de formations salifères. L'argilite de Bure en plein bassin parisien est épaisse de à peine 120 mètres (au centre de la zira, à peine 100m au niveau du labo) et dessus et dessous, à quelques décamètres seulement : aquifères.. (dont celui exploité à Lezéville). 
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