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N°278, décembre 2015

RIEN NE VA PLUS

Analyse de la démarche proposée par AREVA pour justifier de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville 3
CODEP-DEP-2015-037971 Rapport IRSN/2015-00010
Rapport au Groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires
30 octobre 2015


    1. Introduction (page 8 à 9)
    AREVA a demandé à l’ASN de procéder à l’évaluation de la conformité de la cuve destinée à l’EPR de Flamanville 3 en application de l’arrêté en référence [Arrêté du 12 décembre 2005 relatif aux équipements sous pression nucléaires, dit « arrêté ESPN »].
    Les calottes du couvercle et du fond de la cuve de Flamanville 3 ont été fabriquées en 2006 et 2007.
    AREVA a identifié ces composants comme présentant un risque d’hétérogénéité de leurs caractéristiques et a par conséquent réalisé une qualification technique.
    Fin 2014, AREVA a informé l’ASN de résultats d’essais de résilience plus faibles qu’attendus, réalisés dans le cadre de cette qualification technique sur des éprouvettes prélevées sur une calotte représentative de celles destinées à Flamanville 3. Les valeurs mesurées sur deux séries de trois éprouvettes présentent une valeur moyenne de 52 joules ne permettant pas d’atteindre la qualité alors attendue par AREVA. Cette valeur moyenne est également inférieure à la valeur de résilience de 60 joules mentionnée au point 4 de l’annexe 1 de l’arrêté en référence [Arrêté du 12 décembre 2005 (legifrance.gouv.fr) relatif aux équipements sous pression nucléaires, dit «arrêté ESPN»], dont le respect aurait suffi à justifier la suffisance de la ténacité du matériau.
    AREVA a réalisé des investigations pour déterminer l’origine de ces valeurs non conformes. Les mesures de concentration en carbone réalisées en surface de la calotte représentative par spectrométrie portative ont montré la présence d’une zone de ségrégation majeure positive (concentration en carbone élevée) sur un diamètre d’environ un mètre. Par ailleurs, les examens réalisés montrent que la ségrégation s’étend à une profondeur dépassant le quart de l’épaisseur de la calotte. AREVA explique le non-respect du critère de résilience par la présence de cette ségrégation majeure positive issue du lingot utilisé pour le forgeage et non totalement éliminées lors des opérations de chutage.
    Pour traiter cet écart, AREVA prévoit de justifier du caractère suffisamment tenace du matériau par la réalisation de nouveaux essais sur un matériau représentatif des calottes inférieure et supérieure du réacteur EPR de Flamanville.
(suite)
suite:
        Le corps de la cuve de Flamanville 3 dont fait partie la calotte inférieure a déjà subi une épreuve hydraulique en usine. Il a été installé début 2014 dans le puits de cuve situé dans le bâtiment du réacteur et soudé aux branches primaires. Le couvercle réalisé à partir de la calotte supérieure a fait l’objet de réparations suite à la découverte, lors des contrôles par ultrasons, d’indications dans les soudures des traversées des mécanismes de commande de grappes. Ces opérations de réparation avaient été examinées par le groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires lors de la séance du 14 septembre 2011. Les contrôles par ultrasons des nouvelles soudures ont depuis été réalisés et les travaux sont en voie d’achèvement.
    Le couvercle est toujours dans les ateliers du fabricant et devra faire l’objet d’une épreuve hydraulique avant son expédition sur site. Le présent rapport rappelle le cadre réglementaire et l’historique de l’application de l’exigence de qualification technique, puis présente et analyse la démarche retenue par AREVA pour justifier de la ténacité suffisante du matériau des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville 3. Il se positionne notamment sur le programme de la nouvelle campagne d’essais proposé par AREVA pour évaluer les propriétés mécaniques de la zone ségrégée. Le rapporteur souligne toutefois que la justification de la ténacité suffisante a été définie dans le dossier d’AREVA sur la base d’une liste de situations de fonctionnement qui n’a pas pu faire l’objet d’une analyse dans le cadre de ce rapport compte tenu de la date tardive de transmission des éléments et du temps imparti.
    Les résultats des nouveaux essais qui vont être réalisés, le caractère exhaustif et enveloppe des situations de fonctionnement retenues et l’impact des propriétés mécaniques de la zone ségrégée sur l’analyse du comportement mécanique de la cuve en situations incidentelles, accidentelles et en situation d’épreuve seront analysés dans une phase ultérieure.
    Le présent rapport a été élaboré conjointement par l’IRSN et la direction des équipements sous pression nucléaires (DEP) de l’ASN.
    Le terme «rapporteur» utilisé dans le présent rapport désigne l’IRSN et les agents de la DEP ayant analysé le dossier d’AREVA en vue d’une présentation devant le groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires.
(…)
p.8


 
 
    5. Conclusion générale (page 65-71)
        AREVA a informé, fin 2014, l’ASN de résultats d’essais de résilience, réalisés dans le cadre de la qualification technique des opérations de fabrication des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville, plus faibles qu’attendus. Les valeurs mesurées sur deux séries de trois éprouvettes, prélevées sur une calotte représentative de celles destinées à Flamanville 3, présentent une valeur moyenne de 52 joules ne permettant pas d’atteindre la qualité attendue par AREVA et est également inférieure à la valeur de résilience de 60 joules mentionnée au point 4 de l’annexe 1 de l’arrêté du 12 décembre 2005
relatif aux équipements sous pression nucléaires dit «arrêté ESPN». Le non-respect des critères de résilience ne permet donc pas de justifier la suffisance de la ténacité du matériau.
    AREVA a réalisé des investigations pour déterminer l’origine de ces valeurs non conformes. Les mesures de carbone réalisées en surface de la calotte par spectrométrie portative ont montré la présence d’une zone de ségrégation majeure positive sur un diamètre d’environ un mètre. Par ailleurs, les examens métallographiques des éprouvettes montrent la présence de ces ségrégations à quart épaisseur.
    AREVA attribue les faibles valeurs de résilience à la présence de cette zone issue du lingot utilisé pour le forgeage et non totalement éliminée lors des opérations de chutage.
    Compte tenu de cet écart, AREVA a proposé la réalisation d’un programme d’essais sur une pièce sacrificielle, représentative des calottes inférieure et supérieure du réacteur EPR de Flamanville, afin de justifier du caractère suffisamment tenace du matériau de ces calottes.

    Exigences règlementaires applicables à la conception et à la fabrication de la cuve de l’EPR de Flamanville 3
    La conception des installations nucléaires repose sur le principe de défense en profondeur, qui conduit à la mise en oeuvre de niveaux de défense successifs (caractéristiques intrinsèques, dispositions matérielles et procédures), destinés à prévenir les incidents et accidents puis, en cas d’échec de la prévention, à en limiter les conséquences.
    L’application du principe de défense en profondeur est demandée par l’article 3.1 de l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base.
    Le premier niveau de défense a pour objet de prévenir les incidents: pour les équipements, des dispositions sont définies pour assurer un haut niveau de qualité de leur conception et de leur fabrication.
    En particulier, l’exigence d’utilisation des meilleures techniques disponibles citée à l’annexe 1 du décret du 13 décembre 1999 relatif aux équipements sous pression, contribue au premier niveau de défense en profondeur. Par ailleurs, afin d’assurer un haut niveau de qualité, des exigences spécifiques sont définies pour les caractéristiques des matériaux afin de garantir que le matériau est suffisamment ductile et tenace.
    Enfin, l’élaboration d’un matériau qui présente un risque d’hétérogénéité de ses caractéristiques doit faire l’objet d’une qualification technique ayant pour objet d’assurer que les composants fabriqués dans les conditions et selon les modalités de la qualification auront les caractéristiques requises.
    La rupture de la cuve est exclue au stade de la conception: exclure la rupture d’un composant conduit à ce que sa défaillance ne soit pas postulée dans la démonstration de sûreté. Ainsi, aucune disposition n’est prévue au titre du troisième niveau de la défense en profondeur pour limiter les conséquences de sa défaillance. De ce fait, l’hypothèse d’exclusion de rupture nécessite de renforcer les deux premiers niveaux de la défense en profondeur pour atteindre un niveau de sûreté satisfaisant.
    Le dossier de qualification technique présenté par AREVA pour les calottes du fond et du couvercle de la cuve de Flamanville 3 montre que le risque d’hétérogénéité dû aux ségrégations résiduelles positives a été mal apprécié et ses conséquences mal quantifiées.
    Le rapporteur considère que l’exigence de qualification technique n’est ainsi pas respectée pour les calottes de la cuve et du couvercle de cuve destinées à lamanville 3. Par ailleurs, le rapporteur  souligne qu’AREVA n’a pas fait le choix de la meilleure technique disponible pour la réalisation des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville 3.
(souligné par la GN)
(suite)
suite:
    Le rapporteur considère que le procédé de fabrication retenu pour les calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville ne procure pas la même garantie de qualité qu’auraient procurée la meilleure technique disponible et une qualification technique satisfaisante:ces conclusions mettent en cause le premier niveau de défense en profondeur qui vise l’obtention d’un haut niveau de qualité de conception et de fabrication du fait du non-respect des exigences rappelées ci-dessus.

    Démarche pour justifier de la ténacité suffisante des calottes de cuve
    Compte tenu du non-respect des valeurs minimales de résilience spécifiées par l’arrêté en référence [Arrêté du 12 décembre 2005 relatif aux équipements sous pression nucléaires, dit «arrêté ESPN»] pour un matériau à structure ferritique, AREVA a proposé une démarche visant à justifier du caractère suffisant de la ténacité du matériau des calottes de l’EPR de Flamanville 3. Cette démarche est axée sur l’évaluation du risque de rupture brutale, AREVA considérant que la présence de ségrégations majeures positives ne remet pas en cause l’absence de risque de déformation excessive et d’instabilité plastique des calottes de cuve, vérifiée dans le dossier de conception.
    La démarche de justification proposée par AREVA comprend 3 étapes principales :
    1. la détermination (par calculs) d’une ténacité suffisante pour prévenir le risque de rupture brutale;
    2. l’évaluation (par essais) de la ténacité minimale dans la zone de ségrégation majeure positive du matériau;
    3. la comparaison de la ténacité minimale du matériau à la ténacité suffisante.
    Pour ce qui concerne la détermination de la ténacité suffisante, le rapporteur souligne que celle-ci a été définie dans le dossier d’AREVA sur la base d’une liste de situations de fonctionnement, qui n’a pas pu faire l’objet d’une analyse dans le cadre de ce rapport compte tenu de la date tardive de transmission des éléments, en retenant une hypothèse fondamentale: AREVA considère que la ségrégation majeure positive est située en peau externe des calottes fabriquées et limite par conséquent son analyse du risque de rupture brutale à des défauts situés en peau externe. AREVA en déduit qu’il n’est pas nécessaire d’étudier les situations de chocs froids, uniquement susceptibles de solliciter des défauts situés en peau interne. Le rapporteur note que le programme d’essais prévoit des essais à miépaisseur, ce qui est de nature à valider cette hypothèse fondamentale du dossier d’AREVA. Enfin, le rapporteur souligne que le caractère exhaustif et enveloppe des situations de fonctionnement sera analysé ultérieurement.
    Pour ce qui concerne l’évaluation de la ténacité minimale par des essais, le rapporteur note que le programme d’essais a été notablement révisé par AREVA au cours de l’instruction. En particulier, le positionnement des éprouvettes sera optimisé suivant les résultats de la cartographie chimique réalisée par spectrométrie en surface des tranches découpées à différentes profondeurs de la calotte (1⁄4 épaisseur et 1⁄2 épaisseur) destinées aux essais mécaniques: cette disposition est de nature à obtenir des résultats d’essais dans les zones présentant la teneur en carbone la plus élevée.
    Le programme d’essais sera finalement réalisé sur deux calottes - une calotte supérieure du projet UK et une calotte inférieure du projet UA -, ce qui permettra d’apprécier l’étendue et la profondeur de la zone ségrégée dans ces deux calottes dont les épaisseurs usinées sont différentes. Par ailleurs, le rapporteur considère que des mesures de propriétés mécaniques sur une calotte provenant d’une coulée différente de la calotte supérieure UK sont de nature à améliorer la confiance dans les résultats obtenus.
    Pour ce qui concerne la comparaison de la ténacité minimale du matériau à la ténacité suffisante, le rapporteur souligne que la démarche d’AREVA diffère selon les situations de fonctionnement:
    * pour les épreuves hydrauliques, AREVA propose de positionner les valeurs de ténacité mesurées dans la zone ségrégée, issues des résultats du programme d’essais, au regard de la courbe ZG 6110 du RCC-M, indexée sur trois températures de référence distinctes, considérées successivement. La comparaison consiste à vérifier que les valeurs de ténacité mesurées sont supérieures aux valeurs de la courbe indexée et que la ténacité minimale, déduite de la courbe à la température d’épreuve, est supérieure à la ténacité suffisante. Le rapporteur considère que seule la démarche basée sur une indexation
p.9


 
 
de la courbe sur la RTNDT mesurée dans la zone de ségrégation majeure positive est acceptable ;
    * pour les situations de fonctionnement de la démonstration de sûreté, AREVA propose de vérifier un critère de résilience à 1⁄2 épaisseur afin de valider l’hypothèse retenue pour la sélection des situations limitatives. Toutefois, en fin d’instruction, AREVA a indiqué que dans le cas où la résilience mesurée à mi-épaisseur ne respecterait pas le critère retenu, les mesures de ténacité également prévues à mi-épaisseur lui permettraient de démontrer que la ténacité du matériau y est suffisante. Le rapporteur souligne que ceci remet en cause la définition de la ténacité suffisante proposée par AREVA et donc la démarche de justification associée.
    La démarche de justification qu’AREVA propose est une analyse du comportement mécanique à la rupture des calottes du fond et du couvercle de la cuve de Flamanville 3, fondée sur des essais menés sur une pièce sacrificielle représentative. Cette démarche pourrait mettre en évidence, le cas échéant, des marges significatives par rapport aux risques redoutés, qui permettraient alors de conclure que le procédé de fabrication confère des propriétés mécaniques au matériau d’un niveau suffisant pour prévenir ces risques. Toutefois, cela ne permettra pas d’apporter la garantie de haute qualité de fabrication, qu’apportent l’utilisation de la meilleure technique disponible et une qualification technique satisfaisante, attendue pour un composant en exclusion de rupture tel que la cuve.

    2. Cadre réglementaire et exigences applicables à la cuve de l’EPR de Flamanville 3 page 10a
    La réglementation applicable à la fabrication de la cuve de l’EPR de Flamanville est constituée des textes suivants :
    * le décret n°99-1046 du 13 décembre 1999 relatif aux équipements sous pression en référence [3] qui transpose en droit français la directive en référence [1] ;
    * l’arrêté du 12 décembre 2005 relatif aux équipements sous pression nucléaires (ESPN) en référence [6]. Au titre de cet arrêté, la cuve est un équipement de niveau N1 («Sont classés N1 les équipements sous pression nucléaires dont la défaillance peut conduire à des situations pour lesquelles le rapport de sûreté de l’installation nucléaire de base où ils sont installés ou destinés à l’être, complété par les dossiers associés, ne prévoit pas de mesures permettant de ramener l’installation dans un état sûr, ainsi que les équipements sous pression nucléaires constituant le circuit primaire principal et les circuits secondaires principaux des chaudières nucléaires à eau tels que définis par l’arrêté du 10 novembre 1999 susvisé ».), c’est-à-dire le plus important pour la sûreté.
    Il est à noter que des dispositions transitoires de l’arrêté en référence[6] permettaient à AREVA, compte tenu de la date d’engagement de la fabrication de la cuve de Flamanville 3, d’appliquer la réglementation précédemment en vigueur (décret en référence [2] et arrêté en référence [5]). Cette réglementation mentionnait des valeurs de résilience comparables (voir Annexe 2). Par ailleurs, l’EPR de Flamanville 3 est soumis à l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base en référence[7].
    Enfin, le réacteur EPR de Flamanville 3 doit être conforme aux exigences fixées par le décret d’autorisation de création de l’installation en référence [4].
    Le présent chapitre détaille les exigences réglementaires applicables à la conception et à la fabrication de la cuve de l’EPR de Flamanville 3 nécessaires à la bonne compréhension de l’analyse du dossier présenté par AREVA.

    2.1. Défense en profondeur et exclusion de rupture Défense en profondeur
    La conception des installations nucléaires repose sur le principe de défense en profondeur, qui conduit à la mise en oeuvre de niveaux de défense successifs (caractéristiques intrinsèques, dispositions matérielles et procédures), destinés à prévenir les incidents et accidents puis, en cas d’échec de la prévention, à en limiter les conséquences:
    * le premier niveau de défense a pour objet de prévenir les incidents: pour les équipements, des dispositions sont définies pour assurer un haut niveau de qualité de leur conception et de leur fabrication
(suite)
suite:
ainsi qu’un haut niveau de garantie de cette qualité;;
    * le deuxième niveau de défense a pour objet de détecter la survenue de tels incidents et de mettre en oeuvre les actions permettant, d’une part, d’empêcher que ceux-ci ne conduisent à un accident et, d’autre part, de rétablir une situation de fonctionnement normal ou, à défaut, d’atteindre puis de maintenir le réacteur dans un état sûr. Pour les équipements, cela nécessite que leurs hypothèses de conception demeurent vérifiées au cours de l’exploitation, en particulier:
    - des dispositions d’exploitation permettent d’assurer que l’équipement est utilisé dans le domaine de fonctionnement défini par hypothèse à la conception,
    - des dispositions de maintenance permettent d’assurer que l’équipement reste dans un état conforme à celui considéré au moment de la conception;
    * le troisième niveau de défense a pour objet de maîtriser les accidents n’ayant pu être évités ou, à défaut, de limiter leur aggravation en retrouvant la maîtrise de l’installation afin de la ramener et de la maintenir dans un état sûr: pour les équipements, des dispositions sont mises en oeuvre pour limiter les conséquences de leur défaillance;
    * le quatrième niveau de défense a pour objet de gérer les situations d’accident consécutives à l’échec des dispositions des trois premiers niveaux de défense en profondeur de façon à en limiter les conséquences, notamment pour les personnes et l’environnement. Ce quatrième niveau permet de gérer les situations d’accident avec fusion de combustible;
    * le cinquième niveau de défense concerne l’intervention des pouvoirs publics pour limiter les conséquences d’un accident pour le public et l’environnement.
    Ces niveaux de défense sont suffisamment indépendants pour que la défaillance d’un niveau ne remette pas en cause la défense en profondeur assurée par les autres niveaux.
    L’application du principe de défense en profondeur est demandée par l’article 3.1 de l’arrêté en référence [7].

    Exclusion de rupture
    Exclure la rupture d’un composant conduit à ce que sa défaillance ne soit pas postulée dans la démonstration de sûreté. Ainsi, aucune disposition n’est prévue au titre du troisième niveau de la défense en profondeur pour limiter les conséquences de sa défaillance. De ce fait, l’hypothèse d’exclusion de rupture nécessite de renforcer les deux premiers niveaux de la défense en profondeur pour atteindre un niveau de sûreté satisfaisant.
    La rupture de la cuve est exclue au stade de la conception, de sorte que le principe de renforcement des deux niveaux de défense susmentionné s’applique à ce composant.
    À cet égard, comme l’a rappelé la Section permanente nucléaire (SPN) de la Commission centrale des appareils à pression (CCAP), lors de sa réunion du 21 juin 2005 consacrée à l’exclusion de rupture des tuyauteries des circuits primaires et secondaires principaux du projet EPR, le premier niveau de la défense en profondeur «est constitué de la garantie de la qualité à la fois de la conception, de la fabrication et du suivi en service, étant entendu que pour la conception et la fabrication, la garantie de la qualité est fondée à la fois sur la qualité des règles appliquées, la vérification de leur application et le contrôle final du résultat attendu. Les éléments constituant ce premier niveau sont tous de même importance
    Ainsi, au titre du premier niveau de défense, il est attendu:
    * l’application de critères de conception et de fabrication les plus sévères permettant l’obtention de marges adéquates et cohérentes permettant d’écarter tout risque d’endommagement en exploitation;
au stade de la conception, des études de mécanique sont attendues en toute zone pouvant présenter un risque de rupture brutale;
    * l’utilisation de chargements enveloppes des sollicitations réelles dans les études de mécanique;
    * la définition et le contrôle des paramètres pouvant générer des défauts de fabrication, ainsi que l’établissement d’un programme de qualification justifiant la qualité atteinte sur l’ensemble des zones;
les contrôles de fabrication doivent être cohérents avec les objectifs de garantie de la qualité.
p.10



 
    Au titre du deuxième niveau de défense, les dispositions prévues pour l’inspection en service doivent pouvoir apporter la garantie du maintien de l’intégrité du composant, c’est-à-dire l’absence d’altération au cours du temps remettant en cause la prévention des modes d’endommagement.
    Dans le cas de la cuve, ces principes se déclinent pour les différentes étapes du processus de fabrication:
    En premier lieu, un composant, issu du forgeage, doit présenter des caractéristiques mécaniques suffisantes indépendamment de son usage ultérieur. Cette exigence se traduit dans la réglementation des équipements sous pression et des équipements sous pression nucléaires en particulier, par le respect de critères portant sur les caractéristiques mécaniques.
    Le composant subit par ailleurs un ensemble d’opérations d’usinage et de soudage. Ces opérations doivent être de la meilleure qualité possible à la fois en termes de réalisation et de contrôle. Elles doivent aussi être limitées au maximum pour limiter la présence de contraintes résiduelles.
    Enfin, des éléments de justification et de validation doivent être apportés pour ce qui concerne le processus de fabrication et de contrôle ainsi que le comportement mécanique de l’équipement dans les différentes situations de fonctionnement (normal, essais, incidentel et accidentel). Les études de mécanique à la rupture brutale doivent permettre de démontrer le caractère «robuste» de la conception à des défauts relativement grands, définis de manière conventionnelle indépendamment des mécanismes pouvant en favoriser l’existence.
    Le II-1 de l’article 2 du décret d’autorisation de création de l’installation nucléaire de base de Flamanville 3 en référence [4] précise les dispositions spécifiques associées à l’exclusion de rupture.

    2.2. Meilleures techniques disponibles
    L’annexe 1 du décret en référence [3] impose au fabricant d’utiliser les meilleures techniques disponibles en précisant: «les exigences essentielles doivent être interprétées et appliquées de manière à tenir compte de l’état d’avancement de la technique et de la pratique au moment de la conception et de la fabrication, ainsi que des considérations techniques et économiques compatibles avec un degré élevé de protection de la santé et de la sécurité».
    Dans le cas de la cuve d’un réacteur, qui est un des équipements sous pression nucléaires les plus importants pour la sûreté (niveau N1) et pour lequel l’exclusion de rupture est postulée, le degré de protection de la santé et de la sécurité est nécessairement très élevé et limite très fortement la prise en compte de considérations économiques.
    L’exigence d’utilisation des meilleures techniques disponibles contribue notamment au premier niveau de défense en profondeur.

    2.3. Exigences essentielles portant sur les propriétés des matériaux et la qualification technique (page 10 à 14)
    Les exigences applicables aux circuits primaires et secondaires principaux des réacteurs nucléaires ont évolué depuis la construction du programme électronucléaire français, afin de prendre en compte le retour d’expérience, l’évolution des connaissances et les modifications du cadre réglementaire relatif aux équipements non nucléaires.
    L’ASN a travaillé à la fin des années 1990 à définir les règles applicables aux futurs réacteurs, et notamment le réacteur EPR, alors à l’étude. À cette occasion, elle a saisi la section permanente nucléaire
(SPN) de la commission centrale des appareils à pression (CCAP), qui a approuvé en octobre 1999 un document intitulé Règles techniques relatives à la construction des circuits primaires et secondaires
principaux des réacteurs nucléaires à eau sous pression, diffusé par l’ASN par le courrier en référence [8].
    Les exigences figurant dans ces règles techniques, et notamment les valeurs minimales des propriétés mécaniques, et les exigences de qualification préfiguraient les exigences de l’arrêté en référence [6] de décembre 2005.
    Les exigences applicables à l’EPR de Flamanville 3 sur les matériaux et la qualification technique sont détaillées ci-dessous.
    Les exigences des règles techniques, ainsi que celles de la réglementation antérieure en vigueur lors de la construction du parc électronucléaire français sont détaillées pour mémoire en Annexe 2.
(suite)
suite:
    2.3.1. Exigences sur les propriétés des matériaux
    Le décret relatif aux équipements sous pression en référence [3], qui est applicable à tous les équipements, nucléaires ou non, exige (point 4.1.a de son annexe 1) que «les matériaux destinés aux parties sous pression doivent [...] notamment être suffisamment ductiles et tenaces».
    Ce décret stipule également (point 7.5 de son annexe 1) que «un acier est considéré comme suffisamment ductile pour satisfaire au point 4-1 a) si son allongement après rupture dans un test de traction réalisé selon une procédure standard est au moins égal à 14% et si son énergie de flexion par choc sur éprouvette ISO V est au moins égale à 27 J, à une température au plus égale à 20°C, mais non supérieure à la plus basse température de fonctionnement prévue».
    Pour les équipements sous pression nucléaires de niveau N1, les plus importants pour la sûreté, des valeurs minimales plus contraignantes ont été fixées par l’arrêté en référence [6]. Elles sont respectivement, pour des aciers du type de celui utilisé pour la cuve, égales à 20% pour les valeurs d’allongement à 20°C et 60 J pour l’énergie de flexion par choc à 0°C. Ces valeurs, si elles sont respectées, sont considérées démontrer que le matériau est suffisamment tenace et ductile. Dans le cas où ces valeurs ne sont pas respectées, il appartient au fabricant de justifier de la mise en oeuvre de dispositions appropriées permettant d’obtenir un niveau de sécurité global équivalent: «les dispositions ci-après sont applicables en règle générale.
    Toutefois, lorsqu’elles ne sont pas appliquées, y compris dans les cas où les matériaux ne sont pas spécifiquement visés et où les normes harmonisées ne sont pas appliquées, le fabricant doit justifier de la mise en oeuvre de dispositions appropriées permettant d’obtenir un niveau de sécurité global équivalent» (point 7 de l’annexe 1 du décret en référence [3]).

    2.3.2. Exigence de qualification technique
    Pour les équipements sous pression nucléaires de niveau N1, l’exigence essentielle de sécurité définie au 3.2 de l’annexe 1 de l’arrêté [6] comme la «qualification technique» requiert que «le fabricant identifie préalablement à la fabrication les composants qui présentent un risque d’hétérogénéité de leurs caractéristiques lié à l’élaboration des matériaux ou à la complexité des opérations de fabrication prévues. L’ensemble des opérations de la fabrication fait l’objet d’une qualification technique. Celle-ci a pour objet d’assurer que les composants fabriqués dans les conditions et selon les modalités de la qualification auront les caractéristiques requises».
    La qualification technique des calottes de cuve porte sur l’élaboration du matériau qui présente un risque d’hétérogénéité de ses caractéristiques.
    Pour l’évaluation de la conformité à cette exigence, la pratique actuelle conduit à ce que le fabricant introduise auprès de l’ASN, en préalable à l’élaboration du matériau d’un composant qu’il a identifié comme nécessitant une qualification technique, une demande d’évaluation de la conformité à cette exigence. Cette demande est accompagnée d’une documentation technique qui explicite notamment:
    * la qualité attendue du matériau, issue de l’évaluation particulière du matériau qui doit définir les valeurs qui seront utilisées dans les calculs de conception ainsi que les caractéristiques essentielles du matériau et de sa mise en oeuvre;
    * l’analyse des risques d’hétérogénéité de ces caractéristiques;
    * les essais destructifs et les essais non destructifs qui permettent de caractériser l’effet des hétérogénéités;
    * les modalités de mesure des paramètres de fabrication qui influent sur les risques d’hétérogénéité et dont l’impact n’est vérifié que sur un composant de qualification (paramètres dits essentiels).
    Pour justifier de la maîtrise des propriétés qui ne peuvent pas être mesurées sur tous les composants, le fabricant peut être amené à réaliser une pièce sacrificielle sur laquelle il réalise les essais précités.

    Références
[1] Directive 97/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 mai
1997 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les équipements sous pression.
[2] Décret du 2 avril 1926 portant règlement sur les appareils à pression de vapeur.
[3] Décret n°99-1046 relatif aux équipements sous pression.
[4] Décret n°2007-534 du 10 avril 2007 autorisant la création de l’installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3, comportant un réacteur nucléaire de type EPR, sur le site de Flamanville (Manche).
[5] Arrêté du 26 février 1974 relatif à la construction du circuit primaire principal des chaudières nucléaires à eau.
[6] Arrêté du 12 décembre 2005 relatif aux équipements sous pression nucléaires, dit «arrêté ESPN».
[7] Arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base.
p.11



 
Avis et recommandations du GPESPN
du 30/09/2015

    II- Le Groupe permanent a pris connaissance des conclusions de l’examen, par le rapporteur, des éléments apportés par AREVA concernant la démarche adoptée pour justifier de la ténacité suffisante du matériau des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville. Le Groupe permanent a notamment examiné:
    * l’acceptabilité, sur le principe, d’une démarche visant à justifier du caractère suffisant de la ténacité des calottes du fond et du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville 3;
    * la notion de ténacité suffisante du matériau proposée par AREVA et sa méthode de détermination;
    * la méthode de détermination de la ténacité minimale du matériau qui repose notamment sur un programme d’essais, en particulier sur la transposabilité aux calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville 3 des résultats obtenus sur d’autres calottes;
    * la démarche de comparaison de la ténacité minimale du matériau et de la ténacité suffisante, notamment les critères associés.

    III - A. Qualification technique et choix du procédé de fabrication des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville 3
    Le Groupe permanent constate que la présence d’une zone de ségrégation majeure positive dans les calottes du fond et du couvercle de cuve de l’EPR de Flamanville 3 découle du procédé, retenu par AREVA et son fournisseur Creusot Forge, utilisant des lingots de fort tonnage sans élimination suffisante des ségrégations dans le composant final.
    Le Groupe permanent note que le procédé retenu, même si une réflexion a été menée pour placer la zone de ségrégation, dans chacune des deux calottes, à un endroit en minimisant les inconvénients, a conduit à la présence dans la pièce finie d’une zone de ségrégation majeure positive atteignant un taux de ségrégation de 50%.
    Le Groupe permanent note que d’autres procédés de fabrication, notamment celui mis en oeuvre pour les calottes de cuve de l’EPR finlandais, auraient permis d’éviter le phénomène de ségrégation majeure positive constaté.
    Le Groupe permanent considère que le dossier de qualification technique présenté par AREVA pour les calottes du fond et du couvercle de la cuve de Flamanville 3 montre que le risque d’hétérogénéité dû aux ségrégations résiduelles positives, phénomène métallurgique connu, a été mal apprécié et ses conséquences mal quantifiées.
La qualification technique n’a pas abouti à des résultats conformes aux standards résultant des travaux du début des années 2010 sur ce sujet.

    B. Principe de la démarche de justification
    Le Groupe permanent considère que le principe de justification proposé par AREVA qui consiste à déterminer une ténacité suffisante et à vérifier qu’elle est inférieure à la ténacité du matériau est approprié, pour autant que le phénomène en cause soit connu et maîtrisé et qu’une connaissance suffisante des propriétés mécaniques existe.

    C. Détermination de la ténacité suffisante
    État des calottes
    Le Groupe permanent note que les contrôles réalisés n’ont pas conduit à la détection de défauts dans les calottes concernées, ce qui constituera un élément important dans l’appréciation de la situation.
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    Il n’a pas de remarque particulière sur les essais non destructifs réalisés par AREVA pour la détection de défauts non débouchants et leurs performances.
    Le Groupe permanent formule toutefois la recommandation n°1 en ce qui concerne les contrôles de surface:
    Analyse dans le domaine fragile et dans le domaine de la transition fragile-ductile

    Situations et charges
    Le Groupe permanent note que, à ce stade, la liste des situations à examiner pour s’assurer du respect des critères associés à la seconde barrière n’est pas validée.
    Le Groupe permanent souligne de plus que la sélection des situations limitatives et des chargements sollicitants présentée par AREVA a été menée en supposant que la baisse de ténacité due à la zone ségrégée s’étend de la surface externe de chaque calotte jusqu’à la mi-épaisseur.
    Le Groupe permanent considère que l’hypothèse selon laquelle les propriétés mécaniques des calottes à partir de la mi-épaisseur vers l’intérieur de la cuve sont supérieures à 60 joules devra être validée par le programme d’essais. À défaut, d’autres transitoires devront être analysés et la démarche de justification complétée.

    Vieillissement
    Le Groupe permanent partage la position d’AREVA sur le fait que la fluence dans les zones considérées n’est pas de nature à conduire à des dommages dus à l’irradiation. Il note qu’AREVA s’engage, en lien avec EDF, à fournir un dossier fondé sur des résultats d’essais, permettant de statuer sur la nécessité d’engager un programme spécifique sur le vieillissement thermique des pièces fortement ségrégées.
    Le Groupe permanent réexaminera cette question s’il apparaît que le matériau considéré est mal couvert par les essais disponibles.

    Analyse dans le domaine ductile
    Le Groupe permanent considère nécessaire de s’assurer que le matériau présente dans le domaine ductile un comportement suffisamment ductile et tenace compatible avec les règles de conception utilisées.

    D. Détermination de la ténacité minimale et des propriétés mécaniques du matériau
    Représentativité de la calotte supérieure UK
    Le Groupe permanent considère que la calotte supérieure UK est représentative de la calotte supérieure de Flamanville 3 au vu de leur composition chimique à la coulée et mesurée sur pièce, de leur gamme de fabrication et des niveaux de carbone relevés en surface.
    Le Groupe permanent note que les mesures de concentration en carbone réalisées jusqu’alors ne permettent pas d’apprécier la profondeur de la zone ségrégée positive dans la calotte inférieure destinée
à Flamanville 3. Par ailleurs, le Groupe permanent considère que le programme de caractérisation des propriétés mécaniques de la zone ségrégée ne peut se borner à déterminer les propriétés d’un matériau issu d’un seul composant.
    À cet égard, le Groupe permanent estime satisfaisant l’engagement d’AREVA visant à réaliser une caractérisation chimique et un programme d’essais mécaniques sur la calotte inférieure UA identiques à ceux qui seront réalisés sur la calotte supérieure UK.

    Traitement thermique
    Dans la mesure où l’objectif d’AREVA est de déterminer les propriétés du matériau de la cuve de l’EPR de Flamanville 3 dans le cadre de son exploitation, le Groupe permanent considère qu’un traitement thermique équivalent à celui subi par cette cuve doit être appliqué à la pièce dans laquelle seront prélevées les éprouvettes. À ce titre, le Groupe permanent juge satisfaisant l’engagement d’AREVA.
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    Suffisance du nombre d’essais
    Le Groupe permanent considère que les zones ségrégées doivent faire l’objet d’une caractérisation approfondie. Le Groupe permanent considère que la suffisance du programme d’essais ne pourra être complètement appréciée qu’a posteriori, après le dépouillement et l’interprétation des résultats d’essais.
    Par ailleurs, le Groupe permanent considère que l’ensemble de la matière (éprouvettes, chutes...) issue des calottes supérieure UK et inférieure UA devra être identifié et conservé pour d’éventuelles investigations complémentaires.

    Interprétation des résultats d’essais et choix des laboratoires
    Le Groupe permanent considère que les analyses chimiques prévues sur chaque éprouvette rompue au plus près de la zone de rupture permettront de s’assurer que le programme d’essais caractérise bien la zone ségrégée.
    Le Groupe permanent considère que les macrographies et micrographies prévues par AREVA devront permettre de caractériser la structure du matériau ségrégé, et qu’une analyse des faciès de rupture des éprouvettes doit être réalisée, pour s’assurer que l’on est en présence de structures et de comportements connus.
    Si les résultats d’essais mettent en évidence que les propriétés mécaniques sont dégradées par un autre phénomène que la présence d’une ségrégation majeure positive, le Groupe permanent considère qu’AREVA devra montrer que les calottes UK et UA sont représentatives de celles de Flamanville 3 au regard du nouveau phénomène constaté.
    Le Groupe permanent considère que l’accréditation du laboratoire d’Erlangen, retenu par AREVA pour les essais mécaniques à l’exception des essais Pellini, apporte des garanties satisfaisantes en matière de savoir-faire technique et de quantification des incertitudes.
    De plus, le Groupe permanent note que ce laboratoire intervient dans des programmes d’expertise et de recherche pour des réacteurs nucléaires étrangers (Doel 3, Tihange 2 et Olkiluoto 3).
    Le Groupe permanent considère que les essais Pellini doivent être réalisés dans des conditions permettant leur comparaison avec ceux réalisés précédemment sur le parc français en exploitation.
Il note que l’ensemble des analyses et essais feront l’objet d’une surveillance spécifique par un organisme.
    Il formule la recommandation n°2.

    E. Comparaison de la ténacité minimale du matériau à la ténacité suffisante
    Après analyse des propositions d’AREVA et des recommandations du rapporteur, le Groupe permanent formule les recommandations n°3 et 4.

    IV - Sous réserve de la prise en compte des recommandations n°1 à 4, le Groupe permanent considère acceptable la démarche proposée par AREVA pour justifier de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville 3.
    Le respect du critère de ténacité dans le domaine de transition, le bon comportement au palier ductile, l’absence d’anomalie lors des essais et contrôles, le respect du critère de résilience à mi-épaisseur et l’adéquation du choix des situations étudiées sont des points restant à vérifier pour pouvoir conclure sur l’aptitude au service des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville 3.
    Le Groupe permanent note que la démarche de justification qu’AREVA propose est une analyse du comportement mécanique à la rupture brutale des calottes du fond et du couvercle de la cuve de Flamanville 3, fondée sur des essais menés sur deux pièces sacrificielles représentatives. Cette démarche pourrait mettre en évidence que le procédé de fabrication confère au matériau des propriétés mécaniques d’un niveau suffisant pour prévenir les risques redoutés.
    Toutefois, le Groupe permanent considère que cela ne permettra pas de restaurer la garantie sur le premier niveau de défense en profondeur qu’aurait apportée une qualification technique conforme aux standards actuels.
    Le groupe permanent considère en conséquence, en cohérence avec son avis de 2011, que le dossier doit s’accompagner de propositions de mesures d’exploitation ou de suivi en service adaptées à la situation rencontrée et les reporter, le cas échéant, dans la notice d’instruction de l’équipement. Il souhaite les examiner à la lumière des résultats des essais qui seront réalisés.
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    Recommandations
    Recommandation n°1
    Le Groupe Permanent recommande qu’AREVA réalise sur le fond de cuve des essais non destructifs de surface, autres que le ressuage, complémentaires de ceux déjà réalisés dans le cadre de la fabrication pour conforter l’absence de défauts, dans une démarche de type qualification conventionnelle d’essai non destructif.

    Recommandation n°2
    Le Groupe permanent recommande qu’AREVA:
     * précise, avant l’engagement du programme d’essais et après la caractérisation de l’étendue de la zone ségrégée, la localisation des macrographies et micrographies;
     * analyse les faciès de rupture des éprouvettes;
     * fasse réaliser les analyses chimiques par un laboratoire accrédité.

    Recommandation n°3
    Le Groupe permanent recommande que la démarche de justification repose d’abord sur la vérification que les valeurs de ténacité restent enveloppées par la courbe ZG6110 du RCC-M indexée sur 0°C et que la TNDT locale reste cohérente avec les valeurs de conception.

    Recommandation n°4
    Le Groupe permanent recommande qu’en cas d’échec de cette première démarche, AREVA détermine:
     * une température d’indexation permettant d’envelopper les mesures de ténacité en zone ségrégée;
     * une température d’indexation résultant des essais Pellini en zone ségrégée;
     * une température d’indexation résultant des essais Charpy en zone ségrégée;
     * une température d’indexation résultant d’une température
de réépreuve admissible en pratique avec les marges appropriées; et fournisse des éléments d’interprétation complémentaires au cas où ces quatre températures ne seraient pas classées
dans cet ordre.

COMMENTAIRES GSIEN

    Examinons les recommandations du rapporteur

    Recommandation 1
    Le rapporteur recommande qu’AREVA réalise des essais non destructifs de surface complémentaires de ceux déjà réalisés dans le cadre de la fabrication pour conforter l’absence de défauts.

    Recommandation 2
    Le rapporteur recommande qu’AREVA précise, avant l’engagement du programme d’essais et après la caractérisation de l’étendue de la zone ségrégée, la localisation des macrographies et micrographies. Le rapporteur recommande également qu’AREVA analyse les faciès de rupture des éprouvettes.

    Recommandation 3

    Le rapporteur recommande que la démarche de justification d’AREVA repose sur:
     * la vérification que la courbe ZG 6110 du RCC-M indexée sur la RTNDT mesurée dans la zone ségrégée constitue bien l’enveloppe inférieure des mesures de ténacité réalisées sur le matériau dans la zone ségrégée ;
      * la prise en compte de la RTNDT mesurée dans la zone ségrégée pour la comparer à la RTNDT admissible, représentative de la ténacité suffisante du matériau.
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    Recommandation 4
    Le rapporteur recommande de limiter l’utilisation de l’approche de type Master-curve, proposée par AREVA pour l’indexation de la courbe ZG 6110 du RCC-M, à une interprétation complémentaire des résultats des essais mécaniques.

    Recommandation 5
    Compte tenu des constations affectant le premier niveau de défense en profondeur, le rapporteur considère qu’une démarche de justification sans dispositions visant à renforcer le deuxième niveau de défense en profondeur ne saurait être suffisante pour justifier l’usage nucléaire des calottes de la cuve de Flamanville 3.
    À ce titre, le rapporteur recommande que des dispositions renforcées de contrôle de mise en service, de suivi en service, d’entretien et d’exploitation soient définies et mises en oeuvre.

    Si on compare les recommandations rapporteurs (ASN et IRSN) et groupe permanent, celles du groupe permanent sont moins contraignantes que celles des rapporteurs.
    Ils acceptent cependant des nouveaux tests mécaniques sur «la calotte supérieure UK représentative de la calotte supérieure de Flamanville 3 au vu de leur composition chimique à la coulée et mesurée sur pièce, de leur gamme de fabrication et des niveaux de carbone relevés en surface» et «Le Groupe permanent note que les mesures de concentration en carbone réalisées jusqu’alors ne permettent pas d’apprécier la profondeur de la zone ségrégée positive dans la calotte inférieure destinée à Flamanville 3. Par ailleurs, le Groupe permanent considère que le programme de caractérisation des propriétés mécaniques de la zone ségrégée ne peut se borner à déterminer les propriétés d’un matériau issu d’un seul composant

    Il faut noter que, pour refaire des tests qui auraient dû être réalisés dès l’origine, les 2 groupes d’experts sont satisfaits du choix de laboratoires ayant des contacts étroits avec AREVA.
    À ce stade de problème, il faudrait utiliser les compétences des laboratoires universitaires ou de laboratoires de recherche et éviter les laboratoires parties prenantes d’AREVA. En effet, les tests ne peuvent plus rien garantir:
    - on ne touche pas à la cuve, calotte de fond soudée, déjà insérée dans son puits et raccordée aux GV, mais on va pratiquer des tests sur un fond de cuve américain;
    - on ne touche pas à la calotte supérieure (couvercle), mais on pratique des tests sur un couvercle anglais.
    Remarquons que «le Groupe permanent estime satisfaisant l’engagement d’AREVA visant à réaliser une caractérisation chimique et un programme d’essais mécaniques sur la calotte inférieure UA identiques à ceux qui seront réalisés sur la calotte supérieure UK».
    C’est difficile à justifier: les métallurgistes savent bien que les lingots ont tous leur spécificité. Ces tests vont juste conforter le fait que les méthodes utilisées ne sont pas adéquates pour assurer la qualité des 2 calottes (couvercle et fond).
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    Citons les rapporteurs:
    «Le dossier de qualification technique présenté par AREVA pour les calottes du fond et du couvercle de la cuve de Flamanville 3 montre que le risque d’hétérogénéité dû aux ségrégations résiduelles positives a été mal apprécié et ses conséquences mal quantifiées. Lerapporteur considère que l’exigence de qualification technique n’est ainsi pas respectée pour les calottes de la cuve et du couvercle de cuve destinées à Flamanville 3. Par ailleurs, le rapporteur souligne qu’AREVA n’a pas fait le choix de la meilleure technique disponible pour la réalisation des calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville 3.
    Le rapporteur considère que le procédé de fabrication retenu pour les calottes de la cuve de l’EPR de Flamanville ne procure pas la même garantie de qualité qu’auraient procurée la meilleure technique disponible et une qualification technique satisfaisante: ces conclusions mettent en cause le premier niveau de défense en profondeur qui vise l’obtention d’un haut niveau de qualité de conception et de fabrication du fait du non-respect des exigences rappelées ci-dessus

    Bon revenons à l’élément manquant: le coût. C’est tout de même fabuleux, pour aller plus vite (?), AREVA fait changer «l’application de critères de conception et de fabrication les plus sévères permettant l’obtention de marges adéquates et cohérentes permettant d’écarter tout risque d’endommagement en exploitation; au stade de la conception, des études de mécanique sont attendues en toute zone pouvant présenter un risque de rupture brutale;»
    Et les coûts font des bonds, bien sûr c’était prévisible: il ne faut jamais oublier que «réparer une erreur de conception coûte bien plus qu’avoir le courage de la corriger, même si cela prend du temps». En effet une fois l’erreur commise le plus souvent c’est irréversible et alors on élabore des solutions de contournement.
    Mais cela ne sert à rien, le problème est là. Mieux vaut tout refaire: in fine, cela sera moins coûteux qu’un accident que, pour une fois, on pourra qualifier d’accident qui aurait dû être évité. Et en plus en ne tenant aucun compte des demandes de l’ASN, AREVA a commis une grave infraction. Ce comportement est inacceptable.
    Et le groupe permanent a écrit «Le Groupe permanent note que la démarche de justification qu’AREVA propose est une analyse du comportement mécanique à la rupture brutale des calottes du fond et du couvercle de la cuve de Flamanville 3, fondée sur des essais menés sur deux pièces sacrificielles représentatives. Cette démarche pourrait mettre en évidence que le procédé de fabrication confère au matériau des propriétés mécaniques d’un niveau suffisant pour prévenir les risques redoutés.
    Toutefois, le Groupe permanent considère que cela ne permettra pas de restaurer la garantie sur le premier niveau de défense en profondeur qu’aurait apportée une qualification technique conforme aux standards actuels.
    Le groupe permanent considère en conséquence, en cohérence avec son avis de 2011, que le dossier doit s’accompagner de propositions de mesures d’exploitation ou de suivi en service adaptées à la situation rencontrée et les reporter, le cas échéant, dans la notice d’instruction de l’équipement. Il souhaite les examiner à la lumière des résultats des essais qui seront réalisés
    Bon ce n’est pas une recommandation, mais le jugement est sévère; je le partage et pense qu’il n’y a pas à hésiter: c’est forcément la réparation et tant pis pour les retards qui, de toute façon, sont inévitables, on y gagnera une expérience pour le démantèlement (enfin presque car, ordinairement sur un réacteur il y a, en plus, le problème de la radioactivité...)
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