LaG@zette Nucléaire sur le Net!
N°280, juin 2016

ATTENTION DANGER:
PIÈCES FALSIFIÉES DANS LE NUCLÉAIRE

Réflexions soulevées par les participants CLI, ANCCLI et associations dans le cadre du groupe de travail ANCCLI-IRSN sur les réexamens de sûreté des réacteurs


 
      Réflexions sur le processus et le calendrier des réexamens de sûreté des réacteurs
     - les délais de prise de prescriptions techniques et de réalisation des modifications suite à une visite décennale d’un réacteur,
     - les délais entre deux visites décennales qui peuvent paraître trop longs si une modification est jugée nécessaire; certains pensent que les réexamens de sûreté devraient être réalisés plus régulièrement après 30 ans de fonctionnement,
     - le délai d’instruction des études génériques des VD4-900 (plus court que pour les VD3-900) et la suffisance des moyens disponibles (EDF, IRSN et ASN),
     - les différences de traitement entre les industries nucléaires et les autres industries «à risque»,
     - la possibilité pour EDF de traiter certains écarts et anomalies considérés comme «mineurs» après la réalisation de la visite décennale,
     - la difficulté pour les membres de CLI d’identifier l’importance relative des sujets dans les avis d’experts et les lettres de suite d’inspection,
     - les visites décennales n’ont pas nécessairement lieu exactement tous les 10 ans (il peut y avoir des écarts d’un ou deux ans),
     - intégrer le retour d’expérience des installations, événements et résultats des nouvelles études; par exemple, le retour d’expérience de l’inondation du Blayais en 1999 n’a pas encore été pris en compte sur tous les sites.
     Réflexions sur les principaux enjeux et thématiques de la VD4-900
     Réflexions sur les processus de mise en conformité et de maîtrise du vieillissement:
     - souhait d’approfondir ces processus sur la base d’exemples concrets,
-Intérêt particulier pour la maîtrise du vieillissement de la cuve du réacteur (cf. réflexions spécifiques sur ce sujet),
-la possibilité d’utiliser les techniques « classiques », développées par l’industrie « classique », pour le contrôle du vieillissement, notamment dans les zones non soumises aux rayonnements ionisants,
-révision exhaustive de tous les matériels qui interviennent et de l’instrumentation.
suite:
     Réflexions sur l’extension de la durée de fonctionnement des réacteurs:
     - la possibilité d’atteindre la cible de conception du réacteur EPR pour des réacteurs qui sont plus anciens; certains jugent cette cible impossible à atteindre, par exemple la mise en place d’un récupérateur de corium qui est prévu dans l’EPR, mais qui n’existe pas dans les réacteurs existants,
     - la possibilité de s’appuyer sur un niveau d’exigence défini pour l’EPR alors que celui-ci est théorique et n’a pas fait ses preuves,
     - les fortes incertitudes sur la possibilité d’étendre la durée de fonctionnement des réacteurs au-delà de 40 ans,
     - l’importance des modifications à réaliser et la question du coût de ces modifications,
     - la tenue de la cuve d’un réacteur plus de 40 ans,
     - difficulté pour les membres de CLI de se faire une opinion lorsque l’exploitant EDF communique sur son souhait de prolonger jusqu’à 60 ans et annonce un «grand carénage», alors que l’IRSN indique évaluer uniquement le passage de 40 à 50 ans de fonctionnement.
     Réflexions sur les évaluations complémentaires de sûreté (ECS):
     - la gestion de l'eau contaminée (entreposage, traitement...),
     - les liaisons entre les réserves d'eau et le réacteur à refroidir,
     - la disponibilité des réserves d'eau (par exemple pour une rivière ayant des problèmes d'étiage, ou une nappe phréatique pouvant être affectée par des conduits karstiques),
     - le démarrage immédiat et la fiabilité des «diesels de secours»,
     - des précisions attendues sur les filtres U5.
     Réflexions sur le vieillissement de la cuve de réacteur
     Réflexions concernant les enjeux de sûreté relatifs à la cuve d’un réacteur:
     - Prise en compte du risque de percement de la cuve (pris en compte pour l’EPR, mais pas pour les autres réacteurs).
     Réflexions concernant la conception et la fabrication des cuves:
     - La détection de certains défauts semble tardive dans certains cas, comme par exemple pour le couvercle de la cuve de Flamanville 3 (défaut découvert après soudage de la cuve). Ceci souligne néanmoins l’importance des contrôles finaux qui ont permis de détecter ce problème,
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      - Possibilité d’utiliser des lingots creux pour la fabrication de la cuve d’un réacteur, comme ce fût le cas pour certains réacteurs du palier 1300 et les réacteurs N4.
     Réflexions concernant les effets de l’irradiation et programme de surveillance de l’irradiation (PSI):
     - Comment mesurer les dommages causés par l’irradiation (par la fluence? par les DPA? par les spectres?),
     -Nécessité d’expliciter les «temps équivalent cuve» des capsules (prise en compte de l’âge, du pourcentage du nominal, des arrêts pour évaluer un équivalent du temps d’irradiation),
     - La représentativité des échantillons (ou capsules) embarqués dans la cuve du réacteur,
     - Déplacement des capsules pour certains réacteurs (cas de Fessenheim), ou ajout de capsules après démarrage pour d’autres réacteurs, car celles mises en place lors de la fabrication ne permettaient pas d’anticiper au-delà de 40 ans (cas des réacteurs 1300 MWe),
     - Possibilité d’extrapoler les effets d’irradiation au-delà de 40 ans,
     - Impact des incertitudes sur la capacité à aller au-delà de 40 ans,
     - Interrogations sur la petite taille des capsules placées dans les cuves et sur la représentativité des éprouvettes utilisées pour le PSI (étant donné leur taille).
     Réflexions concernant l’inspection en service des cuves et défauts identifiés:
     - Détection des défauts et les contrôles réguliers des cuves,
     - Prise en compte des incertitudes de mesures dans les dimensions des défauts détectés.
     Réflexions concernant la tenue en service des cuves:
     - Interrogations sur le fait de ne postuler qu’un seul défaut pour le dossier générique et sur ce qui se passerait si plusieurs petits défauts existaient à plusieurs dizaines de cm d’écart (ce qui empêcherait leur détection),
     - Risque de propagation de fissures et le risque de rupture inter-granulaire,
     - Éventuelle contradiction de la nécessité de maintenir l’eau d’injection de sécurité à une température supérieure à 20°C pour certains réacteurs, avec les études effectuées lors des ECS préconisant de refroidir le réacteur avec de l’eau plus froide,
     - Interrogations sur la possibilité d’effectuer un recuit de cuve (comme cela a pu être effectué pour des sous-marins américains).
     Autres réflexions sur la cuve:
     - Souhait d’expliciter les durées utilisées pour exprimer l’âge d’un réacteur en équivalence avec la fluence reçue par celui-ci,
     - Importance des incertitudes: souhait de préciser une enveloppe des incertitudes existantes,
     - S’intéresser à toutes les situations de fonctionnement, y compris les transitoires dont il serait intéressant d’avoir l’historique pour chaque réacteur,
     - Problèmes liés à la fragilisation du matériau de la cuve,
      -la recherche effectuée par EDF et l’IRSN sur le vieillissement de la cuve,
     - l’examen de la cuve (mise en évidence de défauts se fait dans la zone cœur),
     - Lecture des radiographies et comparaison avec les précédentes analyses difficiles car les méthodes ont changé,
     - Vieillissement des aciers dans le temps (fluence, transition ductile-fragile, suivi des défauts, nombre de transitoires en pression et température),
     - Soudures des pénétrations de fond de cuve: le défaut identifié sur Gravelines 1 a t’il été vérifié sur tous les réacteurs? Ce défaut peut devenir un défaut générique – C’est toute l’instrumentation de mesures et de contrôle du cœur du réacteur qui passe par ces pénétrations,
     - à la possibilité d’appliquer l’arrêté ESPN aux anciennes cuves (examens complémentaires? homogénéité?),
     - Quels contrôles seraient effectués à «45 ans», comme demandé par la loi pour la transition énergétique pour la croissance verte (cf. article 126-III «Cinq ans après la remise du rapport de réexamen, l’exploitant remet un rapport intermédiaire sur l’état de ces équipements [importants pour la sûreté], au vu duquel l’Autorité de sûreté nucléaire complète éventuellement ses prescriptions»),
     - prendre en compte les interactions entre les différentes sollicitations (fluence, température, pression, irradiation...).
     Réflexions sur le vieillissement de l’enceinte
     - Taux de fuite acceptable de l’enceinte (représentant plusieurs centaines de m3 par jour),
     - Risque de dégradation de l’enceinte lors de la réalisation du test de mise en pression (risque de rupture des câbles de précontrainte ou une rupture locale d'étanchéité de l'enceinte interne par arrachement de traversée ou éclatement de joint),
     - Problème des peaux métallique (900MWé),
(suite)
suite:
     - Etat et étanchéité des traversées d’enceinte,
     - Problème d’inétanchéité des doubles enceintes (1300 MWe),
     - Vieillissement des bétons, notamment pour les CNPE en bord de mer,
     - fuites de l’enceinte du réacteur de Bugey 1.
     Autres enjeux soulevés par les participants
     Importance de l’enjeu relatif aux facteurs sociaux, organisationnels et humains (FSOH), notamment:
     - les liens entre les conditions de travail, la santé psychique et la sûreté; impact des conditions de vie du personnel sur la réalisation des travaux,
     - l’implication de l’«humain» dans les incidents survenant dans les centrales,
     - la connaissance de l’installation par les sous-traitants,
     - la possibilité pour les CLI d’interroger les CHSCT sur les aspects FSOH,
     - la nécessité de définir et de respecter des équipes minimales de conduites,
     - les incohérences entre les informations fournies aux opérateurs en salle de commande et la nécessité de réfléchir à des moyens de vérifier ces informations,
     - les modifications du contrôle-commande (passage en numérique effectué ou prévu pour certains réacteurs),
     - les évolutions en matière de management de l'activité et de l'entreprise (prestataires, robustesse des chaînes de décision en cas de pépin, filialisation de certains pôles de l'entreprise, priorités stratégiques: environnementales, sociales, humaines, économiques...); enjeux importants d’une manière générale, mais en particulier dans le cadre d’un maintien d’activité,
     - Renouvellement des compétences, arrivée de générations nouvelles,
     - Compagnonnage,
     - Choix des prestataires,
     - Management de la conception,
     - L’accumulation de tâches et le pilotage des activités.
     Les composants vieillis, difficiles à changer ou non remplaçables:
     - Contrôle commande: co-habitation des anciennes et nouvelles générations (analogique et numérique),
     -Câbles/Tuyaux/canalisation (certains ne sont pas changeables ou ne sont pas expertisables in situ). Il est fait référence au GT EDEX de l’IRSN relatif aux recherches de l’IRSN concernant l'extension de la durée d'exploitation des centrales nucléaires - Il apparaît nécessaire que l'IRSN ait une meilleure connaissance que celle qui est la sienne aujourd'hui des phénomènes impactant la tenue au vieillissement des composants irremplaçables des centrales. Pour autant, la mise à disposition de l’IRSN par l'exploitant d’échantillons représentatifs ou de matériel aux fins de R&D est indispensable (câbles, tronçons de canalisation par exemple),
     - Le vieillissement des câbles électriques,
     - Intérêt de traiter le retour d’expérience sur ces composants et les difficultés rencontrées.
     Autres composants qui peuvent être réparés ou changés, ou qui doivent être vérifiés:
     - Corrosion des gaines de combustibles (faire le point sur ce sujet: situation? décisions prises par EDF? Position de l’ASN?). Quels contrôles de fabrication des combustibles?
     - Le renouvellement de gros composants (générateurs de vapeur, couvercles de cuves par exemple),
     - Recombineurs d’hydrogène – Efficacité en situation dégradée? – Maintenance, positionnement,
     - Disjoncteurs 6,6 kV : problème lié à un changement de fournisseur,
     - Maintenance: disponibilité des pièces détachées – nécessité de reconstruction de pièces (perte des méthodes de fabrication),
     - Changement de fournisseur: qualité des nouveaux matériels fournis (disjoncteurs 6,6kV, moteurs diesel, robinetterie...)
     - L’instrumentation et le passage au numérique (DAPE concernant ce sujet); nécessité d’assurer un contrôle détaillé et exhaustif de l’ensemble de l’instrumentation (sur l’ensemble de la «chaîne de commande de l’appareil», depuis la salle de commande jusqu’au composant, y compris l’ensemble des différents relais de la ligne de transmission de l’ordre donné au composant).
     Piscine d’entreposage de combustibles:
     - Le tube de transfert est inaccessible et pourrait se rompre,
     - Absence de bunkérisation du bâtiment. Souhait d’un renforcement sérieux et important du bâtiment,
     - Les besoins d’amélioration sur les piscines (aspects sûreté, saturation...),
     - Création d’une piscine d’entreposage centralisée: interactions avec les transports et les installations de La Hague.
     Agressions internes et externes:
     - Risque d’explosion: même si l’enceinte reste intègre, des instruments dans l’enceinte pourraient être touchés et ne plus être fonctionnels,
     - Prise en compte de la chute d’un équipement comme aggravant suite à une agression,
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      - Interrogations sur les thématiques des «grands chauds» et «grands froids»: prise en compte d’une sécheresse en plus des fortes chaleurs, REX montrant des dépassements des intervalles de températures prévus à la conception (-15°C / +30°C), site «coupé du monde» lors d’un épisode neigeux (comme en 2003 pour le Nord-Cotentin, ce qui a posé des problèmes d’accès des pompiers, un manque de nourriture, de lits...),
     - Modifications concernant la prise en compte du risque d’inondation, effectuées à des dates différentes, y compris concernant un même bassin versant (sur la Loire par exemple, la rupture d’un barrage situé en amont n’est pas prise en compte pour la centrale de Chinon, alors qu’il l’est pour la centrale de Belleville),
     - séisme de référence: prendra-t-il en compte le séisme de Lisbonne, ce qui conduirait à considérer la création d’une «grosse vague» sur la façade atlantique et de Manche,
     - La tenue sismique et les problèmes de fragilisation liés au séisme (par exemple pour Cruas 1).
     Évaluations probabilistes de sûreté:
     - Les premières évaluations probabilistes de sûreté (EPS) ayant été réalisées dans les années 70, les données statistiques utilisées à l’époque ont-elles été améliorées depuis? Comment est pris en compte le retour d’expérience. Nécessité d’imaginer tout ce qui pourrait se produire. Qu’a-t-il été fait pour améliorer leur représentativité?
     - Quelle est la fiabilité des EPS? Quel est l’intérêt de continuer à en faire?
     - La fiabilité des ponts de manutention après séisme (un pont peut-il rester opérationnel même en cas de modification de sa verticalité après séisme ?),
     - La transposabilité des EPS séisme d’un site à un autre,
     - L’absence de prise en compte de l’ensemble des agresseurs externes dans les EPS de niveau 1 et 2 (notamment la chute d’avion) et sur l’application de méthodes de «screening»,
(suite)
suite:
     - La prise en compte de combinaison de deux événements ayant la même cause initiale (par exemple la conjonction d’une tempête et d’une marée, comme au Blayais en 1999).
     Autres aspects:
     - la nécessité d’anticiper les travaux et les investissements qui seraient nécessaires à la poursuite d’exploitation au-delà de 40 ans,
     - la complexité des systèmes informatiques et le fait qu’il n’est pas possible de prévoir tous les cas de figure à la conception de ces systèmes,
     - la vérification de l’étanchéité des trois barrières de confinement, en particulier du circuit primaire,
     - la maîtrise du refroidissement du réacteur; modification possible dans le temps de la disponibilité de la source froide; par exemple la Loire a changé de physionomie depuis la construction de la centrale de Chinon,
     - la présence de tritium dans les puisards (cas à Penly),
     - l’incertitude sur l’état réel de certains composants et l’impact sur la prolongation.
     Autres approches:
     - les aspects économiques: évaluation coût-bénéfice pour la sûreté notamment l’évaluation du coût de non-réalisation d’une disposition de sûreté, évaluation de l’acceptabilité économique d’une modification, risque de blackout sur les réseaux électriques...
     - la proposition de croiser les enjeux listés avec les trois dimensions des VD4-900 (conformité, réévaluation de sûreté, élévation du niveau de sûreté),
     - la proposition d’une approche qui ne soit pas liée uniquement aux composants. Par exemple, regarder l’ensemble des équipements réalisés en inconel 600, matériau très sensible à la corrosion,
     - l’intérêt pour les CLI de demander à EDF des fiches récapitulant les modifications prévues à chaque étape sur leur site (intégrant les modifications demandées dans le cadre des réexamens de sûreté, des ECS...).
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