mars 2019 • GSIEN

La transmutation des déchets nucléaires

Texte à la première personne, il faut mentionner l'auteur.

Il y avait bien eu, dans les années 70-80 des gens iconoclaste qui avaient évoqué l'énorme gâchis énergétique que constituent nos chers (au sens du prix) réacteurs. Rappelez vous que le rendement d'une centrale, est d'environ 30 %. Pour 1000 Méga Watts électriques produits, elle rejette, en gros, 2000 Méga watts thermiques, de la bonne chaleur qui pourrait être utilisée pour alimenter le chauffage urbain d'une grande ville. Même si en cours de route on en perdait la moitié, cela économiserait encore la production d'une unité de production d'électricité. Quelle horreur, rendre inutile toute une partie du parc nucléaire !!!!

Je conseille à tous les gens curieux qui ne l'ont pas lu, d'essayer de se procurer "Le plan ALTER". Cette analyse de l'adéquation aux besoins tant domestiques qu'industriels, des diverses sources énergétiques avait été réalisée par un petit groupe de scientifiques ... il y a une quarantaine d'années. La réédition de cette étude pourrait donner des arguments et des réponses à ceux qui se posent des questions sur le cauchemar énergétique.

De la transmutation des déchets nucléaires.

Ah, la TRANSMUTATION !!! Cette vieille passion des alchimistes à la recherche de la pierre philosophale. Transformer le plomb en or ...

De nos jour, après des siècles de recherche acharnée de nos alchimistes, tout ce qu'on est arrivé à faire, c'est de transformer beaucoup d'or en morts et en m ...

En matière de nucléaire, cela fait partie des astuces de contournement de la question élémentaire : mais d'où proviennent ces déchets ? Alors que pour les particules fines provenant des moteurs diesels, la mesure prise fut la disparition progressive de ce type de moteurs (remplacés par des moteurs électriques qui justifient le maintien et le renforcement du parc de réacteurs ...) pour les déchets radioactifs provenant du cycle du combustible des centrales puis de leur démantèlement, l'argument fut tout simplement de dire que la SCIENCE saura trouver une solution. Cela permet de se défausser sur les générations futures sans poser la question de la réduction à la source. Bien sur, même si par un coup de baguette magique on arrêtait toutes nos centrales, cela ne ferait pas disparaître les stocks de déchets accumulés, mais au moins, on en aurait un inventaire stable.

Donc la transmutation fait partie de loi Bataille n° 91-1381 du 30 décembre 1991.

Mes vieux relents de physique nucléaire m'ont toujours laissé sceptique (comme la fosse du même nom) sur ce sujet.

Jusqu'à présent l'idée de base était que pour transmuter des éléments on utilise des neutrons. Mais pour produire des neutrons, soit on utilise ceux produits dans un réacteur par fission, soit on utilise une source de spallation ... qui nécessite une machine gourmande en électricité ... donc issue d'un réacteur ... rebelotte ..., il faudrait faire le bilan « combien j'en produit, pour combien j'en détruit »... Sans oublier ces méchantes sections efficaces qui nous apprennent que dans un flux de neutrons, il n'y en a que quelques uns qui travaillent !

Par ailleurs, il y a un détail (qui tue) : on ne va pas mettre dans un flux de neutrons du combustible en vrac ... donc on va faire du retraitement et isoler le ou les corps dont on souhaite voir la disparition. Mais ces opérations sont de la chimie ... qui va isoler toute la famille d'isotopes du même élément. Dans cette famille il y a le (ou les) radio-isotope honni, mais il y a aussi les isotopes stables ou ceux de courte période pas spécialement gênants. Il ne faudrait pas qu'un isotope stable soit "transmuté" en une vacherie radioactive.

J'avais ouï dire, lors d'une des dernières session du CSSIN, que le CEA avait abandonné l'idée de faire de la transmutation sur les produits de fission, et continuaient l'étude de son application uniquement sur les transuraniens.

Aujourd'hui G. Mourou lance une nouvelle voie pour la transmutation : le laser petawatt (pour les néophytes, mega c'est un million, giga >> un milliard, tera >> un million de millions, peta >> un million de milliards, exa ...j'erre !! )

D'un bel optimisme, il parle de 15 à 20 ans pour une réalisation pratique du procédé qui serait d'une efficacité de 45 % contre autour de 15 % pour SPX ... Mais comme son laser pèteur est très énergivore, on est ramené au problème précédent : le volume de déchets dû à son alimentation en électricité (note). Sans oublier qu'il faudra de toute façon passer par le retraitement et la séparation poussée, donc de la chimie industrielle (et non sur une paillasse de laboratoire), avec ses limites évoquées plus haut.

Cette "fable" de la transmutation me remémore une page des aventures du sapeur Camenbert. Son chef lui dit de balayer la cour et d'enterrer le produit de son nettoyage. A la fin de l'opération, il lui reste de la terre. Son chef lui dit "S'pèce de double mulet cornu ! m'ferez quatre jours pour n'avoir pas creusé le deuxième trou assez grand pour y mettre sa terre avec celle du premier trou . "

Nos grands savants devraient relire Christophe , qui était prof de physique à la Sorbone !!!

Note : il y aurait bien une solution pour la production d'électricité. On affecte tous les petits génies à pédaler sur des gégènes (chères à Bigard - il doit en en rester en souvenir de la bataille d'Alger, parfaitement rodées suite à un usage intensif ...). Le seul problème est que tous ces producteurs d'électricité vont transpirer, exhaler, ...etc ..., et que cela va renforcer la quantité de gaz à effet de serre.

Petit historique des idées plus ou moins stupides
en matière de déchets nucléaires :

Au début, dans les " anciens temps",dans les années 50, nous avions, au fort de Chatillon, ZOE (pas la petite dernière de chez Renault) notre première petite pile expérimentale à eau lourde, construite par Kowarski. C'est elle qui nous a donné nos premiers milligrammes de Pu et pour laquelle l'uranium fut préparé au Bouchet (Itteville, Saint Vrain), laissant sur place des tas de déchets dont une grande partie y séjourne encore. Le pot aux roses fut mis à jour, il y a quelques années, lorsque la municipalité se proposa de faire des développements à cet endroit.(note 2) Le recoupement des inventaires des fûts de déchets (radifères) laissa apparaître un "excédent" qui était enterré sur place et doit y être encore puisque, pour cette famille de déchets, il n'y a pas encore de solution envisagée. (note 3)

Les déchets en provenance du fort de Chatillon étaient déversés dans les trous laissés par l'exploitation du grès à Saint Aubin, à coté du site de Saclay. L' "intérêt" de cet emplacement était que par ruissellement, cela venait arroser le centre aéré des enfants des agents du CNRS situé en contrebas, au château de Gif sur Yvette.

Puis il y eut les déversements en mer ... c'est grand la mer, cela fera par dilution une élévation tellement faible de la radioactivité de l'eau ... La convention de Londres mis un terme à cette pratique. Il y eut bien un projet d'enfouissement dans les fonds sous-marins. On descend d'un navire un grand tube jusqu'au fond, on fore, puis on envoie par le tube des colis de déchets ... ce n'est pas dans l'eau, donc c'est hors convention de Londres !

Dans les idées géniales, il y eut les zones sous-marines où les plaques tectoniques viennent se recouvrir - zones de subduction - mais certains "intérêts" firent remarquer que cela pourrait être gênant si on se lançait dans la collecte des nodules polymétalliques et qu'on risquait de remonter des fûts de déchets dans la foulée.

Il y eut aussi l'idée de l'envoi dans le soleil. Seulement pour que l'opération soit rentable, il fallait que la fusée soit chargée "à mort" de déchets. Un "mauvais pensant" fit remarquer le pourcentage de fusées qui rataient le départ et que dans cette hypothèse on se prendrait tous l'inventaire de déchets sur la coloquinte.

Une autre idée brillante fut la glace de l'antarctique. Si on pose un fût chaud sur la glace, il va s'enfoncer doucement, et l'eau va regeler au dessus. Donc il pourra descendre jusqu'au socle rocheux. Un autre "mauvais penseur" fit remarquer que le sous-sol de l'antarctique est riche en ressources minérales, et que cette pratique en condamnerait l'exploitation.

Restait alors l'enfouissement en site profond. Au début il était question de plusieurs laboratoires souterrains dans divers matériaux. Les localisations devaient permettre de tester le granite, le schiste, le sel et l'argile.

Dans la première liste des sites granitiques, figurait un endroit qui disparut très vite de la liste : c'était une zone où se trouvait une propriété de l'Académie ... Puis on eut le site du "rocher branlant" dans le Poitou ... où l'hostilité locale fut déterminante.

Ensuite, pour le schiste, en Touraine, cela se passa mal également. Le sel, dans la région de Bourg en Bresse, provoquât la levée de bouclier des éleveurs de poules bressanes. Il y eut bien quelques localités qui se portèrent volontaires (Cholet par exemple), mais sans que cela aboutisse. Et le premier ministre Michel Rocard fit cesser la tournée du cirque de prospection en février 1990.

Ce qui laissa la place pour l'argile de Bures, région qui accueillait déjà l'enfouissement en surface de déchets TFA à Soulaine, et où l'arrosage financier de l'ANDRA a facilité les décisions des élus locaux, ce qui n'exclut pas une contestation toujours vive et des mesures coercitives administratives envers les opposants.

Néanmoins, il restait le dernier volet de la loi Bataille : la transmutation, ce qui permet de reporter aux calandres grecques la question des déchets.

Avec le mauvais esprit que me caractérise, j'avais bien une proposition pour un stockage profond : le sous-sol du palais de l'Elysée. Premièrement le sous sol y est connu, il y est logé le PC opérationnel de la force de frappe, ensuite il est proche de la gare d'Orsay où passe le RER, donc possibilité de liaison rapide avec le CEN de Saclay. D'autre part, le site est déjà gardé par des forces de police importantes, et enfin, comme les locataires n'y restent qu'une durée limitée, les doses cumulées ne seront pas trop importantes.

(note 2) : il est bien connu que plus un lieu est pourri, contaminé, etc ... plus la tentation est grande d'y construire des HLM, d'y implanter une école, un centre aéré. C'est bizarre, je n'ai pas connaissance d'un cas d'implantation sur ce genre de site d'un service ministériel, et si j'osais ... de l'environnement !!!

(note 3) : le tas de m... déchets (hydroxydes et autres résidus de préparation d'uranium à partir de monazite, minerai très riche en provenance de Madagascar) fut recouvert de terre et la zone fut clôturée avec un écriteau donnant l'interdiction de pénétrer. Seulement les lapins de garenne ne savent pas lire ! et quelque temps plus tard un de ces rongeurs analphabète y fut attrapé. Après passage à la broyeuse, l'analyse du bestiaux donna une forte contamination en radium, ce qui fit un joli article dans la presse. Une responsable de IPSN (ancienne dénomination de l'IRSN actuel) m'expliqua qu'ils avaient fait une erreur en "préparant" le lapin. Ils avaient broyé toute la bête, sans avoir isolé les os, partie qui concentre le radium. Quelle erreur, en raison de laquelle il n'y pas eu de lapin au menu de la cantine de Fontenay ce jour là...