septembre 2023 •

Corrosion sous contrainte de l’acier inoxydable
Présence de fissures sur les circuits de sauvegarde (RIS et RRA)
Le point du GSIEN (septembre 2023)

Le GSIEN a abordé le sujet dans la Gazette n° 296 (avril 2022) et suit ce dossier épineux pour le nucléaire hexagonal. Notre dossier montrait que la fissuration sous contrainte de l’inox austénitique n’était pas si inattendue que cela. De nombreuses indications avaient bien été détectées sur plusieurs réacteurs mais classées, avec une certaine désinvolture, comme parasites par EDF. De plus, en tant qu’industriel responsable, quelques cas de fissuration de l’inox austénitique auraient dû alerter l’exploitant et lui permettre d’anticiper les arrêts de tranches pour réparations.

Bref historique

Après la découverte des premières fissures sur la tranche 1 de Civaux (palier N4) fin 2021, EDF a étendu ses contrôles sur les autres réacteurs du même palier : Civaux 2 et Chooz 1 et 2. Comme la tranche 1 de Penly était en visite décennale, des contrôles ont été initiés sur les circuits auxiliaires de Penly 1. Selon EDF, les expertises réalisées sur ces cinq tranches montraient une « profondeur limitée des fissures qui varient de 0,75mm à 5,6mm au maximum (à comparer à l’épaisseur des tuyauteries de près de 30mm) ».

La présence de fissures a rendu nécessaire la reprise des études de sûreté afin de vérifier la tenue mécanique des circuit touchés par le phénomène, dans l’espoir de pouvoir remettre en service un réacteur avec des fissures de profondeur limitée sur ses tuyauteries auxiliaires. Toutefois, le peu de marge qu’il restait dans les calculs réalisés avec une profondeur de fissure de « de 5,6mm au maximum » [EDF, 8/02/2022] a dû fondre sans que la canicule puisse être suspectée. A l’été 2022, une fissure de profondeur un peu plus importante sera découverte.

Petit retour en arrière. En mai 2022, des parlementaires membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ont auditionné des représentant de l’ASN sur la « Prolongation des réacteurs nucléaires ». Le président de l’ASN « s’est montré rassurant sur l’état de sûreté des centrales, mais inquiétant sur les fermetures de réacteurs qui seront nécessaires pour maintenir ce niveau de sûreté ». Concernant le problème de fissuration de l’acier inoxydable, qualifié de « phénomène sérieux », le président de l’ASN a déclaré : « EDF a procédé à la mise à l’arrêt de 12 réacteurs pour expertise approfondie et le cas échéant réparations, dont 4 réacteurs N4 les plus récents, 5 réacteurs du palier 1300 MW et 3 des réacteurs de 900 MW. Ces 12 réacteurs ne sont donc qu’une partie des 30 réacteurs à l’arrêt actuellement, qui le sont pour diverses raisons, comme des maintenances normales ou des visites décennales ».

Il a ensuite précisé : « Nos calculs mécaniques permettent de justifier la tenue en fonctionnement de ces tuyauteries, mais avec peu de marge. La propagation de la fissuration se limiterait à quelques millimètres du fait de l’état de compression du métal, mais cela reste à confirmer » [Public Sénat, 17/05/22].

Dans un courrier de fin juillet 2002 envoyé au Directeur de la Division production nucléaire d’EDF, l’ASN indique qu’EDF a « initié un programme de calculs mécaniques sur les lignes RIS et RRA de l’ensemble des types de réacteur ». L’ASN a noté « la prise en compte de la découverte d’un défaut de 6,48 mm de profondeur sur une ligne RIS [Branche froide - Boucle 3] du réacteur 1 de la centrale de Civaux, (...) cette profondeur de défaut n’étant actuellement pas couverte par les études mécaniques réalisées pour les réacteurs de type N4 ».

L’ASN fait le point des investigations réalisées par EDF :

« En lien régulier avec mes services, vous avez engagé un programme approfondi de contrôle et d’expertise pour faire progresser votre connaissance de ce phénomène et de ses implications à l’échelle du parc. Ce programme vous a conduit à définir et mettre en œuvre une stratégie de contrôle couvrant l’ensemble des types de réacteurs du parc, et à procéder à des découpes des tuyauteries sur un échantillon représentatif de ces réacteurs, les expertises métallurgiques après dé-coupe étant à ce stade le seul moyen de statuer, de manière certaine, sur la présence de défauts de CSC. Cela vous a conduit (au 13 juillet 2022) à réaliser près de 70 expertises en laboratoire de soudures prélevées sur huit réacteurs. Ces expertises sont indis-pensables pour acquérir un ensemble de connaissan-ces sur les caractéristiques de ces défauts, et des données sur les différents paramètres susceptibles d’être influents vis-à-vis de l’amorçage de fissures de CSC.

Vous avez en parallèle engagé d’importants travaux de développement pour disposer d’un nouveau moyen de contrôle par ultrasons, dit « UT amélioré », dans l’objectif de disposer d’un dispositif de contrôle non destructif apte à détecter des fissures de CSC de petite taille et à mesurer leur profondeur. Vos premiers résultats, rendus possibles par la confrontation des acquisitions réalisées sur des défauts réels avec les données des expertises métallurgiques, sont encourageants. Ils permettent d’envisager sa mise en œuvre à titre d’expertise dans les prochains mois pour réaliser les contrôles prioritaires et consolider les connaissances sur l’extension du phénomène de CSC » [ASN, 26/07/22].