La confection d'explosifs nucléaires nécessite un certain nombre de connaissances techniques et scientifiques, un minimum d'infrastructure industrielle, et enfin quelques quantités de matières fissiles. L'importance et la complexité de ces exigences dépendent très largement de l'impact politique que l'on veut atteindre par la possession de l'arme atomique. A un bout de l'échelle on trouve les grandes puissances nucléaires engagées depuis des années dans un processus d'escalade et de sophistication des armements et qui, pour ce faire, mettent en oeuvre des moyens considérables en argent, en matière grise, en technologie de pointe, toutes choses peu courantes et fort dispendieuses (par exemple: électronique, métallurgie, élaboration de produits fissiles de haute pureté isotopique, simulation sur ordinateurs, complexes d'essais, etc.). En revanche, à l'opposé on peut imaginer un groupe d'individus qualifiés de terroristes par ceux mêmes qui ont institutionalisé l'«équilibre de la terreur» (mise sur le web en 2003, avec le souvenir récent du 11 septembre 2001!). Pour un tel groupe, la possession d'un explosif de mauvaise qualité fabriqué artisanalement à partir de plutonium subtilisé, pourait suffire à exercer un chantage. Il est évident qu'il est plus facile de se prémunir devant ce deuxiène cas de figure que devant le premier en instituant tout un système de contrôle policier à l'intérieur et autour des usines de retraitement et de zones de stockage du plutonium. Les chapitres suivants de ce numéro montreront comment il est en revanche plus malaisé pour les grandes puissances nucléaires d'empêcher une «prolifération latente», pour reprendre un concept défini par T.B. Taylor, un des spécialistes des problèmes de l'armement atomique aux USA. (suite)
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Cette prolifération concerne des pays qui ne sont pas directement dans la course à la «modernisation» des armements nucléaires, mais qui cherchent à exercer une forte pression dans une certaine région du monde. Ils disposent cependant de moyens aitrement plus importants que les groupes «terroristes» hypothétiques. LA SCIENCE POUR TOUS Du point de vue des connaissances techniques
et scientifiques, la situation est actuellement toute différente
de l'époque 1946, quand les informations étaient tenues secrètes
et les spécialistes peu nombreux. Actuellement, beaucoup de données
techniques sont «déclassées», c'est-à-dire
dans le domaine public. Elles concernent la diffusion des neutrons, les
masses critiques, l'hydrodynamique et les équations d'état
de la matière fissile à haute température, les diverses
phases physico-chimiques parcourues par l'explosif nucléaire durant
l'explosion, la chimie des composés de l'uranium et du plutonium,
et enfin l'utilisation d'explosifs classiques puissants destinés
à l'initialisation de la réaction en chaîne. Évidemment
il faut des spécialistes pour digérer, mettre en oeuvre ces
données; il faut également un minimum de moyens de calculs
(ordinateurs) et d'infrastructure industrielle. Or ceci est maintenant
à la portée de n'importe quel pays semi-industrialisé
qui a pris soin depuis des années d'envoyer des: étudiants
se former dans les universités américaines ou européennes,
et qui consent à s'équiper de ces moyens. Selon T.B. Taylor,
les 'personnes au niveau ingénieur, capables de par leur formation
ou leur expérience dans des domaines proches de la technologie nucléaire,
de mettre en oeuvre l'arme atomique, se comptent par dizaines de milliers
de par le monde entier. Aussi peut-on dire qu'un pays peut pratiquement
réaliser la plupart des mises au point avant même d'avoir
accès à la charge nucléaire proprement dite, et donc
être capable en peu de temps de faire exploser un engin de puissance
moyenne. Mais pour cela il faut évidemment le fameux matériau
fissile.
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Mais avec le développement
de l'énergie nucléaire civile auquel on assiste depuis les
années 70, la prolifération du plutonium est devenue possible.
Le tableau 1 montre en effet la quantité de plutonium (avec le pourcentage de Pu-239) que l'on peut extraire annuellement d'un réacteur de 1.000 MW(e) selon la filière utilisée: Ces chiffres appellent les remarques suivantes:
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- Enfin un pays importateur de centrale nucléaire peut très bien "piloter" le réacteur de façon à produire moins d'électricité, mais un plutonium à haut pourcentage de Pu-239 RETRAITEMENT ET CONTROLE Pour extraire ce plutonium, on a besoin d'ateliers
(et non d'usines en raison des tonnages produits) de retraitement. On verra
plus loin qu'un certain nombre de pays procèdent déjà
à un retraitement à petite échelle. Il s'agit d'une
opération chimique de séparation en milieu très radioactif.
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