On a donc vu que la vente des réacteurs
et d'ateliers de retraitement (ces derniers pouvant d'ailleurs être
construits par le pays importateur lui-même, pour peu que son niveau
technique soit suffisant, ce qui est le cas de l'Inde et maintenant de
l'Argentine) peut permettre l'obtention de plutonium (7 kgs pour une bombe!).
En fait, dans un futur peut-être pas si lointain, d'autres voies
vont devenir possibles pour accéder à la matière fissile
d'une manière encore plus aisée.
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Il apparaît donc qu'avec la logique même du développement de l'industrie nucléaire dans les pays détenteurs de la technologie, l'exportation d'une part et le passage éventuel au surgénérateur représentent de fait une véritable entreprise, à peine déguisée, d'exportation d'armes. LE MAUVAIS EXEMPLE En 1963, le Canada livrait à l'Inde un réacteur de recherche à eau lourde, d'une puissance déjà appréciable (40MW thermiques), capable de produire 5 kilogrammes de plutonium par an. En 1964, l'Inde commençait à extraire ce plutonium grâe à son unité de retraitement de Trombay (dans la banlieue nord-est de Bombay). Quelques années plus tard, mis probablement au courant des intentions indiennes par ses services secrets, l'actuel Premier ministre du Pakistan, M. Bhutto, alors ministre des Affaires étrangères, déclarait «Nous fabriquerons la bombe, même si nous devons manger de l'herbe pour y parvenir». A cet effet, le Pakistan commandait au Canada le réacteur à eau lourde de Kanupp, de 137MWe, destiné en principe à alimenter Karachi en électricité. Mais l'Inde avait une avance considérable et au terme d'un programme estimé à 400.000 dollars (2 millions de francs), faisait exploser sa première bombe atomique le 18 mai 1974 dans le désert de Thar (Rajastiaan). Cette bombe, d'une puissance de 15.000 tonnes de TNT (contre 12.500 pour la bombe d'Hiroshima), était évidemment présentée comme le premier élément d'un projet d'explosions nucléaires pacifiques, destinées à de grands travaux de terrassement. Personne ne fut dupe: la détermination du Pakistan fut renforcée, le Canada interrompit toute livraison nucléaire à l'Inde, et l'extrême-droite japonaise accentua sa campagne discrète en vue de doter le Japon d'un armement atomique (Le Monde, 26-27 mai 1974). Signalons à ce sujet que le Japon a bien signé le traité de non prolifération, mais ne l'a pas ratifié, et qu'il se lance à son tour dans le retraitement des combustibles irradiés. p.4
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En 1974, vingt et un pays possédaient
des réacteurs de taille suffisante pour produire du plutonium en
quantité appréciable Argentine, Belgique, Bulgarie,
Canada, Chine, Espagne, France, Grande-Bretagne, Inde, Israël, Italie,
Japon, Pakistan, Pays-Bas, R.D.A., R.F.A., Suède, Suisse, Tchécoslovaquie,
URSS, USA. Vingt-six autres pays possédaient de petits réacteurs
de recherche, dont certains (ceux de Taïwan en particulier) sont peut-être
suffisants pour produire à la longue de quoi faire une ou deux bombes
(les 12 kilogrammes d'uranium 235 du réacteur que la France projette
de vendre à l'Irak ne peuvent à eux seuls servir à
faire une bombe, la masse critique de U 235 étant de 15 kilogrammes;
mais étant données les nécessités d'un rechargement
fréquent, l'Irak pourra peut-être avoir les quantités
nécessaires à la fabrication d'une bombe).
Si l'on revient à la liste des vingt et un pays à capacité nucléaire «forte», on constate qu'elle comporte sept pays ayant déjà la bombe (Chine, France, Grande-Bretagne, Inde, Israël?, URSS, USA). On y trouve également huit pays à solide tradition démocratique et pacifiste, ou fermement tenus en main par une très grande puissance (Belgique, Bulgarie, Canada, Pays-Bas, RDA, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie) Restent six pays dont trois (Allemagne de l'Ouest, Italie, Japon) ont signé le traité de non-prolifération, les trois autres (Argentine, Espagne et Pakistan) ne l'ayant pas signé. |
Peu après 1980, à la suite du
développement de l'énergie nucléaire «pacifique»,
au moins treize nouveaux pays auront une forte capacité de production
de plutonium: Afrique du Sud, Autriche, Brésil, Corée du
Sud, Cuba, Egypte, Finlande, Hongrie, Iran, Mexique, Taïwan, Thailande
et Yougoslavie). Des considérations politiques et géographiques
permettent de dire que, dans cette liste, seules l'Autriche, la Finlande
et la Hongrie ne sont pas des candidats sérieux à l'arme
atomique.
Enfin, certains pays ont l'intention de se doter d'installations d'enrichissement de l'uranium: Afrique du Sud, Australie, Brésil, Canada, Israël, Japon, Pays-Bas, RFA et Zaïre. On arrive ainsi à une liste impressionnante de dix-huit candidats «sérieux» à l'arme atomique pour la décennie 1980- 1990: Afrique du Sud, Allemagne de l'Ouest, Argentine, Australie, Brésil, Corée du Sud, Cuba, Egypte, Espagne, Iran, Italie, Japon, Mexique, Pakistan, Taïwan, Thailande, Yougoslavie et Zaïre. Les quatre candidats «officiels» sont l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil et le Pakistan, qui n'ont pas signé le traité de non prolifération. (L'Argentine fait fonctionner depuis peu une installation pilote de retraitement). Il est clair que la Corée du Sud, l'Egypte, l'Iran et Taïwan, en raison de leur position géographique, de la nature de leur régime et de leur niveau technologique correct sont aussi de très bons candidats. L'Espagne, le Japon et l'Allemagne de l'Ouest peuvent égalemeni être soupçonnés de mettre en place l'infrastructure qui leur permettra d'accéder rapidement à la bombe. Les courbes ci-dessous donnent les prévisions de production mondiale de plutonium et de stocks accumulés jusqu'en 1990. p.5
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En 1968 avait été élaboré
un traité, dit de "non prolifération", signé depuis
par 95 des 155 nations du monde, et qui interdit aux pays acheteurs de
technologie nucléaire de fabriquer des bombes et des explosifs nucléaires.
Outre les Pays ne l'ayant pas signé (dont évidemment la France),
un certain nombre de signataires ne l'ont pas ratifié, et de toute
façon le traité peut être résilié trois
mois après notification.
MAIN DANS LA MAIN AVEC L'ENNEMI "HÉRÉDITAIRE" Cependant, deux puissances nucléaires,
pourtant membres du club, se montraient particulièrement inaptes
à comprendre la gravité du problème: la France
et l'Allemagne de l'Ouest. Certains pays conscients des difficultés
d'arriver par eux-même au retraitement du combustible, s'étaient
tout bonnement portés acquéreurs d'usines de retraitement.
En 1975, la France accéda aux demandes de la Corée du Sud
et du Pakistan. Sous la pression des États-Unis (et probablemont
de la Chine et de l'URSS), le traité avec la Corée du Sud
a été annulé. Mais celui avec le Pakistan reste toujours
valable, malgré les éclats de voix de Kissinger et les pressions
plus discrètes de l'équipe Carter-Mondale. Le gouvernement
françias a cependant renoncé le 16 décembre dernier
à toute nouvelle vente d'usines de retraitement.
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Le vente de ces usines à fabriquer la
bombe que sont les installations de retraitement avait été
encouragée en France par des politiciens à courte vue (Jacques
Chirac, alors Premier Ministre, Michel d'Ornano, ministre de l'industrie,
Raymond Barre, alors ministre du commerce extérieur. Au cours de
l'été 1976, les "inadmissibles" pressions de Kissinger à
l'encontre du contrat franco-pakistanais provoquèrent un tollé
quasi-unanime dans la presse française, qui mit un certain temps
à comprendre de quoi il s'agissait. Giscard d'Estaing, rendons-lui
cette justice, fut l'un des premiers hommes politiques de droite à
réaliser les dangers de ces ventes, et decida le 1er septembre 1976
de créer un "Conseil de politique nucléaire extérieure"chargé
de "définir et de coordonner les différents aspects de la
politique nucléaire extérieure, notamment en ce qui concerne
l'exportation des techniques, équipements et produits nucléaires
sensibles". Signalons que le ministre de la Défense fait partie
de ce conseil.
VERS UN CODOMINIUM SOVIETO-AMERICAIN? Les Etats-Unis ont appararemment été
les premiers à prendre conscience du danger pour l'humanité
(et pour eux-mêmes par conséquent) de la prolifération
nucléaire. Mais on peut se demander si l'agitation de Kissinger
et les prises de position plus courtoises mais non moins fermes de Jimmy
Carter et Walter Mondale, ne. sont pas la partie visible de l'iceberg.
En effet, l'URSS a maintenant très bien compris que la sursie de
l'espèce humaine est en cause, et ses pressions plus discrètes
sont probablement non moins vigoureuses. M. Giscard d'Estaing y a déjà
fait allusion, et il convient de remarquer le numéro du 22 décembre
1976 de la Pravda: Moscou (AFP.) - La Pravda du mercredi
22 décembre reproche à la France, à la Chine, ainsi
qu'à l'Afrique du Sud, à Israël, au Brésil et
à l'Argentine de ne pas avoir signé le traité de non
prolifération nucléaire.
p.6
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La Pravda indique que les moyens adoptés
au début de 1976 par le Club de Londres (groupement des exportateurs
de technologie nucléaire) ne sont pas suffisants. Elle estine indispensable
que l'Agence Intemationale de l'Energie atomique assure un contrôle
non seulement sur les matériaux, les équipements et les technologies,
mais aussi sur toute activité nucléaire de n'importe quel
pays non doté de l'arme atomique, même s'il n'a pas signé
le traité de non prolifération».
Cette position soviétique aurait été souhaitée à haute voix par le sénateur américain Ribricoff. Citons un article de William Pfaff, paru dans le New Yorker du 16 août 1976: «En mars 1976, le sénateur Abraham Ribricoff, du Connecticut, a insisté pour que nous et les Russes colaborions activement pour pénaliser la France et l'Allemagne de l'Ouest en raison de leurs ventes de certains équipements nucléaires au Pakistan et au Brésil. Le sénateur Ribricoif avait souhaité que les deux superpuissances nucléaires menacent de ne plus livrer d'uranium enrichi, combustible pour les centrales nucléaires(*)... |
Le sénateur Charles Percy, de l'Ilinois, libéral et internationaliste
lui aussi, pensait que les États-Unis devraient utiliser l'énorme
moyen de pression constitué par la présence de leurs troupes
en Europe pour décourager ces ventes françaises et allemandes
d'usines d'enrichissement et de retraitement de l'uranium et du plutonium».
Il paraît assez évident (voir l'article de Charles Vanheke dans Le Monde du 4 février 1977) que l'URSS ne peut admettre l'armement atomique de l'Allemagne de l'Ouest par Brésil interposé. Il est probable qu'elle ne peut admettre non plus celui du Pakistan, voisin de ses frontières et allié de la Chine et des États Unis. Il est clair que si les pressions diplomatiques ne sujfisent pas, il existe d'autres moyens plus rudes mais plus efficaces d'empêcher ces projets de se réaliser. * La menace du sénateur a été mise à éxécution: on a appris en décembre 1976 que les livraisons américaines d'uranium enrichi étaient suspendues depuis six mois... pour des raisons administratives. début p.7
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