EDITORIAL / SOMMAIRE
Les élections législatives
auront lieu en mars 197.8, le vote précédent date de 1973,
c'est-à-dire d'avant le lancement du programme électronucléairé
actuel.
C'est donc la première fois que les électeurs pourront interroger les candidats à la députation sur la politique énergétique qu'ils proposent et entendent faire appliquer. L'absence de ce thème lors de la précédente campagne électorale explique peut-être le peu de place que le parlement a consacré à l'énergie... mais on voit mal comment la nouvelle Assemblée pourrait poursuivre cette fuite de responsabilités. En 1978. nul n'ignore l'importance du problème qui est posé et son caractère profondément politique; il est indispensable que le dialogue entre électeurs et candidats se développe largement sur ce sujet, posant ainsi les prémices du débat national que nous réclamons. Pour engager la réflexion des uns et des autres, nous avons essayé modestement de dégager les points les plus significatifs, les plus fondamentaux et de proposer quelques questions à la méditation de tous. Qu'il soit clair qu'il n'est pas dans nos intentions de favoriser tel groupe, d'embarrasser tel autre, mais bien au contraire de tenter de clarifier les enjeux. A cette occasion, le collectif de rédaction réaffirme son indépendance vis-à-vis des différentes organisations, la multiplicité des appartenances des rédacteurs en est la meilleure garantie. |
Mais indépendance ne veut pas dire
neutralité, nous réclamons l'organisation d'un véritable
débat national, nous dénoncons les carences de l'information
officielle, nous condamnons la rapidité avec laquelle le programme
a été engagé, alors que sur de nombreux points, techniques
en particulier, beaucoup de zones d'ombre subsistent, nous nous opposons
à la prolifération de l'arme nucléaire favorisée
par la politique francaise d'exportation...
Bref, nous réclamons qu'une autre politique de l'énergie soit mise en place en partant de bilans énergétiques sérieux, faisant appel à des énergies renouvelables et basée sur un large consensus populaire. Et ce que nous attendons des candidats, c'est une expression claire et des engagements précis de leur part. Nous avons dit, plus haut que le problème de l'énergie a un fondément politique; c'est-à~dire qu'il relève de «l'art et de la pratique du gouvernement des sociétés humaines». En conclusion de cet éditorial, nous voudrions expliciter. un peu plus ce que nous entendons par là. Si l'on examine le côté technique, on s'aperçoit assez vite que le développement de l'énergie nucléaire de fission conditionne l'avenir pour des périodes très longues: par la mise en place de toute une infrastructure lourde pour le cycle du combustible, aussi bien que pour les centrales, par la nécessité du retraitement*, par la difficulté du problème des déchets. Le choix de la technologie nucléaire et son développement à marche forcée engage notre avenir et celui de notre société bien au delà de la fin du siècle. p.1
|
Un pari considérable également
est tenté dans le domaine économique: rentabilité
des systèmes mis en place, remboursement de prêts internationaux,
retour par le nucléaire à une situation de faible prix de
l'énergie et par conséquent à une croissance analogue
à celle de la décennie soixante. Hélàs si les
hypothèses actuelles se confirment, le pari est perdu et l'opération
«Concorde»
sera une bluette à côté de la catastrophe économique
que nous connaitrons alors.
Du point de vue international, peut-on voir sans frémir favoriser la dispersion de l'arme nucléaire, sa mise à disposition un peu partout. Peut-on encore espérer et croire à un équilibre de la terreur? Et là encore, il y a un enchaînement qui fait que pour faire du nucléaire chez soi, il faut rentabiliser études et systèmes industriels ailleurs, donc exporter en imposant ainsi mode de développement et technologie. Les pays en voie de développement ne peuvent-ils faire l'économie du passage au nucléaire (énergie à infrastructures lourdes et complexes) et passer aux énergies renouvelables avec des systèmes plus souples, plus décentralisés. N'est-ce pas de notre responsabilité de les aider dans cette voie plutôt que de les entraîner sur la voie des erreurs que nous commettons. Enfin, pour finir ce rapide panorama, nous voudrions ajouter quelques mots sur les aspects sociaux. Derrière le débat nucléaire se profile en effet la question du choix de société et ses implications sociales. Faire le choix d'une énergie, produite par des installations centralisées, c'est projeter un mode de consommation et de rapports humains. |
Le caractère complexe de ce type de production encourage donc
la voie actuelle, vers une plus grande hiérarchisation, vers une
parcellisation des taches aggravant ainsi le caractère jacobin de
la société francaise.
Face à cette tendance, à cette violence institutionnelle, se développe un mouvement d'interrogation, de refus, de volonté de rapprocher centres de décisions et endroits auxquels elles s'appliquent. De ce conflit surgit d'un côté une remise en cause du mode de développement productiviste et de l'autre la volonté d'imposer. Tout ceci entraîne d'une part le développement de systèmes de protection (gardiennage, fichage, etc.) et de l'autre l'exaspération, le durcissement des actions. On rentre ainsi dans une situation d'escalade. Il est du rôle et du domaine du politique de ne pas favoriser cette évolution, mais bien au contraire de combattre cette dégradation des rapports entre les hommes. Oui, décidément, la question nucléaire est profondément politique. Le plan de ce numéro s'articule autour des aspects suivants: - L'information indispensable à toute prise de position, - Les aspects locaux, nationaux et inter-nationaux, - Les modalités nécessaires pour l'instauration d'un véritable débat, - Les autres possibilités énergétiques. Les quarante questions que nous présentons, nous les proposons à tous candidats et électeurs, en espérant qu'elles aideront à la réflexion des uns et des autres. p.2
|