Cette recommandation,
qui date de 1977, devrait être la base des normes et règlements
nationaux. Elle est à ce titre (et à bien d'autres) intéressante
à étudier. Ce caractère de document de base doit expliquer
sans doute le caractère flou de certains paragraphes: cela doit
permettre d'en faire plusieurs lectures. Pour sa part, la Communauté
Européenne a publié, début 1979, une proposition de
directives qui, bien que ne faisant pas directement référence
à la CIPR 26, s'en inspire dans bien des articles. Nous publions
dans ce numéro les articles les plus significatifs, à notre
sens, des deux documents. Mais avant cela, arrêtons-nous sur les
commentaires effectués par deux spécialistes, H.P. Jammet
et C.G. Stewart, dans le volume 13 de Radioprotection, publié chez
Dunod[3]. Commençons d'abord par les
explications sur le contenu (Jammet):
(...) LE SYSTEME DE LIMITATION DES DOSES Dans sa publication CIPR 26, la Commission recommande le système de limitation des doses suivant:Une nouvelle fois, disons que les idées exprimées ici sont intéressantes et ont le mérite de bien indiquer qu'il s'agit d'abord d'un problème social et qu'il y a des choix à faire et c'est dans ce sens qu'il y a contradiction car on ne voit pas très bien pourquoi la CIPR ferait ces choix qui ne sont pas, eux, de sa compétence. Nous verrons plus loin comment la Commission prétend résoudre le problème. (suite)
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suite:
La limitation des expositions vient compléter l'utilisation des processus de justification et d'optimisation.En ce qui concerne les problèmes liés aux effets génétiques, on lira avec intérêt l'encart 1 d'un pronucléaire convaincu. p.5
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Dans un entretien au Mois de l'environnement, numéro 37, d'octobre 1979, le professeur Tubiana, célèbre pronucléaire, appointé par EDF, déclare ce qui suit sur l'effet mutagène des faibles doses. Une certitude des effets mutagènes proportionnels aux faibles
doses
(...) LES LIMITES D'EQUIVALENT DE DOSE POUR LES TRAVAILLEURS La Commission estime qu'une bonne méthode
pour juger de l'acceptabilité du niveau de risque dans le travail
sous rayonnements consiste à comparer ce risque à celui d'autres
occupations reconnues comme atteignant un haut niveau de sécurité,
avec une mortalité annuelle moyenne due aux risques professionnels
égale à 10-4. En première approximation,
une évaluation fondée seulement sur le critère de
mortalité peut être considérée comme prudente,
puisque les effets non mortels de l'irradiation sont bien moins fréquents
que dans d'autres professions sûres.
Voilà la justification technocratique: la comparaison des morts. Mais quel curieux système: est-ce à dire qu'il y a des fatalités ou des choix? Les deux notions interfèrent l'une avec l'autre. On ne se préoccupe pas beaucoup, en plus, de comparer des choses difficilement comparables. (suite)
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Nous verrons, dans le prochain numéro de la Gazette, que cela pose pas mal de problèmes. Remarquons aussi le dernier paragraphe: n'est-ce pas une porte grande ouverte pour aller vers l'augmentation des doses? (...) NORMES DE PROTECTION Le système de limitation des doses
aboutit à des normes de protection. Il est important de faire une
distinction entre différents types de normes de protection: les
limites et les niveaux.
APPLICATION PRATIQUE Les Recommandations de la Commission traitent de manière tout à fait différente deux conditions bien distinctes d'exposition: p.6
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L'expression exposition médicale s'applique à l'exposition des personnes soumises à des examens médicaux ou à des traitements impliquant les rayonnements. Les procédures médicales ont pour objet: les examens ou traitements directement associés à une maladie; les examens systématiques de groupe ou les bilans de santé périodiques; les examens pour la surveillance médicale des travailleurs et les examens pratiqués à des fins médico-légales ou d'assurance; les examens ou traitements liés à un programme de recherche médicale. Les principes de justification et d'optimisation sont valables pour toutes les expositions médicales. En général, les individus exposés pour des raisons médicales tirent un bénéfice direct de leur exposition et les limites d'équivalent de dose ne sont pas nécessaires. Toutefois, dans le cas d'irradiation médicale à des fins de recherche médicale, les individus exposés n'en tirent pas de bénéfice direct; il est alors nécessaire de s'assurer que le détriment est acceptable et, donc, de fixer des limites autorisées pour chaque programme de recherche.
Cet exposé forcément schématique et incomplet avait surtout comme intention d'éclairer la signification profonde et l'application pratique du système de limitation des doses de la publication 26. (suite)
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suite:
Les limites de dose anciennes étaient fixées de façon arbitraire ou empirique avec pour principal mérite de remédier à des situations périlleuses en particulier dans le domaine professionnel. Dans la Publication 26 la Commission a voulu exposer les critères d'acceptabilité des limites de dose, soit absolus pour les effets non stochastiques à seuil, soit relatifs pour les effets stochastiques, par comparaison avec les autres risques communément acceptés dans la vie professionnelle ou publique.Après ces quelques extraits d'un article fort instructif sur l'aspect global de la recommandation, passons maintenant à l'article de C.G. Stewart qui va nous renseigner plus précisément sur les valeurs retenues. Ce furent des considérations de cette nature qui conduisirent aux nouvelles Recommandations générales de la C.I.P.R. La Commission raisonna de la façon suivante: dans l'idéal, à un niveau de risque devraient être associés les avantages qui résultent du risque encouru. Cependant, après avoir reçu l'avis des groupes de travail, la Commission estima que la généralisation d'analyses coût-avantage de ce genre, dans le domaine de l'utilisation des rayonnements ionisants, n'était pratiquement pas encore possible. Dans une première étape, elle entreprit donc de concevoir un système de limites de dose basé sur le principe de l'égalité du détriment (risque) pour chaque limite de dose. Pour ce faire, il fallait relier des niveaux de risque à des limites de dose par l'intermédiaire de considérations quantitatives sur les relations dose-effet. Il fallait, ensuite, choisir un critère du détriment et, enfin, un critère d'acceptabilité du détriment. Bien que l'invalidité, la maladie, la mort entrent, à un titre quelconque, dans toute considération générale du détriment, on estima qu'au départ, tout au moins, on pouvait choisir comme mesure du détriment le taux maximal estimé de mortalité. p.7
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On sait qu'en général, dans l'industrie, des sous-groupes de travailleurs d'une branche particulière sont soumis à des risques plus élevés que la moyenne; en d'autres termes, à l'intérieur d'une même branche, il y a une distribution de la fréquence des risques qui peut se caractériser par une valeur moyenne. Dans certaines situations où l'on dispose d'informations sur les risques de sous-groupes particuliers, il semblerait que ces risques soient 5 fois supérieurs à la moyenne. Les sous-groupes, eux-mêmes, ne sont pas entièrement homogènes[6] en sorte que, selon toute vraisemblance, certains risques individuels dans ces branches diffèrent de la moyenne par au moins un ordre de grandeur. (suite)
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Quelques remarques à ce niveau du discours: - Les effets stochastiques sont ceux qui se produisent obligatoirement au-dessus d'une certaine dose et dont l'effet est lié à la dose, par exemple les radiodermites: entre 400 et 600 rad, il apparaît des rougeurs, des brûlures, environ 1 à 3 semaines après l'irradiation - entre 600 et 1.000 rad, ces brûlures apparaissent au bout de 2 à 3 jours. Par contre ces brûlures n'apparaissent jamais à des doses inférieures à 100 rad. Ces effets peuvent aller jusqu'à la mort. - En ce qui concerne les effets non stochastiques, c'est la probabilité d'apparition d'un effet qui est liée à la dose, il faut alors établir la formule reliant cette probabilité à la dose. Inutile de vous dire que dans l'état actuel des connaissances... et des intérêts mis en jeu... les bagarres d'experts sont nombreuses sur le sujet! Jusqu'ici, la connaissance de la forme exacte des relations «dose/réponse» chez les populations humaines est trop limitée pour permettre une prévision sûre des courbes et de leurs pentes aux faibles doses et aux faibles débits de dose. Puisque nos connaissances sur les relations «dose/réponse» proviennent, en grande partie, de situations où dose et débit de dose, à la fois, étaient élevés par rapport à la zone couverte par les limites de doses recommandées, la Commission demeure d'avis que la fréquence réelle des effets par unité de dose (pente) devra être plus faible à la suite d'une exposition à des faibles doses ou à des doses délivrées à de faibles débits de dose. Il peut donc être judicieux, dans certains cas, de réduire ces estimations d'un facteur qui prenne en considération une différence probable de risque. Sur la base de toutes les données disponibles, la Commission a ainsi choisi pour le risque des valeurs par unité de dose (que je discuterai brièvement) qui puissent être utilisées en pratique pour la radioprotection. Par ailleurs, une hypothèse fondamentale, de façon générale prudente, demeure toujours sous-jacente aux recommandations de la Commission: pour les effets stochastiques et dans la limite des conditions d'exposition que l'on rencontre habituellement pour les travaux sous rayonnements, il y a une relation linéaire sans seuil entre la dose et la probabilité de réponse à cette dose. p.8
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Tout d'abord, les tissus considérés
comme suffisamment radiosensibles pour mériter une évaluation
individuelle du risque stochastique associé à leur irradiation
sont les suivants:[8]
Après une étude des données disponibles, la Commission a alors affecté à chacun de ces tissus un risque par unité d'équivalent de dose reçu (tableau ci-dessus). On peut faire quelques commentaires sur leur choix et les réponses particulières aux radiations pour lesquelles le risque a été estimé. (suite)
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Ainsi, la limite pour l'irradiation d'une population dans son ensemble sera le total atteint par la somme des contributions minimales nécessaires, compte tenu des risques et des avantages correspondants. Dans une telle analyse coût-avantage, pour une pratique donnée, par exemple, on peut prendre comme mesure directe du détriment correspondant l'équivalent de dose collectif à condition que cette dose soit limitée à la population qui en tirera bénéfice. Si l'exposition concerne d'autres populations, alors l'équivalent de dose collectif total devra demeurer inférieur à celui qu'on aurait appliqué si l'analyse coût-avantage avait été limitée à la population bénéficiaire. p.9
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Les recommandations de la Commission visent non seulement à limiter à un niveau acceptable (que nous avons estimé être 10-4 par an) la probabilité d'apparition des effets stochastiques, mais également à exclure les effets non stochastiques. A la lumière des connaissances actuelles, la Commission estime que les effets non stochastiques seront prévenus en appliquant une limite d'équivalent de dose de 0,5 Sv (50 rem) par an pour tous les tissus, à l'exception du cristallin pour lequel elle recommande une limite annuelle de 0,3 Sv (30 rem). Ces limites sont destinées à établir une contrainte pour toute exposition qui satisfait par ailleurs la limitation des effets stochastiques.Voilà donc la nouvelle «philosophie»: - acceptation du risque, - limitation théorique par comparaison. Nous rentrons maintenant dans l'électronucléaire «de masse», il faut bien s'adapter en faisant les sacrifices nécessaires. Une question cependant: «Au nom de qui parle la Commission?» Mais il est temps de passer à la recommandation elle même. Nous ne la citerons pas en entier, la Gazette n'y suffirait pas, nous nous contentons des paragraphes qui nous paraissent les plus significatifs, que nous annoterons si la plume nous démange...! Les numéros des paragraphes sont ceux de la CIPR 26. (suite)
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suite:
(5) La Commission tient à rappeler que sa politique consiste à étudier les principes fondamentaux à partir desquels il est possible d'élaborer des mesures appropriées de protection contre les rayonnements. En raison de la différence des conditions appliquées dans divers pays, c'est aux diverses instances internationales et nationales, plus au courant de ce qui convient le mieux à leurs besoins respectifs, qu'il appartient d'élaborer des directives détaillées pour l'application des recommandations sous forme soit de règlements soit de codes de pratique. La Commission reconnaît que les divers experts responsables de la mise en pratique de la protection contre les rayonnements ont besoin de directives suffisamment souples pour permettre leur adaptation sur le plan national, régional ou autre. Les recommandations de la Commission devraient donc présenter un degré de flexibilité approprié et c'est pourquoi la forme sous laquelle elles sont énoncées ne conviendra pas nécessairement, et sera même souvent impropre, à une transposition directe en règlements ou codes de pratique.[13] Des indications générales pour l'application des recommandations de la Commission sont données aux chapitres F et G. |
(10) Il est possible de prévenir les effets non stochastiques en fixant les limites d'équivalent de dose à des valeurs suffisamment basses pour qu'aucune dose-seuil ne puisse être atteinte, même si l'exposition s'étend sur toute la vie ou sur toute la durée de la vie professionnelle. Pour limiter les effets stochastiques, il faut maintenir toutes les expositions justifiables aux valeurs les plus faibles que l'on peut raisonnablement atteindre compte tenu des facteurs économiques et sociaux, sous la condition absolue que les limites appropriées d'équivalent de dose ne soient pas dépassées (voir paragraphes 103 - 128).Pour amusement, nous vous donnons le paragraphe 24: bon courage! (24) Il résulte de la définition du détriment pour la santé (paragraphe 16), que s'il existe une relation proportionnelle entre H et Pi (voir paragraphes 27 - 30) et si gi est indépendant de H, le détriment pour la santé, G, est proportionnel à l'équivalent de dose collectif, Sk. La validité de cette relation entre le détriment et l'équivalent de dose collectif dépend de la validité de la relation linéaire, sans seuil, admise entre le risque et l'équivalent de dose. La Commission a souligné qu'il s'agissait là d'une hypothèse prudente dont l'exactitude n'a pas encore été démontrée et on pourrait concevoir que les facteurs de proportionnalité ou facteurs de risque (risque par unité d'équivalent de dose) puissent varier - avec l'équivalent de dose antérieurement accumulé. Toutefois, lorsque les pratiques utilisées n'entraînent que de faibles accroissements de l'équivalent de dose par rapport à celui correspondant au fond naturel de rayonnements, le détriment additionnel pour la santé, DG, résultant d'une pratique (k) doit être étroitement proportionnel à Sk, même si la constante de proportionnalité n'est pas connue. De plus, il y aurait encore proportionnalité approximative dans les cas où tous les équivalents de dose individuels seraient compris dans une partie grossièrement linéaire de la relation dose-réponse. (suite)
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suite:Mais poursuivons: (29) Cependant, dans un grand nombre de cas, les estimations de risque sont établies sur la base de données obtenues à partir d'irradiations ayant entraîné des doses plus élevées délivrées à des débits de dose élevés. Dans de tels cas, il est probable[17] que la fréquence des effets par unité de dose sera plus faible après exposition à de faibles doses ou à de faibles débits de dose et, c'est pourquoi il peut être approprié de réduire ces estimations d'un facteur qui tienne compte de la différence probable des risques. Les facteurs de risque examinés plus loin ont donc été choisis dans la mesure du possible pour s'appliquer aux objectifs pratiques de la protection contre les rayonnements. p.11
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Limites d'équivalent de doses (suite)
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suite:
Exposition médicale p.12
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(102) Cependant, si dans une profession déterminée, l'exposition envisagée pour les travailleurs devait être telle qu'une fraction importante des travailleurs reçoive des équivalents de dose proches de la limite annuelle, l'exposition moyenne pourrait s'élever sensiblement au-dessus du dixième de la limite. Le risque moyen augmenterait alors en conséquence, même si aucun travailleur individuel ne dépassait la limite annuelle d'équivalent de dose. Une exposition de longue durée d'une proportion importante des travailleurs aux limites d'équivalent de dose ou à des niveaux proches de celles-ci ne serait acceptable que si une analyse coût-avantages appofondie montrait que le risque plus élevé qui en résulte était justifié. La valeur de wT pour les tissus restants exige quelques éclaircissements. Pour les raisons indiquées aux paragraphes 58 et 59, la Commission recommande[27] d'utiliser une valeur de wT = 0,06 pour chacun des cinq organes ou tissus qui, dans le reste de l'organisme, reçoivent les équivalents de dose les plus élevés et de négliger l'exposition de tous les autres tissus qui restent. (En cas d'irradiation du tractus gastro-intestinal, l'estomac, l'intestin grêle, le gros intestin supérieur et le gros intestin inférieur sont traités comme quatre organes séparés). (suite)
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(114) Les expositions exceptionnelles concertées ne devraient pas être autorisées si le travailleur a subi auparavant des expositions anormales ayant entraîné des équivalents de dose dépassant cinq fois la limite annuelle appropriée. Les expositions exceptionnelles concertées ne devraient pas être autorisées pour les femmes en état de procréer. Les équivalents de dose dus à des expositions exceptionnelles concertées devraient être enregistrés avec ceux provenant des expositions habituelles, mais tout dépassement des limites recommandées aux paragraphes 103 et suivants ne devrait pas constituer en lui-même une raison suffisante pour exclure un travailleur de ses occupations habituelles. (Les expositions accidentelles et les expositions d'urgence sont traitées au chapitre G). Exposition professionnelle des femmes en état de procréer p.13
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