Après l'accident de Three Mile
Island (TMI) en avril 1979 (voir la Gazette Nucléaire N°26/27),
des associations de citoyens ont intenté un procès à
la compagnie exploitante, la Metropolitan Edison. A la demande des avocats
des plaignants, Alice Stewart écrit en juin 1981 un «essay»
d'une cinquantaine de pages sur «Les effets sur la santé
de l'irradiation par les faibles doses».
(C'est une partie de ce rapport que les lecteurs de la Gazette Nucléaire
N°56/57 - Le système
international de radioprotection est fondé sur des données
fausses - ont pu lire, réactualisé lors d'une interview
d'A. Stewart).
Un règlement judiciaire à l'amiable est intervenu en 1983: il a été créé un Fonds TMI de la Santé Publique («Three Mile Island Public Health Fund»). Son but n'est pas d'indemniser des personnes privées particulières mais de financer des études sur les sujets suivants: - Surveillance et mesure du rayonnement - Effets sur la santé dûs à l'accident de TMI - Effets sur la santé des faibles doses de rayonnement - Plans d'urgence - Education du public. Le Conseil Scientifique du Fonds est dirigé par le Dr Edward Radford, un des présidents du dernier Comité BEIR (Biological effects of ionizing radiation committee) de l'Académie des sciences des USA et par le Pr Kari Morgan qui a été Président de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR). Le Fonds est supervisé par le Juge Sylvia Rambo de la cour de justice du Middle district de Pennsylvanie. Pour que la Cour accepte les études proposées il faut, d'après la Convention établie lors du jugement, que les deux parties soient d'accord. Fin 1983, le Fonds décide d'allouer «3 millions de dollars à des études améliorant la connaissance des risques de cancer associés à l'exposition aux rayonnements ionisants, c'est-à-dire l'évaluation de l'incidence des cancers et du nombre de cancers mortels induits par unité de dose de rayonnement.» Dans une première phase, il s'agit d'identifier et de classer les populations dont les études seraient les plus appropriées pour améliorer la connaissance des facteurs de risque de cancer. Des experts-consultants déposent des prpjets chiffrés. Mais c'est finalement une conférence d~ravail réunissant 45 personnes - y compris le Juge Conseil et les avocats - qui s'ouvre en avril 1985 pour tenter de résoudre ce problème. La conférence est présidée par E. Radford et les risques sont limités au rayonnement de faible transfert linéique (rayonnement y et ~). Ce point de vue est critiqué par Najarian - auteur d'une étude sur les travail-leurs des chantiers navals de Portsmouth. Il faudrait aussi considérer le rayonnement à haut LET (rayonnement a) car «à l'occasion d'accidents de réacteurs dans le futur, des populations pourraient être soumises à des irradiations de ce type»... (suite)
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suite:
Les problèmes biomédicaux sont condensés en 7 points: - l'incidence des cancers à localisation spécifique et la mortalité correspondante - les états précancéreux et les modifications chromosomiques - le système immunitaire - les altérations de l'ADN et les mutations somatiques cellulaires - les effets sur la croissance des individus - les effets sur la reproduction fécondité, sex ratio etc. - la mortalité totale. Une revue des différentes variables tente d'établir les critères nécessaires à la conduite «d'études épidémiologiques valables» (par exemple : définition de la cohorte, connaissance des doses, durée de l'exposition, fractionnement des doses, accès aux données, méthodes statistiques et leur puissance etc...). Au cours des débats, le Dr Shy, sous-traitant de DOE (Department of Energy) pour les études épidémiologiques relatives aux travailleurs US du nucléaire civil et militaire dépendant du DOE, se plaint de ne pas avoir d'accès direct aux dossiers médicaux dans les différents Centres nucléaires. Il ne peut pas obtenir les numéros de sécurité sociale et n' a aucun moyen de valider ses données. Une motion est votée : la conférence encourage vivement le Conseil Scientifique à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les données en possession du Département de l'Energie soient accessibles à tout chercheur pouvant les analyser avec compétence tout en respectant les procédures de confidentialité. Parmi les différents projets défendus par les participants on relève les études sur - Les travailleurs de l'usine de Rocky Flats exposés au plutonium - USA (haut LET) - La population des environs de Denver sous le vent des rejets de Rocky Flats - Les soldats ayant participé aux tests de bombes des îles Christmas - Les survivants d'Hiroshima et Nagasaki - Extension au rayonnement naturel de l'étude dite d~'Oxford sur le cancer des enfants (G.B.) - Les risques professionnels des travailleurs de Windscale (G.B.) - Les travailleurs US du nucléaire dépendant du Département de l'énergie (DOE) - Tous les travailleurs des centrales nucléaires aux USA - La population des Indiens navajo soumis aux stériles des mines d'uranium (USA) - Les Mormons de l'Utah soumis aux retombées des tests de bombes (USA) - Exposition des populations des USA aux retombées radioactives des tests de bombes - La population soumise aux rejets de l'accident de TMI - Irradiations médicales. Entre autres : les enfants avec cathétérisation cardiaque (irradiés dans les années 60), les enfants israéliens soignés pour la teigne, les enseignants soumis au dépistage antituberculeux, etc... p.2
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La conférence a donné
lieu à des commentaires intéressants. Par exemple Carl Johnson
(qui a observé une augmentation de la mortalité par cancer
dans la région de Denver) écrit que l'article de Radford
et Hoffman préparé pour la conférence et intitulé
«Une revue des effets carcinogènes des faibles
doses de rayonnement» aurait dû s'intituler «Une
revue de l'AGENCE FEDÉRALE des effets etc...» «Ne
sont cités que les rapports financés par les organismes officiels
qui sont acceptés sans critique alors que ceux des chercheurs indépendants
qui présentent d'autres points de vue sont dénigrés
sans fondement.»
Quant à l'expert officiel Seymour Jablon (voir la Gazette Nucléaire n° 56/57, dito), il rejette tous les projets sauf ceux concernant l'étude sur TMI, les irradiations médicales et aussi l'influence du radon en Pennsylvanie dont il demande l'adjonction à la liste des projets. Conformément à la Convention d'Accord issue du procès, le Conseil Scientifique du «Fonds TMI» doit choisir des projets correspondant aux «populations les plus valables» et doit obtenir l'agrément des représentants de la Compagnie propriétaire de la centrale de TMI. En juin 1985 l'«Advisory Committee» du Fonds recommande à l'unanimité l'une des 4 études proposées par Alice Stewart: étude de la cohorte de 298.000 travailleurs US du nucléaire dépendant du Département de l'Energie (DOE); on connaît les postes de travail, la dosimétrie, la contamination interne; les dossiers médicaux et administratifs existent. Outre les travailleurs de l'usine de Hanford, la cohorte comprendrait Los Alamos, Rocky Flats, Mound, Savannah River, Oakridge. Février 1986: Partie de ping-pong car les représentants de la Compagnie refusent le projet. L'argumentation scientifique des avocats comprend entre autres que des études sont en cours ou déjà faites et qu'on ne voit pas pourquoi une autre équipe aurait accès aux données; |
les méthodes statistiques utilisées par Mancuso, Stewart
et Kneale ont été très critiquées; d'autre
part il n'existe pas de fichier central pour les travailleurs dépendant
du DOE. En bref, désaccord sur tout la ligne.
Réponse de A. Stewart point par point. Sur le paragraphe concernant le transfert de données à d'autres chercheurs, elle indique que DOE a déjà utilisé cette méthode puisque ce fut le cas pour l'étude des travailleurs de Hanford par Mancuso et al où les données ont été transférées par DOE à 4 équipes différentes et à des consultants extérieurs. La situation était bloquée. En mai 1986 un Conseiller scientifique indépendant est désigné pour servir d'arbitre. Il s'agit du biologiste Baruch S. Blumberg, Prix Nobel. (Institut de Recherche sur le cancer - Philadelphie). Après étude du projet déposé par A. Stewart, examen des correspondances des avocats des deux parties, consultation des conseillers scientifiques (entre autres les Drs Dryer, Radford, Gilbert, Woodfall, Jablon) et d'un biostatisticien (Dr Lustbader) il rend compte de sa décision. En suivant les instructions de la Convention d'Accord selon laquelle le Conseiller Scientifique indépendant doit décider si le projet soumis à son arbitrage est susceptible de fournir des informations scientifiquement valables servant les buts assignés par le Fonds, B.S. Blumberg conclut que c'est bien le cas du projet proposé. C'était en juin 1986. Aux toutes dernières nouvelles la subvention viendrait d'être effectivement accordée au projet d'A. Stewart. Il reste à savoir si les données en possession du DOE concernant ces 298.000 travailleurs US vont être bientôt accessibles à son équipe. L'enjeu est de taille. Il est important de se souvenir après Tchernobyl que l'étude de Mancuso, Stewart et Kneale sur les travailleurs de Hanford conduit à un facteur de risque de mort par cancer radioinduit beaucoup plus élevé que celui de la CIPR 26 de 10 à 30 fois. p.3
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Les attaques auxquelles sont soumis
les chercheurs indépendants vont du simple boycott au dénigrement
systématique. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer une petite
phrase de Carl Johnson (études sur les cancers dans la région
de Denver sous le vent de Rocky Flats) «...ne sont cités
dans les rapports officiels que les rapports FINANCES par les organismes
officiels.» La réalité quotidienne est pire. Tous
ceux dont les études vont dans le sens d'une réduction des
normes sont considérés comme des «opposants».
Ils sont systématiquement dénigrés et quasiment sur
une «liste noire».
Cela a commencé par une «rumeur» concernant E. Sternglass. Ses études sur les effets sur la santé des retombées dues aux tests de bombes étaient bien dérangeantes. On pouvait en déduire que des centrales nucléaires en fonctionnement normal (et encore plus en cas d'incidents et accidents) auraient des effets néfastes sur la santé, en particulier produiraient une augmentation de la mortalité foetale et de la mortalité infantile. Après l'accident de Three Mile Island il a indiqué qu'il y aurait une augmentation de la mortalité infantile et des effets sur la thyroïde des nouveaux-nés. Ce qui est curieux c'est que sa mauvaise presse a continué alors qu'une augmentation de la mortalité infantile a effectivement été observée dans les comtés ayant subi les retombées ainsi que des cas d'hypothyroïdie. Rappelons que cette affaire a coûté la place de Directeur de la Santé de Pennsylvanie au Dr Mac Leod qui avait confirmé l'exactitude des données de mortalité indiquées par E. Sternglass et tant critiquées après TMI. Sa mauvaise presse a même fini par atteindre les milieux anti-nucléaires qui n'osent plus citer Sternglass. Les attaques contre J.W. Gofman sont insidieuses; pourtant il a été Directeur de la «Biomedical Research Division» de Livermore. Gageons que les attaques ne vont sûrement pas cesser après son estimation d'environ 1 million de cancers supplémentaires en Europe causés par Tchernobyl. Quant à T.F. Mancuso qui a collecté pendant plus de 10 ans toutes les données concernant les travailleurs de l'usine nucléaire de Hanford (USA) il a été privé de son poste après la publication dans Health Physics en 1977 des résultats de l'étude qui conduisaient à un risque de 10 fois supérieur à celui admis par la CIPR et ses données ont été confisquées. Rosalie Bertell, elle, a été victime d'un mystérieux accident de voiture aux USA et des coups de feu ont été tirés contre sa résidence. Cette statisticienne a participé à l'étude dite «des Trois Etats» (avec I. Bross) sur la relation entre cancer et irradiation médicale. Elle a focalisé son attention sur un point généralement négligé, la morbidité (et non la mortalité). Elle étudie les effets des rejets «normaux» des centrales sur la santé des enfants au voisinage des centrales et rassemble toutes les données actuellement disponibles concernant les effets des rayonnements ionisants. Face à la censure mondiale des autorités officielles elle crée au Canada «The International Institute of Concern for Public Health». (suite)
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suite:
Les critiques acerbes ou le silence n'épargnent ni Karl Morgan ancien président de la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) ex-Directeur de la revue Health Physics, ni Alice Stewart connue mondialement pour ses travaux sur la relation entre les cancers des enfants et les examens radiologiques obstétricaux des femmes enceintes (étude dite d'Oxford). Elle est co-auteur de l'étude sur les travailleurs de Hanford avec Mancuso et le statisticien O. Kneale. (Elle a également critiqué l'établissement de normes internationales à partir des survivants japonais qui ne constituent pas une population «normale». L'étude serait fortement biaisée). L'establishment s'est rapidement aperçu que les critiques formulées contre l'étude de Hanford lui donnait de la publicité. Depuis c'est donc la tactique du silence: au mieux on ne cite que le 1er article de 1977, jamais les suivants, en particulier les réponses aux critiques, les analyses statistiques par une méthode de régression, l'étude incluant l'influence des postes de travail. Comme ils sont systématiquement ignorés par les officiels français nous donnons la liste complète des articles relatifs aux travailleurs de Hanford. A. Stewart et son équipe étudient actuellement l'influence du rayonnement naturel sur les cancers des enfants qui serait responsable de plus de 60 % des cancers des enfants. La somme de 1.4 millions de dollars qui vient d'être attribuée à A. Stewart par le «TMI Public Realth Fund» pour étudier la cohorte des travailleurs nucléaires américains dépendant de DOE (Department of Energy) pour améliorer la connaissance du risque cancérigène lié aux faibles doses de rayonnement prouve au moins 2 choses: - Le risque aux faibles doses n'est pas aussi bien établi que nos officiels voudraient nous le laisser croire. - Les méthodes statistiques utilisées par G. Kneale ont été jugées suffisamment sérieuses pour qu'on lui confie cette étude. Alice Stewart et Rosalie Bertell ont reçu en Décembre à Stockholm le Prix de «The Right Livelihood Award» en tant que notoriétés mondiales en ce qui concerne les dangers des faibles doses de rayonnement. Ce prix a été surnommé «Alternative Nobel Prize». Elles le partageront avec Robert Jungk (ses livres entre autres «Plus clair que mille soleils», «L'État Atomique» etc...), Evaristo Nugkuag, principal représentant des Indiens d'Amazonie et le LADAKH Ecological Development Group of India qui travaille sur des projets bon marché d'énergie solaire tout en préservant la culture traditionnelle du Haut Himalaya. Cette récompense n'est pas attribuée pour des usages personnels mais pour permettre aux bénéficiaires de continuer leurs travaux dans l'intéret de l'humanité, pour «une vie meilleure». p.4
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II. BIBLIOGRAPHIE PARTICULIÈRE
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of Four «Laws» of Radiation Carcinogenis. The American Chemical
Society. ANAHEIN,
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1977. Handbook for Estimating Health Effects from Exposure to Ionizing
Radiation. (Aug. 1984). Institute of Concern for Public Health. TORONTO,
Ontario, Canada.
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of Hanford Workers Dying from Cancer and Other Causes. Health Physics
33,
369 (1977).
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data relating to the Hanford study of the cancer risks of radiation workers.
IAEA
Symposium «Late Effects of Ionizing radiation», Vienna
1, 387-410(1978).
G.W. KNEALE, A.M. STEWART, T.F. MANCUSO - Comments on «Review
of report by Mancuso, Stewart and Kneale of radiation exposure of Hanford
workers».
Health Physics, 37, 251-252 (1979).
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Data. A Reply to Recent Criticisms. Ambio 9, 66-73 (1980).
O.W. KNEALE, T.F. MANCUSO, A.M. STEWART - Hanford III: A Cohort Study
of the Cancer Risks from Radiation to Workers at Hanford (1944-1977 deaths)
by
the Method of Regression Models in Life-Tables. British Journal
of Industrial Medicine, 38, 156-166 (1981).
G.W. KNEALE, T.F. MANCUSO, A.M. STEWART - Hanford IV: Job Related Mortality
Risks of Hanford Workers and their Relation to Cancer Effects of Measured
Doses of External radiation. British Journal of Industrial Medicine,
41, 6-14 (1984).