Introduction Tchernobyl, c'est loin d'être fini. Tout d'abord une intervention du GSIEN au Colloque de Créteil organisé par la Société française de Radioprotection et la Société Française de Biophysique sur les «Conséquences médicales de l'accident nucléaire de Tchernobyl», intervention qui n'a pas forcément été bien accueillie mais qu'importe. Des commentaires sur les bulletins quotidiens et les rapports mensuels du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants. Puis l'effet de l'Iode radioactif, des commentaires sur les observations qui sont faites sur les animaux et les êtres humains. Et pour finir, un compte rendu de la conférence de Londres sur les effets biologiques des rayonnements ionisants. A. Les autorités sanitaires françaises
L'examen des Bulletins mensuels et des communiqués
quotidiens du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants
(SCPRI) dirigé par le Professeur Pierre Pellerin montre d'une façon
évidente que cet organisme a été
incapable de gérer la crise nucléaire de Tchernobyl.
Les informations que nous avons obtenues dans certaines régions
(Corse, Alpes Maritines) confirment cette appréciation. A titre
d'exemple, nous analysons les points particuliers suivants:
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Rappelons que les Recommandations de la Commission des Communautés Européennes aux Etats Membres étaient pour le lait et les produits laitiers respectivement de 500 Bq/l, 250 et 125 Bq/l les 6 mai, 16 mai et 26 mai 1986. Dès le début mai, la limite d'action était de 500 Bq/l en RFA. Dans son communiqué du 5 mai 1986 le Pr Pellerin fixait sa limite «pour différer la distribution de lait frais à 100.000 picocuries par litre» soit 3.700 Bq/l. Cette limite a largement été dépassée en Corse. Aucune consigne n'a été donnée aux femmes enceintes et aux jeunes enfants, ne pas boire de lait frais, ne pas manger de fromage frais. En Corse, le mois de mai est la période de l'année où se prépare le fromage frais. En un seul jour un enfant corse a pu ingérer la moitié de la Limite Annuelle d'Incorporation d'Iode 131 d'un adulte et près de cinq fois la Limite Admissible pour les enfants de 1 an en République Fédérale Allemande et en Grande Bretagne. Après les résultats des 12 et 13 mai montrant une contamination très élevée du lait, aucun suivi particulier n'a été effectué en Corse. Signalons que les Corses n'ont appris qu'au mois de septembre que leurs enfants avaient bu du lait très fortement contaminé au mois de mai. 3. Les données publiées pour les Alpes Maritimes sont extrêmement rudimentaires alors que l'activité des poussières atmosphériques à Nice le 30 avril 1986 était la plus élevée de France. 4. Dans ses bulletins quotidiens, le SCPRI ne fait mention que de moyennes sur les mesures, que ce soit l'activité atmosphérique ou la contamination du lait. Le GSIEN réaffirme que conformément à l'esprit de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR 26, 1977) la. radioprotection concerne les individus, leurs descendants et le genre humain dans son ensemble (Article 6). Les enfants corses n'ont pas ingéré la «moyenne» des laits français mais du lait hautement contaminé. 5. Dans les bulletins mensuels on apprend que les mesures sur les poussières atmosphériques ne sont faites que 5 jours après les prélèvements. Aucune indication n'est donnée quant au délai de transmission des résultats aux autorités locales. Nous pensons qu'un organisme aussi lent est incapable de gérer correctement une crise nucléaire qui réclame des décisions rapides, très fortement décentralisées. 6. Les seuils de mesure tels qu'ils apparaissent dans les bulletins mensuels sont beaucoup trop élevés et ne permettent pas une détection précoce par le SCPRI de l'arrivée d'une contamination. Ceci est confirmé par un exemple récent (mars 1987): l'élévation anormale de la contamination de l'air en Europe signalée par de nombreux laboratoires étrangers a complètement échappé au SCPRI. 7. L'ensemble des mesures publiées n'a pas de cohérence suffisante pour dégager des enseignements concernant l'effet du passage d'un nuage radioactif. L'accident de Tchernobyl aurait dû être l'occasion d'accumuler des informations essentielles pour la gestion des crises futures concernant la propagation de la contamination depuis l'air jusqu'à l'homme à travers la chaîne alimentaire. p.9
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8. Le Ministére de la Santé
a refusé d'appliquer les Recommandations de la Commission des
Communautés Européennes, celles du 6 et 30 mai 1986 relatives
aux activités maximales des produits alimentaires. Ces limites de
radioactivité pour le lait et les produits laitiers ainsi que pour
les fruits et légumes avaient été établies
dans le «souci légitime de protéger la santé
des consommateurs».
Le SCPRI a justifié ce refus en se référant aux Directives Européennes de 1980 et 1984. En réalité ces Directives ne donnent aucune indication concernant la contamination des aliments. Elles ne fixent que les Limites Annuelles d'Incorporation des radioéléments (LAI) et ne peuvent donner les contaminations maximales admissibles qu'après définition d'un modèle alimentaire type, ce qui n'a pas été fait. Par contre ces Directives font obligation aux Etats Membres de la Communauté de mettre à jour leur législation concernant la radioprotection des travailleurs et de la population. Si le Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi a effectué cette mise à jour le 2 octobre 1986 (JO 12/10/1986) le ministère de la Santé se refuse à le faire en ce qui concerne le public... En conclusion, le GSIEN demande une réorganisation complète des structures scientifiques et administratives mises en place pour la protection de la santé publique. Cette réorganisation ne peut être réalisée par les personnes qui ont montré leur incapacité à gérer la crise. LE GSIEN DEMANDE LA DEMISSION DE MR LE PROFESSEUR PELLERIN, DIRECTEUR DU SCPRI. Le GSIEN demande qu'une commission d'enquête établisse les responsabilités des organismes sanitaires et administratifs dans la déplorable gestion de la crise et ce à tous les niveaux, depuis le Ministre de la Santé jusqu'aux autorités sanitaires et préfectorales locales. Des mesures devraient être prises: 1. Le SCPRI devrait être doté d'un véritable Comité Scientifique responsable de la gestion technique et scientifique du Service. Les Associations de citoyens devraient y être représentés par les experts de leur choix. 2. La crise de Tchernobyl a montré que la gestion d'un accident nucléaire doit être prise à l'échelon local, la contamination étant variable d'un point à un autre du Territoire. Le GSIEN demande que des moyens de détection décentralisés soient mis en place et que les Associations de citoyens concernés par ces problèmes puissent avoir des informations sur ces sujets, y compris la possibilité d'intervenir sur les moyens mis en oeuvre. 3. Le GSIEN demande que la France soit enfin dotée d'une législation en ce qui concerne la radioprotection du public, conformément aux Directives de 1980 et 1984 de la CEE. Il est tout à fait anormal dans une société de droit que des décisions importantes soient prises par un seul individu sans être astreint à respecter un cadre juridique, couvert par le Ministre de la Santé. (suite)
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4. Le GSIEN demande que les Limites Annuelles d'Incorporation pour les différents radionucléides tiennent compte des radiosensibilités des différentes classes d'âge. Ceci devrait conduire à différencier les groupes les plus sensibles (enfants en bas âge) pour l'établissement des limites maximales de contamination des aliments. Une telle procédure est d'ailleurs adoptée en RFA et au Royaume Uni. D'autre part, en cas d'accident, la contamination se fait toujours par plusieurs radioéléments. Il est donc nécessaire d'en tenir compte pour l'établissement de normes alimentaires. Ceci est tout à fait conforme aux recommandations de la CIPR reprises par les Directives Européennes. 5. Une très grande prudence devrait guider les législateurs lors de l'établissement des normes étant donné l'incertitude concernant l'ampleur des effets sur la santé des faibles doses de rayonnement. Le GSIEN demande que la radioprotection du public (et des travailleurs) prenne en compte les récents travaux sur les effets des faibles doses de rayonnement comme ceux rapportés lors du premier congrès international sur les effets du rayonnement (BEIR Conference) qui s'est tenu à Londres les 24-25 novembre 1986. Certaines études (entre autres celles du Pr Radford, du Dr Stewart, du Pr Ujeno) indiquent que le facteur de risque cancérigène pris en compte dans les dernières recommandations de 1977 de la Commission Internationale de Protection Radiologique est sous-estimé. Dans un souci de protection sanitaire du public, le GSIEN demande qu'il soit tenu compte de ces travaux pour la détermination des Limites Annuelles d'Incorporation (LAI) et les autorisations de rejets des intallations nucléaires. 6. Le GSIEN demande que toutes les conférences internationales d'experts, que ce soit pour l'établissement des normes de contamination maximale admissible ou pour l'évaluation des conséquences sanitaires de l'accident soient ouvertes aux experts indépendants qui souhaiteraient y assister. Aucune confiance ne pourra être accordée aux conclusions de telles conférences si elles se tiennent à huit clos avec des représentants exclusifs des exploitants nucléaires (EDF, CEA). 7. Le GSIEN demande que soient recensées toutes les anomalies concernant la morbidité chez les enfants. De plus nous demandons qu'une étude épidémiologique précise soit effectuée sur la morbidité des enfants afin de disposer d'un état zéro sanitaire sérieux, qui seul pourrait permettre d'évaluer dans l'avenir les conséquences d'un accident. Ne pas procéder à ces études implique que l'on renonce dès à présent à évaluer l'impact sanitaire des accidents futurs. Le GSIEN demande au Comité d'Ethique Médicale de réaffirmer les Principes de Sauvegarde de la Santé des individus et de veiller à ce que la radioprotection des populations soit assurée sur la base de préoccupation de la Santé Publique et non sur des raisons économiques. Créteil, le 15 mai 1987
p.10
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Dans un communiqué du 28 avril 1986
de l'AFP, on apprend que le SCPRI ne voit rien de très anormal à
la situation révélée par les Suédois.
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Le 4 mai dans un «communiqué à diffuser auprès des autorités sanitaires, des médecins, des pharmaciens et du public», M. Pellerin signale que «la baisse générale de la radioactivité atmosphérique amorcée le 2 mai s'est nettement accentuée sur les 3/4 ouest du territoire français». Ce texte est curieux car M. Pellerin n'a jamais annoncé dans ses communiqués une augmentation notable de la radioactivité atmosphérique. Dans le même communiqué il ajoute «seule la région sud est restée encore pour l'instant stationnaire quant à la radioactivité». Là on demeure perplexe car ne sachant pas si la radioactivité a augmenté après le 30 avril on pourrait croire que dans le sud il n'y a rien eu. Jusqu'au 7 mai il annoncera chaque jour le retour à la normale ou la confirmation du retour à la normale sur tout le territoire. Le 7 mai il publie une carte de la contamination du lait en France. La Corse n'y figure pas. Les premiers prélèvements en Corse ne seront effectués que le 12 mai. Il est totalement impossible de retrouver les valeurs numériquesindiquées sur la carte publiée le 7 mai à partir des mesures publiées dans le bulletin mensuel. Le traitement que le SCPRI fait subir aux résultats de mesure avant publication reste mystérieux. Façon curieuse de faire face à un «problème scientifique» comme il était dit le 29 avril. Le bulletin mensuel de mai donne une série de mesures de contamination du lait en Iode 131 du 2 au 25 mai à Vioménil dans les Vosges. A partir de ces mesures on peut déterminer la période de décroissance effective (demi vie): l'activité décroît d'un facteur 2 en 3,2 jours, en accord avec la fourchette de l'IPSN. Dans ces relevés il manque cependant les mesures des 3 et 4 mai. Or on sait depuis les années 60 que le lait est contaminé 15 à 24 heures après l'ingestion d'Iode 131 (H.M. Squire et al., Biol. Sciences, vol. 3, 1961). Les points manquants doivent correspondre à une contamination importante (supérieure à 800 Bq/l). Les mesures ont-elles été effectuées? Si oui pourquoi ne sont-elles pas publiées? Il est dommage de plus qu'on n'ait pas jugé bon de donner l'évolution de la contamination atmosphérique et de la contamination surfacique du sol car cela aurait permis de valider des modèles de contamination du lait. Le communiqué du 13 mai pour la première fois fait référence à la «réglementation française et communautaire», sans plus de précision. En réalité il n'y a pas de «règlementation française» de la contamination radioactive des aliments en dehors des décisions de M. Pellerin qui est seul habilité à déclarer une denrée consommable ou non. Quant à la référence à la CEE on ne sait pas s'il s'agit des Directives de 1980 et 1984 qui définissent les Limites Annuelles d'Incorporation (LAI) admissibles ou des Recommandations du 6 mai 1986 qui fixaient les activités maximales pour les aliments en Bq/kg. Pour la période du 6 au 16 mai, les limites recommandées par la CEE étaient de 500 Bq/kg pour les produits laitiers et 350 Bq/kg pour les fruits et légumes. Le communiqué du 14 mai déclare conforme à la règlementation des épinards à 1.300 Bq/kg Le communiqué du 15 mai lève l'ambiguïté pour ceux qui n'avaient pas encore compris: M. Pellerin refuse d'appliquer les Recommandations de la CEE du 6 mai qui ont été acceptées par les autres pays membres. p.11
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Le 17 mai le communiqué
du SCPRI mentionne la contamination maximale en Iode 131 mesurée
dans les légumes qui est de 500 Bq/kg.
Le 20 mai elle est de 530 Bq/kg dans les épinards et 650 Bq/kg pour les autres légumes. Or pour la période allant du 16 au 26 mai les Recommandations communautaires fixaient la limite pour les légumes â 175 Bq/kg. La contamination des légumes frais en France a dépassé les limites recommandées par la CEE. Ces produits n'auraient pas dû être commercialisés et les agriculteurs auraient dû être indemnisés comme cela s'est pratiqué dans les autres pays de la Communauté. Le 30 mai un règlement du Conseil CEE fixait de nouvelles limites pour le Césium: 370 Bq/kg pour le lait et 600 Bq/kg pour tous les autres produits. M. Pellerin n'en tient pas compte. Le 4 juillet 1986 le Ministère de la Santé réagit à propos de la Corse. Il est intéressant de noter que le communiqué du Ministère mentionne pour le lait de brebis au 10 juin 150 Bq/l en Iode 131 et 150 Bq/l en Césium 137. Ces valeurs se veulent rassurantes mais en réalité la contamination en Iode 131 est très importante compte tenu de la décroissance effective de cet élément. Dans le bulletin mensuel de juin (voir Gestion de la crise, cas particulier de la Corse) l'activité mesurée dans du lait de chèvre ou de brebis (non précisé) est le 12 mai de 4.400 Bq/l. En supposant qu'il s'agit de lait de brebis prélevé au même endroit l'extrapolation des valeurs au 12 inai et au 10 juin donnerait début mai une contamination en Iode 131 de 15.000 Bq/l ce qui est considérable surtout si l'on considère le régime alimentaire des enfants corses à cette période de l'année. Cette valeur est confirmée par M. Cogné, Directeur de l'IPSN dans sa réponse du 8 déc. 1986 à la lettre du 6 oct. 1986 du Dr Fauconnier, antenne corse de la CRII- Rad. Remarquons qu'en ne considérant que la valeur du 10 juin, compte tenu de la période de décroissance effective de 4 à 5 jours généralement admise on arrive à des valeurs encore plus élevées dépassant 30.000 Bq/l Le Ministère de la Santé ne semble pas s'être rendu compte de la gravité des implications de son communiqué, particulièrement accablant pour le SCPRI dans sa façon d'avoir géré la crise. Ceci laisse supposer l'ignorance notoire de l'Administration du Ministère de la Santé vis-à-vis de la radioprotection. Le 19 juillet on voit apparaître le thym dans les communiqués du SCPRI. La CRII-Rad (Commission Régionale Indépendante d'Information sur la Radioactivité) avait montré par des mesures indépendantes que les plantes aromatiques fixaient très fortement les éléments radioactifs et le SCPRI est obligé de mesurer la contamination du thym dans la Drôme. Bien que les activités trouvées soient plus de 10 fois supérieures aux limites européennes, M. Pellerin continue à déclarer ces produits consommables. Quand les producteurs français, s'appuyant sur ces déclarations, exporteront leur thym quelques mois plus tard au Japon, ils verront leurs marchandises refusées par les autorités sanitaires japonaises. Une pointe d'humour dans le communiqué du 19 juillet «Le SCPRI ignore la nature exacte de l'Association «CRII-Rad» avec laquelle aucun de ses membres n'est en relation. (suite)
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Le thym pendant des mois demeurera très fortement contaminé bien au-delà des normes européennes. Le 18 septembre on voit apparaître des produits venant de Turquie (noisettes et morilles) avec 1.490 Bq/kg en Césium, toujours «consommables sans restriction». Le 25 septembre d'autres produits proviennent de Turquie (framboises, champignons, noisettes...) avec des activités élevées. Pendant les mois qui suivront, les noisettes de Turquie seront mentionnées toutes les semaines avec des niveaux largement supérieurs aux normes européennes. La France devait être le seul pays à accepter la production de la Turquie Pendant les premières semaines de la crise, M. Pellerin, dans ses communiqués quotidiens, s'acharnait à ne présenter que des contaminations moyennes pour la France. Ce n'est pas la radioactivité moyenne du lait de vache français qui mettra en danger la santé d'un enfant corse mangeant du fromage frais de brebis corse ! Si les communiqués quotidiens puis hebdomadaires ont été les seules informations fournies aux Préfets et aux Autorités sanitaires locales, il est évident qu'ils ont été totalement ignorants de la situation réelle. Certaines autorités ont-elles manifesté leur désir de mieux connaître la situation dans la région dont ils avaient la charge auprès du Ministre de la Santé? Le dernier exemple que nous voulons donner est celui de la remontée de radioactivité atmosphérique observée en Europe au mois de mars 1987. Des laboratoires étrangers ont annoncé la nouvelle. Dans un communiqué du 15 mars le SCPRI avance comme hypothèse l'augmentation saisonnière «bien connue» d'après M. Pellerin (impossible à trouver d'ailleurs dans les bulletins mensuels des années précédentes que nous avons consultés) de la radioactivité des tests de bombes des années soixante. Quelques jours plus tard les laboratoires étrangers indiquent les radioéléments responsables de cette augmentation Iode 131 (demi vie 8 jours), Xénon 133 (demi vie 5 jours), Xénon 135 (demi vie 9 heures). On voit immédiatement l'absurdité de la situation. Comment un élément qui a une demi vie de 9 heures peut-il provenir d'un événement qui s'est produit plus de 25 ans auparavant? Les autorités sanitaires françaises se sont couvertes de ridicule auprès de leurs collègues étrangers. Il a fallu attendre le communiqué du 14 avril pour qu'une mise au point du SCPRI tente de rattraper la situation. Manifestement le communiqué du 15 mars 1987 n'est pas fondé sur des résultats obtenus par le SCPRI. Compte tenu des mesures rapportées dans les bulletins mensuels ce type de suivi ne peut pas être assuré par le SCPRI. Celui-ci n'est pas en possession de tous les équipements nécessaires et n'a pas non plus suffisamment de relais pour pouvoir faire face à des événements imprévus. La centralisation totale des mesures au Vésinet exclut la possibilité d'effectuer des mesures en continu en divers points du territoire, mesures dont les résultats échapperaient au contrôle strict du Directeur du SCPRI. Tchernobyl a montré d'une façon très claire qu'il n'est pas possible de gérer correctement une crise nucléaire d'une façon centralisée. p.12
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Nous avons dépouillé
les Bulletins «Spécial Tchernobyl» de mai et juin et
donnons la Corse à titre d'exemple ponctuel que nous avons jugé
particulièrement instructif pour la gestion de la crise.
Le SCPRI n'a qu'une station de contrôle en Corse à Ajaccio. Compte tenu des dimensions de la Corse et de la diversité de ses régions, il est évident que ceci est totalement insuffisant. Personne ne semble s'être préoccupé de cette situation aberrante. Pour l'analyse des bulletins mensuels, nous suivrons la classification du SCPRI. MAI 1986 1. Poussières prélevées à 1.200 m.
Les résultats sont en Bq/l. L'origine
des prélèvements n'est pas indiquée.
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Toujours en utilisant les résultats obtenus à Vioménil on trouve une contamination en Césium de 1.000 Bq/l au début mai. Nota: on ne trouve aucune trace de ces résultats dans les communiqués quotidiens. Questions: les autorités locales ont-elles été rapidement averties de ces résultats? Si non, ont-elles réclamé ces résultats? Etaient-elles capables de les interpréter pour prendre les mesures qui auraient dû s'imposer? b. Contrôle des stations du SCPRI: pas de mesure publiées pour la Corse. c. Prélèvements exceptionnels: rien pour la Corse. On voit donc que le SCPRI, bien que sachant que la Corse avait été touchée par le nuage, n'a pas jugé important d'effectuer des prélèvements normaux ou exceptionnels de lait. Les mesures de lait semblent avoir été faites à l'initiative départementale. Questions: Sur quelles bases les services départementaux ont-ils décidé d'effectuer des prélèvements? N'avaient-ils donc pas une confiance entière dans les propos rassurants du SCPRI? 8. Végétaux Aucune mesure ne figure pour la Corse 9. Thyroïdes de bovins Aucune mesure rapportée pour la Corse. Les seuls prélèvemen:ts effectués sont les suivants: 10 pour Vioménil 22 pour Avignon 16 pour Bordeaux 11 pour Mantes nous commenterons ces chiffres plus loin 10. Surveillance des littoraux En Médîterranée, un point de mesure est signalé pour Ajaccio le 5 mai. JUIN 1986 lère partie 1. Poussières atmosphériques dans l'air au niveau du
sol
Sans vouloir faire une interprétation
de ces valeurs, signalons que les mini et maxi mentionnés sont les
plus élevés de France. N'oublions pas que nous sommes en
juin et que le nuage a abordé la Corse au plus tard le 30 avril!
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5. Laits de vache
Au paragraphe du contrôle départemental, une mesure est mentionnée pour la Corse, sans indication d'origine. Le résultat en Bq/l est le suivant:
6. Laits de brebis ou de chèvre
Il n'y a évidemment aucune trace de
ces mesures dans les communiqués quotidiens du SCPRI. Les autorités
locales ont-elles été prévenues de ces résultats?
Nous n'avons pas eu de réponse à ces questions que nos amis
corses ont posées aux Autorités.
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Il faut remarquer que les lieux de prélèvement ne sont pas indiqués et qu'il n'y a pas d'indication sur la date de production du lait. Il est donc difficile d'en tirer des conclusions. Cependant, l'activité en Iode 131 du 14 mai à 1.400 Bq/kg est particulièrement élevée et l'activité en Césium (430 Bq/kg) est loin d'être négligeable. 8. Thyroïde de bovins Aucune mesure n'est rapportée pour la Corse. Pour la métropole, il y a eu 32 mesures qui se répartissent ainsi: Bordeaux 10 Vioménil 8 Avignon 8 Mantes 6 Nota: Viomenil, qui représentait en mai 17% des prélèvements nationaux, améliore son score en juin avec 25% des prélèvements. Aucune explication n'apparaît dans les bulletins sur la justification concernant la répartition de ces prélèvements. Viomenil serait-il un des plus importants marchés de bovins de France? Y aurait-il une autre explication? Il est regrettable que l'ensemble du territoire n'ait pas été aussi bien surveillé que cette bourgade des Vosges. 9. Surveillance générale des littoraux français Pour la Méditerranée, il est donné une moyenne entre janvier et juin, donc parfaitement sans signification par rapport aux retombées de Tchernobyl. 10. Rations alimentaires dans les établissements scolaires 11. Eaux de boissons Pour ces deux postes, il n'y a aucune mention de la Corse. 12. Activité des sols sur des prélèvements faits en avril Aucune indication pour la Corse. Il aurait pu être intéressant d'avoir ces renseignements comme point de référence. Pour la période qui va d'avril à juin, la Corse ne semble pas exister. JUIN 1986 2e partie Le titre du bulletin mensuel est le suivant
: «Résultats des contrôles spéciaux consécutifs
à l'accident de Tchernobyl et cartes de la radioactivité
par régions».
p.14
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M. Pellerin pourrait peut-être
nous expliquer pourquoi le seul échantillon dont l'origine n'est
pas indiquée est celui qui a la plus forte contamination. Est-ce
le résultat de son souci permanent de ne pas angoisser les gens?
3. Mesures faites à la demande d'autres services (Chambre d'Agriculture, Protection Civile etc...) (Le rapport n'est pas plus précis) 4. «Autres contrôles» Le rapport n'est pas plus précis 214 échantillons de produits laitiers 76 échantillons de denrées végétales 7 échantillons de denrées animales. La Corse n'est pas concernée. 5. Cartes de données générales La Corse figure enfin sur les cartes. Elle a d'ailleurs droit à un chapitre particulier «Données particulières à la Corse pour mai 1986» (dans le bulletin de juin, publié en juillet et diffusé plus tard...). A ce propos, nous signalons que nous n'avons pu retrouver les valeurs indiquées sur les cartes à partir des résultats publiés. M. Pellerin n'a pas donné le mode d'emploi qu'il utilise pour calculer ses moyennes. Nous ne pouvons donc porter aucun jugement sur sa méthode. Ce rapport est loin d'être exhaustif. Il serait nécessaire de l'étendre à d'autres régions qui ont été particulière-ment touchées par la contamination (l'Est, la Vallée du Rhone, la Drôme, les Alpes Maritimes). Il est urgent d'exiger que le Ministère. de la Santé permette à des chercheurs indépendants d'accéder à toutes les mesures qui ont été effectuées en avril, mai, juin sur l'ensemble de la France. Sans ces données, il est impossible de dresser un bilan complet des effets de l'accident de Tchernobyl. Les données partielles auxquelles nous avons le droit d'accéder montrent d'une façon claire la carence des pouvoirs publics actuellement en place pour la gestion d'une crise nucléaire provenant d'un accident survenu à 2 000 km. Que se passerait-il Si un accident survenait en France ? D. Problèmes liés à l'iode radioactif:
L'iode, qu'il soit stable ou radioactif, a
la propriété de se fixer sur la thyroïde. De l'iode
radioactif incorporé par inhalation ou par ingestion au travers
de la chaine alimentaire, essentiellement par les produits laitiers, causera
des dommages à la thyroïde, perturbant ainsi son fonctionnement.
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Comment établir l'effet de l'iode radioactif? On pourrait le définir ainsi: supposons connu le relâchement d'iode radioactif au cours d'un accident. Il faut calculer comment cet iode va se propager dans l'atmosphère à des centaines de kilomètres, voire des milliers (contamination atmosphérique en Bq/m3), comment il va se déposer sur le sol (contamination surfacique en Bq/m2), comment cette contamination va se transmettre et se concentrer dans la chaîne alimentaire (en particulier par l'intermédiaire de l'herbe et du bétail dans les produits laitiers en Bq/l et par kg), comment, à partir d'hypothèses sur des rations alimentaires, calculer ce qui sera incorporé à notre organisme (mais comment être sûr que ces rations standard seront représentatives de tous les individus qu'il faut protéger?), comment suivre cet iode dans notre corps jusqu'à la thyroïde, l'organe cible. Comment calculer la dose de rayonnement à cet organe (et les autres organes qu'il irradie au passage). D'après le Pr Tubiana «Contrairement à ce que l'on pourrait croire, même pour des radionucléides aussi utilisés que l'iode 131, le schéma de désintégration et l'énergie moyenne des particules émises ne font pas l'objet d'un accord universel»[1]. Enfin, il faut calculer à partir de cette dose le détriment, mortalité par cancer mais aussi autres deétriments concernant la morbidité. On voit à partir de ce trajet la complexité du problème et les erreurs possibles à chacune des étapes. Comment en fait les experts font-ils leurs calculs? S'ils se placent au minimum de la fourchette d'erreur à chacune des étapes, l'erreur pourrait être considérable sur l'évaluation globale de l'effet. Signalons qu'aucun calcul n'avait supposé, avant Tchernobyl, qu'on pourrait avoir des contaminations importantes à 2.000 km de la source. La pluviométrie s'est avérée être un facteur essentiel dans la contamination locale.[2] Nous n 'évoquerons ici que quelques problèmes qui nous paraissent importants. 1. La dose à la thyroïde
p.15
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Comment évaluer la dose à la thyroïde
à partir du nombre de Becquerels d'Iode 131 inhalés et ingérés?
Les Directives du Conseil des Communautés Européennes du 15 juillet 1980 et du 3 septembre 1984 (Journal Officiel des Communautés Européennes L 246 du 17/9/1980 et L 265 du 5/10/1984) ont fixé les Limites Annuelles d'Incorporation (LAI) des radionucléides tant pour les travailleurs que pour la population. Pour l'Iode 131 les LAI du public sont de 200.000 Bq pour l'inhalation et de 100.000 Bq pour l'ingestion. Elles correspondent à une dose de 5 rem à la thyroïde. En cas de mélange de radionucléides, ce qui est le cas après Tchernobyl (113I, Cs134, Ru103, etc...) on doit pour chaque élément calculer le rapport entre la quantité incorporée annuellement et la Limite Annuelle d'incorporation correspondante; la somme de tous ces rapports pour tous les radioéléments présents doit être inférieure à 1. C'est cette condition qui permet d'assurer que la dose maximale dite admissible n'a pas été dépassée. Il est précisé que les normes proposées se rapportent à des adultes et «Dans le cas des enfants on doit tenir compte des caractéristiques anatomiques et physiologiques qui peuvent nécessiter dès modifications de ces valeurs». En RFA en ce qui concerne le public, la protection contre les rayonnements ionisants liés à la contamination de l'eau et de l'air par des émissions radioactives a été réévaluée dès 1979 et complétée en 1980 et1982. La règlementation du Ministère de l'Intérieur (BMI) comporte 2 classes d'âge, les adultes et les bébés de 1 an. Des instituts spécialisés comme celui de Neuherberg[4] ont calculé les doses pour les classes d'âge intermédiaires, 5, 10, 15 ans. En Grande-Bretagne la National Radiological Protection Board (NRPB)[5] considère 3 classes d'âge, adultes, 10 ans, 1 an. Ainsi l'ingestion de 1.000 Bq donne à la thyroïde d'un adulte une dose de 44 millirem d'après la NRPB, 43 pour le BMI et pour un bébé de 1 an respectivement 370 et 350 millirem. Les évaluations officielles anglaise et allemande sont donc cohérentes. Des normes différentielles suivant l'âge seront-elles enfin établies en France comme c'est le cas en République Fédérale Allemande et en Grande Bretagne? En fait les personnes du public en France sont toujours régies par les décrets du 20 juin 1966 et du 20 mars 1967. La dose à la thyroïde ne doit pas dépasser 1,5 rem par an. D'après M. Tubiana[1] «en conséquence, la concentration maximale admissible dans le lait consommé tous les jours par un nourrisson est de 370 pCi/l» (soit 13,7 Bq/l). 2. Les cancers
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Les doses reçues par les habitants des Iles Marshall ont été très élevées et comme nous l'avons souvent fait remarquer dans la Gazette Nucléaire on ne peut pas en déduire le facteur de risque pour des doses plus faibles. Une étude sur les enfants de l'Utah, sous le vent des retombées des tests de bombes du Nevada, n'avait pas montré d'augmentation de fréquence des cancers, pour des doses thyroïdes inférieures à 18 rads pour 2.140 enfants et supérieures à 18 rads pour 2.691 enfants. Mais R. Bertell a fait remarquer[6] que les études avaient été terminées avant que tous les cancers aient pu être observés. Une étude récente de C. Johnson sur les familles Mormons de l'Utah sous le vent des retombées du Nevada indique un excès de cancers y compris de la thyroïde[8] et des problèmes thyroïdiens autres que des cancers ont été rapportés. Dans les Recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR 26, 1977) seuls les cancers mortels sont pris en compte pour calculer le détriment. Si 100.000 personnes ont une dose de 100 rem à la thyroïde, il résulterait en moyenne 5 cancers mortels avec le facteur de risque actuellement admis. Il est bien évident que le nombre de cancers radioinduits sera beaucoup plus élevé mais ce détriment, bien qu'important, n'est pas pris en considération (50 à 150 cancers induits dont 5% seraient mortels) D'après le Bulletin of the Atomic Scientists déjà cité «à une dose de 100 rads à la thyroïde est associée une augmentation de 1 à 6% de la probabilité d'une tumeur cancéreuse dans les 30 années suivantes» et il poursuit «C'est pour éviter de telles conséquences que le gouvernement polonais a prescrit de l'Iode stable pour saturer la thyroïde et éviter qu'elle ne soit endommagée par l'Iode 131. La décision d'en distribuer à tous les enfants âgés de moins de 17 ans n'a certainement pas été assez rapide pour réduire la dose à la thyroïde liée à l'inhalation mais peut avoir réduit les doses reçues par contamination de la chaîne alimentaire. C'est aussi la raison pour laquelle beaucoup de gouvernements européens ont protégé leurs populations de la contamination en donnant des consignes pour limiter l'ingestion de produits contaminés: garder les vaches à l'étable, ne pas donner de lait frais aux nourrissons et enfants, stocker le lait avant d'en faire des produits laitiers, etc...» En France aucune consigne n'a été donnée alors que la contamination a été élevée en Alsace, et aussi dans le Sud-Est et en Corse où les niveaux de contamination ont été comparables à ceux de la Bavière du Sud et de certaines régions d'Italie. Un autre point important à signaler: d'après les recommandations américaines de la Food and Drug Administration[9] concernant le blocage de la thyroïde par de l'Iodure de Potassium (1980), l'administration de l'iode doit se faire très rapidement : soit AVANT (l'exposition présumée) soit simultanément ou dans les 2 heures qui suivent l'exposition. On conçoit qu'il soit nécessaire d'avoir des chefs de centrales qui sachent évaluer correctement la situation (des contre-indications sont possibles et doivent être connues des médecins afin d'évacuer préventivement certaines personnes). p.16
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3. L'irradiation in utero: d'autres effets que les cancers?
Des retards mentaux sévères et une augmentation de la fréquence de microcéphalies ont été observées au Japon pour les enfants irradiés in utero à Hiroshima et Nagasaki entre la 8e et la 15e semaine à des doses relativement faibles. On sait que, entre autres glandes, la thyroïde joue un rôle fondamental chez les foetus et les jeunes enfants pour leur développement physique et mental. Y a-t-il une influence de l'iode radioactif et autres radioéléments sur les foetus autre que l'induction de cancers? C'est sur ce point qu'il y a polémique. Le Dr E. Sternglass, Professeur de Radiologie Médicale à la Faculté de Médecine de l'Université de Pittsburgh, USA, a trouvé une corrélation entre la mortalité infantile et les retombées des tests de bombes atmosphériques. Son hypothèse est que l'iode radioactif endommage la thyroïde du foetus et ne permet pas un développement normal de l'embryon. Cela se traduit par une prématurité, une diminution du poids des bébés à la naissance, une susceptibilité plus grande aux infections, des détresses respiratoires et finalement une augmentation de la mortalité infantile et périnatale. Il en a déduit qu'il fallait étudier la mortalité infantile autour des installations nucléaires et comparer son évolution avant et après les implantations des centrales, comparer la mortalité dans des régions avec et sans centrales. Il a trouvé une corrélation entre les relâchers de routine des centrales américaines et une augmentation de la mortalité infantile autour des sites[10] Il y a eu une grande controverse aux USA suite à l'accident de Three Mile Island. Le Dr E. Sternglass avait prédit une augmentation de la mortalité infantile consécutive à l'émission d'Iode et de gaz rares radioactifs ainsi que des cas d'hypothyroïdie. Les deux phénomènes ont effectivement été observés. Cela a coûté sa place de Directeur de la Santé de l'Etat de Pennsylvanie au Dr Mac Leod[11] qui avait confirmé l'exactitude des données de mortalité de l'étude de Sternglass. L'anomalie a finalement été officiellement reconnue mais jusqu'à présent aucune explication n'a été fournie par les responsables de la Santé publique qui permette de justifier l'augmentation anormale des cas d'hypothyroïdie observés après l'accident. La présomption de causalité énoncée par Sternglass que le rejet d'iode a eu un effet sur les foetus est donc très forte. (suite)
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Nous avons vu précédemment les incertitudes relatives à la détermination des doses. Chaque accident, s'il avait été «géré» correctement dans le passé, aurait au moins permis de mieux connaître les effets, les risques réellement encourus tant en ce qui concerne la mortalité par cancer que la morbidité, les mortalités périnatale et infantile. Aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été effectuée après l'accident du réacteur de Windscale en Grande-Bretagne en 1957. Il serait lamentable que des études ne soient pas entreprises après Tchernobyl sous prétexte qu'a priori les officiels aient décidé qu'il ne peut rien y avoir, les doses reçues étant faibles. Seule une approche expérimentale rigoureuse fondée sur l'observation des phénomènes peut permettre d'obtenir les véritables réponses. Des études épidémiologiques doivent être entreprises en fonction des taux de contamination dans les différentes régions, les habitudes alimentaires etc., avec étude du mongolisme, de la mortalité infantile, la morbidité (les affections respiratoires en particulier) et un relevé de toute observation paraissant anormale. Des registres de cancer devraient recenser l'incidence des cancers. Il faut retenir que les femmes enceintes et les jeunes enfants sont des groupes particulièrement sensibles qu'il faut protéger. Ce n'est que dans 50 ans, à condition de connaître les doses réellement engagées, qu'on pourra tester la validité du facteur de risque, nombre de morts par unité de dose, pour les différentes tranches d'âge (c'est, pour des doses plus élevées, l'étude probablement en cours sur les 135.000 évacués de Tchernobyl). Les coûts de la «gestion» d'un accident qui implique des évacuations, une incidence sur la santé, etc... auraient dû faire partie du débat qui aurait dû avoir lieu avant le lancement du programme d'électronucléarisation massive de la France. p.17
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COSTA, le 6 octobre 1986
Docteur Denis FAUCONNIER
Couvent de TUANI 20226 COSTA A Monsieur le professeur COGNE
Monsieur,
(copie adressée au représentant CFDT au Conseil Supérieur de la Sûreté Nucléaire) Suite aux retombées de Tchernobyl, plusieurs problèmes m'inquiètent, je souhaiterais avoir votre avis à ce sujet. Quelles conséquences sanitaires peuvent découler d'irradiation à la thyroïde de plusieurs dizaines, voire 100 à 150 rem, qu'ont reçu les enfants de nos populations rurales, consommateurs de lait de chèvre et de fromage frais? Lait à 4.400 Bq/l d'iode au 12 mai - SCPRI rapport mai-juin 86 p. 39, soit 24.000 Bq/l au 2 mai! Pour expl. calcul, voir anexe ci-jointe. Quelles conséquences pour le bétail et les consommateurs de viande, lait, fromage, pendant les mois à venir, sachant que le foin engrangé en juin contient 2.400 à 3.300 Bq/kg de Césium 134 et 137 - analyses CRII-Rad du 16-07-86. Au 16-7 ces foins contenaient 80 et 114 Bq/kg d'Iode 131. Période théorique de l'iode: 8j., c'est-à-dire que ces foins ont contenu 60.000 à 80.000 Bq d'Iode 131/kg au début mai. Il faut savoir qu'une vache mange 10 à 12 kg de foin/ jour, que durant tout l'hiver (jusqu'à fin avril), les vaches de toutes régions - soit à l'étable (le plus courant sur le continent), soit en stabulation libre (c'est-à-dire dans les champs - plus habituel chez nous) - ces vaches dont vont être nourries avec le foin engrangé fin mai début juin. En effet, l'été est la période de repos de l'herbe et même avec des arrosages, en été seul pousse le chiendent (et la luzerne). Le foin coupé à la fin du printemps est, en règle générale, la nourriture de l'hiver. Ce foin peut-il être manipulé sans précautions particulières pendant des mois quotidiennement surtout en ce qui concerne l'inhalation de poussières radioactives. Les enfants peuvent-ils, sans danger, dormir à proximité des grandes et jouer dans ce foin? Comment expliquez-vous que l'on n'ait pas déconseillé l'utilisation de produits autant contaminés? Quelles précautions peut-on prendre? Dans l'attente de votre réponse, recevez, Professeur, l'expression de mes sentiments les meilleurs. D. Fauconnier
Annexe jointe
En prenant le cas du lait de brebis contenant 150 Bq/l d'Iode 131 au 10 juin, on peut évaluer la concentration initiale au 1 mai sachant que la période effective de l'iode dans le lait de chèvre ou brebis est de l'ordre de 4,5 j. (rapport CEA-IPSN) (période plus courte pour le lait de vache: 2j. à 4,5 j.). Pour une période de 5j (c'està-dire en minorant) on obtient: 38.400 Bq au 1 mai et une activité intégrée de l'ordre de 300.000 Bq entre le 1er mai et le 10 juin, soit 75 rem à la thyroïde pour un enfant de 5 ans ayant consommé 1/4 de fromage frais (c'est tout à fait courant chez nous et c'est moins que ce que consomment mes propres enfants) OU bu un litre de ce lait. (suite)
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Pour une période de 4,5 j, l'activité initiale est beaucoup plus élevée, de l'ordre de 70.000 Bq/l, et la dose reçue à la thyroïde par un enfant de 5 ans très supérieure à la centaine de rem (1/4 de fromage frais OU un litre de lait). Je vous signale que le fromage frais se fabrique en quelques heures et est commercialisé dans la journée, que la période pendant laquelle il y en a sur le marché est d'avril à fin juin, d'où consommation importante sachant qu'on n'en trouvera pas pendant de longs mois. Si vous avez besoin de toute autre information complémentaire, je suis à votre entière disposition. Fontenay-aux-Roses, le 8 décembre 1986 Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire Le Directeur Docteur Denis FAUCONNIER
Docteur,
Couvent de Tuani 20226 COSTA Voici les réponses aux questions que vous m'avez posées: En ce qui concerne le lait de chèvre ou de brebis contaminé par l'Iode 131, il est exact que les valeurs sont plus élevées que celles trouvées dans le lait de vache. Il faut cependant noter que la consommation régulière et en forte quantité de lait et de fromage frais de chèvre ou de brebis n'est pas courante et que le problème est spécifique d'un petit nombre d'individus. En dehors de mesure directe de la quantité d'Iode dans la thyroïde, il est difficile d'évaluer l'exposition si l'on ne possède pas de mesures précises sur le niveau de contamination de la chaîne alimentaire. Les premières mesures officielles dont on dispose sont celles du SCPRI: 4.400 Bq/l le 12 mai et 2.300 Bq/l le 13 mai. En extrapolant au début mai et en considérant qu'il s'est écoulé deux périodes effectives, on aurait une concentration initiale moyenne de 15.000 Bq/l. Avec une consommation de 1 litre de lait par jour ou d'un équivalent en fromage frais de 200 g, on aurait délivré à la thyroïde d'un enfant d'une dizaine d'années une dose de 9 rem. La valeur réelle dépend de deux facteurs: la consommation propre de l'individu et sa période biologique personnelle. Dans le cas de la thyroïde, le risque est essentiellement l'atteinte de la fonction thyroïdienne, et c'est lui qui conditionne les limites. Cette atteinte ne doit s'observer qu'au-delà du seuil de 250 rem. La limite annuelle de 5 rem a été calculée en divisant cette valeur seuil par 50. Quelle que soit l'incertitude sur les paramètres réels des individus, il est très improbable que l'on puisse observer, à long terme, une atteinte de la fonction thyroïdienne chez les enfants en Corse. Pour le foin, il n'y a pas de problème avec l'Iode 131 qui a disparu. Par contre, le Cesium est toujours présent. En utilisant les modèles mis au point au moment de retombées des tirs nucléaires, une valeur de 3.000 Bq/kg de foin conduirait à des concentrations de 200 Bq/l de lait et 900 Bq/kg de viande, pour un animal consommant quotidiennement et en permanence 10 kg de ce foin. En admettant qu'une personne ingère quotidiennement, pendant 6 mois, 1 litre de ce lait et 200 g de cette viande, l'exposition serait de l'ordre de 100 millirem. p.18
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Pour des enfants jouant dans les
fenils, la dose externe sera négligeable étant donnée
l'auto-absorption des rayonnements. Dans le cas de l'inhalation de poussières
contaminées, les limites de concentration atmosphérique pour
le Césium sont de 70 Bq par m3. Ceci correspondrait à
une quantité de poussières de foin de plusieurs dizaines
de grammes par m3. De telles valeurs sont, pour des raisons
de physique des aérosols, impossibles à atteindre et a fortiori
à maintenir pendant 8 heures par jour. Ce type de risque n'existe
donc pas en pratique.
J'espère que ces réponses vous satisferont et je reste à votre disposition pour fournir les renseignements complémentaires dont vous pourriez avoir besoin. Je vous prie d'accepter, Docteur, l'expression de mes sentiments distingués. F. COGNÉ
Commentaire Gazette
La réponse de M. Cogné appelle quelques commentaires. D'après l'Institut für Strahlen Hygiene* de Neuherberg (Münich), la dose à la thyroïde, en rem par Bq, inhalé et ingéré, d'Iode 131 en fonction de l'âge est pour les 5 classes d'âge:
Pour avoir une dose à la thyroïde
de 9 rem, comme indiqué à titre d'exemple par M. Cogné,
un enfant de 10 ans devrait ingérer environ 100.000 Bq d'Iode 131
(par l'intermédiaire des produits laitiers), pour la même
ingestion la dose à la thyroïde est de 19 rems pour un enfant
de 5 ans et 35 rems pour un enfant de 1 an. L'estimation du Dr Fauconnier
de l'ingestion de 300.000 Bq est tout aussi plausible et conduit à
des doses thyroïde 3 fois plus élevées... Nous restons
perplexes devant l'affirmation de
(suite)
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suite:
Quant à l'ingestion de poussières ne présentant pas de risque, nous restons sceptiques devant les explications avancées s'il est vrai qu'au 16 juillet le foin coupé contenait encore de l'Iode 131. Nous sommes en complet désaccord avec M. Cogné quand il affirme: «Il faut cependant noter que la consommation régulière et en forte quantité de lait et de fromage frais de chèvre et de brebis n'est pas courante et que le problème est spécifique d'un petit nombre d'individus». Il y a là un véritable scandale qu'il faut dénoncer. Pourquoi un groupe d'individus ne devrait pas être correctement protégé sous prétexte qu'il est numériquement faible? Il est impératif de protéger les individus. Il n'y a aucune moralité en dehors de ce principe élémentaire. * Institüt für Strahlen Hygiene, Neuherberg, Ingolstädter
Landstrape 1, 80H2 Neuherberg b/Monchen - RFA
p.19
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En France, c'est bien connu, on ne fait
pas travailler les bêtes le dimanche, on les laisse à l'étable.
Madame Barzach, au cours d'un reportage télévisé,
a déclaré en présentant Monsieur le Professeur Pellerin,
le Directeur du SCPRI : «Il a travaillé comme une bête!»
Nombre de mesures de contamination du lait
E. Post-Tchernobyl : qu'observe-t-on? des animaux et des hommes... Au cours du colloque «Energie et Société» tenu à Paris du 16 au 18 septembre 1981, le Pr K. Morgan, ancien Président de la Commission Internationale de Protection Radiologique CIPR, avait indiqué qu'après l'accident de Three Mile Island en 1979 des problèmes concernant le bétail, notamment une augmentation du taux de mort-nés (et des malformations) avaient été observés dans 11 fermes sur les 96 entourant le site et des plaintes déposées par les fermiers (la Nuclear Regulatory Commission NRC et l'EPA, Environmental Protection Agency ont conclu qu'aucun des différents cas ne pouvait être corrélé à l'accident). (suite)
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suite:
Notre attention a été éveillée par des descriptions de problèmes similaires rapportés en Bavière du Sud et en Corse et qui pourraient être dûs à une action de l'Iode radioactif sur les foetus. Nous avons été étonnés par le peu de littérature existante concernant l'action de l'Iode sur les foetus animaux. BAVIÈRE DU SUD
p.20
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Une autre observation a été
faite en Bavière: le pourcentage de vaches inséminées
n'ayant pas mis bas a triplé. Ceci veut dire qu'il y a eu des avortements
spontanés. Des journaux allemands (Stern, 19 mars 1987) se
sont fait l'écho de ces informations et ont apporté d'autres
détails; un vétérinaire confirme ces résultats
ainsi que l'existence des veaux malformés.
Actuellement, les instances officielles nient qu'il y ait un effet quelconque en Bavière lié à Tchernobyl. La situation est compliquée du fait que la contamination n'est pas uniforme et a fortement dépendu de la pluviométrie. Moyenner sur une grande région peut «gommer» tout effet. ET EN CORSE? La contamination a été du même
ordre de grandeur qu'en Bavière du Sud puisque du foin prélevé
le 15 mai à Lozari en Haute Corse et mesuré le 16 juillet
contenait encore 118 Bq/kg en Iode 131 ce qui correspond à près
de 90.000 Bq/m2 le 1er mai et à une activité surfacique
analogue à celle de la Bavière du Sud de plusieurs centaines
de milliers de Bq/m2. Mais à la différence de
la Bavière aucune consigne n'a été donnée.
Les bêtes ont donc ingéré continument l'herbe contaminée
à raison d'un équivalent en herbe sèche de 10 kg par
jour pour les vaches. Qu'en est-il donc de la mortalité des veaux
à la naissance? Les données recueillies par le Dr Fauconnier
concernent 10 troupeaux; sur 56 mises bas concernant des vaches en gestation
début mai (entre le 1er et le 7e mois) 21 vaches ont perdu leur
veau dont 7 à la naissance. Bien sûr il faudrait davantage
de données. Néanmoins si le Dr Fauconnier a effectué
son enquête c'est bien parce que certains faits sont apparus comme
anormaux. Quand un seul troupeau est affecté on ne peut rien en
conclure; quand cela en affecte 10 cela devient plus sérieux, sans
compter que les informations sont difficiles à obtenir auprès
des éleveurs et des Services Vétérinaires. Quand de
plus on apprend que des portées entières de porcelets ont
été perdues fin août (gestation 3 mois 21 jours) que
des poulains aussi ont été touchés récemment
(gestation 12 mois), cela devient plus qu'une présomption.
(suite)
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suite:
C'est une propriété qui n'a jamais été exploitée jusqu'à maintenant. L'observation de mort-nés, de décès après la naissance, de défauts de croissance, d'atonie, autant d'indices que la thyroïde peut avoir été affectée par la radioactivité. Il est important de savoir quel est l'effet de doses faibles sur les foetus avec effets tératogènes et déficit immunitaire. Bien sûr, cette étude ne doit pas être faite aux détriments des éleveurs mais prise financièrement en charge par les autorités vétérinaires. Les éleveurs doivent être indemnisés et pourquoi ne seraient-ils pas associés de façon étroite à ce genre d'étude qui doit prendre en compte les effets sur les générations suivantes? Le fait qu'en RFA une augmentation du mongolisme ait été décelée, surtout en Bavière du Sud où a été constatée l'élévation du nombre de veaux mort-nés suggère qu'il y a bien «un effet Tchernobyl». Il est évident que les responsables officiels chercheront par tous les moyens à nier cet effet et à dénigrer ceux qui ont fait les observations. Cette façon de procéder a été mise en oeuvre aux USA après l'accident de Three Mile Island. Cela est infiniment regrettable car si les études avaient été menées correctement après Three Mile Island on aurait pu certainement en tirer des enseignements pour la «gestion» des accidents et en particulier celui de Tchernobyl. On n'a pas le droit de négliger a priori certaines observations car jusqu'à présent aucun modèle théorique fondé sur des études expérimentales ne permet d'affirmer qu'il ne peut pas y avoir d'effet. Seule une approche expérimentale rigoureuse fondée sur l'observation des phénomènes peut permettre d'obtenir les véritables réponses. Toute autre approche ne peut être de la part des autorités responsables qu'un abus de pouvoir. En particulier nous suggérons que les données suivantes soient soigneusement collectées sur les enfants (la liste n'est évidemment pas limitative): - Etude systématique de la morbidité (incidence des maladies), en particulier en ce qui concerne les problèmes liés au système respiratoire et aux maladies infectieuses. - Affections de la thyroïde. - Poids à la naissance et suivi de la croissance des enfants nés post-Tchernobyl. - Mongolisme. - Suivi de la mortalité infantile - Ouverture d'un registre des cancers. Il est donc absolument nécessaire que toutes les observations en Corse soient collectées, sur les animaux, les végétaux et les humains, qu'elles soient analysées, et que la population ait la possibilité d'associer des experts de son choix à ces études, cette dernière condition est essentielle pour que les résultats qui en résulteraient soient crédibles. IL NE FAUT PAS OUBLIER QU'IL NE S'AGIT PAS D'UN PROBLÈME ACADÉMIQUE MAIS DE LA SANTÉ DE L'ENSEMBLE DE L'HUMANITÉ. p.21
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des rayonnements ionisants Une conférence internationale* sur les
effets biologiques des rayonnements ionisants (BEIR Conference) s'est tenue
à Londres les 24-25 nov. 1986. Elle avait la particularité
inimaginable pour nous Français d'être organisée par
les Amis de la Terre Anglais et Greenpeace International, et d'être
présidée par le Professeur Sir Richard Southwood, membre
de la National Radiological Protection Board (NRPB) dont l'équivalent
français correspond à notre SCPRI, Service Central de Protection
contre les Rayonnements Ionisants dirigé par le Pr Pellerin, et
à une fraction de l'IPSN, Institut de Protection et Sûreté
Nucléaire, CEA.
* Il est regrettable que la participation française à cette conférence ait été si faible: deux membres du GSIEN! (suite)
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suite:
L'existence d'un nombre anormalement élevé des leucémies chez les enfants autour des installations nucléaires de Sellafield - ex Windscale - et de Dounreay est confirmée par les études présentées et ne peut s'expliquer par le facteur de risque officiel. La NRPB est très embarrassée car, ou bien les rejets ont largement dépassé les autorisations légales, ou bien le facteur de risque est notoirement trop faible (ou les deux). Le problème est compliqué car il semble que les leucémies chez les enfants ne soient pas uniformément réparties, elles apparaissent souvent par groupes, les «clusters». Cela est visible dans l'étude de Stewart et Kneale sur l'influence du rayonnement naturel. Ce phénomène doit être dû à des causes particulières qui restent à élucider. L'opinion publique anglaise est très sensibilisée sur ce sujet et et cela oblige les officiels à faire des études très poussées pour expliquer ces anomalies de leucémies autour d'installations nucléaires. L'opinion publique ne semble pas se satisfaire de déclarations a priori, elle exige des preuves. Signalons que la leucémie est une maladie assez rare dont l'induction est très sensible au rayonnement (à ce propos il serait important de savoir s'il n'y a pas d'anomalies concernant la leucémie autour de l'usine de La Hague mais également parmi les travailleurs de l'usine comme la rumeur publique l'indiquait il y a quelques années). Valérie Béral (London School of Hygiene and Tropical Medicine) a présenté les premiers résultats d'une étude épidémiologique sur les travailleurs de l'énergie nucléaire britannique. Cette étude est faite à la demande de l'United Kingdom Atomic Energy Authority. La présentation orale de V. Béral a été très prudente en ce qui concerne le facteur de risque de la CIPR. La marge d'erreur statistique sur le facteur de risque déterminé à partir de cette étude ne permet pas de conclure. Néanmoins il faut signaler que la limite supérieure trouvée est 3 fois plus élevée que celle de la CIPR. Comme l'a fait remarquer le syndicaliste David Gee (de la General Municipal Boilmakers and Allied Trades Union) si le souci majeur des experts de la CIPR était la protection des travailleurs et de la population ils devraient prendre en compte les valeurs les plus élevées des facteurs de risque (rappelons que l'étude tant critiquée par les officiels, de Mancuso, Stewart et Kneale sur les travailleurs US du nucléaire conduisait à un facteur de risque au moins 10 fois plus élevé). David Gee demande au nom de la GMB and Allied Trades Union la réductiôn immédiate des normes annuelles de 5 rem à 1 rem pour les travailleurs sous rayonnement et de 500 à 25 millirem pour la population. Il demande que des représentants des travailleurs et de la population soient consultés par la CIPR avant que des décisions soient prises concernant les normes. D'autres points ont été soulevés par D. Gee au sujet des recommandations de la CIPR. Il semble maintenant évident que certains concepts de la CIPR se sont montrés inefficaces. Celui par exemple qui demande aux responsables des installations nucléaires d'effectuer des analyses coût-bénéfice pour maintenir les doses «aussi faibles qu'il est raisonnablement possible» (principe ALARA, As Low As Reasonably Achievable). Ce concept demeure tout-à-fait théorique et inefficace pour obtenir une réduction des doses. KarI Morgan, pourtant lui-même ancien président de la CIPR a quant à lui un point de vue encore plus critique. Il conteste la Commission Internationale de Protection Radiologique dans son ensemble comme composée d'experts étant liés au nucléaire, dont la plupart pourraient être accusés de conflits d'intérêts. Qu'en est-il en France? Outre M. Pellerin les experts français sont-ils indépendants de l'establishment nucléaire? 1. On commence seulement en France à parler de la nécessité d'ouvrir des «Registres de Cancer» avec actuellement quelques tentatives isolées. 2. Voir la Gazette Nucléaire No 56/57: Nucléaire, Santé, Société p.22
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D'autres sujets ont été
évoqués comme la variation individuelle de sensibilité
aux rayonnements (Dr P. Lewis), les aberrations chromosomiques (H. J. Evans).
Enfin des relevés de contamination radioactive suite à Tchernobyl ont été présentés. Le Dr Clarke de la NRPB indique des taux voisins pour la Grande-Bretagne et pour la France, mais les relevés de la NRPB sont notoirement plus nombreux que ceux publiés en France par le SCPRI et l'IPSN. Ils paraissent cependant dérisoires par rapport au nombre de mesures effectuées en RFA et rapportées par le Dr Jacobi. Il ne faut pas s'en étonner et ce fait est à rapprocher de la fixation de normes très strictes de contamination par certains «Lander» de RFA comme en Hesse où les écologistes représentent une force importante. UN HAUT DEGRE DE PROTECTION EN CE QUI CONCERNE LE NUCLÉAIRE EST INCOMPATIBLE AVEC UNE INDIFFÉRENCE DE LA POPULATION ET DES MÉDIA VIS A VIS DES PROBLÈMES DE SANTÉ COMME C'EST LE CAS EN FRANCE. |
Il est possible que l'attitude des responsables
anglais de la radioprotection ne soit que la conséquence d'une stratégie
pour reconquérir une crédibilité parmi une opinion
publique particulièrement sensible aux problèmes de santé.
Cette crédibilité a en effet été fortement
compromise par les multiples accidents et incidents de l'usine de Sellafield,
anciennement Windscale, toujours accompagnés de propos officiels
très rassurants mais non convaincants.
Le dernier orateur de la Conférence a terminé son exposé en montrant une carte des côtes du Nord de la France avec sa très forte concentration en réacteurs nucléaires traduisant ainsi l'inquiétude de plus en plus de gens en Grande-Bretagne qui ne semblent pas être convaincus par les propos béatement rassurants des Autorités françaises. p.23
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Prémonition!
EDF vend des détecteurs de fuite. Elle
avait sûrement prévu la série noire de 87: Tricastin
- Pierrelatte - Superphénix:
Et si les fissures n'étaient qu'un coup monté pour lancer une campagne promotionnelle en vue d'une exportation massive (à la place des réacteurs on fait ce qu'on peut). Bien joué EDF! (suite)
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suite:
p.24
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