Nous avons récemment eu
connaissance d'un rapport du Centre d'Etudes Nucléaires de Cadarache
intitulé «Premiers résultats des observations consécutives
aux dépôts radioactifs de mai 1986 dans le bassin du Var».
Des études similaires ont été faites par le même
service (SERE) du CEN Cadarache sur les bassins versants de la Moselle
et du Tavignano (Corse) mais nous n'avons pas les publications correspondantes.
Nous publions quelques extraits du volumineux rapport (72 pages) fort détaillé.
Tout d'abord il faut signaler que dès le début de l'accident de Tchernobyl, le CEN de Cadarache réalisait que certaines régions françaises avaient été fortement touché par les retombées, ce qui justifiait des études particulières; il s'agissait des Alpes Maritimes, de la Corse et de la region Est. Au moment où le CEN Cadarache effectuait les mesures dans ces zones contaminees, le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) du Ministere de la Santé tenait des propos parmi les plus lénifiants que nous ayons connus. Ce service qui en principe a la charge de la défense de la santé publique n'a entrepris aucune étude systématique sur la contamination du territoire et paradoxalement c'est au Commissariat à l'Energie Atomique qu'il faut s'en remettre pour ce genre d'étude. Il est cependant dommage que la campagne de prélèvements n'a pas démarré assez vite début mai et qu'il y a ainsi très peu de données sur la contamination par l'Iode 131. L'existence dans le bassin du Var de zones contaminées en césium à plus de 60.000 Bq/m2 aurait justifié que la France figurât, au même titre que l'Italie, l'Allemagne, la Grèce, dans le classement des pays européens ayant eu des régions fortement contaminées (> 10.000 Bq/m2). Sur la carte de contamination de l'Europe établie à partir des données fournies par les autorités nationales («Radiological impact of the Chernobyl reactor accident on the countries of the European Community» G.A.M. Webb, National Radiological protection Board, Luxembourg 5-7 oct. 1987), les zones de très forte contamination s'arrêtent brutalement à l'Est et au Sud-Est aux frontières de la France ! Il est évident que ceci est tout à fait fantaisiste. Le présent rapport sur le bassin versant du Var qui montre que le Sud-Est est une zone contaminée, est cohérent avec les données concernant l'Italie du Nord. Il est probable que le rapport sur la Vallée de Moselle est cohérent avec les données publiées concernant l'Allemagne. (suite)
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Résumé H. Maubert Dès le mois de mai 1986, il fut décidé
d'entreprendre des études radioécologiques dans les bassins
versants de la Moselle, du Tavignano (Corse) et du Var, situés dans
des zones supposées plus touchées par les retombées
que le reste du territoire. Des bassins versants furent choisis car ils
constituent des entités géographiques et économiques
se prêtant au calcul de bilans.
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Cela signifie que la simple prise
en compte de la période radioactive physique de ces radionucléides
pour estimer leur temps de résidence dans les sols constitue sans
doute une approximation correcte.
Des végétaux cultivés ont été régulièrement prélevés à maturité, sur les marchés ou dans les champs. On peut distinguer deux phases dans la diminution de leur radioactivité. La première concerne les végétaux qui ont été soumis à la contamination directe. Le modèle de la décroissance exponentielle s'applique de façon satisfaisante. On note des demies vies effectives de l'ordre de 4 à 5 jours pour l'iode 131. Pour les radionucléides à période moyenne, on retiendra les chiffres suivants: 5 jours pour les légumes feuilles, 20 jours pour les autres légumes, 25 à 30 jours pour l'herbe, 40 pour les fruits. En ce qui concerne les niveaux initiaux, on a obtenu (somme des émetteurs gamma) 16 kBq/kg sec pour les fourrages (dont 12 pour 131I et 0,43 pour 137Cs), et pour les autres légumes, les fruits et les céréales, de l'ordre de 10 à 20 Bq/kg frais. La seconde phase concerne la contamination par voie racinaire exclusivement. Les campagnes de 1987 permettront de quantifier plus exactement cette voie mais on peut déjà affirmer que seuls les isotopes du césium sont mesurables et que les concentrations sont en dessous de 1 Bq/kg frais. Bien que les sols consttituent le compartiment où sont fixés l'essentiel des produits radioactifs (à l'exception des vies courtes}, il se confirme que pour l'ingestion la voie d'atteinte par absorbtion racinaire entraîne des nuisances plus faibles que celles dues à la contamination directe (foliaire). Des produits laitiers (lait et fromages de vache, de chèvre et de brebis) ont été mesurés. Seuls les isotopes du césiuin ont été détectés avec des concentrations de l3 à 52 Bq/kg frais (137Cs) aux mois de juin et juillet, tombant au-dessous de 1 Bq/kg au début de 1'automne. La distribution de fourrages pendant l'hiver a permis de mettre en évidence une remontée des concentrations, les valeurs obtenues en février dépassant parfois celles de l'été (66 Bq/kg). Malgré les difficultés d'approvisionnement (peu de production locale), de la viande de mouton a pu être obtenue, révélant des concentrations en césium toujours inférieures à 120 Bq/kg frais. Il est à noter que de l'argent 110m a été trouvé dans les foies des bêtes, alors que ce radionucléide n'était plus détecté dans l'herbe depuis longtemps. De façon générale, les tentatives d'interprétation des résuJtats sur les produits animaux ont fait apparaître nombre de difficultés, liées à la relative pauvreté des outils disponibles dans la littérature, qui sont adaptés à l'étude des conditions de rejets de routine, mais non à celles d'accidents. Pour ces raisons il nous semble qu'il serait utile d'entreprendre des études expérimentales de transfert aux petits animaux (poules et lapins) Enfin les eaux, les sédiments et certains végétaux sauvages ont été échantillonnés. Signalons le cas des champignons dont la contamination au mois d'octobre dépassait de deux ordres de grandeur au moins celle des légumes à la même époque (362 Bq/kg frais en 137Cs). (suite)
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Les travaux se poursuivent d'une part sur le terrain pour observer l'évolution des radionucléides encore détectables, et d'autre part pour effectuer un calcul des activités ingérées basé le plus possible sur les mesures. Le but est d'en tirer non seulement des éléments de vérification des modèles, mais aussi des informations sur les effets à long terme, la contribution à l'exposition totale des différents compartiments et les points sensibles à surveiller. Une durée de deux cycles annuels d'observation et d'interprétation est nécessaire pour améliorer la qualité de l'information et diminjier les incertitudes. I. INTRODUCTION
1.2. Travail effectué
Note de la rédaction E10 signifie 1010 = 10 x 109 = 10 milliards E12 signifie 103 x 109 = mille milliards E13 signifie104 x l09 = dix mille milliards kBq = kilobecquerel 103 becquerel = mille becquerel kBq frais = kBqf = kilo becquerel frais mCi = micro curies Césium = Cs; Ruthenium = Ru; Rhodium = Rh; Argent = Ag; Antimoine = Sb; Cerium = Ce; Praseodyme = Pr; Zr = Zirconium; Niobium = Nb. p.4
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En outre, d'autres laboratoires
du SÈRE ont investigué les domaines hydrobiologiques pour
les eaux continentales et le milieu marin.
Commentaire Gazette
* Les prairies de haute montagne
* Les sols forestiers
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Ces fortes valeurs sont liées à la couche superficielle humique. On ne sait pas à l'heure actuelle s'il s'agit d'un point restreint dans l'espace particulièrement actif ou si de vastes zones forestières sont concernées. Lorsque les résultats nous ont été connus, la neige avait recouvert l'endroit et les routes étaient fermées. C'est un point particulier qui demande vérification en 1987. 11.3. La radioactivité surfacique dans les sols
11.3.2. Valeurs numériques
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En outre on note la présence notable d'Argent
110m, d'Antimoine 125 et du couple Cézium + Praséodyme 144.
Si on fait la somme des radioactivités Gamma d'origine artificielle on trouve 322 kBq/m2 (8,7 mCi/m2). On multiplie encore ces valeurs si on ajoute à cela les radionucléides à vie courte qui avaient disparu au moment des prélèvements. En particulier pour le seul Iode 131, à peu près 12 fois plus abondant que le Césium 134, on trouve un dépôt estimé à 340 kBq/m2. Commentaire Gazette
II.3.3. Variation des activités surfaciques avec l'altitude
III. L'HERBE ET LES FOURRAGES
III.1.2. Variations de la radioactivité en fonction du temps
III.1.2.1. Radionucléides trouvés occasionnellement
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* Cérium + Praséodyme 144 (Période 285 j) Ce couple de radionucléides n'a été détecté qu'à deux reprises, à La Manda et à Saint Sauveur 34 jours après l'accident. Dans les deux cas la concentration est identique avec 260 Bq/kg. * Antimoine 125 (Période 2 ans) 6 prélèvements contenaient de l'Antimoine 125 avec des concentrations variant de 14 à 85. Bq/kg. Tous datent d'un mois à peu près sauf à Saint-Auban où il est apparu au 97e jour. * Iode 131 (Période 8 j) L'étude ayant débuté à la fin du mois de mai, il est normal que l'Iode ait prafiquement disparu à cette date. Un seul prélèvement d'herbe en contenait, du foin de Saint Auban avec une concentration de 1.100 Bq/kg. Ramené à la date du 2/5/86, cela représente 12.450 Bq/kg. * Cérium 141 (Période 32,5 j) et Zirconium + Niobium 95 (Période 35 j) Présent dans deux échantillons, à La Manda et à Saint Auban avec des activités de 87 et 124 Bq/kg, 141, ce n'a pas été détecté au-delà du 34e jour. Un seul prélèvement contenait le couple 95 Zr + Nb, de l'herbe de Saint-Sauveur avec 150 Bq/kg. III.1.2.2. Isotopes du Césium et du Ruthénium
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Au-delà du 40e jour, les
valeurs diminuent rapidement et sont pratiquement toutes inférieures
à 500 Bq/kg, quel que soit le prélèvement et l'isotope.
Deux
faits sont toutefois remarquables:
1. L'échantillon HER BOR 1 présente, 97 jours après l'accident, une radioactivité très supérieure à celle des autres prélèvements, soit 3.700 Bq/kg en 137Cs, 1.800 en 134Cs, 1.220 en 106 Rh+106 Ru. 2. Au-delà du 80e jour après l'accident, (...) les mesures mettent en évidence une certaine remontée de la radioactivité. Cela pourrait être dû à un dépôt des poussières remises en suspension par les incendies de forêts du mois de juillet. Ces dépôts ont été détectés par le laboratoire de l'AIEA à Monaco. Toutefois ce second pic d'activité est plus faible que le premier d'un à deux ordres de grandeur. Commentaire Gazette
IV. LES VÉGÉTAUX CULTIVÉS COMESTIBLES
IV.1.2. Les radionucléides à vie courte
IV.1.3. Les isotopes du Césium et du Ruthénium
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Les blettes datées de 20 jours plus tard présentaient des teneurs approximativement deux fois moindres. Un mois après, les concentrations sont de l'ordre de la dizaine de Bq/kgf. La durée de vie de ce genre de légumes étant de l'ordre de 50 à 60 jours, au-delà de cette période la contamination est surtout d'origine racinaire. Les isotopes du Ruthénium deviennent alors totalement absents et ceux du Césium passent en dessous de 1 Bq/kgf. Il est à signaler que si les «normes Européennes» avaient été en vigueur dès le début du mois de mai, de nombreuses récoltes auraient dû être détruites. Commentaire Gazette
Commentaire Gazette
p.7
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VI. LES VÉGÉTAUX NON CULTIVÉS
VI.1. Les champignons Parmi les végétaux non cultivés comestibles, seuls les champignons ont été mesurés. Le premier prélèvement a été effectué au col de Salèze le 2 octobre 1986. Il s'agissait de bolets dédaignés des nombreux ramasseurs, et dont 1'espèce n' a pas été identifiée. On y a trouvé 56 Bq/kgf de 134Cs, 362 de 137Cs et 1,3 Bq/kgf d'Argent 110m. Ces teneurs peuvent être considérées comme relativement élevées si l'on songe qu'à la même époque la radioactivité des légumes cultivés se situait autour de 1 Bq/kgf. Cela tient bien sûr au fait que ces organismes, incapables de pratiquer la photosynthèse, se nourrissent de matière organique déjà synthétisée. Nous avons vu précédemment que les couches superficielles riches en M.O. étaient un lieu d'accumulation privilégié de la radioactivité. Le second prélèvement de champignons a été effectué fin octobre à Cadarache devant le bâtiment 180. C'étaient des bolets communément appelés Pissacans réputés comestibles médiocres. Les teneurs étaient de 26 Bq/kgf en 134Cs et de 58 Bq/kgf pour 137Cs. De plus on a identifié le couple 106 Ru + Rh avec 2 Bq/kgf. VI.2. Autres végétaux
Ce chapitre est séparé en deux parties. La première retrace dans les grandes lignes le devenir des dépôts, la seconde, après un bref rappel des enseignements tirés de l'étude, fait apparaître certaines lacunes des outils dont nous disposons et suggère quelques orientations des thèmes de recherche. IX.1. Devenir des dépôts
* Radionucléides à vie courte
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Une fois les niveaux initiaux déterminés, on peut considérer que la période effective de ces polluants est égale à la période radioactive physique. C'est une hypothèse majorante. * Radionucléides à vie moyenne
IX.2. Enseignements et suggestions
A la suite d'un dépôt, les concentrations que l'on peut attendre dans les produits consommés sont de plusieurs ordres de grandeur supérieures dans le groupe 1 que dans le groupe 2 et les normes internationales sont basées sur des concentrations. p.8
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Or, si l'on se réfère
à la littérature radioécologique, on trouve des masses
de publications sur le comportement des radionucléides dans les
sols et les facteurs de transfert racinaires, beaucoup moins sur la contamination
directe par les aérosols, et très peu sur les facteurs de
transfert aux animaux.
Sur ce dernier point on voit se perpétuer d'étude en étude les mêmes facteurs souvent déduits du comportement d'homologues chimiques stables des radionucléides. Les formulations mêmes peuvent être sources d'erreurs. De plus les valeurs disponibles sont toujours établies pour des conditions de régime permanent et ne permettent pas de calculer des dynamiques. On a donc: Concentrations dans groupe 1> concentrations dans groupe 2 Etudes sur transferts groupe 1 > études sur transferts groupe 2 La conclusion est qu'il paraît nécessaire d'engager un programme de recherches sur les transferts aux animaux, car c'est sur ce point que nous sommes le moins bien armés pour répondre aux problèmes posés par les conséquences d'un dépôt accidentel. Commentaire Gazette
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Au cours du colloque «Nucléaire
- Santé - Sécurité» organisé les 21-22-23
janvier 1988 à Montauban par le Conseil Général du
Tarn et Garonne, des scientifiques indépendants ont pu s'exprimer
à égalité en même temps que des membres de l'establishment
(mais aucune répercussion dans les médias au niveau national...).
Monsieur Grauby, du Centre d'Etudes Nucléaires de Cadarache, Chef
du Département d'Etudes et de Recherches en sécurité
(Institut de Protection et de sûreté Nucléaire, CEA)
intervenait dans ce colloque dans la session «Contamination de l'environnement».
Or, il est le responsable en chef des études radioécologiques
effectuées par le CEA dans les trois bassins versants du Var, de
la Moselle et du Tavignano. Nous lui avons demandé si les rapports
analogues à celui du Var concernant la Moselle et la Corse seraient
rendus publics. La réponse a été nette et précise:
NON. Seule une étude globale de synthèse sera publiée.
Y aurait-il dans ces rapports des informations qui ne concorderaient pas
avec celles des autorités officielles? (le ministère de la
santé et son représentant M. Pellerin?). On est en droit
de supposer que ces régions ont été très fortement
contaminées et que cela doit demeurer secret. Les carottages
de sol effectuées par la CRII-RAD tant dans le Sud-Est (Cri du Rad
n°7/8) qu'en Alsace font apparaître des
contaminations surfaciques en Césium qui en certains points sont
bien supérieures à 10.000 Bq/m2, ce qui les classe
parmi les régions les plus contaminées d'Europe. Il
se confirme une fois de plus que le bilan réel pour la France de
la catastrophe de Tchernobyl ne peut absolument pas être effectué
à partir des données officielles de contamination.
Vous pouvez obtenir une photocopie du rapport complet sur le bassin versant du Var (72 pages) en envoyant 35 F au GSIEN. p.9
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