L'analyse de sûreté
effectuée à la suite de l'incident du barillet a porté
sur les causes de l'incident, sur son déroulement et sur ses conséquences.
A partir de cette analyse, le SCSIN a demandé à l'exploitant
de prévoir un certain nombre de mesures techniques considérées
comme un préalable nécessaire à toute autorisation
de redémarrage. Par ailleurs, pour pallier les conséquences
de la défaillance du barillet, l'exploitant a proposé de
modifier les moyens de manutention en utilisant désormais un poste
de transfert du combustible dans lequel, au barillet initial rempli de
sodium sera substituée une enceinte contenant de l'argon utilisée
seulement pour le transfert des assemblages. Cette note présente
une synthèse de l'état de l'analyse de sûreté
en octobre 1988.
I. L'incident du barillet
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L'expertise n'est pas totalement terminée
car un certain nombre d'essais sur maquettes sont actuellement en cours
pour confirmer le scénario de fissuration. Le processus de fissuration
le plus probable retenu actuellement à la suite de cette expertise
est expliqué par la nature même de l'acier du barillet (15
D3) et la présence simultanée de trois facteurs: l'existence
de sites d'amorçage (microfissurations) qui pourrait être
attribuée à des coups d'arc, un chargement mécanique
local important, de l'ordre de la limite élastique et enfin
les apports d'hydrogène qui ont permis le phénomène
de fragilisation par l'hydrogène. La chronologie de ce dernier phénomène
serait la suivante: la cuve a été mise en eau de façon
à en permettre le positionnement lors de la construction puis séchée
par balayage et maintenue en air sec. Il est possible que pendant les quelques
jours de la mise en eau la réduction de l'eau par le fer et la libération
de l'hydrogène dans le métal, se soit effectuée préférentiellement
au niveau de microfissures existantes. Deux ans plus tard il y a eu préchauffage
de la cuve en atmosphère inerte. Du fait de la présence de
cette atmosphère, l'hydrogène pourrait être resté
occlus dans l'acier. Enfin, lors de la mise en sodium il pourrait y avoir
eu réaction de la rouille hydratée avec le sodium, et diffusion
supplémentaire de l'hydrogène à travers l'épaisseur
de la cuve. La fissuration serait apparue assez rapidement soit au moment
de la mise en eau, soit au moment de la mise en sodium et le piégage
de l'hydrogène aurait pu provoquer l'apparition de la fissure qui
aurait traversé toute l'épaisseur de la cuve. Il convient
de noter que la fissure aurait donc pu s'être propagée assez
précocement. L'absence de contrainte mécanique suffisamment
élevée pour ouvrir une fissure et la température relativement
basse du sodium (180°C) permettent effectivement d'expliquer que la
fuite elle-même ne soit apparue que très tardivement. Ce scénario
de fissuration apparaît vraisemblable, toutefois sa validité
ne pourra être complètement démontrée qu'après
obtention de résultats d'essais actuellement en cours sur des maquettes
appropriées.
p.2
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Les conclusions de cette expertise
ont permis de confirmer la nécessité de procéder à
un réexamen de la conception et de la fabrication d'un certain nombre
de composants importants pour la sûreté et en contact avec
le sodium. Cette demande avait été effectuée en juillet
1987 par le service central de sûreté des installations nucléaires
et confirmée en décembre 1987.
B. Le déroulement de l'incident (cf. également
les notes SIN PARIS n°2348/87 et 1181/87 transmises au CSSIN)
C. Les conséquences de l'incident
(suite)
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suite:
Il est donc apparu que la possibilité de réutiliser le barillet initial après réparation et en le remplissant de nouveau de sodium était exclue. Par conséquent, pour restaurer les fonctions assurées par le barillet initial, la société NERSA a été amenée à définir une solution de remplacement. Compte tenu des difficultés, en particulier de construction, que présentait la solution de remplacement par un barillet de conception différente (pour éviter les inconvénients rencontrés avec le barillet initial) mais également rempli de sodium, NERSA a proposé de transformer le dispositif de manutention et d'adopter la solution d'un nouveau poste du transfert du combustible (PTC) (cf. III ci-après). Le chantier correspondant durera jusqu'en 1991. Jusqu'à l'achèvement des travaux précités, l'incident a donc pour conséquence de priver temporairement la centrale de moyens normaux de déchargement et de chargement d'assemblages. En outre, la modification du poste du transfert du combustible conduit à prévoir à moyen terme une évolution du mode de gestion du combustible qui ne serait plus renouvelé par demi cœur comme initialement mais par cœur entier (gestion dite en fréquence 1). Les éléments qui précèdent ont conduit le service central de sûreté des installations nucléaires à définir d'une part, un certain nombre d'exigences devant être satisfaites préalablement au redémarrage et, d'autre part, à formuler un certain nombre de demandes techniques concernant la mise en œuvre de la solution proposée par Nersa (PTC). II. Exigences préalables à un redémarrage
du réacteur (cf. note SIN PARIS n°3068/87 destinée
aux membres du conseil supérieur de la sûreté des installations
nucléaires)
p.3
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En cas de fuite de la cuve principale
du réacteur, il convient notamment:
- d'arrêter immédiatement le réacteur afin de le ramener rapidement à l'état d'arrêt à chaud (300°C) puis à l'état d'arrêt à froid à 180° (24 h environ); - de prévenir le risque d'apparition d'une fuite ultérieure de la cuve de sécurité; - de préparer les actions nécessaires pour faire face à une fuite éventuelle de la cuve se sécurité; - de mettre en œuvre des moyens pour évacuer les assemblages combustibles et vidanger le réacteur. Depuis décembre 1987, l'ensemble de cette procédure a été élaborée par Electricité de France. Les actions destinées à limiter les risques d'apparition d'une fuite de la cuve de sécurité sont les suivantes: a) vérification du bon fonctionnement des détecteurs de fuite dans l'espace entre-cuves; b) remplacement de l'azote contenu dans l'espace entre-cuves par de l'argon; c) contrôle de la pression dans l'espace entre-cuves et de l'équilibre des pressions entre les cuves; d) diminution de la température du sodium du réacteur; e) transfert par pompage du sodium écoulé dans l'espace entre-cuves vers le bloc réacteur de manière à limiter la quantité de sodium dans cet espace; f) localisation et suivi de la fuite de la cuve principale. En complément des actions précédentes, il est prévu de mettre en place en cas de fuite, comme cela avait été fait lors de l'incident du barillet, un certain nombre de moyens de détection complémentaires dans le puits de cuve du réacteur lui-même, de rendre étanche le puits de cuve, et de le remplir d'argon de façon à limiter les risques d'apparition d'un feu de sodium. Il est également prévu de procéder, si nécessaire à des apports de sodium dans le réacteur pour éviter le dénoyage du cœur. Un schéma de principe de la procédure U4 est joint en annexe (n°4). Certaines des dispositions précitées visent à garantir une durée aussi longue que possible de l'étanchéité de la deuxième cuve en cas de fuite de la cuve principale. Il est raisonnable de considérer que, compte tenu de la nature de l'acier employé (acier inoxydable et non 15 D3 comme sur le barillet) et de l'impact positif de cette procédure, l'étanchéité de la deuxième cuve de rétention puisse être aussurée pendant plusieurs années après l'apparition d'une fuite de la cuve principale. Il apparaît clairement que certaines des dispositions évoquées ci-dessus dans le cadre de la procédure U4 et en particulier la baisse de la température du sodium et le pompage du sodium dans l'espace entre-cuves sont des enseignements directs du déroulement de l'incident sur le barillet lui-même. (suite)
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suite:
En ce qui concerne les délais d'élaboration de cette procédure, il convient de signaler que la pompe électromagnétique permettant le pompage du sodium entre les deux cuves est disponible sur site depuis fin septembre seulement. En ce qui concerne le déchargement du cœur, celui-ci s'effectuerait en l'absence de barillet à l'aide d'une hotte spéciale, directement par le haut à travers la dalle du réacteur (cf. annexe n°5). Cette hotte est en cours de fabrication et sera disponible à l'automne 1989 en même temps que la piscine de l'atelier pour l'évacuation du combustible (APEC) destiné à recevoir les assemblages éventuellement extraits. Après l'achèvement des travaux de construction du PTC (1991), le dispositif normal d'évacuation par le PTC serait utilisé pour décharger les cœurs en cas d'apparition d'une fuite de la cuve principale. II.B. Réexamen des dossiers de fabrication Le réexamen des dossiers de conception et de fabrication demandé par le SCSIN en juillet 1987 nécessite plusieurs années de travail de la part d'Electricité de France pour permettre la relecture des milliers de clichés radiographiques concernés. Il a donc été décidé de choisir des priorités qui ont naturellement conduit à réexaminer en premier lieu les dossiers relatifs à la cuve principale et à la cuve de sécurité du réacteur. Le dossier de synthèse relatif à ce réexamen a été transmis fin juillet par Electricité de France et est en cours d'analyse par les appuis techniques du SCSIN. Le réexamen des clichés radiographiques pris lors de la fabrication a mis en évidence des indications déjà vues en fabrication et alors interprétées à tort comme conformes aux critères et des indications nouvelles non notées initialement sur les procès-verbaux de fabrication. Ce réexamen a également mis en évidence certaines anomalies relatives à la qualité des films (problème de densité du film et de granulométrie). Electricité de France a étudié la nocivité éventuelle des indications relevées lors du réexamen. Ces études de nocivité consistent à prendre des hypothèses pénalisantes sur la longueur du défaut et sa profondeur. Le calcul est alors mené de la façon suivante. Dans une première étape de calcul, on estime la propagation possible de ce défaut compte tenu des chargements mécaniques qu'il est susceptible de subir lors de l'exploitation de la centrale. On calcule en particulier les conséquences d'un certain nombre d'arrêts d'urgence ou d'incidents conduisant à des sollicitations mécaniques de la cuve. Ce calcul permet de déterminer l'extension maximale, en longueur et en profondeur, du défaut. On effectue alors un deuxième calcul permettant d'évaluer l'effet sur ce défaut «propagé» d'un chargement mécanique «enveloppe» qui peut être le séisme ou une autre situation accidentelle. Naturellement, à chacune des étapes des calculs précités sont utilisées les hypothèses les plus pénalisantes. La non nocivité du défaut est prouvée si à l'issue des calculs, la tenue mécanique de la soudure n'est pas remise en cause. Ces études de nocivité sont en cours d'analyse par les autorités de sûreté. Il faut noter que le profondeur des défauts susceptibles de correspondre aux indications trouvées lors des relectures est en tout état de cause inférieure à la profondeur d'une passe de soudure, c'est-à-dire inférieure à 4 ou 5 mm. p.4
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II.C. Contrôles de soudures de la cuve principale
du réacteur
Cette inspection a été réalisée à l'aide d'un appareil appelé MIR (module d'inspection pour les réacteurs rapides). Le MIR se compose d'un chariot prenant appui sur chacune des deux cuves principales et de sécurité du réacteur grâce à quatre roues. Plusieurs systèmes permettent de suivre et guider l'évolution du MIR dans l'espace entre-cuves. Une caméra de télévision lit des repères gravés sur la cuve de sécurité et des méthodes électromagnétiques ultrasonores sont utilisées pour guider l'engin le long des soudures à contrôler. Les systèmes d'inspection de la cuve principale portés par ce chariot sont d'une part une caméra de télévision qui assure un contrôle visuel de l'état de la cuve et d'autre part un appareil qui contrôle les soudures à partir de traducteurs ultrasonores focalisés utilisant la technique de l'échographie. Pour permettre ce contrôle par ultrasons, un fluide de couplage est mis en place entre l'émetteur et la tôle à contrôler. Cette fonction est assurée par une petite cuve contenant le fluide et prenant contact avec la paroi du réacteur par l'intermédiaire d'un joint. Le ministre chargé de l'industrie avait demandé que ce contrôle soit effectué préalablement au redémarrage. Ce contrôle a débuté le 27 juin 1988 et s'est achevé le 23 août. Il a comporté un contrôle par ultrasons de soudures de la cuve ainsi qu'une mesure au droit de certaines soudures de la distance entre la cuve principale et la cuve de sécurité. Ce programme a tenu compte des indications observées à l'occasion du réexamen des dossiers de fin de fabrication effectué après l'incident du barillet. Les résultats de ce contrôle sont en cours d'analyse par les autorités de sûreté. Les premières conclusions sont que ce contrôle n'a pas montré de défaut inacceptable dans les soudures correspondant aux indications trouvées lors des relectures des dossiers de fabrication, et n'a pas mis en évidence d'évolution novice de l'état des soudures du point triple (le point triple est la soudure circulaire horizontale correspondant à l'endroit où est repris mécaniquement le poids du cœur et des structures internes du réacteur). A l'instar de la démarche suivie pour les réacteurs à eau, de nouveaux contrôles seront effectués à échéance régulière, et un programme de développement et de qualification des moyens de contrôle est en cours, afin d'améliorer les performances. III. Modification de la centrale nucléaire de
Creys-Malville - Mise en place du poste de transfert du combustible
(suite)
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suite:
Le PTC se compose principalement d'une enveloppe métallique que constituera l'enceinte remplie d'argon par laquelle transiteront les assemblages. Pour constituer cette enveloppe, NERSA prévoit de réutiliser la cuve de rétention et le toit de l'ancien barillet. La cuve principale de l'ancien barillet sera découpée et expertisée. La possibilité de réutiliser la cuve de sécurité du barillet initial devra être justifiée compte tenu des contrôles en cours sur le barillet. Cette enveloppe sera remplie d'argon chauffé à 170° pendant les opérations de manutention. Un seul assemblage transitera à la fois dans le PTC et cet assemblage sera placé dans un étui contenant du sodium (cf. annexe 8). Le cheminement d'un assemblage neuf et d'un assemblage irradié sont présentés dans les figures ci-jointes (voir page 6). Lors de la manutention d'un assemblage irradié par exemple, celui-ci arrive dans l'enceinte en argon à l'intérieur de son étui. Cet étui contenu dans le pot de manutention circule sur la rampe secondaire, puis l'étui est soulevé au-dessus du poste de chargement-déchargement du barillet initial par le ringard (dispositif de manutention permettant les mouvements verticaux des assemblages entre l'enceinte en gaz et le hall de manutention supérieur). L'assemblage irradié est ensuite évacué en gaz hors de l'étui. En ce qui concerne l'assemblage neuf, il est introduit dans l'étui par le puits de liaison avec la chaîne des assemblages neufs et suit un chemin inverse à celui de l'assemblage irradié jusqu'au poste de chargement où l'étui le contenant est introduit dans le pot permettant le transfert entre l'enceinte en gaz et le cœur du réacteur via le sas à tourniquet. En ce qui concerne le PTC lui-même, l'analyse de sûreté de cette solution a porté principalement sur: - la possibilité de mettre en œuvre cette solution avec des garanties suffisantes en matière d'assurance de la qualité et de sûreté (fabrication et chantier); - l'examen de l'ensemble des incidents pouvant affecter le poste de transfert du combustible lui-même (blocage d'un assemblage en cours de transfert, chute d'un assemblage...); L'examen de sûreté a également porté sur l'incidence de la modification sur la gestion du cœur et le fonctionnement du réacteur. En effet, il est prévu que l'exploitation du réacteur s'effectuera avec un renouvellement par cœur complet conduisant à des campagnes de fonctionnement plus longues. Rappelons que dans la solution initiale (barillet en sodium), le déchargement du cœur était prévu tous les ans environ par demi-cœur (ce qui correspond à une fréquence 2). La durée correspondante pour le déchargement était de six semaines environ tous les quatorze mois. L'assemblage le plus chaud pouvait être extrait du réacteur au bout d'un mois d'arrêt pour être ensuite placé dans le barillet initial rempli de sodium où se poursuivait la décroissance de sa puissance résiduelle. Dans la nouvelle configuration, l'exploitant prévoit de décharger la totalité du cœur à chaque arrêt (fréquence 1). La durée correspondante pour le déchargement est de sept à huit mois tous les trois ou quatre ans environ. L'assemblage le plus chaud peut être extrait du réacteur du bout de cinq mois et le plus froid au bout de trois mois et demi d'arrêt. Ce type de gestion introduit des modifications sur la neutronique et la thermohydraulique du cœur. p.5
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Un premier examen technique des
propositions de l'exploitant a été effectué au mois
de juin dernier. Cet examen a conclu que dans son principe les modifications
proposées par l'exploitant et les conséquences sur le fonctionnement
étaient acceptables sous réserve de justifications complémentaires
(neutronique, thermohydraulique). Il conviendra également de justifier
l'emploi de la cuve de rétention du barillet initial comme enceinte
remplie de gaz et de présenter en temps utile les garanties sur
la qualité de la réalisation (dossier de synthèse
de la qualité).
IV. L'exploitation future du réacteur
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Enfin, l'analyse de sûreté actuellement
en cours porte également sur l'ensemble des travaux et modifications
qui ont été réalisés sur cette centrale depuis
un an. Environ 500 modifications qui résultent, pour l'essentiel,
comme c'est le cas pour les REP, de l'expérience acquise lors des
essais de démarrage, ont été réalisées.
Certaines d'entre elles nécessitent des actions dites de requalification
qui doivent permettre de vérifier que les systèmes modifiés
pendant l'arrêt présentent toutes les garanties de sûreté.
L'ensemble de cet examen technique devrait s'achever en novembre 1988.
VII. Conclusions
p.6
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Cheminement d'un assemblage irradié à l'intérieur d'un étui rempli de sodium à l'aide de la hotte |
Depuis fin mai 87, Superphénix
est arrêté. Nos technocrates en sont bien évidemment
navrés, mais ce qui est plus grave c'est qu'ils perdent tout esprit
critique et sont prêts à redémarrer leur merveille
technologique simplement pour ne pas perdre la face. Il est de fait que
la panne de Superphénix est «incongrue», mais tout de
même...
Dans le contexte où le programme français est si largement surdimensionné que l'on en vient à commander un réacteur tous les 4 ans, il est clair que cette fuite enterre quasiment cette filière, au moins pour les 20 ans à venir. EDF, le CEA, la NERSA, Novatome, enfin la société responsable (cherchez laquelle) de ce joujou font (fait) des pieds et des mains pour redémarrer. Les technocrates ont cru avoir gagné en novembre 87. En effet. un énorme dossier a été fourni par EDF pour justifier ce redémarrage, Mais, pour une fois, les services centraux n'ont pas été convaincus et surtout Madelin, le ministre de tutelle, a suivi leur avis. En conséquence, on a demandé à EDF de refaire sa copie, c'est-à-dire qu'on lui a explicitement demandé de ne pas faire la théorie du redémarrage mais d'expliquer les modalités pratiques. En effet. c'est fort intéressant d'expliquer que le barillet est une pièce inutile, que s'il fuit on va le bouder et prévoir autre chose pour l'évacuation du combustible. Cependant, c'est un peu court et il faudrait aussi préciser comment on sortira le combustible du réacteur et que fera-t-on en cas d'ennui avec les aiguilles de combustible. Et comme de surcroît cette fuite au barillet était classée hautement improbable, les services de sûreté ont également demandé que l'on vérifie la cuve principale. Même si par avance il avait été répondu que cette pièce étant conçue avec une autre nuance d'acier, une fuite est strictement exclue, impensable, etc. La conclusion des défenseurs de Superphénix est donc, à ce niveau, parfaitement cohérente dans leur système de pensée: «Nous avons éliminé ce barillet fuyard, nous avons donc résolu nos problèmes et Superphénix doit redémarrer parce que, sans cela, nous ne serons plus les premiers et nos équipes de supertechniciens vont se disloquer. Nous aborderons donc l'an 2000 sans avoir de relève pour le nucléaire». Tout ce bel échaffaudage de raisons pour redémarrer Superphénix n'a pas convaincu le Service Central des Installations Nucléaires Il a posé de fort nombreuses questions et exigé beaucoup de vérifications. Apparemment. il a encore de gros doutes mais la décision n'est pas de son ressort. elle dépend du ministre et des groupes de pression: c'est une décision strictement politique. De quel poids peuvent disposer, dans un tel contexte, ceux qui, n'appartenant pas au système, veulent tout de mème intervenir? Reprenons la genèse de la situation actuelle. Superphénix a été couplé au réseau en 1986 Or, il manquait un élément essentiel pour l'évacuation du combustible, l'APEC (Atelier pour l'Evacuation du Combustible) Cet atelier était en cours de construction, En effet. en 1977 on croyait possible d'évacuer le combustible en conteneur rempli de sodium, On s'est rendu compte de l'impossibilité de cette manœuvre, on a donc commencé à construire ce nouveau système en 1984, Il devait être fini en 1988. L'argument employé en 1986 pour démarrer tout de même le réacteur était que l'on n'avait pas de combustible à évacuer avant cette date le réacteur pouvant théoriquement fonctionner 400 jours équivalent à pleine puissance (JEPP) avant que l'on ait besoin de toucher au combustible et le barillet pouvait contenir environ 1 cœur de réacteur. Evidemment. la panne sur le barillet s'est produite après 40 JEPP ! Et le barillet contenait déjà des assemblages. Depuis l'arrêt de mai 1987, nos technocrates ont tout essayé pour redémarrer Superphénix et pourtant plus on avance dans les vérifications et plus il s'impose d'attendre. (suite)
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suite:
Au cours des vérifications de la cuve principale, on a repris les radios de contrôle effectuées en 1979. Compte tenu du nombre (au moins 25.000 simplement pour la cuve), on a vérifié celles se rapportant aux soudures: on a certes retrouvé des indications de fissures vues en 79 mais déclarées inoffensives parce que les critères ont changé dans l'intervalle et sont plus rigoureux en 88 qu'en 79 (la fissure doit être inférieure à 11 mm maintenant au lieu de 40) mais on a trouvé de nouvelles indications et pire, des radios s'avèrent illisibles. On a alors envoyé le MIR faire des contrôles. Il y a environ 1.000 m de soudures à vérifier, le MIR ne peut ausculter que 700 m. Et bien sûr, on s'est arrêté à 130 m. L'échantillonnage a été déclaré suffisant!! Tout de même, une erreur c'est possible et l'APEC permettra d'y faire face même si c'est avec retard. S'acharner à prendre pour le barillet une nuance d'acier que l'on savait peu résistante à la corrosion et au sodium, en vertu de l'expérience allemande à Kalkar, ce n'est franchement pas triste surtout si l'on ajoute qu'on s'en doutait mais que collaboration européenne oblige, on devait choisir cet acier. D'autant moins triste comme attitude, quand on voit comment le barillet est enfermé dans le béton et inaccessible, donc irréparable. Mais persister et signer en faisant un contrôle qualité défectueux et ce sur la cuve principale, alors là c'est le comble, C'est vraiment se moquer du monde. Répétons que cette fuite au barillet était classée improbable. L'argumentaire selon lequel on peut s'en passer parce qu'on fera refroidir le combustible dans le réacteur et on l'évacuera après 6 mois à 1 an d'arrêt par un APEC pas terminé et au moyen d'une hotte appelée PTC, (Poste de Transfert de Combustible) pas construite, l'argumentaire, disons-nous, est irrecevable. En effet, qui peut être convaincu que le fait de construire ce fameux PTC, dans l'enceinte d'un réacteur en fonctionnement est absolument normal et sans danger pour l'installation. Reconnaissez que là encore il ne faut pas manquer de souffle. Quant à reprendre l'argument que ce PTC ne sera pas utile avant 1991 parce que, de toute façon, le combustible peut séjourner 400 JEPP dans le réacteur et qu'on ne peut pas le sortir avant 6 mois à 1 an de refroidissement dans le sodium... On a déjà donné avec le barillet! Ajouter à tous les arguments que Three Mile Island a montré que l'endroit le plus sûr en cas d'incident pour conserver le combustible endommagé était le cœur n'est pas juste. En effet, si dans un réacteur à eau légère la réaction en chaîne s'arrête (sous-critique)quand on perd le liquide à savoir l'eau, ce n'est pas le cas pour un surgénérateur où on risque en fait un accident avec explosion dit accident de criticité si on perd le sodium. Alors pourquoi redémarrer? Les motivations des différents groupes de pression favorables à ce redémarrage sont assez différentes: - du côté constructeurs et exploitants: EDF, bien que peu favorable à cette filière chère et développée par son «ami» le CEA ne veut pas qu'une panne sur un réacteur nucléaire poisse porter ombrage à son parc. Novatome, la NERSA veulent se débarrasser d'un bébé qui leur a déjà coûté cher et qui risque de continuer à leur coûter car il n'est pas réceptionné. Le CEA veut absolument voir Superphénix repartir pour pouvoir lancer les études des futurs surgénérateurs, en effet il y a une clause qui interdit de le faire tant que ce bel oiseau n'a pas fonctionné de l'ordre de 200 JEPP. - du côté des élus, que Superphénix soit une merveille technologique ne les émeut guère. Par contre, que leur commune soit en cessation de paiement parce que sans électricité, pas de redevance, que sans redevance, pas moyen de payer les traites que le Grand chantier a laissé derrière lui, voilà leur préoccupation. Le fait que leur commune soit sur la paille les motive très sérieusement pour réclamer le redémarrage. La Sûreté dans tout cela pèse bien faiblement mais qui en a jamais douté? p.7
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