G@zette N°92/93
ET SI ON PARLAIT ECONOMIE

LE  CHAUFFAGE  ELECTRIQUE: UN  GLOUTON  CYCLOTHYMIQUE
 
     La concurrence des autres énergies est bien moins un obstacle pour EDF qu'elle ne l'est pour les distributeurs d'électricité étrangers. En particulier, EDF et GDF ont 
     Pratique pour le consommateur... et prisé par le promoteur, le chauffage électrique s'est considérablement développé depuis les années 70, dopant la croissance du parc de production d'électricité. Il a ainsi largement sous-tendu l'irrésistible ascension de l'électro-nucéaire. Voir un autre article de la Gazette: N°167/168 (1998).
 
     Actuellement, la progression annuelle est de 260.000 nouveaux chauffages électriques installés par an. Certes, les beaux jours de l'accroissement du parc de logements neufs semblent passés:
Nombre de logements neufs (en milliers) 
1975: 543 - 1976: 502 - 1977: 491 - 1978: 475 - 1979: 460 - 1980: 440 - 1981: 422 - 1982: 393 - 1983: 382 - 1984: 351 - 1985: 245 
(source: Consuel) 
     et avec près de 70% de l'équipement de maisons neuves à son actif (26% des logements collectifs), le chauffage électrique approche de son maximum de pénétration sur ce marché. Mais il attend avec impatience la relève des chaudières à fuel installées dans les années 70 et dont on pronostique l'issue fatale vers 1995. Par ailleurs, la tendance à l'installation du chauffage électrique se retrouve dans le tertiaire, avec un certain retard par rapport au résidentiel.
     Au total, pour les prévisionnistes d'EDF et les pouvoirs publics, le chauffage électrique devrait continuer à constituer à l'horizon 2000 une part importante de la consommation finale d'électricité. En 1985*, cette part est estimée grossièrement à 50 TWh/an (+ 18 TWh/an pour l'eau chaude sanitaire) dans le secteur résidentiel et tertiaire, sur les 260 TWh/an consommés (et qui pourraient atteindre 400 TWh/an vers 2000).
Trait spécifique de l'usage de l'électricité pour le chauffage

     La consommation moyenne annuelle par le chauffage électrique masque des épisodes de boulimie soudaine, durant l 'hiver notamment; la consommation de janvier est ainsi supérieure de 70% à celle d'août (l'écart n'est que de 20% en Belgique, où le chauffage électrique est moins développé).

     La vague de froid, début 87, a culminé le 15/l, jour de référence pour EDF: la consommation a atteint un niveau record de 62.270 MW à 19 heures, le nucléaire en assurant 38.570:
Production (en MW)
Nucléaire
38.570
Thermique classique
12.500
Hydraulique
13.000
Turbinage (STEP)
600
Consommation (en MW)
Consommation nationale
62.270
Exportations
2.500

     Hors chauffage électrique du résidentiel et du tertiaire, la pointe de production se situerait vers 43.000 MW: il est nécessaire de surdimensionner d'1/3 le parc de production pour assurer les pointes de consommation exceptionnelles (l'équivalent d'une bonne vingtaine de tranches nucléaires de 1.000 MW).

     Une diminution volontariste du parc nucléaire, si elle n'est pas compensée par une augmentation parallèle du parc charbon/gaz, impliquera une remise en cause radicale du chauffage électrique installé; et ceci quelle que soit l'ampleur des mesures qui seraient prises pour améliorer les performances de l'habitat et l'isolation.

 p.12a

LE CHAUFFAGE ELECTRIQUE, UNE PARTICULARITE FRANÇAISE
Etude historique, technique et économique
Dossier émanant de la Direction Générale de l'Energie et des Matières Premières
     Le chauffage électrique des logements est très peu répandu à l'étranger. En R.F.A., certains distributeurs d'électricité le proscrivent même totalement. En France au contraire, 70% des logements neufs construits chaque année et déjà le quart de l'ensemble des logements existants sont munis d'un chauffage électrique. Comment ce qui est vérité au-deçà du Rhin peut-il être erreur au-delà?
     Une première réponse vient à l'esprit: la France disposerait d'un parc de production électrique plus apte que les autres à assurer les consommations de chauffage. Il faut écarter cette hypothèse, puisque les moyens les plus économiques en la matière sont - sauf si l'on est doté de ressources hydroélectriques très abondantes - les centrales à charbon, et qu'il est clair que la France n'a pas d'avantage spécifique en ce domaine. Il est vrai que, dans la situation de surcapacité nucléaire que nous connaissons maintenant et pour plusieurs années, le parc nucléaire peut assurer dans les faits une partie des consommations de chauffage; mais il s'agit dans ce cas d'un nucléaire sous-utilisé, économiquement inadapté et l'on ne peut souhaiter que cette situation se perpétue.
     Si le chauffage électrique, quasi-inexistant vers 1970, s'est ensuite développé en France, c'est d'abord parce qu'EDF s'en est fait une priorité. L'objectif était clair: conquérir de nouveaux marchés. Cette politique était présentée à l'opinion comme une mission de salut public: le jour étant proche, disait-on, où la dernière goutte de pétrole serait épuisée, l'atome devait prendre le relais. Un tel discours a trouvé dès l'origine un écho favorable chez les maîtres d'ouvrage, qui ont vu dans le chauffage électrique un moyen de diminuer les coûts de construction des logements[1]; quant aux installateurs, moins spontanément acquis à cette cause, EDF n'a pas ménagé ses efforts - formation, actions diverses de promotion... - pour les convertir.
     La stratégie une fois fixée, il restait à la mettre en œuvre. Là où chacun des quelque mille distributeurs allemands d'électricité aurait sans doute échoué, EDF a su tirer parti de sa position dominante pour obtenir un succès commercial incontestable. Première entreprise française par le chiffre d'affaires, elle est la première entreprise électrique du monde occidental, et elle est celle qui détient le monopole le plus étendu. Sa taille et ses moyens financiers en font l'un des groupes les plus importants du pays.
 p.12b
1. Il est nettement moins coûteux, en effet, d'installer des convecteurs dans les pièces d'une maison qu'une chaudière à gaz ou à fioul alimentant un réseau de canalisations et de radiateurs...

     La concurrence des autres énergies est bien moins un obstacle pour EDF qu'elle ne l'est pour les distributeurs d'électricité étrangers. En particulier, EDF et GDF ont un réseau de distribution commun, et les ambitions commerciales de GDF ne sont guère favorisées par la présence de son imposant frère siamois, A l'étranger, au contraire, où distributeurs de gaz et d'électricité sont totalement indépendants, c'est le gaz qui est l'énergie dominante sur le marché du chauffage des logements.
     Par ailleurs, promouvoir le chauffage électrique suppose de pouvoir investir de façon importante, aussi bien dans la production que dans la distribution; mais là encore, ce n'est pas pour EDF un obstacle sérieux. La qualité de sa signature sur les marchés financiers, liée à son statut et à l'importance d'une clientèle captive propre à assurer tout prêteur, lui confère en effet une capacité d'endettement dont on voit mal les limites et qui n'a pas d'égal à l'étranger.
     Pour atypique qu'elle soit, notre situation pourrait fort bien ne présenter aucun inconvénient: chacun a le droit de se chauffer à l'électricité s'il le souhaite, pour peu qu'il en supporte les coûts et contraintes spécifiques, Tel n'est malheureusement pas le cas, loin s'en faut. Le chauffage électrique présente, en France comme ailleurs, deux caractéristiques, d'ailleurs liées: il est saisonnier, et il est coûteux. Il est saisonnier: les deux tiers des consommations sont concentrées sur un tiers de l'année, En hiver, il engendre des pointes de consommations de courte durée, qui amènent d'année en année à battre de nouveaux records de puissance appelée, à mesure que le parc de logements concernés s'accroît. Tout cela est coûteux, puisque faire face à cette demande suppose que l'on ait mis en place des moyens de production qui resteront inutilisés le reste de l'année. Rien ne s'opposerait a priori à ce que ce coût soit facturé par EDF aux consommateurs concernés; mais c'est ici qu'intervient un paradoxe.
     Alors que les usagers industriels, dont la consommation est pourtant régulièrement répartie sur l'année, se voient facturer une électricité beaucoup plus chère en hiver qu'en été - du fait précisément de l'existence des consommations de chauffage -, les usagers du chauffage électrique paient leur kWh au même prix tout au long de l'année, Du moins, pensera-t-on, la facture annuelle de ces usagers est-elle calée de façon à couvrir la totalité des coûts; mais ce n'est pas davantage le cas. En effet, EDF facture au total chaque kWh de chauffage électrique à la moitié environ de son prix de revient comptable[3]; comme EDF équilibre ses comptes, ce sont les autres usagers qui paient la différence, qui dépasse au total 25 milliards de francs. Un tel constat ne manquerait pas d'alarmer un électricien allemand, qui facture ses clients sur la base des prix de revient; EDF, en revanche, fera valoir qu'elle n'a que faire des prix de revient comptables, puisqu'elle fonde ses tarifs sur les «coûts marginaux de développement»[4], Mais il se trouve que même par rapport à ses principes tarifaires, EDF fait bénéficier les usagers du chauffage électrique d'avantages non négligeables.
     Les autres usagers d'EDF ne sont pas lésés sur le seul plan des prix; ils doivent accepter d'importantes contraintes, s'ils veulent pour abaisser leur facture s'abstenir de consommer en hiver, EDF pousse d'ailleurs ces usagers à s'effacer, alors qu'ils ne sont en rien responsables des pointes de consommation. En outre, le réseau électrique, commun à tous les usagers, est de plus en plus vulnérable aux accidents climatiques.
suite:
     Que faire, dans ces conditions? La croissance du parc de logements chauffés à l'électricité a été favorisée par des avantages tarifaires indus, qui doivent prendre fin.
     Vis-à-vis des clients actuels d'EDF, il importe de rééquilibrer progressivement les tarifs pour résorber le transfert dont bénéficient les usagers du chauffage électrique. Sur ce premier point, un pas a été fait en février 1987 puisque pour la première fois depuis 1973 les tarifs des usagers industriels ont davantage baissé que ceux des clients domestiques.
     Il faut en outre introduire un tarif saisonnalisé pour les usagers domestiques et professionnels nouveaux souscrivant une forte puissance. Ce tarif se substituerait progressivement au tarif actuel pour les abonnés anciens. Tout en ne s'appliquant qu'à un sixième des abonnés domestiques et professionnels, il assurerait une taritïcation plus juste des plus gros usagers du chauffage électrique.

I. Le constat: le chauffage électrique s'est très fortement développé en France ces dernières années
     EDF a, au début des années 1970, assuré la mise au point et la promotion d'un nouveau mode de chauffage, le «chauffage électrique intégré» (CEI); il s'agit d'un chauffage direct par convecteurs, destiné à des logements en principe bien isolés.
     Marginale il y a quinze ans, la part de l'électricité sur le marché du chauffage du logement neuf en France est alors devenue prépondérante, passant de 4% en 1972 à 67% en 1986, Le chauffage électrique s'est également développé dans les logements anciens à un rythme annuel soutenu (165.000 logements en 1986) (fiche n°1)
     Le parc de logements chauffés à l'électricité a de ce fait atteint un niveau important: plus d'un cinquième des résidences principales en France - soit 4,6 millions de logements - utilisent l'électricité comme mode de chauffage principal (fiche n°2).

II. Ce développement du chauffage électrique est une particularité bien française; pourtant, rien dans la structure du parc de production d'EDF ne le justifie
     Le chauffage électrique a été développé dans très peu de pays comparables à la France et nulle part, il n'atteint une proportion des logements aussi importante qu'en France (fiche n°3).
     Le chauffage est un besoin saisonnier: les deux tiers de la consommation d'énergie pour le chauffage sont concentrés pendant un tiers de l'année. Les moyens les moins coûteux pour produire l'électricité pendant une durée aussi limitée sont - sauf si l'on dispose de réserves hydroélectriques importantes - les centrales à charbon; or la France n'a pas d'avantage spécifique dans ce domaine. Il est vrai que, compte tenu de la surcapacité nucléaire d'EDF, acquise sans aucun doute pour de nombreuses années, le parc nucléaire peut assurer dans les faits une partie des consommations de chauffage; mais il s'agit dans ce cas d'un nucléaire sous-utilisé, économiquement inadapté et l'on ne peut souhaiter que cette situation se perpétue. 

p.13
2. De façon d'ailleurs difficilement réversible, puisqu'un logement équipé à l'origine d'un chauffage électrique ne peut plus être doté ensuite d'un chauffage à combustible qu'à un coût généralement élevé (cf. V. intra).
3. Estimation faite à partir des données comptables de l'exercice 1986.
4. Cette théorie revient en substance à facturer au consommateur d'aujourd'hui ce que seraient les coûts marginaux de l'électricité dans dix à quinze ans, si les experts savaient prévoir aussi longtemps à l'avance les prix des combustihles et le cours du dollar.

III. Le développement du chauffage électrique en France résulte principalement de la volonté d'expansion d'EDF; l'établissement a mis la puissance que lui confère un monopole quasi-absolu et tout à fait spécifique à la France au service d'une politique tarifaire et commerciale adaptée à cette fin
     Au début des années 1970, EDF considérait que le marché du chauffage des logements pouvait constituer, en raison de son importance, le principal champ d'expansion potentielle pour l'électricité. L'établissement, de par sa taille et l'étendue de son monopole, dispose de moyens de pression considérables (fiche n°4) pour atteindre ses objectifs. En outre, la distribution conjointe de l'électricité et du gaz par des services communs à EDF et GDF réduit singulièrement, en France, la concurrence du gaz, qui, à l'étranger, est en général l'énergie dominante sur le marché du chauffage des logements.
     EDF a mené à partir de 1970 une politique dynamique de promotion du produit «chauffage électrique», présentée comme une mission de salut public (cf. IV infra), et tournée à la fois vers les usagers domestiques et, surtout, vers les professionnels concernés du bâtiment (fiche n°5).
     Lc chauffage électrique bénéficie en France d'une tarification particulièrcmcnt attractive. Les choix faits par EDF dans le cadre de l'application de ses propres principes tarifaires se révèlent spécialement favorables au chauffage électrique (fiche n°6). En particulier EDF a renoncé paradoxalement pour les usagers concernés à l'affichage de tout signal saisonnier, alors même que leur consommation est fortement saisonnière. Le coût d'exploitation pour l'usager est déjà élevé; il est pourtant nettement inférieur à ce qu'il devrait être (cf. VI infra).
     Le chauffage électrique bénéficie en outre d'un avantage relatif en matière de coût d'équipement du logement qui a facilité sa pénétration; cet avantage pèse d'autant plus que le choix du mode de chauffage n'est, bien souvent, pas le fait de l'usager mais celui du promoteur. Les qualités spécifiques (propreté, confort...) de l'électricité ont naturellcmcnt contribué pour leur part au succès du chauffagc électriquc (fiche n°7).

IV. Cette stratégie a été justifiée vis-à-vis de l'opinion par la nécessité, face aux risques de pénurie d'énergie, de développer le «tout-électrique-tout-nucléaire», alors que l'outil nucléaire est économiquement inadapté aux utilisations courtes

suite:
     Les analyses énergétiqucs prévisionnelles élaborées au début des années 1970, fondées sur des perspectives de croissance très importante des consommations, ont fait craindre une pénurie de combustibles fossiles; l'atome était présenté comme le seul recours quantitativement adapté au problème posé (fiche n°8).
     Les dirigeants d'EDF ont, à maintes reprises, formulé très explicitement le projet de faire conquérir au nucléaire, via le vecteur électrique, de nouveaux marchés, au premier rang desquels figurait le chauffage des locaux; le slogan «tout-électrique - tout-nucléaire» résumait cette ambition (fiche n°9).
     Dans ce contexte, l'inadaptation économique de l'outil nucléaire aux utilisations courtes n'était pas prise en considération, d'autant que jusqu'en 1982 les comparaisons économiques entre les divers moyens de production étaient effectuées pour un fonctionnement en base uniquement, et quc les calculs comparatifs étaient davantage favorables au nucléaire qu'ils ne le sont aujourd'hui (fiche n°10). Rétrospectivement, les politiques menées en matière tarifaire et commerciale d'une part et d'investissement d'autre part apparaissent incohérentes.

V. La saisonnalité des consommations et la croissance des capacités de production sont du fait du chauffage électrique plus importantes en France qu'à l'étranger
     Il résulte du développement rapide du chauffage électrique une saisonnalité de plus en plus marquée de la consommation française d'électricité (fiche n°11).
     ...et un accroissemcnt corrélatif des besoins de puissance à la pointe, qui a amené la France à accroître sa capacité de production électrique davantage que les autres pays. Les puissances installées vont progresser de 110% en France de 1975 à 1990, contre 70% au Japon, 47% aux USA, 32% cn RFA et -9% en Grande-Bretagne (fiche n°12). Le phénomène est presque irréversible: en effet, un logemcnt équipé à l'origine d'un chauffage électrique ne peut plus guère être doté ensuite d'un chauffage à combustible.

V. Le chauffage électrique n'est pas vendu à son coût; les autres usagers s'en trouvent lourdement pénalisés
     Le développement important du chauffage électrique en France n'aurait pas lieu d'être considéré comme préoccupant si ses usagers étaient seuls à en supporter les coûts et contraintes spécifiques. Tel n'est pas le cas.

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5. C'est-à-dire le coût des moyens supplémentaires à mettre en œuvre pour satisfaire une demande additionnelle d'électricité: c'est le coût qu'EDF affirme utiliser pour déterminer ses tarifs.
     Une partie notable du coût du chauffage électrique est en fait supportée par les autres usagers d'EDF. L'ampleur du transfert opéré chaque année au détriment des autres usagers varie, selon le mode d'évaluation, entre 4 GF (approche par les coûts marginaux[5]) et 28 GF (approche par les coûts comptables). EDF vend chaque kWh pour le chauffage à environ la moitié de son coût comptable (cf. fiches n°13 et 14). 
     L'importance de l'écart entre les deux approches illustre l'avantage implicite dont les principes tarifaires d'EDF font bénéficier les usagers du chauffage électrique.

VII. Le chauffage électrique rend de plus en plus vulnérable le réseau électrique; il impose aux autres usagers des contraintes d'exploitation importantes
     Le chauffage électrique rend l'ensemble du réseau électrique - commun à tous les usagers - de plus en plus vulnérable aux aléas climatiques; des investissements coûteux de renforcement du réseau seront nécessaires pour limiter cette vulnérabilité (fiche n°15).
     La très forte saisonnalité des tarifs des clients gros consommateurs leur impose, pour être en mesure d'abaisser leur facture annuelle, des contraintes d'exploitation non négligeables; les usagers responsables des pointes saisonnières sont au contraire exemptés de ce type de contraintes (fiche n° 16).
     La croissance du parc de logements chauffés à l'électricité a été favorisée par des avantages tarifaires indûs, qui doivent prendre fin.
     Vis-à-vis des clients actuels d'EDF, il importe de rééquilibrer progressivement les tarifs pour résorber le transfert dont bénéficient les usagers du chauffage électrique. Sur ce point, un pas a été fait en février 1987 puisque, pour la première fois depuis 1973 les tarifs des usagers industriels ont davantage baissé que ceux des clients domestiques.
     Il faut en outre introduire un tarif saisonnalisé pour les usagers domestiques et professionnels nouveaux souscrivant une forte puissance. Ce tarif se substituerait progressivement au tarif actuel pour les abonnés anciens. Tout en ne s'appliquant qu'à un sixième des abonnés domestiques et professionnels, il assurerait une tarification plus juste des plus gros usages du chauffage électrique. Une telle mesure a fait l'objet d'études préalables approfondies, menées dans le cadre d'un groupe de travail conjoint à EDF et à l'administration; on trouvera en annexe le rapport de ce groupe.

FICHE N°1

Marginale il y a quinze ans, la part de l'électricité sur le marché du logement neuf en France est devenue prépondérante. Le chauffage électrique s'est également développé dans le logement ancien 

     Les deux tiers des logements neufs actuellement construits chaque année en France sont dotés d'un chauffage électrique; cette situation résulte d'une progression soutenue depuis 1970, et particulièrement accentuée depuis 1980:

Part de l'électricité dans le chauffage des logements neufs (en %)
1970
1,6
1971
1,9
1972
3,9
1973
7,0
1974
10,7
1975
19,3
1976
29,9
1977
37,7
1978
45,8
1979
37,5
1980
37,3
1981
40,2
1982
52,0
1983
60,0
1984
61,7
1985
66,6
1986
70,0
1097
(source: EDF)
     En outre, un nombre important de logements existants précédemment chauffés par d'autres énergies font l'objet de conversions vers l'électricité; sur ces dernières années, les flux de conversion ont été les suivants (colonne suivante):
suite:
Mises en service de chauffage électrique dans les logements existants
(en milliers de logements)
Année
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
Mises en service
97
120
136
139
149
164
185
(source: EDF)

FICHE N°2
Le parc de logements chauffés à l'électricité a atteint un niveau considérable 

     Le parc de résidences principales chauffées (hors chauffage d'appoint) à l'électricité est estimé en 1986 à 4.600.000:

(en milliers)
Logements chauffés à l'électricité
(a)
Maison individuelles
2.894
Immeubles collectifs
1.740
Total

4.634

Nombre total de 
logements (b)

a/b (en %)

11.506

25,2%

9.083

19,2%

20.589

22,5%

(Source: Observatoire de l'énergie)

FICHE N°3
Le chauffage électrique direct une particularité bien française

     La part de l'électricité sur le marché du logement neuf dans les autres pays est habituellement très inférieure à ce qu'elle est en France; une étude en cours sur ce thème a déjà apporté les données suivantes:

 
France
Grande-Bretagne
Pays-Bas
RFA
Italie
Part* de l'électricité dans le neuf en 1986

 

67%


 

25%


 

0%


 

6%


 

3%

* tous systèmes de chauffage confondus (direct ou accumulation)

     L'énergie dominante sur le marché du logement neuf dans les autres pays est le gaz naturel: sa part est de 60% en Grande-Bretagne, 95% aux Pays-Bas, 53% en RFA.
     En RFA, un distributeur d'électricité n'est pas soumis à obligation de fourniture lorsqu'il s'agit d'un usage chauffage. Certains distributeurs le proscrivent totalement; dans les autres cas, l'installation d'un chauffage électrique fait l'objet d'un contrat spécifique de fourniture, distinct du contrat habituel «usages domestiques», avec installation d'un compteur supplémentaire.
     Un récent rapport de l'AIE ("L'électricité dans les pays de l'AIE", 1985) indique: «L'électricité est utilisée comme combustible primaire pour le chauffage des locaux dans plus de 10% des foyers dans un nombre limité de pays (Australie, Canada, USA, France, Nouvelle-Zélande, Norvège, Suède)». On notera que les pays cités, à l'exception de la France, disposent de ressources hydroélectriques (Canada, Nouvelle-Zélande, Suède, Norvège) ou charbonnières (USA, Australie) importantes permettant de disposer de kWh à coût relativement bas pour un usage aussi saisonnier que le chauffage.

p.15

FICHE N°4
L'étendue du monopole d'EDF n'a pas d'équivalent

     En France, la quasi-totalité des consommations d'électricité est assurée par EDF, qui contrôle l'essentiel des activités de production, transport et distribution d'électricité. A l'étranger, le système électrique est fréquemment morcelé entre de nombreuses entreprises (cf. annexe); EDF est ainsi à la fois la plus grosse compagnie d'électricité du monde occidental et celle qui dispose du monopole le plus étendu. Il est clair qu'une telle situation ne peut que faciliter la promotion des procédés électriques, comme, en l'espèce, le chauffage électrique intégré. De plus, l'existence de services de distribution communs à EDF et GDF - association également spécifique à la France - ne permet guère à la concurrence du gaz de s'exercer sérieusement.

EDF: une entreprise atypique dans le monde

     EDF est la plus grande compagnie d'électricité du monde à économie de marché, et c'est l'entreprise électrique du monde occidental qui dispose du monopole le plus étendu.
     En France, la quasi-totalité des usagers est cliente d'EDF, qui fournit plus de 95% de la consommation d'électricité; dans tous les pays comparables, l'organisation du système de production et distribution d'électricité est sensiblement différente et généralement beaucoup plus morcelée; ainsi:
     · Aux Etats-Unis, l'industrie de l'électricité se caractérise par une diversité considérable. Elle comprend quelque 3.400 entreprises, qui peuvent être des compagnies privées, des compagnies municipales, des coopératives d'électricité rurales et des réseaux fédéraux. La taille de ces entreprises est très variable; environ 850 de ces entreprises ont des installations de production.
     Les 216 compagnies d'électricité privées les plus importantes représentent environ les trois quarts de la production et de la puissance électrique installée.
     La production, le transport et la distribution publics d'énergie électrique sont essentiellement assurés par des organismes fédéraux, des coopératives d'électricité rurales et des réseaux appartenant aux municipalités et aux Etats. Les organismes fédéraux possèdent environ 10% de la puissance installée à l'échelon national, les coopératives 3% et les réseaux municipaux et des Etats 10%.
     La compagnie la plus importante est la Tennesse Valley Authority (TVA); elle exploite un parc de production dont la capacité totale est de 22.000 MW, soit moins du quart de celle d'EDF.
     · En Grande-Bretagne, deux zones doivent être distinguées:
     a) en Angleterre et au Pays de Galles, l'articulation est la suivante:
     - production et transport, à charge du CEGB;
     - distribution et vente, à charge d'offices régionaux.
     Le CEGB (Central Electricity Generating Board) est une compagnie responsable de la planification, construction et exploitation des centrales électriques et du réseau de transport, sur l'ensemble de cette zone.
     Il ne vend pas directement aux usagers, à part quelques exceptions à l'échelon national, comme les chemins de fer.
     Les offices régionaux, au nombre de 12 pour l'Angleterre et le Pays de Galles, s'approvisionnent sur le réseau de transport du CEGB et vendent l'électricité aux usagers.

suite:
     b) en Ecosse et en Ulster existent trois offices régionaux polyvalents, qui combinent production, transport, et distribution d'électricité.
     Le Gouvernement britannique étudie la privatisation du secteur électrique; dans ce cadre, le projet envisagé conduirait à créer plusieurs sociétés de production distinctes - et concurrentes - à la place du CEGB.
     · En RFA, environ 1.000 entreprises opèrent dans le domaine de la distribution d'électricité. A peu près 340 de ces entreprises possèdent leurs propres installations de production; les autres n'agissent que comme revendeurs. La plupart sont des entreprises d'économie mixte, au capital desquelles figurent l'Etat, les régions ou les communes. Le réseau de transport est la propriété des neuf principales, qui assurent 70% environ de la production totale.
     · En Italie, une loi de 1962 a fondé l'ENEL (l'Ente Nazionale per l'Energia Electrica), service public chargé de la production, du transport, et de la distribution de l'électricité. Toutefois, la nationalisation du secteur n'a pas été absolue, car la loi autorisait trois exceptions:
     - les entreprises municipales existant avant 1962, au nombre de 150 environ;
     - les autoproducteurs, consommant au moins 70% de leur propre production;
     - les petits producteurs (moins de 15 GWh/an).
     Une loi de 1982 ajoute deux exceptions supplémentaires:
     - production à partir de sources renouvelables;
     - production combinée électricité-chaleur.
     En pratique, ces dispositions règlementaires aboutissent à la répartition suivante de la production:
     ENEL: 82%
     Entreprises municipales et petits producteurs: 4%
     Autoproduction: 14%
     · Aux Pays-Bas, environ 80 entreprises opèrent dans le secteur de l'électricité. Les trois principales réalisent 40% des ventes et sont propriétaires du réseau de transport.
     · En Espagne, il existe environ 800 entreprises publiques d'électricité. 250 assurent à la fois production et distribution; les autres ne font que la distribution. Il existe par ailleurs de nombreuses sociétés privées, réunies au sein de l'UNESA. Le transport de l'électricité est, depuis la nationalisation du réseau haute-tension en 1984, confié à une société d'Etat.
     • En Norvège, la fourniture d'électricité est assurée par des producteurs privés (20% de la production), des municipalités (50% de la production) et la «Direction du réseau électrique» appartenant à l'Etat (30% de la production). Les municipalités assurent la majeure partie de la distribution, par l'entremise de quelque 270 entreprises de distribution.
     • Au Japon, 9 compagnies régionales privées assurent chacune pour sa zone les activités de production, transport et distribution. Elles ne produisent toutefois que 75% de la production totale; elles achètent le reste à la «Société de développement de l'énergie électrique», en majorité à capitaux publics, qui exploite des centrales hydroélectriques et au charbon, à la «Société japonaise de l'énergie atomique», à 33 entreprises appartenant à des pouvoirs publics locaux, et à 19 entreprises privées, créées par les compagnies régionales et par de gros consommateurs d'électricité.
p.16

FICHE N°5
EDF a mené une politique dynamique de promotion du chauffage électrique, tournée aussi bien vers les usagers domestiques que vers les professionnels concernés du chauffage et du bâtiment

     S'adressant le 26.10.72 aux participants du colloque du Comité Français d'Electrothermie, M. Delouvrier déclarait: 

     «Le chauffage électrique apparaît aujourd'hui comme un fait acquis, un fait admis, un progrès souhaité et demandé, et vos communications ne portent plus sur sa possibilité ou son bien-fondé mais sur ses perfectionnements possibles, la variété de ses formes, ses conditions de bon fonctionnement, ses conséquences dans divers domaines, aussi bien technique qu'architecturaux... A ce propos, vous permettrez qu'avec une autre "casquette", celle du Président du Comité Directeur du Plan Construction, je salue la présence de nombreux experts en matière de bâtiment et, naturellement et avant tout, des 65 architectes qui participent à vos travaux. Il est certain, en effet, que nous avons fait une percée. Les promoteurs qui ne nous croyaient pas avaient dit: "Faites vos preuves, et comme Saint-Thomas, on vous croira; que vos clients demandent le chauffage électrique". Ce dernier, à l'époque, n'était pas, en effet, un argument de vente et la publicité pour des immeubles conçus en chauffage électrique, comme "Marina-bella" par exemple, ne mettait pas en avant cet avantage. 
     Et puis, voilà, nous avons profité de notre vingt cinquième anniversaire pour répandre à travers toute la France l'idée que, finalement, utiliser une calorie chère, si elle était soigneusement économisée, ne faisait pas un chauffage plus cher. Nous avons adapté ce fameux mot de Le Corbusier: "C'est avec des matériaux chers que l'on fait des maisons bon marché". En effet, c'est avec des calories chères que l'on fait un chauffage bon marché et, chose très intéressante, le public a été sensibilisé infiniment plus rapidement que les promoteurs eux-mêmes. Le public n'était pas gêné par des positions acquises; il sait que l'électricité est propre et commode. Il a compris, rapidement, la liberté nouvelle qu'elle donnait à l'homme et à la femme par le fait que l'on pouvait chauffer chaque pièce au niveau de température que chacun désirait. Du côté des promoteurs, constructeurs et architectes, c'est autre chose parce qu'il y a des filières d'intérêts qui se trouvent naturellement engagés dans un changement de technique.
suite:
     Quel est le résultat obtenu à l'heure actuelle?
     L'ordre de grandeur, c'est environ 70.000 logements "en portefeuille" pour 1972. Par rapport aux cinq ou six mille d'il y a deux ans, c'est un succès foudroyant qui montre que le chauffage électrique répondait à une attente. Par rapport aux 500.000, 550.000 logements que la France doit continuer à construire annuellement dans l'avenir, c'est un pourcentage de 15% environ, si bien que nous avons encore un assez joli champ de conquête à réaliser. Je suis persuadé qu'au fur et à mesure que les logements tout électrique vont être réalisés, et que le nombre de personnes qui en bénéficieront va s'accroître, nous n'aurons presque plus à faire de publicité, elle se fera toute seule. Aussi est-ce un conseil amical que je donne à un certain nombre d'entre vous qui devront changer, je ne dis pas de comportement, mais de moyen de chauffe, s'ils ne veulent pas courir le risque que les logements construits par eux soient démodés avant que d'être achevés.
     Quant à la répartition des tâches entre branches professionnelles, nous nous sommes entretenus à la Fédération Nationale du Bâtiment avec les Présidents des chauffagistes et les Présidents des électriciens. Le mariage au sommet est relativement facile, le mariage à la base est infiniment plus complexe, mais une conclusion me paraît évidente que si les chauffagistes ne prennent pas d'électricien ou si les électriciens ne prennent pas de gens formés en matière de chauffage, il y aura insuffisance chez les uns comme chez les autres et, en tout cas, une des professions risque d'avoir des difficultés si elle ne sait pas s'adapter, à temps, aux circonstances (...).
     Je ne veux pas prolonger plus longtemps cet entretien; je voulais vous remercier encore de tout ce que vous avez fait, et terminer en vous disant que le chauffage électrique, ce n'est pas seulement l'affaire d'EDF. Nous sommes une maison qui, jusqu'ici, avait brillé par l'extrême qualité de ses ingénieurs pour produire et transporter, mais à qui les règles gouvernementales et administratives d'une tutelle pointilleuse, laissaient peu de place à la promotion de son produit. Cette époque est révolue; le contrat de programme signé avec l'Etat accepte de notre part une politique commerciale efficace. Mais nous ne serons efficaces que si vous l'êtes à nos côtés. Nous sommes un service public, et nous avons la chance de vendre un produit dont nous pouvons penser, légitimement, qu'il apporte à ceux qui l'utilisent mille commodités, et finalement un des éléments de cette qualité de vie tant recherchée aujourd'hui. Si vous êtes également persuadés, c'est votre devoir - et beaucoup d'entre vous sont heureux d'accomplir leur métier en ayant le sentiment de servir eux aussi le public - c'est donc votre devoir, je le répète, de nous aider, pour le bien de tous».
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FICHE N°6
Les choix tarifaires faits par EDF favorisent les fournitures domestiques et plus particulièrement le chauffage électrique

     L'analyse qui suit a été effectuée dans le strict cadre de la théorie tarifaire d'EDF et de l'application qu'en retient l'entreprise. Le chiffrage a été réalisé à partir des éléments fournis par EDF dans le cadre d'un groupe de travail mixte avec l'administration.

1 - Horizon de calcul 2000 plutôt que 1990.
     Le niveau de consommation retenu jusqu'à présent (430 TWh) par EDF pour l'évaluation des coûts marginaux de développement ne devrait être atteint qu'à la fin de la prochaine décennie, voire au-delà. Le choix d'un horizon éloigné:
     - majore les coûts de production, compte tenu des hypothèses de dérives haussières retenues pour les combustibles,
     - minore les coûts de distribution, en raison de 'hypothèse d'amélioration de la productivité et de rendements croissants de cette activité.
     Au total, les consommations domestiques sont favorisées, en valeur relative, par ce choix. Un horizon plus rapproché (1990) serait par ailleurs plus justifié, au regard de l'incertitude affectant, sur le long terme, l'évolution des paramètres économiques de calcul.

2 - Financement des ouvrages de distribution par les tiers
     Les tarifs ne sont censés représenter que la part du coût de développement des ouvrages de distribution non payés directement par les tiers (collectivités locales, usagers lors des raccordements).
     L'évolution historique montre que la tendance est dans le sens d'une part croissante des coûts supportés par les tarifs. On est passé de 59% en 1981 à 63% en 1985. Cette tendance s'explique par le désengagement progressif des communes à l'égard de l'électrification rurale et par certaines innovations paratarifaires d'EDF (système des «tickets» de raccordement en particulier). Tout donne à penser que ce mouvement se poursuivra dans les années à venir.
     Le maintien par EDF du taux actuel de 63%, plutôt que la prise en compte d'un taux supérieur, plus vraisemblable s'agissant d'un calcul à long terme, minore bien évidemment les coûts de distribution, sans affecter les coûts des fournitures industrielles.

3 - Disponibilité du nucléaire
     EDF a retenu des hypothèses très prudentes sur l'indisponibilité des centrales nucléaires. Les taux d'indisponibilité fortuite oscillent autour de 5%, bien que le parc soit encore très récent, avec des incidents liés à la jeunesse des tranches et au démarrage du niveau palier de 1.300 MW. Or, dans les calculs normatifs des tarifs, EDF retient encore un taux d'indisponibilité fortuite de 15% qui majore les coûts de production et pénalise donc les fournitures industrielles par rapport aux fournitures domestiques.

4. Renforcement de la qualité de service et prise en compte des responsabilités de demandes de pointe
     EDF fait de l'amélioration de la qualité de service son principal cheval de bataille pour justifier le renforcement des investissements sur le réseau de distribution. Cet effort supplémentaire (de l'ordre de 800 MF par an) n'est pas répercuté dans les tarifs où il devrait conduire, toutes choses égales par ailleurs, à un accroissement des coûts de distribution.

suite:
     De même, le développement des usages de chauffage et la sensibilité croissante des usagers à la continuité de la fourniture devraient amener à calibrer les réseaux sur des besoins de pointe supérieurs à ceux résultant des calculs actuels (cf. les incidents de 87 sur les réseaux parisiens). Cela se traduirait concrètement par une augmentation de la «responsabilité de puissance» du chauffage électrique. Or, EDF retient toujours une valeur normative correspondant à des hivers à -7°C, alors que nous avons connu plusieurs années consécutives avec des pointes de froid à des températures sensiblement et durablement inférieures à -10°C.
     L'influence de ces différents paramètres est reprise dans le tableau suivant pour 3 fournitures-types:
     - usager domestique avec chauffage,
     - usager domestique sans chauffage,
     - fourniture industrielle (usage permanent en haute tension).
 
fourniture domestique
 
Variations en %
avec chauffage
sans chauffage
fourniture industrielle permanente
calage EDF
100
100
100
Horizon des calculs
(2000 Þ 1990)
-3,6
-1,6
-4,1
Financement des tiers
(63% Þ 67%)
+1,0
+1,0
0
Disponibilité du nucléaire
(85% Þ 95%)
-2,5
-1,5
-5,5
Qualité de service et responsabilité de puissance
+3,6
-1,8
0
Total
-1,5
-3,9
-9,6
"recalage" absolu
98,5
96,1
90,4
"recalage" à tarif inchangé pour les clients utilisant le chauffage électrique
100
97,6
91,8

     On voit donc que, par le simple jeu des quatre paramètres évoqués précédemment, on pourrait envisager:
     - une baisse relative des tarifs industriels supérieure à 8%,
     - une baisse relative des tarifs domestiques sans chauffage de l'ordre de 2,5% par rapport aux tarifs des clients domestiques utilisateurs du chauffage électrique.
     L'inventaire n'est pas exhaustif: on n'a pas abordé dans ce qui précède le choix du taux d'actualisation, l'hypothèse de dérive des prix des combustibles ou le calage d'autres paramètres économiques inhérents au calcul des coûts marginaux de développement. Les variations possibles de ces différents facteurs introduisent, de toutes manières, une incertitude générale sur le calcul des coûts qui est loin de leur conférer un caractère intangible.

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FICHE N°7
Comparé aux autres modes de chauffage, le chauffage électrique se caractérise par un avantage en matière de coût d'équipement du logement et par un coût d'exploitation plus élevé

     Le chauffage électrique en France est caractérisé, visà-vis des modes de chauffage concurrents, par un avantage en matière de coût d'équipement et par un coût d'exploitation relativement élevé, surtout depuis la baisse de prix des hydrocarbures intervenue au début de 1986. En témoigne la comparaison avec le gaz, qui est sur le marché du logement neuf le principal concurrent de l'électricité:

en FF, TTC
 
Maison individuelle
(83 m2)
Appartement
(62 m2)
Coût d'investissement
- électricité
- gaz
8.000
14.000
7.500
11.000
Coût annuel d'exploitation
- électricité
- gaz
6.675
3.825
5.520
3.275
(Source: Centre Technique des HLM)

FICHE N°8
Le développement massif de l'énergie nucléaire en France a été justifié par de consommations prévisionnelles très élevées et des perspectives de pénurie de combustibles fossiles

     Les prévisions à long terme établies en France au début des années 1970, fondées sur la prolongation des tendances observées à cette époque, faisaient apparaître des niveaux extrêmement élevés de consommations prévisionnelles. On peut citer le pronostic suivant, énoncé en 1974 pour l 'horizon 2000:

     «Pour prendre des années rondes, en 1970, la France a consommé sous des formes diverses 225 millions de tonnes d'équivalent charbon[6]. On peut faire le pronostic qu'en l'an 2000, elle en consommera 700[7] en ordre de grandeur (...).
Dans l'hypothèse où la demande d'électricité continuerait à doubler en dix ans, peut-être un peu plus vite dans les années qui viennent et un peu moins vers la fin du siècle, on consommerait en France environ 1.000 milliard de kWh en l'an 2000[8], ce qui n'a rien d'extravagant» (déclaration de M. Boiteux devant le CES, 20.03.74).


     La confrontation de ces consommations prévisionnelles avec les réserves connues mettait en évidence, à brève échéance, des risques de pénurie de combustibles fossiles; l'atome apparaissait dès lors comme le seul recours possible:

     «Il ne fait pas de doute en effet qu'à terme, c'est le développement de la production nucléaire qui devra non seulement assurer la couverture de la totalité des besoins d'électricité mais également celle de la quasi-totalité des besoins d'énergie. Car le nucléaire, grâce aux futurs surgénérateurs, apparaît désormais comme la seule source d'énergie qui soit à l'échelle des besoins futurs de la planète.
     Certes, la pléthore pétrolière qui a prévalu ces années-ci subsistera encore quelques lustres mais elle fera place progressivement à des situations plus tendues, l'inflexion devant se situer, de l'avis général, au cours des années 80-90.
     Quoi qu'il en soit, l'actualité récente le prouve, des tensions sur les prix du pétrole pourront se faire sentir avant que la pénurie ne s'installe.
     C'est dans cette perspective que doit être replacé l'essor du nucléaire. La victoire de cette forme d'énergie est dans l'ordre des choses:
     - la supériorité du pétrole sur le charbon, c'était celle d'un produit liquide sur un produit solide, donc facile à conduire industriellement;
     - celle du nucléaire sur le pétrole réside dans un changement d'échelle, dans la possibilité de réduire considérablement les tonnages face à une demande gigantesque.» (conférence de presse de M. Boiteux, 28.01.71).
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6. Soit 150 Mtep.
7. soit 450 Mtep. Le maximum actuellement envisagé est de l'ordre de 235 à 240 Mtep.
8. Le maximum act uellement envisagé est de 480 TWh.

FICHE N°9
Le chauffage électrique: le fer de lance du tout-électrique-tout-nucléaire

     Citons les dirigeants d'EDF:

     «Nous atteignons le moment où la concurrence apparaît.
     Prenez l'éclairage. Prenez les petites machines-outils. Prenez la télévision ou la machine à laver. Pour tous ces usages, il est bien évident que l'électricité a un monopole de fait. Mais ce ne sont plus ces usages-là qui vont accroître sensiblement la consommation électrique. Ce sont les usages thermiques, surtout le chauffage des maisons, des bureaux, des ateliers, chauffage et aussi climatisation de plus en plus indispensables dans les immeubles de grande hauteur ou construits avec verre, acier et aluminium.
     Dans ce domaine, nous sommes en pleine concurrence.
     Ou plutôt, c'est EDF qui, maintenant, par la baisse relative de ses tarifs, est en état de concurrencer les autres.
     D'abord, le gaz, qui est notre énergie sûre. Le gaz est très commode, non polluant, comme l'électricité. Il est à un prix avantageux, puisque le gouvernement a maintenu pour le gaz des tarifs artificiellement bas. Mais avec 500.000 logements neufs à construire par an, il y a largement place pour le chauffage au gaz et le chauffage à l'électricité.
     C'est le mazout que nous sommes maintenant en train d"'attaquer".
     Le mazout vient de renchérir fortement. Les qualités de notre énergie, propreté, commodité, non-pollution, possibilité de chauffer chaque pièce au degré voulu, combinées avec la baisse relative de nos prix, vont peu à peu effacer dans l'esprit des Français qu'on ne peut pas se chauffer à l'électricité parce que c'est trop cher. Trop cher? C'était vrai il y a dix ans. Ce ne l'est plus aujourd'hui. Dans dix ans, la bataille sera définitivement gagnée» (interview de M. Delouvrier à l'Expansion, octobre 1971).
     L'établissement trouva dans les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 une confirmation de la justesse de sa stratégie, qui fut réaffirmée avec constance, comme l'indiquent ces citations de 1973, 1976, 1981:
     «Le chauffage électrique intégré est tout à fait dans la ligne des préoccupations du moment. Il s'agit en réalité de remplacer pour l'avenir du pétrole par du nucléaire. Prenez le cas d'un promoteur qui a un certain nombre de logements à chauffer. S'il opte pour le fuel, cela veut dire que pendant une trentaine d'années, il y aura une consommation de fuel supplémentaire de plus en plus difficile à approvisionner et de plus en plus coûteuse. Si, au contraire, il opte pour l'électricité, j'augmenterai d'autant mon programme nucléaire et c'est dorénavant de l'énergie nucléaire qui sera substituée définitivement à du fuel. Je crois donc que c'est vraiment dans la ligne des préoccupations du jour que de développer le chauffage électrique intégré» (interview de M. Boiteux à RTL, 29.12.73).
     «Le champ industriel est vaste, mais la pénétration des nouveaux produits électriques, parce que récente, ne pourra quand même pas être massive.
     Le tertiaire et le domestique constituent actuellement les principaux champs de notre développement: depuis cinq ans, les 3/4 de l'accroissement total des ventes d'EDF - je dis bien les trois quarts - proviennent de ces secteurs domestique et tertiaire.
     Là, nous avons des produits au point. On travaille également à la pompe à chaleur, chère à M. Syrota, qui ouvrira le jour venu un nouveau champ d'application où l'économie rejoindra la thermodynamique.
suite:
     Le chauffage électrique, bien qu'intégré, rencontre encore des détracteurs dont vous connaissez les arguments - je n 'y reviendrai donc pas - d'autant que vous avez reçu récemment un document sur le sujet.
     Ce marché continue à se développer. Je vous en félicite. Je ne pense pas que vous rencontriez de sérieuses difficultés à atteindre l'objectif de traiter 175 000 logements en zone non rurale. Vous n'en seriez d'ailleurs que plus coupables de ne pas y parvenir» (exposé de M. Boiteux aux directeurs régionaux et chefs de centre d'EDF, 18.05.76).
FICHE N°10
Le chauffage électrique ne constitue pas une valorisation rentable du nucléaire

     Le nucléaire est un mode de production d'électricité coûteux en investissement. Le groupe de travail sur les coûts de référence de la production d'électricité d'origine thermique a évalué en 1986 à 8.060 F /kW le coût d'investissement du nucléaire; une centrale de 1.300 MW coûte donc environ 10 GF. Pour une centrale à charbon, le coût d'investissement - désu1furation incluse - est de 5.300 F enciron par kW; pour une turbine à gaz, il est de l'ordre de 2.500 F par kW. Une centrale nucléaire doit donc, pour que les gains en combustible qu'elle engendre l'emportent sur son surcroît d'investissement, être utilisée pendant une fraction importante de l'année.
     Le groupe de travail cité ci-dessus a ainsi évalué les coûts de production respectifs du nucléaire et du charbon en fonction de la durée d'utilisation:

 (en 86/kWh)
 
 Durée d'utilisation
 
8.760h
4.000h
2.000h
1.000h
 Nucléaire
20,2/21,8
35,6/38,3
65,4/70,2
-
 Charbon
 26,8/32,2
38,8/44,2
60,8/66,2
99,9/105,3

     L'avantage relatif du charbon par rapport au nucléaire pour les courtes utilisations apparaît sur ce tableau; les consommations de chauffage étant concentrées sur l'hiver, il peut sembler paradoxal de lier promotion du chauffage électrique et développement quasi-exclusif de l'outil nucléaire. C'est bien pourtant la stratégie affichée très explicitement par EDF:

     «Tout client nouveau qui opte pour le chauffage électrique nous amène à augmenter d'autant notre programme nucléaire» (M. Boiteux, interview au Point, 30.07.73).
     «Qu'en est-il (...) dans le secteur résidentiel et tertiaire?
     Dans la construction neuve, on compte actuellement chaque année quarante pour cent environ de logements équipés à l'électricité, bien que le gouvernement ait décidé, il y a quelques années, de freiner un développement qui lui paraissait trop rapide et qui éloignait d'une solution moyenne, dont la logique est plus arithmétique que rationnelle: un tiers pour le gaz, un tiers pour le pétrole, un tiers pour l'électricité.
     Aujourd'hui, quelques signes avant-coureurs nous laissent penser qu'on va bientôt redécouvrir les avantages de la solution électrique pour le chauffage; car l'électricité aura le mérite d'échapper aux avatars de l'économie internationale, puisqu'en 1990 quatre-vingt-dix pour cent de la production d'électricité seront d'origine nationale, nucléaire ou hydraulique; et son prix, qui devrait rester stable en valeur réelle et même baisser dans quelques années, sera tout à fait avantageux: le prix du gaz risquant de rejoindre celui du pétrole, et les réseaux de chaleur n'étant rentables que dans des zones où la densité d'occupation est suffisante; c'est bien l'électricité qui est appelée un jour ou l'autre à remplacer massivement le pétrole dans la construction neuve» (conférence de M. Boiteux, 06.04.81).
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     L'évolution du prix de revient du kWh nucléaire en fonction de la durée d'utilisation des centrales n'est pas mentionnée dans les déclarations publiques des dirigeants d'EDF au cours des années 1970; le paramètre pris en compte était le prix de revient de la centrale fonctionnant en base:
     «En ce qui concerne le bon marché, tout d'abord, une centrale nucléaire est équivalente à une centrale thermique qui serait alimentée avec du pétrole dont le prix serait de 0,80 centime la thermie, ce qui doit faire du 85 F la tonne. Actuellement on parle de prix de l'ordre de 130 à 300 F la tonne. Donc, sur le plan de la compétitivité, déjà, le nucléaire est absolument écrasant; il n 'y a pas de problème» (interview de M. Boiteux sur France-Culture, 05.01.74).
     «Enerpresse - Le nucléaire est très lourd en investissements, vous l'avez rappelé au début de cet entretien. Ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu faire moins de nucléaire, de façon plus équilibrée et que si les choix avaient été différents, l'EDF n'en serait pas où elle est aujourd'hui ?»
     Réponse: «Le nucléaire est en effet très lourd en investissements, mais l'électricité qu'il produit est moins chère et l'on doit donc s'y retrouver à terme. Avec l'avantage supplémentaire que l'intérêt économique rejoint d'autres pôles d'intérêts, dont le plus important certainement est qu'il contribue à asseoir l'indépendance énergétique du pays, donc son indépendance tout court.
     Le nucléaire est aussi une excellente source d'énergie de transition entre le passé et l'avenir. Dans un premier temps, les centrales nucléaires vont assurer progressivement l'essentiel des besoins de base à côté des autres sources d'énergie, pétrole et aussi charbon: je rappelle à ce propos que, l'année dernière, l'EDF a brûlé seize millions de tonnes de charbon dans ses centrales, soit 60% de plus de charbon (tonne pour tonne) que le pétrole. Cette marche en base va probablement s'établir jusqu'à la fin de la prochaine décennie. Alors, mais alors seulement, les centrales nucléaires commenceront à sortir de la base pour assumer progressivement les besoins de pointe de la consommation. Certes, le nucléaire est moins souple que le thermique classique, mais il le deviendra de plus en plus. Nous étudions la question de très près, comme on peut bien le penser. Il ne nous permettra probablement pas de faire de la "dentelle au petit point", mais certainement de la "dentelle au gros point"» (interview de M. Chevrier à Enerpresse, 09.02.79).
     «Le dernier point, et non des moindres, qui justifie la mise en œuvre de notre programme nucléaire réside dans le fait que cette énergie est de très loin la source la plus économique pour produire de l'électricité. Pour une centrale qui sera mise en service en 1990, le coût de revient du kWh nucléaire exprimé en francs d'aujourd'hui n'est que de 15 centimes, contre 25 pour le kWh charbon et 45 pour le kWh fuel» (allocution de M. Chevrier, 05.02.80).
     «La poursuite soutenue de ce programme nous permettra d'avoir en 1990 une puissance installée d'environ 65.000 MW nucléaires qui débiteront annuellement sur le réseau 320 TWh, c'est-à-dire l'équivalent de 73 millions de tonnes de pétrole. A cette époque, 73% de l'électricité consommée sera d'origine nucléaire. On mesure l'effort en cours, justifié par un prix de revient économique du kWh nucléaire de 17 centimes, alors que ce prix de revient est de 29 centimes pour les centrales au charbon et 57 centimes pour les centrales au fuel» (article de M. Chevrier dans «Le courrier du Queyras», mai 1981).
suite:
     Plusieurs facteurs expliquent que de telles analyses aient été avancées: le coût du nucléaire a été régulièrement revu en hausse depuis 1970; les perspectives de prix du charbon, au contraire, se fondaient souvent sur des hypothèses de hausses importantes, que la réalité n'a pas confirmées. Le nucléaire pouvait donc apparaître bénéficier d'un net avantage relatif par rapport au charbon, y compris pour des utilisations courtes. Ainsi, les durées d'équilibre nucléaire/charbon ont évolué de la façon suivante depuis 1982[9]:
(en heures)
 
1982
1984
1986
Durée d'équilibre
nucléaire/charbon*
2.200/2.500
3.100
2.600/5.000
* Hors désulfuralion. 
     A quatre ans d'intervalle, les fourchettes sont donc totalement disjointes.
     «Que réserve à Electricité de France l'avenir?»
     Le développement de l'électricité dans le futur se fera essentiellement par les usages thermiques. Dans tous les pays voisins, le chauffage électrique est plus répandu qu'en France. C'est donc que ces pays ont compris que l'électricité, que l'on préfère pour toutes ses commodités, convient pour les usages thermiques parce qu'elle n'est plus trop chère.
     Electricité de France a enfin entrepris depuis quelques années un vaste effort commercial, et singulièrement depuis deux ans, en faveur du chauffage électrique. Cette campagne a connu un large succès auprès du public qui a pris conscience des améliorations du cadre de vie qu'apporte la maison «tout électrique». C'est ainsi que durant le premier semestre de 1972, 40.000 logements ont été commandés «en tout électrique», soit près de 9% du total des logements lancés cette année.
     Ce succès que rencontre l'électricité, en raison de ses qualités spécifiques et de sa propreté a incité l'Etablissement - en accord avec le Gouvernement - à intensifier son équipement nucléaire, à l'instar de ce qui se fait dans beaucoup d'autres pays. Il répond aussi aux préoccupations d'un environnement de qualité car les réacteurs nucléaires, hermétiquement clos, ne sont pas polluants. C'est ainsi que pendant la première moitié de cette décennie, le nucléaire représente en France la moitié de la puissance des centrales en commande avant de prendre, vers 1985, le relais complet du thermique classique.
     Cette double orientation, Electricité de France l'a résumée dans ce slogan: «le tout électrique par le tout nucléaire» (article de M. Delouvrier dans «Le journal d'Anvers», 10.10.72).
     «Je crois utile de dire avec force que notre détermination à augmenter les ventes d'électricité n'a rien à voir avec la considération égoiste des intérêts de l'établissement. Il ne s'agit pas de pousser la consommation pour céder à la mystique - critiquable - de la croissance pour la croissance, ni d'exploiter toutes les techniques du matraquage publicitaire à seule fin de gagner de l'argent. Nous sommes un service public, et c'est dans le cadre de notre mission de service public que nous avons décidé de prendre notre tournant commercial.
     Pourquoi? Essentiellement parce que le seul moyen de limiter à moyen terme la dépendance de la France à l'égard des producteurs de pétrole est de développer l'énergie nucléaire, donc l'électricité puisque c'est par elle qu'il faut passer pour redistribuer l'énergie produite dans les centrales nucléaires; et, à long terme, parce que l'énergie nucléaire, donc l'électricité, est la seule forme d'énergie qui soit à la mesure des énormes besoins de l'avenir. Sur le plan énergétique, il faut donc que l'électricité prenne le plus rapidement possible le relais du pétrole dans la satisfaction des besoins d'énergie de notre pays; et le principal marché où ce développement est à la fois nécessaire et possible est celui des usages thermiques, notamment pour le chauffage des locaux» (allocution de M. Boiteux devant l'amicale des chefs de subdivision, 25.05.73).
p.21
9. Avant 1982, les calculs étaient effectués pour le fonctionnement en base uniquement.
FICHE N°11
La saisonnalité de la courbe de charge d'Electricité de France se renforce

     L'augmentation du parc de logements chauffés à l'électricité a eu pour conséquence un accroissement de la saisonnalité des consommations en basse tension:

Répartition mensuelle de la consommation basse tension

     La courbe de charge de la production d'électricité a en France un caractère saisonnier de plus en plus marqué; elle diffère à ce titre de celles de la plupart des pays comparables. Du fait de la croissance du parc de logements chauffés à l'électricité, cette saisonnalité de la courbe de charge se renforce plus vite en France qu'à l'étranger; elle sera beaucoup plus accentuée en 2000.
     L'augmentation de la capacité du parc de production est en France très supérieure à celle qui est observée dans les pays comparables:

Evolution des puissances installées (en GW)

Pays
1975
1990
Evolution (%)
France
49,2
103
+109
Canada
61,4
104,7
+70
Japon
112,3
190,1
+69
Iyalie
39,1
64,6
+65
USA
517,2
761,8
+47
Suède
22,8
33,1
+45
Belgique
9,9
13,9
+40
Danemark
6,0
8,0
+33
RFA
70,3
92,8
+32
Suisse
43,8
54,7
+25
Pays-Bas
15,0
17,1
+14
Grande-Bretagne
74,4
67,8
-9
(Source: France: OE. autres: AIE)
suite:
FICHE N°13
Le coût du chauffage électrique: l'approche par les coûts marginaux

     Dans le cadre de la théorie marginaliste d'EDF, le prix de revient s'analyse comme le coût marginal économique de la fourniture considérée. Or, de l'aveu même d'EDF, les tarifs domestiques actuels ne reflètent pas les coûts des usagers du chauffage électrique, comme l'indique le tableau ci-dessous:

(en indice; base 100 = refonte tarifaire de 1981)
tarif Vert C
89,8
87,0
91,1
tarif vert B
89,8
87,0
91,1
tarif Vert A
92,2
86,0
90,0
tarif jaune
91,3
86,6
90,0
tarif Bleu:
     
domestique
     
sans chauffage
88,0
86,0
9à?0
avec chauffage
84,6
88,0
92,1
professionnel
101,1
87,0
91,1

     On voit donc que l'ensemble des tarifs se trouve au dessus des coûts marginaux de long terme redéfinis par EDF en novembre 1986, à l'exception des tarifs appliqués aux usagers du chauffage électrique. L'écart pour ces derniers représente 3,9% de la facture annuelle, qui représente une sous-facturation de l'ordre de 1,5 MdF par an.
     Encore faut-il noter que ce calcul ne tient pas compte des péages nécessaires pour assurer l'équilibre des comptes (les recettes provenant d'un tarif au coût marginal pur ne couvriraient en effet pas les charges). Par rapport à un tarif déterminé à partir des coûts marginaux en appliquant des péages uniformes pour toutes les catégories de clientèle, la sous-tarification du chauffage électrique s'élève alors à 8,9% soit 3,4 MdF par an. Ces pertes de recettes renchérissent naturellement la facture des autres usagers, notamment industriels.
     Par ailleurs, l'évaluation même du coût marginal d'une fourniture nécessite de nombreuses hypothèses qui sont autant de facteurs d'incertitudes, tant au niveau de la production (coûts des investissements, prix des combustibles, disponibilités des centrales...) que de la distribution (coûts des ouvrages, précision des relations économiques).
     C'est ainsi que le coût marginal d'un usager 12 kVA équipé du chauffage électrique renchérit de 6,1% par rapport à l'estimation qu'en fait EDF (soit 2,4 MdF par an pour l'ensemble des usagers chauffage électrique) si on fait simultanément les hypothèses suivantes, toutes parfaitement raisonnables:
     - passage du taux d'actualisation de 8 à 9%,
     - diminution de la part des tiers dans le financement des ouvrages (part restant à la charge d'EDF passant de 63 à 65%),
     - augmentation de 10% du coût d'investissement des centrales charbon (en raison de normes de protection de l'environnement plus sévères),
     - exigences plus importantes en matière de tenue des réseaux par grand froid,
     - augmentation des investissements consacrés aux réseaux d'alimentation de la clientèle.
     Si l'on retient les valeurs centrales des fourchettes, une baisse relative des fournitures haute tension par rapport à la basse tension s'avère nécessaire, ainsi qu'à l'intérieur de la basse tension un rééquilibrage au profit des usagers sans chauffage. En maintenant inchangés les tarifs domestiques des usagers sans chauffage, un relèvement relatif (notamment par le biais de l'introduction de tarifs saisonnalisés) des tarifs domestiques avec chauffage de l'ordre de 10% et une baisse relative supérieure à 5% des tarifs industriels seraient justifiés.

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FICHE N°14
Coûts comptables de l'énergie électrique par type de consommateur

     Les coûts comptables de l'énergie électrique pour 1986 sont évalués suivant une approche qui pourrait être qualifiée «d'horizontale».
Méthodologie générale
     Le coût de revient de l'énergie électrique peut être décomposé en un coût de production, un coût de transport et un coût de distribution; il convient alors de rechercher les moyens de production optima correspondant à la consommation du secteur étudié afin d'obtenir un coût moyen de production et d'y associer une estimation des coûts de distribution et de transport. Les coûts de production sont obtenus en superposant sur la courbe des consommations par secteur (pertes comprises) l'empilement des moyens de production.
     Quatre grands secteurs consommateurs ont été retenus: haute tension, moyenne tension, usagers basse tension sans chauffage électrique et usagers basse tension disposant du chauffage électrique.
     La consommation annuelle d'électricité de chacun de ces secteurs a été répartie entre consommations en base et consommations hors base; le niveau de consommation en base étant calculé à partir de la plus faible des puissances mensuelles requises par le secteur considéré. Cette méthode conduit à affecter les moyens de production de base aux consommations de chaque secteur qui n'engendrent pas de pointes.
     Les différents secteurs consommateurs sont ensuite empilés sur la courbe de charge en tenant compte de la «linéarité» de leur appel en puissance sur l'année.
     Cette étude retient une production répartie entre thermique nucléaire, thermique charbon, thermique fuel + divers, hydraulique gravitaire et production due aux pompages.
     La place d'un moyen de production sur la courbe de charge est déterminé par la durée moyenne d'appel sur l'année du moyen considéré. Les moyens sont empilés par durée d'appel décroissante.

     Enfin, sont ajoutés aux coûts de production les coûts de transport et de distribution, fonction du niveau de tension.
     Les parts des différents moyens de production dans les divers secteurs consommateurs figurent dans le tableau ci-dessous (en %):
 
HT
MT
BT sans ch.
BT avec ch.
Hydraulique gravitaire
22,0
19,8
21,1
7,5
Nucléaire
76,6
76,9
77,4
40,5
dont base
66,8
57,4
60,4
21,5
1/2 base
9,7
16,8
17,0
2,2
1/4 base
-
2,7
-
13,7
pointe
-
-
-
3,1
charbon
1,3
2,6
0,8
33,1
fuel + divers
0,1
0,7
0,4
16,0
pompage
-
-
0,3
2,9

     Les résultats finaux figurent dans le tableau suivant, qui indique également les prix moyens de vente en 1986 (par kWh):

secteur consommateur
coût comptable[10]
prix de vente
HT
19
24,55
MT
29
39,74
BT sans chauf. élec.
BT avec chauf. élec.
47
105
} 61,79
p.23

FICHE N°15
La vulnérabilité croissante du réseau

     Le développement du chauffage électrique induit une croissance des besoins de puissance de pointe. EDF évalue cette «responsabilité de puissance» à 4 kW pour 10.000 KWh de consommation de chauffage électrique, soit donc 16 GW pour les 40 TWh actuellement consommés pour le chauffage. Compte tenu des taux d'indisponibilité (fortuite et programmée) retenus pour les équipements de production, cela représente des besoins en équipements installés de l'ordre de 20 GW pour les seuls chauffages électriques intégrés reconnus par EDF. S'y ajoutent les besoins induits par les appareils de chauffage électrique divisé dont le développement des ventes est une retombée de la vulgarisation du chauffage électrique et des campagnes de notoriété diverses faites en faveur de l'électricité par EDF.
     Cet accroissement des besoins de pointe va de pair avec une sensibilité croissante du réseau aux aléas climatiques. En effet, le phénomène classique de foisonnement des usages s'estompe fortement pour les besoins thermiques. II est malheureusement difficile d'en avoir une estimation quantitative précise, en l'absence d'études et de campagnes de mesure significatives réalisées par EDF sur le sujet. Une indication peut toutefois être donnée, à partir du «gradient thermique» c'est-à-dire le supplément de puissance appelée à la suite d'une baisse de 1°C de la température moyenne.
     Ce gradient est passé de 400 MW par degré en 1980 à 1.050 MW par degré en 1987.
     On prévoit des valeurs de 1.500 MW par degré en 1995 et de 2.000 MW par degré en 2000.
     Ce gradient traduit directement la vulnérabilité croissante du système électrique face aux aléas climatiques.

suite:
     En effet, il conviendra - sauf défaillance acceptée - de disposer des moyens de production nécessaires pour faire face à des pointes de froid dont l'expérience des dernières années confirme qu'elles peuvent atteindre couramment un écart de 10 à 15°C par rapport à la normale saisonnière.
     En outre, le réseau de transport et de distribution devra être en mesure de faire face à ces pointes qui nécessitent un surdimensionnement important.
     Or, à l'exception de zones nouvelles où la conception des réseaux a pu prendre en compte ces surcharges potentielles, de nombreux réseaux d'alimentation, notamment en zone urbaine, n'ont pas été prévus pour cela comme en témoignent les incidents survenus ces dernières années à Paris. Il en va de même pour les installations intérieures ("colonnes montantes") de certains immeubles.
     On observe ainsi, à l'image des vieux centres urbains non conçus pour cela et congestionnés par la circulation automobile, des réseaux de distribution inadaptés à faire transiter pendant quelques heures de l'année des surintensités relativement considérables.
     Il faut alors:
· soit renforcer les réseaux de distribution, ce qui passe par des investissements coûteux rangés par l'Etablissement dans la rubrique de l'amélioration de la qualité de service en général,
· soit freiner la croissance des besoins de pointe, par la limitation de la pénétration du chauffage électrique et le développement de dispositifs de contrôle de la charge (écrêteurs de puissance, télécommande, etc.) auxquels globalement EDF se montre défavorable aujourd 'hui.
     Si l'on s'achemine, comme semble le souhaiter l'Etablissement, vers une réponse consistant à renforcer les réseaux sans agir sur la pénétration du chauffage électrique, il conviendra de veiller à répercuter convenablement les surcoûts liés au renforcement de la distribution à ceux des consommateurs qui le rendent nécessaire.
 
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10. Arrondi au centime le plus proche, compte tenu des inévitables approximations des calculs.
FICHE N°16
Les contraintes d'exploitation imposées aux autres usagers par un signal tarifaire modulé et saisonnalisé

     Les tarifs proposés aux usagers domestiques et notamment à ceux dotés d'un chauffage électrique, sont parmi les plus frustes que l'Etablissement propose.
     Les tarifs les plus répandus sont (dans les catégories tarifaires correspondant aux usagers du chauffage électrique: c'est-à-dire 9 kVA et plus).
     - le simple tarif (un seul prix d'énergie) pour 32% des usagers,
     - le double tarif (un prix d'heures creuses et un prix d'heures pleines, sans modulation saisonnière) pour 67% des usagers,
     - le tarif «effacement jour de pointe» (un prix d'heures de pointe à localisation aléatoire, un prix d'heures normales) pour 1%.
     A l'exception symbolique du tarif EJP, on voit que la très grande majorité des usagers domestiques du chauffage électrique bénéfice de tarifs qui ne reflètent pas dans leur structure la très grande modulation intra-annuelle des coûts. Le tarif EJP lui-même donne une image très caricaturale de la variation réelle des coûts dans la mesure où le calage des prix relatifs a été établi:
     a) pour dissuader les clients «effaçables» de consommer pendant les «heures chargées», en majorant fortement les prix à ces périodes;
     b) pour favoriser pendant les «heures normales» l'utilisation de certains équipements de bi-énergie comme la chaudière électrique.
     On peut donc affirmer que la structure actuelle des tarifs domestiques n'induit pas pour les usagers du chauffage électrique un signal les conduisant à adapter leur comportement à la saisonnalité des coûts que leur consommation engendre.
     En revanche, dès 36 kVA (tarif jaune) et, plus encore, à partir de 250 kVA (tarif vert), les tarifs, quels qu'ils soient, présentent toujours des prix de l'énergie modulés selon la période saisonnière. Même si l'on admet que l'application de ces prix, variables au cours de l'année, aboutit à une facture annuelle identique à celle qui correspondrait à un prix uniforme pour un consommateur ayant une courbe d'appel régulière, il n'en reste pas moins que les signaux fortement modulés ainsi délivrés incitent les usagers à modifier leur consommation.
     Cette adaptation, qui implique le plus souvent des contraintes d'exploitation, a théoriquement pour contrepartie une réduction du prix moyen de l'énergie électrique consommée. On peut attendre d'un comportement rationnel des agents économiques que l'adaptation des comportements aux signaux tarifaires ne se fasse pas si le bilan global (économies sur les achats d'énergie diminuées des surcoûts d'exploitation) est effectivement positif.

suite:
     Toutefois, il n'est pas certain que ce genre de calcul soit effectivement mené à son terme et il n'est pas démontré non plus que la totalité des surcoûts (gestion des horaires, contraintes d'utilisation des machines) puisse être convenablement valorisée.
     En tout cas, il ne peut manquer de paraître surprenant que le producteur d'électricité ne fasse porter que par une partie des usagers le poids de signaux tarifaires forts, largement induits par une autre catégorie de consommateurs.
     Les arguments les plus fréquemment avancés pour justifier ce paradoxe sont de deux natures:
     - les tarifs les plus complexes ne sont justifiés que chez les consommateurs importants car ils impliquent des coûts de comptage élevés qui seraient prohibitifs (rapportés aux coûts de l'énergie distribuée) pour les consommateurs domestiques.
     - en dernier ressort, la délivrance d'un signal tarifaire élaboré, n'a de sens que si les usagers ainsi informés sont susceptibles de réagir et donc d'adapter leur consommation à ce signal.
     Ces deux arguments ne sont pas convaincants.
     En premier lieu, la mise en œuvre du comptage électronique, récemment annoncée par EDF, réduit à néant les surcoûts liés à un mode de tarification plus élaboré.
     Deuxièmement, les propres services d'étude d'EDF mettent maintenant en doute la prétendue aptitude des consommateurs industriels à mieux réagir à un signal tarifaire. On débouche en effet sur le problème délicat de la mesure de l'élasticité des consommations aux prix. Rien, en tout état de cause, ne permet de conclure que les consommateurs domestiques sont incapables de réagir à un signal tarifaire modulé: c'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle l'Etablissement a développé les tarifs EJP.
     En résumé, la logique - un peu perverse - de la tarification au coût marginal est bien de faire supporter par l'ensemble des usagers les coûts marginaux induits par les seuls consommateurs en développement. Mais cette logique - convenablement appliquée - ne saurait justifier que l'on exclût de délivrer à ces seuls clients en développement le signal réel correspondant à la modulation saisonnière des coûts qu'ils induisent.
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