La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°100

NUCLEAIRE MILITAIRE

    Parlons un peu militaire. Voici deux textes, un émanant du mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté, l'autre du mouvement russe «Nevada». Il faut faire de la publicité aux deux.
    Celui du MDPL nous rappelle le coût réel du programme militaire. Nous devons oeuvrer pour que ce gâchis s'arrête et marcher enfin résolument sur les pas de la Paix.
    Quant à l'appel des Russes, il vient nous rappeler si besoin était le problème des essais nucléaires et que les peuples doivent oeuvrer eux-mêmes pour obtenir l'arrêt de l'armement nucléaire.
    Alors utilisez, diffusez les deux textes et surtout intervenez si vous êtes d'accord avec leurs demandes.
    A minima sur le problème des missiles, il faut entamer une discussion. Quant à nous, nous sommes résolument contre.


Lettre ouverte aux parlementaires

     En 1987, une loi française de programmation militaire a fixé les dépenses d'armement pour la période 1990-93 à un montant de 474 milliards de francs.
     Ce programme n'est pas la traduction d'une doctrine de défense cohérente. Lors d'un sondage IFOP-IFA de juin 1989, 43% des personnes interrogées considéraient que «procéder au désarmement progressif de toutes les forces nucléaires devrait être l'un des deux premiers objectifs internationaux que la France doit réaliser».
     Déjà nos partenaires européens abandonnent des projets parce que trop coûteux. La programmation militaire française est à proprement parler «impossible», même réduite à 432 milliards de francs
     Quatre programmes au moins ont vu leur coût dériver de façon considérable: le char Leclerc, l'avion Rafale, le missile Hades, le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle. Le rapport de Jean-Michel Boucheron, président de la Commission de la Défense et des Forces Armées, critique l'ampleur des demandes des militaires et du complexe militaro-industriel en chars AMX Leclerc. Or chacun sait que le char n'est pas le nec plus ultra des moyens modernes de combat terrestre et que le missile Hades a une portée qui cible nos voisins allemands.
     A l'occasion du débat budgétaire sur la loi de programmation militaire à la rentrée des Assemblées, le Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté, appelle à un changement de politique en matière de défense et demande aux Députés et Sénateurs de choisir.

     En effet, la France n'a pas les moyens de mener de front la réalisation de tout ce qui est proclamé par ses dirigeants. Il faut choisir:
     - de répondre aux besoins sociaux de l'ensemble des citoyens, en permettant à chacun d'avoir une formation, un emploi, un logement décent,
     - d'inscrire la France dans un contexte international favorable aux initiatives de détente entre l'Est et l'Ouest plutôt que de poursuivre une irréaliste mission de présence armée tous azimuts dans le monde, y compris dans l'Océan Pacifique,
     - d'oeuvrer pour une véritable politique économique capable de réduire progressivement le scandaleux déséquilibre Nord-Sud,
     - de contrôler le complexe militaro-industriel et de l'obliger à exécuter la politique décidée démocratiquement par la Nation.
     Abandonner les programmes Char Leclerc, Porte-avions Charles de Gaulle, missiles S4 (Plateau d'Albion) et Avion Rafale serait un premier pas vers une «disposition de défense» différente, non repliée sur un acquis nucléaire aux antipodes d'une détente internationale qui prend forme, mais au contraire ouverte à une «sécurité commune» en Europe, qui exclue d'emblée tout armement de destruction massive.
     Déjà des voix s'elèvent, dans les milieux dirigeants, pour une remise en question à terme, du concept de dissuasion nucléaire.
     Il faut passer aux actes  nous demandons l'arrêt des programmes ci-dessus nommés et l'arrêt des essais nucléaires français dans le Pacifique.
Congrès du M.D.P.L.
30 septembre-ler octobre 89,
Bourg-en-Bresse
p.29

Appel du mouvement «NEVADA» au Kazakstan
(Union soviétique)

A toutes les instances officielles, ainsi qu'à tous les groupes de travail et mouvements religieux du pays:
     - au Comité Soviétique «Protection de la Paix»
     - au mouvement international «Terre Verte»
     - au comité de l'association internationale «Pour la Survie de l'Humanité»
     - aux membres du mouvement pour l'arrêt des essais dans l'Etat du Nevada (USA)

     A l'intention de l'UNESCO et autres pour prise de connaissance.

     Frères et soeurs,
     Les 12 et 17 février 1989 un nuage radioactif s'est formé à la suite des deux essais nucléaires à Semipalatinsk (Kazakstan, URSS).
     Nous ne pouvons nous taire plus longtemps. Depuis plus de 40 ans, on effectue des essais nucléaires dans notre sous-sol. Ce ne sont pas seulement les habitants de Semipalatinsk qui en souffrent. L'immense terrain d'essai se trouve au centre de notre république. Personne sur terre n'est sans doute concerné d'aussi près par une telle radiation que les habitants de l'état multi-ethnique du Kazakstan. La durée moyenne de vie a diminué de près de 4 ans en l'espace de 10 ans. Le nombre de malades et de décès dépasse de loin le chiffre des naissances. L'un des facteurs essentiels de l'extinction de notre population est l'effet des radiations. Personne n'est épargné, sans distinction de nationalité, d'âge, ou de religion. Chaque essai nucléaire dans la zone de Semipalatinsk peut conduire à une catastrophe plus grave que celle de Tchernobyl.
Nous n'avons pas le droit d'attendre patiemment la fin de notre monde. Nous avons l'habitude de lutter pour la paix dans le monde. A présent nous avons compris que chacun est appelé à lutter pour la paix chez soi. Nous avons fondé le mouvement «Nevada».
     Nos revendications sont les suivantes:
     1) Le terrain d'essai du Kazakstan doit être fermé.
     2) Toutes les installations de fabrication de matériel nucléaire destiné à l'usage militaire doivent être reconverties vers la réparation des dégâts occasionnés aux humains et à la nature.
     3) Une administration publique de contrôle doit être chargée de veiller sur les déchets nucléaires enfouis sous terre.
     4) Il faut commencer à établir une carte écologique du Kazakstan et d'autres républiques dans le but de déterminer les territoires «morts», pour empêcher qu'on y cultive et commercialise des productions agricoles à usage alimentaire. Par la suite, il faudrait tenter de décontaminer ces zones. Mais toute culture et tout élevage devrait être interdit immédiatement.
     5) Le gouvernement de l'Union Soviétique doit lever le secret et publier le nombre des victimes des essais nucléaires dans notre pays.
     Nous avons nommé notre mouvement «Nevada» dans l'espoir de pouvoir unir nos forces avec celles des personnes qui luttent contre les essais nucléaires aux Etats-Unis.
Puissent ces personnes donner à leur mouvement le nom de Semipalatinsk, ou alors le nom de notre pays, le Kazakstan.

suite:
     Il y a beaucoup de villes jumelées dans le monde. Puissent nos deux régions gravement atteintes conclure un accord de jumelage entre la région de Semipalatinsk (Kazakstan) et l'état de Nevada.
     Notre objectif prioritaire est la lutte contre la fabrication et les essais d'armes atomiques sur le territoire de l'Union Soviétique. L'indécision de notre opinion publique est sans doute liée avec le rejet du moratoire annoncé par M. Gorbatchev en 1986. Ce moratoire fut considéré par l'Ouest comme un simple coup médiatique politique du nouveau secrétaire général.
     Nous nous adressons au gouvernement de l'Union Soviétique. Cet état a fait les premiers pas en direction du désarmement  destruction d'un type de missiles, début de réduction des troupes conventionnelles et le nombre de leurs armes. L'élan dans cette direction pourrait être poursuivi par un démantèlement de la production et de l'essai des armes atomiques les plus modernes.
     L'opinion publique s'est renforcée et est devenue puissante grâce à la démocratisation. Nous sommes concernés par tout ce qui se passe sur notre sol. Le climat politique peut changer.
     Notre mission est de contribuer à ce changement et d'instaurer un climat qui soit bénéfique pour les humains. Ce n'est qu'en unissant nos forces que nous pourrons nous entraider, dans une lutte difficile pour la survie de notre monde - encore vert.
     Le mouvement international, les opposants au nucléaire aux Etats -Unis, en France, en Grande-Bretagne et en Chine influenceront les gouvernements des puissances nucléaires de signer enfin le traité pour l'interdiction totale des essais nucléaires. Voilà quel est notre premier objectif.
     Le second arriver à des accords sur l'interdiction de la production et de la modernisation d'armes atomiques et sur des solutions internationales des problèmes de la gestion des déchets nucléaires.
     Nous nous approchons de la fin du XXe siècle très menaçant. Puisse sa fin ne pas coïncider avec la fin de l'humanité. Puisse le sort des millions d'humains ne pas dépendre uniquement de décisions prises dans les cabinets ministériels.
     Nous opposons aux explosions nucléaires l'explosion de l'indignation de la préoccupation et de l'espérance humaine.
     Nous adressons cet appel à s'unir à tous les mouvements et à tous les individus qui s'intéressent aux objectifs de notre mouvement.
     Nous attendons des propositions d'actions communes.
Mouvement NEVADA
(traduction de l'allemand par Solange Fernex,
Les Verts au Parlement Européen)
     Cet appel a été rédigé par O. Sulejmenov et adopté à l'unanimité par les participants à la première réunion du comité d'organisation du mouvement «Nevada» le 28/02/89 dans la ville d'Alta-Ata (Kazakstan, URSS). L'écrivain O. Sulejmenov a été élu président du mouvement «Nevada».
     Adresse: Alma-Ata, Prospekt Kommunistitscheski 105, Association des Ecrivains du Kazakstan.
p.30

Les essais nucléaires dans le monde
état fin 1989

Estimation du nombre d'essais nucléaires depuis le 16 juillet 1945
Etats-Unis (au 20-11-89): 919
URSS (au 20-11-89): 643
France (au 31-12-89): 180
Grande-Bretagne (au 31-12-89): 41
Chine (au 31-12-89): 31
Inde (au 31-12-89) :1

Essais nucléaires effectués du 1-1-89 au 28-11-89
Etats-Unis : 9
France : 8
URSS: 7

Essais nucléaires français en 1989
12-5-89 - Moruroa (15 kt)
24-5-89 - Moruroa (2 kt)
03-6-89 - Moruroa (20 kt)
11-6-89 - Fangataufa (70 kt)
24-10-89 - Moruroa (25 kt)
31-10-89 - Moruroa (20 kt)
21-I 1-89 - Moruroa (30 kt)
28-11-89 - Fangataufa (90 kt)

Les Etats du «seuil nucléaire»
     Plusieurs Etats ont pratiquement acquis la capacité de fabriquer l'arme nucléaire, ce sont les Etats du «seuil nucléaire».
     Israël dispose probablement de têtes nucléaires mais aussi de missiles balistiques pour les lancers: ce sont les missiles Jéricho I, de 650 km de portée et construits dans les années 60 grâce à des technologies françaises et Jéricho II, de 1.300 km de portée, construits grâce à des technologies américaines acquises en violation du règlement des exportations des Etats-Unis. Un essai du Jéricho II a été effectué en Méditerranée le 14 septembre 1989.
     Le Pakistan, l'Afrique du Sud, le Brésil et l'Argentine disposent aussi à des niveaux divers des capacités de construire l'arme nucléaire. Ces Etats exigent des cinq puissances nucléaires qu'elles cessent les essais et affirment qu'en contrepartie ils adhéreront au traité de non-prolifération nucléaire.

Origine: Stop Essais. Pour de plus amples détails sur les campagnes contre les essais : Marc Seve - (1) 39.95.68.28 et Marie-Pierre Bovy, Bonnecombe, 12120 Comps- Lagranville.

INFORMATIONS Resosol COMPLEMENTAIRES
suite:
Les réacteurs français rejettent beaucoup plus d'effluents radioactifs que les réacteurs allemands ou japonais

     Au cours d'un forum d'experts en sûreté qui s'est tenu à Bonn en octobre 1989, les rejets des centrales ont été examinés. D'après ce qu'en rapporte Nucleonics Week du 26 octobre 1989:
     «Wolfgang Thomas, un expert en rejets de la Gesellschaft für Reaktorsicherheit (GRS), déclara qu'en dépit d'un accroissement d'un facteur quatre de l'énergie nucléaire produite en Allemagne, la quantité totale des produits à courte durée de vie, gaz nobles, aérosols, et iode 131, rejetés annuellement par les réacteurs, a été diminuée de 15 à 25% par rapport aux niveaux de 1978. Cette amélioration, d'après Thomas, est due à des améliorations fondamentales dans la gestion des réacteurs et à des innovations techniques telles que de meilleurs filtres à iode et une augmentation du nombre des circuits de filtration du carbone 14 pour l'eau de refroidissement, sur les installations les plus récentes.
      «Les réacteurs allemands ont émis entre 1984 et 1988, 1.300 Becquerels par kilowatt-heure (Bq/kwh), les réacteurs japonais 77 Bq/kWh, les réacteurs français 9.200 Bq/kWh et les réacteurs suédois 3.900 Bq/kWh. Les données américaines disponibles indiquent des émissions de 57.000 Bq/kWh entre 1980 et 1982.
     «Les résultats américains, d'après Thomas, pourraient être le reflet de la conception des premiers réacteurs américains, tandis que les bons résultats des installations japonaises seraient le résultat d'une gestion de qualité supérieure.
     «Une comparaison internationale des émissions de tritium dans l'eau de refroidissement montre que les réacteurs allemands sont au niveau le plus bas avec 1.560 Bq/kWh comparés aux réacteurs japonais avec 2.300 Bq/kWh, les réacteurs américains avec 2.800 Bq/kWh et les réacteurs français et suédois avec 3.000 Bq/kWh. Pour les aérosols, l'Allemagne et le Japon ont les meilleurs résultats avec de 0,004 à 0,003 Bq/kWh, suivis par la France avec 0,05 Bq/kWh, les Etats-Unis avec 0,07 Bq/kWh et la Suède avec 0,12 Bq/kWh».

     Commentaire: en terme de rejets radioactifs, si on accepte ces chiffres, les réacteurs français seraient 7 fois plus mauvais que les réacteurs allemands pour l'ensemble des émissions, 2 fois plus mauvais pour le tritium et 17 fois plus mauvais pour les aérosols.
     Il serait donc possible de réduire notablement les rejets des centrales françaises. Encore faudrait-il que cette exigence soit concrètement exprimée dans les arrêtés d'autorisation des rejets radioactifs.
     La réduction de rejets, si elle est techniquement possible, augmente les coûts d'exploitation. Le «bon marché» de l'énergie nucléaire française tient à des raisons simples:
     1) laxisme des autorités sanitaires en ce qui concerne les rejets et la gestion des déchets,
     2) laxisme des autorités de tutelle en ce qui concerne le strict respect des règles de sûreté.
     En refusant d'aligner les normes de rejets françaises sur les normes allemandes, les autorités responsables en principe de la santé publique, défendent en réalité les intérêts économiques de l'EDF.

p.31

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