Le gouvernement a pris la décision
de fermer Superphénix. Depuis cette annonce, le débat grandit
et c'est positif.
Les agents EDF-GDF ont, comme toute la population, des avis très partagés sur le sujet et expriment le besoin de confronter leurs positions. Cette richesse est largement occultée car au sein d'EDF-GDF, le tout-nucléaire s'est toujours voulu une idéologie incontestable. Les interrogations sur le bien fondé économique, écologique et politique de ce choix n'ont jamais été tolérés. Les agents font l'objet d'une propagande intense et la liberté d'expression sur le sujet y est plus que réduite. Ce monolithisme de pensée s'appuie sur des pratiques de management très autoritaires, largement fondées sur le goût du mensonge, du secret et la propension forte à mépriser tout contradicteur. Le débat sur la politique énergétique n'a jamais eu lieu de façon démocratique dans le pays et la direction d'EDF n'en veut pas. Les pratiques qui en découlent, monopole de l'expertise, lobbying intense, contournement des autorités politiques, gaspillages insensés sont indignes d'une entreprise publique. Un amalgame est fait entre service public et lobby du nucléaire. Il menace gravement la relation de confiance entre EDF et ses usagers, qui risque d'entendre défense d'un lobby nucléaire quand nous appelons à la défense du service public. Pour nous, le service public se définit par ses missions et par la participation des citoyens aux choix qui engagent l'avenir, il ne peut être réduit à un choix technologique. Faute d'opérer cette distinction, il devient impossible de promouvoir une conception renouvelée du service public. Qu'en est-il alors de la construction d'un service public européen? Qu'en est-il de la mise en oeuvre d'une véritable politique publique de l'énergie? La bataille pour le service public (plus que jamais nécessaire dans un environnement déstabilisé par les dérégulations libérales) et la question du nucléaire se situent à deux niveaux différents. La négociation d'une directive européenne sur le gaz et la transposition en droit français de la directive européenne sur l'électricité, les politiques d'ouverture du capital des entreprises publiques et les offensives des libéraux contraignent les partisans du service public à se mobiliser tous ensemble sans se tromper d'objectifs. (suite)
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Pour mener à bien ces mobilisations nous devrons nous tourner vers l'opinion publique, encore faut-il accepter que le débat ne soit pas clos avant de l'avoir ouvert. D'ores et déjà nous nous prononçons pour: - le démantèlement de Superphénix et la mise en place d'une politique de reconversion pour les salariés dont l'emploi est de ce fait menacé, - une totale indépendance de l'expertise scientifique et du contrôle de la sécurité, - la transparence des coûts; - la transformation radicale des conditions de travail des salariés précaires du nucléaire et leur embauche statutaire; - l'arrêt de la gestion managériale des sites nucléaires par les coûts, cause essentielle de l'augmentation constante des incidents; - la remise en question des conditions faites aux producteurs indépendants, qui s'assurent des profits enviables grâce à l'obligation de rachat par EDF de leur énergie à des tarifs prohibitifs... rachat financé par les usagers ! - une politique enfin ambitieuse de recherche/développement sur les sources d'énergie nouvelles et les déchets nucléaires, prenant en compte la nécessité de préserver les ressources de la planète à long terme. Nous, militants syndicalistes de la CGT, CFDT, FO, SUD Énergie, CNT Énergie, et agents d 'EDF-GDF, exigeons l'ouverture d'un débat public sur la politique énergétique des prochaines années et la possibilité pour chacun d'y prendre part à égalité de droits et de moyens. Nous invitons toutes celles et tous ceux qui sont intéressés par la démarche de cet appel à nous contacter dans le but de débattre et d'organiser prochainement une initiative publique. Contacts: Ciesielski 02.35.56.91.89, Cochin 01.46.45.44.92, Tarall 01.49.32.75.98. p.25
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Un de nos lecteurs nous a envoyé les
statistiques de centrales aux USA, nous faisant remarquer que le programme
américain ne s'est pas vraiment arrêté en 1973.
C'est exact, ce que Variétés 4 qualifie de déclin dès 1973 est une vision a posteriori. De fait le nombre de réacteurs a cru de 1957 à 1989 avec un arrêt en 1979 (Three Mile Island) et un 2ème coup d'arrêt en 1987 mais les annulations avaient commencé dès 1970, le pic étant en 1980 (20, toujours TMI). Comme l'indiquent R.& B. Belbéoch dans "Il faut sortir de l'impasse nucléaire ": |
"- Tous les réacteurs actuellement
en fonctionnement (et celui qui est encore en travaux) ont été
commandés avant 1974.
- Toutes les commandes passées entre 1974 et 1978 ont été annulées, aucune commande n'a été passée après 1978. Au total, 138 commandes ont été annulées (38 Bouillant, 91 REP, 8 Haute Température, 1 RNR). Sur ces 138 annulations, 36 ont concerné des réacteurs en cours de travaux". Voici le nombre de réacteurs américains (liste envoyée par notre lecteur girondin): début p.26
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année 76
77 78 79 80
81 82 83 84
85 86 87 88
89 90 91 92
93 94
nbre réact 61 65 70
68 70 74 77
80 86 95 100
107 108 110 111 111 109 109 109
Monique, dans son dernier édito, nous
trouve bien optimistes d'affirmer que l'on peut sortir du nucléaire
beaucoup plus rapidement que ce que les plus optimistes admettent habituellement.
Je crois que cette lecture de notre texte n'est pas tout à fait
correcte.
Notre analyse n'est ni optimiste ni pessimiste, elle indique tout simplement une possibilité technologique. C'est la lecture qu'on en fait qui est optimiste ou foncièrement pessimiste. Qu'y a-t-il dans ce texte publié en supplément au bulletin n°76 (avril-juin 1997) du comité Stop-Nogent, souvent cité, rarement analysé, parfois nous faisant dire le contraire de ce qu'on a écrit, ou dénaturé comme dans la revue Silence et le bulletin 477 de Wise? Quels sont les faits que nous apportons au dossier de l'énergie nucléaire? 1 - Un accident nucléaire grave est possible. Cela est officiellement reconnu par les responsables internationaux et nationaux. Nous citons des extraits de leurs textes. Il ne s'agit pas là de fantasmes paranoïaques mais d'une réelle possibilité qui les préoccupe (comme le montre la décision de distribution des comprimés d'iode autour des centrales françaises) alors qu'elle laisse assez indifférents les écolos. 2 - Le nucléaire étant reconnu comme potentiellement redoutable, peut-on s'en passer? Que veut dire ce "Peut-on s'en passer?". Le sens que nous avons pris est le premier qui vient à l'esprit : est-il possible de nous passer du nucléaire rapidement avec les moyens techniques dont nous disposons ? Avons-nous les équipements technologiques opérationnels pour remplacer les réacteurs nucléaire ? Faudrait-il réduire massivement notre consommation électrique (éclairage, chauffage, frigidaires, congélateurs, ascenseurs, industries et mise en chômage etc.) avant de mettre à l'arrêt les réacteurs nucléaires, problème bien résumé par la publicité EDF "le nucléaire ou la bougie"? Nous avons analysé dans notre texte les capacités existantes à EDF, Charbonnages de France et au plan national de la production d'électricité hors nucléaire. Il s'agit de l'hydraulique et des énergies fossiles charbon et fioul (aujourd'hui le gaz est malheureusement très peu présent en France). - L'hydraulique n'est pas utilisée au maximum de ses capacités et est considérée par EDF comme un appoint. N'ayant pu obtenir de précisions fiables nous avons utilisé les chiffres officiels EDF dans le scénario de sortie. Le développement de l'hydraulique (énergie gratuite non polluante) par de nouvelles installations soulèverait vraisemblablement les foudres écologistes. (suite)
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- Le bilan est simple et évident quand on se réfère aux données EDF: la capacité existante de production d'électricité à partir du charbon et du fioul est très importante. Ces capacités ne sont pas exploitées pour laisser place au nucléaire qui, lui, est utilisé en base. L'utilisation à pleine capacité des combustibles fossiles et de l'hydraulique, l'arrêt des exportations d'électricité et de l'autoconsommation du nucléaire, permettraient, sans avoir à construire quoi que ce soit ni à modifier notre consommation d'électricité, de mettre à l'arrêt immédiat 70% du parc électronucléaire français. Pour les 30% restants de nouvelles installations à base de combustibles fossiles seraient nécessaires. Mais attention, alors qu'EDF a mis au point des techniques "charbon propre" il y a à l'intérieur d'EDF des nucléocrates qui veillent au grain et la fermeture de centrales à charbon et au fioul est envisagée puisqu'on est en surcapacité avec la mise en route des deux réacteurs 1.450 MWé de Chooz et ceux prévus de Civaux. Ce démantèlement rendrait bien sûr l'arrêt rapide de l'énergie nucléaire techniquement impossible. Si nous ne réagissons pas c'est ce qui risque de se passer et nous en serons responsables. 3 - Puisque cet arrêt est possible techniquement et rapidement il n'est donc pas nécessaire, pour supprimer 70% du parc, de mettre des préalables quelconques qu'il s'agisse de maîtrise de l'énergie (il faut d'ailleurs préciser que cette maîtrise de l'énergie n'a de sens pour le bilan électrique que s'il s'agit d'une réduction de la consommation d'électricité), ou du développement d'énergies renouvelables non polluantes. 4 - Étant donnée la place prise par ces énergies dans le discours écologiste et antinucléaire nous avons regardé leurs possibilités réelles de remplacement du nucléaire dans un scénario de sortie rapide. Ainsi ce qui nous a intéressés ce n'est pas le coût de production de ces énergies mais leurs capacités de production. Les données quantitatives incluant l'efficacité réelle, aussi bien celles des officiels que celles des écologistes, sont très superficielles, voire inexploitables. Nous avons chiffré les possibilités réelles actuelles de ces énergies concernant la production électrique et cela n'a pas plu car cette production est ridicule face au monstre technologique nucléaire. fin p.26
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Nous en avons conclu que si l'on veut sortir
vite du nucléaire on ne pouvait échapper en France à
l'utilisation du charbon, du fioul (en plus de l'hydraulique). Ce que les
promoteurs des énergies renouvelables attendent actuellement ce
n'est pas tellement une amélioration drastique de leurs performances
mais une diminution considérable de leur coût de production.
En somme, attendons une percée technologique de nos "savants" pour
abaisser les coûts et obliger EDF à capituler au nom de l'économie
de marché.
De quelles énergies s'agit-il? Il s'agit essentiellement du vent et du soleil. Le bois n'est guère favorable pour les zones urbaines dans une France urbanisée à 75%. La géothermie a disparu, d'ailleurs elle n'a jamais été considérée comme source possible d'électricité. Les centrales au fil de l'eau, très prisées il y a une quinzaine d'années, sont en disparition alors qu'elles ont certainement une capacité importante (mais il ne faut pas heurter les pêcheurs?). Quelles sont les limitations ? Ce n'est pas en baissant le coût des piles photovoltaïques qu'on aura du courant la nuit ou par temps couvert. Les éoliennes sans vent (ou par vent trop violent) sont éteintes. Et s'il n'y a pas de réseau électrique par énergies non renouvelables pour assurer la permanence de l'installation électrique, il ne faut pas oublier le stockage de l'électricité (plomb, cadmium et autres produits polluants). Ainsi préconiser l'autonomie électrique des villes en remplaçant les toitures par des tuiles photovoltaïques (voir la revue Silence) en oubliant de mentionner qu'il faudrait bourrer les caves de batteries cela ne relève-t-il pas d'un fantasme? On arrive ainsi à ce paradoxe, certains antinucléaires convaincus refusent dans les faits l'arrêt des réacteurs nucléaires qui les angoissent à juste titre, si pour cela il faut faire fonctionner au maximum les centrales à charbon et à fioul existantes. En somme, mais cela n'est pas dit, le charbon et le fioul seraient infiniment plus dangereux qu'un accident majeur sur un (ou plusieurs) de nos réacteurs nucléaires. On ne comprend plus très bien le sens du mot " antinucléaire ". (suite)
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Il y a évidemment un problème de consommation d'énergie (et d'énergie électrique) pour notre société. La façon dont nous vivons ne peut pas être éternelle ni extensible au monde entier et il est urgent de résoudre ce problème. Mais ce n'est pas en cultivant des fantasmes qu'on y arrivera. En faisant croire que les énergies renouvelables sont capables de remplacer les énergies polluantes que nous consommons massivement sans rien changer à notre mode de vie et sans polluer. C'est une absurdité qui ne sert qu'à empêcher de réfléchir à notre mode de vie. En résumé
début p.27 |
Je lis avec intérêt l'article
de Georges Charpak sur "
l'énergie nucléaire sans mythes."
(le Monde du 4-12-97).
Cet article est très critiquable: 1) Si Mr Charpak ne veut pas être qualifié de calomniateur, il doit nommer "les groupes sectaires " opposés au nucléaire. il en résulterait une polémique très utile à l'établissement de la vérité. "Le Monde" pourrait-il ouvrir ses colonnes à une polémique concernant le nucléaire? 2) Mr Charpak décide que dans une vingtaine d'années, il faudra remplacer une grande partie des centrales nucléaires. Et si l'opinion publique refuse ce remplacement? Que prévoit à ce sujet le lobby nucléaire (par exemple la COGEMA qui connaît Mr Charpak)? 3) Mr Charpak décide qu'"il n'y a pas de sources d'énergie totalement crédibles et innocentes.". Il cite à ce sujet seulement l'hydroélectricité et le charbon. Pourquoi oublie-t-il notamment l'éolien et le solaire? Ces deux énergies sont-elles également ni crédibles, ni innocentes? Si l'on admet une classification des énergies, n'est-il pas admissible de préférer les énergies les plus crédibles et innocentes que l'énergie nucléaire dont Mr Charpak ne nous avoue pas qu'elle est artificielle et que ses déchets radioactifs et chimiques empoisonnent l'humanité pour l'éternité? 4) Qu'est-ce qui autorise Mr Charpak à avancer sans les expliquer "les raisons de la confiance des ingénieurs du nucléaire quant à la répétition" d'accidents comme celui de Tchernobyl? Comme si Tchernobyl, malgré sa gravité extrême, avait été le seul accident nucléaire subi ou provoqué survenu dans le monde... en commençant par Hiroshima et Nagasaki! 5) Mr Charpak juge qu'il faut "mettre à leur juste place certaines alarmes [ qu'il ne précise pas] propagées à grand renfort de tam-tam médiatique à chaque incident lié à l'industrie nucléaire avec le seul souci de faire du sensationnel". Franchement, est-ce que ces "incidents" nucléaires qui sont souvent des accidents sinon des catastrophes, ne sont pas ressentis profondément, sans grandiloquence, par la majorité des peuples comme une menace, une atteinte contre lesquelles elle ne peut rien faire. (suite)
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6) Que la radioactivité naturelle existe partout n'excuse pas du tout que les pronucléaires se soient arrogé le droit d'ajouter les effets dangereux et néfastes de la radioactivité artificielle (du temps où existait seule la radioactivité naturelle, personne n'a pensé ou suggéré de créer des organismes de protection contre les rayonnements ionisants). 7) Trois millions de morts par an dus au tabac, ce n'est pas rien: pourquoi ne pas interdire la fabrication du tabac, qui est une drogue? Mais, c'est le fumeur qui l'achète, tandis que le nucléaire lui est imposé. et pourquoi ne pas choisir des pots d'échappement de voitures qui ne causent pas 400.000 morts par année, ou d'autres modes de transport moins ou pas polluants? 8) Au sujet des cas de leucémies autour de la Hague, 27 cas observées contre 22,8 donc 23 attendus, indiquent absolument un excès de ces cas de leucémies. Mr Charpak ne sait-il pas compter jusqu'à 27? 9) Mr Charpak désigne comme vrais problèmes: le coût de l'énergie sur une longue période, la sécurité de l'approvisionnement, la sécurité pour la population [qu'il suppose assurée], l'effet de serre global sur une longue durée". Il oublie évidemment la pollution immédiate radioactive, chimique et thermique. Quant au long terme pour le chimique et le radioactif il oublie une pollution que les hommes ne pourront jamais que partiellement annuler. Le "tam-tam" orchestré à propos du danger, réel, de l'effet de serre ne sert-il pas à préparer l'opinion vulgaire au renouvellement des centrales nucléaires, qui ne sera certainement pas fait à prix coûtant, expliqué, discuté et publié dans toute la presse? Quant donc les hommes politiques, économiques, nucléaires, médiatiques, - même dans les États démocratiques -, accorderont-ils aux antinucléaires des moyens d'expression égaux à ceux qu'ils réservent aux pronucléaires? fin p.27
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Dans son numéro 159/160, la Gazette Nucléaire publie une critique du livre: Feux Follets et Champignons Nucléaires (Odile Jacob, 1997) de ces deux auteurs où le premier est taxé de professer la "la confusion ordinaire et la mauvaise foi " des croyants pronucléaires. L'article termine en dénonçant "l'arrogance dérisoire d'un mandarin qui a réussi dans un pays qui ne sait pas cantonner ce genre de personnage à son domaine". Je supporte mal les attaques ad hominem, et encore moins l'éloge d'un pays qui saurait cantonner qui que ce soit dans "son" domaine. Nous savons bien où nous mènent les décideurs qui s'appuient sur les seuls experts. Seuls les débats entre experts et non-experts peuvent apporter des idées nouvelles, et bien souvent ce sont ces derniers, les étrangers au domaine, qui posent les questions différentes et ouvrent les perspectives les plus fraîches. Georges Charpak n'est pas un expert du fonctionnement de réacteurs nucléaires, mais il s'est mis au courant, suffisamment pour l'expliquer en termes clairs et précis. Richard Garwin, lui, est un expert en armes nucléaires, il lutte pourtant depuis plus de vingt ans pour leur limitation, et maintenant pour leur destruction totale. Charpak et lui ne sont pas d'accord sur le problème du retraitement des déchets nucléaires. Comme dirait Sempé, le merveilleux illustrateur de leur livre: rien n'est simple. Je voudrais dire pourquoi ce livre -malgré certaines contradictions- m'a plu: c'est un livre passionné, certes, mais aussi passionnant. D'abord par le nombre d'informations qu'il contient, et qu'il transmet au lecteur sous forme souvent pédagogique: par exemple, la description du fonctionnement des différents types de réacteurs, allant jusqu'à celui proposé par Carlo Rubbia (un autre physicien qui s'est éloigné de son ancien domaine d'expertise et s'est rapidement mis au courant du nouveau) pour incinérer les déchets nucléaires à l'aide d'accélérateurs. La manière d'aborder le problème des faibles doses de rayonnement est un autre exemple: c'est celle d'un physicien, et elle est pour moi plus facile à comprendre pour un que celle d'un biologiste. La contestation de l'existence d'un seuil absolu d'immunité aux rayonnements qui en découle me paraît plus raisonnable et conforme au principe de précaution que l'hypothèse adverse, celle du seuil, adoptée entre autres biologistes et médecins par le Pr Tubiana (co-président avec Charpak de la célébration du Centenaire de la Radioactivité, rien n'est simple), pour justifier scientifiquement le choix socio économique des normes, la définition du risque socialement acceptable. Ensuite par le fait que ce livre nous donne de longs extraits de documents qui jouèrent un rôle d'information important. L'on sait que l'une des meilleures descriptions de l'accident de Tchernobyl est celle vue de l'intérieur par l'ingénieur G. Medvedev, dans son livre "La Vérité sur Tchernobyl " (tr. française Albin Michel, 1990): les pages qu'en a extraites Charpak sont bouleversantes. La manière dont certains minimisèrent les conséquences de la catastrophe est aussi signalée, par la manipulation des données de contamination des pays (on présente des moyennes par mètre carré, la Suisse apparaissant alors plus contaminée que 1'URSS, la France moins que Chypre, etc), et par le mensonge (les déclarations de M. Rosen et de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique de Vienne en 1991 suivant lesquelles: "il n'y a aucun désordre de santé que l'on puisse attribuer à l'exposition aux radiations...", alors que l'augmentation des cancers de la thyroïde des enfants biélorusses, montrée sur un graphique, laissait peu de doutes). Enfin le chiffre de 30 000 morts avancés par Charpak, soumis à caution comme tous ceux que l'on tente d'estimer, n'est pas particulièrement de mauvaise foi. Dans la partie consacrée à la course aux armements, dont Garwin fut l'un des auteurs avant d'en devenir l'un des principaux adversaires, le document reproduit dans le livre est le fameux article qu'il signa en 1984 avec deux prix Nobel (également hors domaine, en ce qui concerne les lasers), Hans Bethe et Henry Kendall, et un autre physicien de hautes énergies, Kurt Gottfried, où ces quatre auteurs démontrent que la motivation officielle de la Guerre des Étoiles que voulait mener le Président Reagan (entourer les États Unis d'un bouclier spatial impénétrable aux fusées nucléaires soviétiques) était simplement indéfendable, car techniquement irréalisable avec les moyens actuels, et au cas où elle serait mise en œuvre, après de coûteuses et longues recherches, très facilement contournable pour un coût dérisoire face aux milliards de dollars engagés dans cette nouvelle ligne Maginot. Ce document a joué un rôle important pour tous ceux qui s'engagèrent dans le combat pour le désarmement nucléaire. (suite)
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Enfin, et ce n'est pas fréquent dans ce genre de littérature, l'humour n'est pas absent: les dessins de Sempé y sont pour beaucoup, et le fait de citer l'un des merveilleux contes d'Arkady Averchenko illustrant la faille de toute recherche militaire, et s'appliquant tout particulièrement à la Guerre des Étoiles est rafraîchissant, surtout quand on pense qu'il a été écrit en 1919! En conclusion, même si parfois l'auteur se contredit d'une page à l'autre (par exemple, Greenpeace est vilipendé pour son action à La Hague, et mis plus loin au côté d'organisations aussi respectables que les Conférences Pughwash et la Fédération des Scientifiques Américains, toutes susceptibles de nous aider à créer un monde sans armes nucléaires), même s'il affirme que les enquêtes épidémiologiques autour de La Hague n'ont rien donné, alors qu'elles sont en plein développement, même si l'on peut très bien ne pas partager son optimisme technologique, basé au fond sur l'espoir qu'ouvrir les débats entre scientifiques permettra à la raison de sortir triomphante -condition nécessaire à mon avis, mais en aucun cas suffisante, l'histoire nous en a donné les preuves surabondantes-, malgré tout, je considère ce livre comme important pour tout ceux qui cherchent à construire un futur meilleur pour leur planète et ses habitants. Et que l'action des scientifiques ne soit pas toujours négative ou nulle, l'action du groupe Pughwash le prouve: les scientifiques et les politiques qui y travaillèrent obtinrent l'arrêt des explosions nucléaires dans l'atmosphère responsables d'une impressionnante radioactivité montrée justement dans ce livre, qui célèbre le travail de cette organisation, couronné par le Prix Nobel de la Paix 1995 partagé avec l'unique survivant des fondateurs, le toujours actif Joseph Rotblat. Parmi l'ensemble des pays du monde, je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup comme la France où la plupart des médias, en donnant la nouvelle, n'hésitèrent pas à présenter les membres du groupe comme des pacifistes bêlants et des espions du KGB, reprenant l'opinion de l'ineffable Pierre Lellouche, l'un des faucons les plus exaltés de ce pays. C'est vrai que notre pays ne s'est pas particulièrement distingué dans la lutte contre les armements nucléaires et pour un contrôle démocratique et public de la politique énergétique et de l'industrie électro-nucléaire. Si ce livre donne, comme je le pense, des éléments pour continuer cette lutte, il serait stupide de s'en priver. COMMENTAIRE
p.28 |
*Le Plutonium est une matière source
d'explosions nucléaires: rien qu'avec 8 kg de plutonium, l'on peut
faire une bombe: ce plutonium a anéanti en un instant 70.000 vies
humaines à Nagasaki;
*Le Plutonium est une matière très nocive : rien qu'un seul gramme de plutonium peut être la source d'un cancer du poumon sur plusieurs milliers de personnes humaines. Même après 24.000 ans (Pu 239), sa nocivité ne se réduit que de moitié. * Il y a 50 ans, on nous a raconté ce "RÊVE" que parallèlement à son exploitation pour les bombes nucléaires, on pourrait utiliser le plutonium à des fins commerciales civiles. Les États-Unis tout d'abord et quelques autres pays ensuite se mirent ainsi à exploiter le plutonium. Et voilà que cela donne maintenant au Japon le programme-discours suivant : "Extrayant dans des usines de retraitement le plutonium produit dans les réacteurs nucléaires et l'utilisant dans des surgénérateurs tels MONJU à des fins de production d'électricité, on pourra obtenir plus de plutonium que l'on en consomme". LES ACCIDENTS DES SURGÉNÉRATEURS DANS LES PAYS ÉTRANGERS
ET LA CONCLUSION QUI EN A ÉTÉ TIRÉE.
8 Déc 1995 INCENDIE DU A UNE FUITE DE SODIUM AU SURGÉNÉRATEUR MONJU C'est le sodium matière dangereuse, s'enflammant au contact de l'eau et de l'air qui a provoqué cet incendie. Nous fûmes là à un tout petit doigt d'une explosion hydrogène. Si cet accident s'était produit à côté du coeur où se trouve condensée plus d'une tonne de plutonium quelles auraient pu être les conséquences? LA DANGEREUSE USINE DE RETRAITEMENT
(suite)
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suite:
- Avec le retraitement et son usine, outre le plutonium, on a aussi les déchets radioactifs en grande quantité. Et cette quantité de déchets est 6 fois plus grande que celle que l'on a en cas de non-retraitement. EXPLOSION ET INCENDIE-FUITE DE MATIÈRES RADIOACTIVES À
L'USINE DE RETRAITEMENT DE DONEN (=Power Reactor and nuclear Fuel Development
Corporation ) 11 mars 1997
LA MISE EN PRATIQUE RÉELLE DU CYCLE NUCLÉAIRE SE FAIT
DE PLUS EN PLUS LOINTAINE
DISPARUS DE LA CAISSE 3 BILLIONS DE YENS
LA GRANDE USINE DE RETRAITEMENT EN CHANTIER, S'AGIRAIT-IL DE JETER
PAR LA FENÊTRE 2 BILLIONS DE YENS.
UN PROGRAMME DU MOX, A LA VA-COMME-JE-TE-POUSSE.
p.29
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- Comme le plutonium a une tendance nettement
plus forte que l'uranium à provoquer un emballement dans le réacteur,
le risque d'accident est plus élevé. On prévoit que
la zone subissant les dommages d'un accident de réacteur nucléaire
sera plus étendue.
QUOI? ET L'ON CONTINUE ENCORE!
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Le Japon s'éloigne de plus en plus
de la voie conduisant l'humanité à la suppression du nucléaire.
Le gouvernement japonais évite de faire le constat de l'échec
: il tente maintenant de se lancer dans l'emploi impossible du plutonium
dans les réacteurs ordinaires de tout le pays; ce plutonium ayant
perdu toute valeur industrielle.
- Toutes les critiques se portent sur l'incapacité de DONEN (Japan Nuclear Fuel Energy Company) à faire face aux accidents du nucléaire. De toute façon il n'est point possible dans le réel et le concret d'établir et d'instituer des mesures pour y faire face. Quelle que soit la compagnie autre que DONEN qui s'en charge, ce sera la même chose. Quand, à l'étranger ont surgi des accidents majeurs où l'humanité l'a échappé belle, on y a renoncé à la mise en marche d'installations, prenant aussi en compte la question du coût économique d'un accident. début p.30
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La COGEMA a utilisé une ancienne mine
d'extraction de minerai d'uranium, au lieu-dit "les Bauzots" à Issy
l'Évêque, comme dépôt de résidus de différents
types. L'arrêté du 4 juillet 1997 l'autorise à maintenir
ses dépôts, mais sous réserve de prescriptions précises,
dissipant ainsi un flou juridique certain.
D'après l'arrêté (qui reprend probablement les données fournies par la COGEMA) et d'après l'inventaire national des déchets radioactifs de l'ANDRA, les déchets seraient constitués de: - 5.600 tonnes de résidus de minerai d'uranothorianite, conditionnés dans 32.600 fûts, venant de l'ancienne usine du Bouchet et contenant 77 g de radium 226. - 10.400 tonnes de déchets de faible activité, renfermant des graphites, du quartz et des boues de sablage, conditionnées dans 48.000 fûts et contenant 3 g de radium; - 80.000 tonnes de terres et gravats, conditionnés dans "quelques centaines de fûts" provenant du C.E.A. Fontenay. Il est précisé que l'activité tête de chaîne des déchets est inférieure à 500 Bq/g en radium 226. (Il n'est pas fait mention du thorium 228 ou de ses descendants, ni des descendants du radium 226, dont l'activité est appelée à augmenter jusqu'à l'équilibre). Il y a quelques années, dans la foulée de la découverte d'épandages (accidentels?) de plutonium sur certains sites du C.E.A., quelques journalistes s'étaient interrogés sur la présence éventuelle de plutonium dans certains fûts déposés à Issy l'Évêque. Ces rumeurs n'ont jamais été confirmées ni infirmées. Quoiqu'il en soit, cet arrêté présente un certain nombre de dispositions novatrices et intéressantes. En voici la synthèse. 1. La nature de la couverture:
2. Les contrôles:
3. Les éléments contrôlés:
(suite)
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4. Impact radiologique et limites: Des limites de concentration sont fixées indépendamment des limites annuelles d'incorporation: - 1,8 mg/l pour l'uranium 238 soluble - 0,37 Bq/l pour le radium soluble - 2,5 Bq/l pour le plomb 210 - 25 Bq/l pour le thorium 228 Pour les personnes, les limites annuelles des expositions ajoutées au niveau naturel sont celles de la législation encore en vigueur (pour peu de temps), c'est à dire 5 mSv. L'art. 16.3 précise que le calcul du "taux annuel d'exposition ajoutée" (TAETA) se fait pour un groupe critique vivant dans l'environnement proche du site, la valeur de référence du milieu naturel étant mesurée sur un point indiqué sur une carte en annexe. 5. Divers:
6. Commentaires et conclusion:
fin p.30
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Objet :
Ouverture de deux tranches supplémentaires à Civaux Madame et Messieurs les Ministres, Le Nouvel Économiste du 14
Novembre 97 (copie jointe) nous informe qu'au terme d'accords passés
entre M. Pierret et Mme Voynet, la centrale de Civaux pourrait se voir
dotée de deux tranches supplémentaires. Cette lettre a
pour objet de solliciter des responsables de l' Environnement et de l'Industrie
une réponse confirmant ou infirmant cette nouvelle. Des accords
ont-ils oui ou non été passés et des concessions ont-
elles été faites entre le Ministère de l'Industrie
et celui de l'Environnement concernant l'industrie nucléaire, comme
l'annonce le magazine cité? Si oui, lesquels?
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Que penser d'un démarrage qui a lieu sans que tous les problèmes identifiés soient résolus? Bien que le réacteur 1 ait divergé le 29 novembre, et ait été couplé au réseau le 24 décembre (avec un certain sens du calendrier!), en cas de rejets intempestifs (qui se sont déjà produits le 15 décembre!) le problème de l'alimentation en eau de la ville de Chatellerault, entièrement tributaire de la rivière pour son approvisionnement, n'est pas résolu. L'étude du C.E.A. portant sur l'impact d'une centrale sur une rivière à faible débit annoncée dans l'enquête publique comme imminente et devant précéder le démarrage, n'existe toujours pas. La modélisation devait permettre de dire si le fonctionnement était possible. Or il paraît que c'est le fonctionnement de Civaux qui fournira les d'années nécessaires à l'étude! Le nucléaire ne se satisferait-il que d'expérience grandeur nature avec cobayes non sollicités? La morale de l'histoire est-elle qu'il faut attendre que les accidents se produisent pour avoir un retour d'expérience? Nous ne doutons pas que les techniciens du nucléaire puissent tirer le plus grand plaisir de la complexité de la situation à Civaux. Mais même si les exercices de corde raide auxquels ils vont devoir se livrer par informatique interposée leur procurent de grands frissons, c'est une expérience du risque que nous ne goûtons pas. Nous avons pu jauger le faible degré de sympathie que la population éprouvait pour la centrale au moment de la présentation du PPI par le Préfet. Nous trouvons pitoyable que dans ce pays la population en soit conduite à une résignation forcée car elle ne peut lutter contre l'État qui défend les intérêts très particuliers du nucléaire. En attendant une réponse sur les perspectives d'un avenir qui se joue pour la population dans les coulisses, nous vous prions d'accepter Messieurs et Madame les Ministres nos sentiments inquiets. Poitiers, le 29 décembre 1997.
Pour Stop-Civaux, Mme J-M Granger p.31
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