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N°163/164
ENCEINTES de confinement des REP


1) IPSN
Courrier de réponse aux questions de Bella Belbéoch 1997

    Votre lettre du 27 novembre 1996 pose différentes questions concernant l'étanchéité des enceintes de confinement des tranches de 1300 MWé, et mentionne en particulier les anomalies relevées sur certaines tranches lors des épreuves réalisées avant leur démarrage ainsi que l'existence de cinétiques de fluage du béton plus importantes que prévu. 
     Je rappellerai tout d'abord que les enceintes de confinement des tranches de 1300 MWé comportent deux enveloppes en béton concentriques avec un radier commun: 
     a) l'enveloppe interne qui abrite en particulier la cuve et le circuit de refroidissement primaire, est réalisée en béton précontraint; 
     b) l'enveloppe externe est réalisée en béton armé; elle présente schématiquement un double rôle: 
     * elle protège l'enveloppe interne contre les agressions pouvant venir de l'extérieur (chute d'avion, explosion externe...), 
     * elle permet de constituer, entre les parois des deux enveloppes, un volume qui est maintenu en dépression de telle sorte que les fuites provenant de l'enveloppe interne soient acheminées vers un système de filtration comportant des pièges à iode; 
     L'enveloppe interne est dimensionnée en supposant la rupture complète et instantanée d'une tuyauterie du circuit primaire. Une telle rupture engendrerait une montée en pression et en température de cette enveloppe; le dimensionnement de celle-ci prévoit que la contrainte moyenne dans une section courante ne conduise pas à une traction du béton à la pression maximale de l'accident, compte tenu de la précontrainte appliquée lors de la construction. 
   Les décrets d'autorisation de création des tranches de 1300 MWé prévoient que, dans ces conditions accidentelles, le taux de fuite de l'enveloppe interne ne doit pas dépasser 1,5% par jour du volume de cette enveloppe. Ceci permet de limiter les conséquences radiologiques à la limite du site, calculées de façon très pessimiste dans les dossiers de sûreté, à des valeurs de l'ordre de 6 mSv (dose efficace par inhalation) et 110 mSv (dose à la thyroïde par inhalation) en 24 heures; un calcul plus réaliste donne des valeurs de l'ordre de quelques dizaines de microSv (dose efficace par inhalation) et du mSv (dose à la thyroïde par inhalation). 
     Afin de vérifier que les enceintes de confinement respectent bien les prescriptions indiquées ci-dessus, des essais de résistance à la pression et d'étanchéité sont réalisés pour chaque enceinte avant le démarrage de la tranche correspondante, puis lors du premier arrêt pour rechargement, ensuite périodiquement tous les 10 ans; ces essais sont réalisés jusqu'à la pression maximale définie précédemment, mais à la température ambiante. 
     Au début du fonctionnement des tranches de 1300 MWé, seules des mesures globales de fuite de l'ensemble des deux enveloppes étaient effectuées. Les anomalies rencontrées lors de certains essais ont conduit à mettre en place des essais visant à distinguer les fuites qui sortent directement dans l'environnement et celles qui sont canalisées vers le système de filtration associé à l'espace compris entre les enveloppes interne et externe de l'enceinte de confinement ou passant par d'autres voies assurant une certaine filtration. Les conséquences radiologiques de l'accident sont évidemment essentiellement dues aux "fuites directes". 
     Plus précisément, deux types de mesures sont effectués : les premières permettent d'apprécier un "taux de fuite global" de l'enveloppe interne déduit de la décroissance de la pression en fonction du temps; les deuxièmes consistent à mesurer les fuites à travers la paroi en béton de l'enveloppe interne collectées dans le volume situé entre les deux enveloppes ("taux de fuite collectée"). La différence entre le "taux global" et le "taux de fuite collectée" constitue le "taux de fuite non collectée". 
     Les fuites comprennent: 
     * les fuites par le radier vers le sol; l'importance de ces fuites peut être évaluée par la suppression des trajets correspondants au moyen d'un noyage du fond de l'enceinte de confinement. 

suite:
Il est à noter qu'en cas de rupture d'une tuyauterie du circuit primaire, il y aurait effectivement noyage du fond de l'enceinte de confinement de par le fonctionnement du système qui condense la vapeur relâchée dans l'enceinte;
     * les fuites vers les bâtiments adjacents au bâtiment du réacteur; ces fuites résultent de défauts d'étanchéité des organes d'isolement de tuyauteries sortant du bâtiment du réacteur. L'importance de ces fuites est appréciée par des mesures spécifiques pour les différents organes d'isolement concernée. Je rappelle par ailleurs que les bâtiments en question sont normalement maintenus en dépression par rapport à l'extérieur et les rejets associés filtrés;
     * les fuites qui sortent directement dans l'environnement, par exemple par suite d'un défaut d'étanchéité du tampon matériel ("fuites directes").
     Les développements qui précèdent montrent que les essais réalisés ne sont pas directement représentatifs des conditions accidentelles puisque ces essais sont réalisés en air (au lieu d'un mélange air-vapeur d'eau) et à température ambiante (alors que celle-ci pourrait être de l'ordre de 140oC sur la paroi de béton); une transposition est donc nécessaire. Dans la pratique, un critère global d'acceptation des résultats avait été défini pour les essais globaux : volume de l'enveloppe interne (soit environ 160 Nm3/heure- Normalized cubic meter/heure c'est à dire à pression atmosphérique et température normale soit 20oC-). Avec l'introduction des essais plus complets décrits ci-dessus, un critère complémentaire a été fixé pour les "fuites non collectées" qui ne doivent pas dépasser 10% de la valeur précédente (soit 16 Nm3/h).
     Il est clair qu'en termes de sûreté, le deuxième critère est le plus important car il conditionne plus directement les conséquences radiologiques de l'accident. Le critère précédent doit plutôt être regardé comme un critère de qualité dans la mesure où une enceinte de confinement bien conçue et bien réalisée devrait pouvoir respecter ce critère.
     Les essais réalisés montrent qu'à ce jour:
     * le taux de fuite global en air des enceintes de confmement des tranches de 1300 MWé est inférieur à 1% par jour, sauf pour les enceintes de confinement de Cattenom 3 (1,33% lors du dernier essai réalisé en 1996), Belleville 1 (2,06% lors du dernier essai réalisé en 1989) et Belleville 2(1,34% lors du dernier essai réalisé en 1990),
     * le taux de fuite non collectée est inférieur à 16 Nm3/h, sauf pour l'enceinte de confinement de Golfech 1(17,7 Nm3/h).
     Les fuites par le radier de l'enceinte de confinement de Golfech 1 sont de l'ordre de 14 Nm3/h (valeur déduite de la mesure des fuites après noyage du fond de l'enceinte de confinement); ceci prouve que l'essentiel des fuites non collectées ne sont pas des "fuites directes".
     Par ailleurs, même si le dépassement de la valeur de 1% par jour du volume en air de l'enveloppe interne ne conduit pas par lui-même à une majoration des conséquences radiologiques de l'accident considéré, il reste important que les fuites collectées dans l'espace entre enveloppes soient limitées pour assurer le bon fonctionnement du système de mise en dépression de cet espace et de filtration des fuites en question. Dans cette mesure, il convient que la paroi en béton de l'enveloppe interne garde un bon niveau de compression sous l'action de la précontrainte.
     Or, le fluage du béton (déformation lente et progressive - jusqu'à une valeur limite - de la structure soumise à un effort permanent) peut diminuer le niveau de compression. Aussi, lors de la réalisation des enceintes de confinement, la précontrainte appliquée à l'enveloppe interne est déterminée de telle sorte qu'à la fin de l'exploitation de la tranche, le critère indiqué plus haut reste respecté.
     L'évolution dans le temps de chaque enceinte de confinement fait ensuite l'objet d'un suivi. Il existe en particulier des mesures des déformations de la paroi en béton, à l'aide de dispositifs d'auscultation mis en place à la construction. L'expérience acquise à ce jour montre qu'à âge égal, la perte de compression par fluage du béton est sensiblement plus importante pour certaines enceintes de confinement des tranches de 1300 MWé. 
p.7

Cependant, même pour celles-ci, le maintien d'un niveau de compression suffisant apparaît aujourd'hui assuré pour une vingtaine d'années. L'ensemble des considérations qui précèdent, montre que les indications de mon article sur les bases techniques des plans d'urgence, publié dans la revue Contrôle no 108, ne sont pas mises en cause par les anomalies rencontrées concernant les enceintes de confinement des tranches de 1300 MWé; les inétanchéités qui y sont mentionnées, visent plus des défaillances d'isolement de circuits que le comportement des enveloppes en béton. Il va toutefois de soi que ces indications ne représentent qu'un schéma recouvrant une réalité technique complexe.
D. QUÉNIART
2) COMMUNIQUÉ DE PRESSE de la DSIN
18 novembre 1997

     Lors de la visite décennale réalisée à la centrale nucléaire de Flamanville (Manche), les tests d'étanchéité des enceintes ont fait apparaître un taux de fuite anormal (1,95%) de la paroi interne de l'enceinte en béton du bâtiment réacteur, soit presque le double du taux normal.
     Le confinement des réacteurs de 1300 MWé et de 1450 MWé est assuré par une enceinte à double paroi, associée à un système d'aspiration des produits gazeux présents dans l'espace compris entre les deux parois. 

Ce système d'aspiration permet la récupération des fuites éventuelles en provenance de la paroi interne et leur filtration avant rejet dans l'environnement
     Afin de rester compatible avec la capacité du système d'aspiration, un critère de bon fonctionnement de l'enceinte a été défini, imposant un taux de fuite de la paroi interne inférieur à 1%. Une vérification de ce critère est effectuée tous les 10 ans.
     La Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) a demandé à E.D.F. de présenter dans les prochains jours des études de sûreté précisant les conséquences de ce taux de fuite anormal sur la sûreté de l'installation. EDF devra aussi proposer un planning des travaux qu'elle envisage de mener, afin de traiter cette anomalie.
     Les résultats de ces études, ainsi que les mesures correctives engagées par l'exploitant à la demande de fa DSIN seront rendus publics.
     Le réacteur de Flamanville ne pourra redémarrer qu'à la suite d'une autorisation accordée par la DSIN
     Ce défaut d'étanchéité présentant un écart avec les exigences du rapport de sûreté, l'incident est provisoirement classé au niveau 1 de l'échelle internationale des événements nucléaires
(INES).
 
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