La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°163/164
TCHERNOBYL encore et toujours

I-IPSN
TCHERNOBYL: QUOI DE NEUF ONZE ANS APRÈS?
Avril 1997


Tchernobyl en quelques chiffres
     Le 26 avril, l'explosion du réacteur no 4 de type RBMK du site de Tchernobyl et l'incendie du combustible nucléaire et des blocs de graphite constituant le coeur du réacteur ont entrainé des rejets importants de matières radioactives dans l'environnement ainsi que la projection de débris de combustible dans les alentours de la centrale. La radioactivité totale rejetée dans l'atmosphère a été de l'ordre de 2 à 8 Exabecquerels (milliards de milliards de becquerels) sur une durée de dix jours. Le déplacement du panache radioactif a conduit au transport, sur de très longues distances, de produits radioactifs tels que l'iode 131 et le césium 137. La plupart des pays d'Europe ont été touchés par le nuage. Compte tenu de sa courte période radioactive, l'iode 131 a disparu depuis longtemps. Par contre, dans de larges parties de l'Europe, on trouve toujours une radioactivité surfacique décelable, principalement due au césium 137.
     Les personnels de l'installation et les équipes de secours présents sur le site pendant les premières heures de l'accident ont subi une irradiation aiguë provenant des fragments du réacteur éparpillés sur le site, du nuage et des dépôts radioactifs. Sur 237 personnes hospitalisées en raison de doses élevées, un syndrome d'irradiation aiguë a éte confirmé chez 134 d'entre elles et 28 de ces personnes sont décédées. Trois autres sauveteurs sont morts à la suite d'autres traumatismes.
     Six cent mille "liquidateurs" sont intervenus pour nettoyer les zones les plus contaminées autour du réacteur endommagé. Parmi les 135'000 habitants de la zone des 30 km interdite dpuis l'accident, 115'000 ont été évacués dans la première semaine. Ils ont subi une irradiation externe et, à un moindre degré, une irradiation due à l'inhalation de poussières radioactives.
     Les habitants actuels des zones contaminées sont continuellement soumis à une exposition externe et une exposition par ingestion d'aliments contaminés. Ils sont environ 1,3 millions dans les zones à plus de 185'000 Bq/m2(5 Ci/km2).
     Le reste de la population générale de l'ex-URSS, environ 280 millions de personnes en 1991, vit sur des territoires dont le niveau de contamination en césium-137 est inférieur à 37'000 Bq/m2 (1 Ci/km2).
suite:
     Dans le reste de l'Europe, les niveaux de contamination en césium-137 ont varié en moyenne entre 1000 Bq/m2 et 37'000 Bq/m2 environ (27mCi/km2 à 1 Ci/km2).
     Du point de vue sanitaire, dans les Républiques d' Ukraine, Bélarus et Russie, environ un millier de cas de cancers de la thyroïde ont été observés chez les enfants. L'augmentation relative est plus modérée chez les adultes bien que le nombre absolu soit loin d'être négligeable (plusieurs milliers).
     De nombreuses manifestations et conférences ont marqué en 1996 le dixième anniversaire de la catastrophe. L'IPSN a fait à cette occasion un bilan complet des connaissances concernant la santé des populations, l'état du réacteur et du site dans les républiques de l'ex-URSS. Ce dossier comportait en outre un volet très développé sur l'impact de Tchernobyl en France.
En 1997, onze ans après l'accident, quelles sont les informations nouvelles? 

Un bilan sanitaire en Ukraine, en Belarus et en Russie, onze ans après l'accident

     * LES CANCERS DE LA THYROÎDE CHEZ LES ENFANTS
Rappelons qu'à la fin de 1995, près de 700 cas ont été signalés chez les enfants dont trois décès. A la fin de 1996, les estimations les plus vraisemblables, malgré l'absence de nouvelles publications officielles, sont d'environ un millier de cas. La forte incidence se maintiendra probablement pendant plusieurs années et le nombre de cas en excédent se chiffrera en milliers.
     A partir de 1990 une augrnentation du nombre des cancers de la thyroïde a été observée chez les enfants de moins de 15 ans en Bélarus, l'année suivante en Ukraine et à partir de 1992 dans les régions de Briansk et Kalouga en Russie. Actuellement, le nombre de cancers de la thyroïe imputables à l'accident a été multiplié par 100 en Belarus et par près de 10 en Ukraine; l'augmentation est beaucoup plus importante dans les régions fortement contaminées, comme Gomel en Belarus et les parties nord de l'Ukraine. Les augmentations les plus importantes ont été observées chez les enfants les plus jeunes au moment de l'accident. Les cancers sont en majorité agressifs, comme c'est la règle générale chez l'enfant; l'extension locale et les métastases fréquentes suggèrent un diagnostic tardif. Le taux de mortalité risque donc d'être supérieur à celui observé en Europe occidentale (environ 5%).

p.8

     * LES CANCERS DE LA THYROIDE CHEZ LES ADULTES
     Chez l'adulte, une augmentation plus modérée et d'apparition plus tardive que chez l'enfant a été rapportée, particulièrement en Belarus. Comme ces tumeurs sont relativement fréquentes chez l'adulte, cette augmentation relative n'est pas aussi spectaculaire que chez l'enfant, bien que le nombre absolu de cancers en excès soit loin d'être négligeable. Cette augmentation représente environ un triplement du nombre de cas comme l'indiquent des chiffres bélarusses détaillés disponibles depuis l'année dernière.
     Entre 1986 et fin 1994, 2897 cas ont été signalés en Bélarus, alors qu'avant l'accident entre 1977 et 1985, 1131 cas avaient été diagnostiqués. La progression est clairement indiquée par les nombres de cas suivants 125 par an entre 1979 et 1986, 210 par an entre 1987 et 1989, 390 par an entre 1990 et 1993 et 543 en 1994.

     * LES LEUCÉMIES ET AUTRES CANCERS EN UKRAINE, BÉLARUS ET FÉDÉRATION DE RUSSIE
     Les études effectuées n'indiquent pas d'excès de leucémies jusqu'à présent, bien qu'un tel excès ne puisse pas être totalement exclu.
     Chez les enfants des zones les plus contaminées, aucune augmentation du nombre habituel des leucémies ou des autres cancers n'a été observée depuis l'accident. Aucune corrélation entre le degré de contamination et le nombre de leucémies n'a non plus été trouvée. Comme les leucémies induites par les rayonnements commencent à diminuer en nombre après un maximum qui survient quelques années après l'irradiation, on peut penser que cette affection ne constituera pas une séquelle de l'accident de Tchernobyl.
     Chez les liquidateurs, des résultats d'études menées à partir du registre russe des liquidateurs ou à partir de celui de Bélarus montrent des augmentations de mortalité et d'incidence pour certaines tumeurs, par exemple les cancers de la thyroïde et des leucémies chez les liquidateurs Bélarus ayant travaillé un mois au moins dans la zone des 30 km. 

     *LES LEUCÉMIES ET AUTRES CANCERS DANS LE RESTE DE L'EUROPE
     Dans les études analysées, aucune association significative n'a été mise en évidence entre le risque de leucémies ou le risque d'autres cancers et l'exposition aux rayonnements résultant de l'accident.
     En Europe Occidentale, diverses études ont été publiées dans lesquelles était analysée l'évolution de l'incidence des cancers dans différents groupes de population. Une étude réalisée en Grèce avait observé une multiplication par 2,6 du taux de leucémies chez les enfants de moins de un an exposés in utero aux retombées de l'accident de Tchernobyl. Ce résultat n'est pas retrouvé à l'échelle de l'Europe. Dans les deux cas il n'a pas été mis en évidence de corrélations entre l'incidence de la leucémie après l'accident et le niveau d'exposition aux retombées.
     Des augmentations ont été observées pour le cancer de la thyroïde dans deux districts en Pologne et dans trois provinces de Turquie les plus contaminées. Cependant ces augmentations n'ont pas été corrélées aux niveaux de contamination et reflètent vraisemblablement des différences dans la détection de cette tumeur. 

Le sarcophage et la centrale accidentée
     Depuis le début de l'année 1997, une équipe d'experts internationaux, cofinancéepar,la Commission Européenne et le Département of Energy des Etats-Unis, poursuit des études engagées en 1996, visant à définir les actions à mener pour dans un premier temps, renforcer le sarcophage, puis trouver une solution acceptable pour le long terme. Actuellement, une vingtaine de tâches urgentes ont été identifiées et sont en cours d'étude. Leur réalisation devrait se faire dans les trois ans à venir. D'autres actions moins urgentes sur le plan de la sareté notamment la construction d'un nouveau sarcophage et le retrait éventuel des restes de combustible nucléaire encore présents dans le sarcophage, sont également à l'étude. Celle-ci devra intégrer les contraintes radiologiques et financières.
     On rappelle que les autorités soviétiques ont fait construire en six mois une structure, "le sarcophage", visant à reconstituer autant que possible les parties détruites du bâtiment du réacteur afin de confiner les matières radioactives et assurer la "mise hors d'eau" du réacteur accidenté. 

suite:
Une grande partie des débris radioactifs dispersés autour du bâtiment ont été stockés dans des alvéoles enterrés sous les nouveaux murs de renforcement et de protection biologique mis en place.
     Afin de pouvoir réaliser ces travaux rapidement, il a été décidé de faire reposer la partie supérieure du nouveau bâtiment sur les restes de l'ancien. Le principe de la construction est basé sur la mise en place de poutres métalliques sur lesquelles reposent de grandes plaques métalliques.
     Compte tenu des débits de dose élevés près du réacteur, ces plaques ont été posées à l'aide de grues, aucune technique n'étant envisagée pour assurer leur jointure et leur fixation. La restauration des anciennes parties de bâtiment servant de support à la charpente métallique n'a pas été possible. Ainsi, le sarcophage a été construit en utilisant des matériaux prévus pour une tenue d'environ 30 ans, mais sur des appuis de stabilité incertaine ayant subi une explosion et un violent incendie.
     Aujourd'hui, il apparaît que le risque principal du sarcophage réside dans l'instabilité de sa partie supérieure. Telles sont les conclusions des différentes études et analyses menées pour le compte de l'autorité de sûreté ukrainienne. En effet, le vieillissement des structures de béton sur lesquelles repose la charpente métallique pourrait conduire à un effondrement partiel du sarcophage. Dans l'hypothèse de l'absence d'interaction d'un tel événement avec le réacteur no3, situé dans un bâtiment voisin, les conséquences radiologiques ne seraient importantes que pour les personnes travaillant dans le voisinage du site, ces conséquences étant dues à l'inhalation des poussières générées par l'effondrement. 

Les autres réacteurs du site
     Le réacteur no3 du site reste en service.
On rappelle que, dans une négociation avec le G7, les Ukrainiens s'étaient engagés à arrêter les réacteurs no1 et 3 avant l'an 2000 si des financements suffisants leur étaient attribués pour l'arrêt des réacteurs de Tchernobyl et la construction d'installations de production électrique équivalentes.
     Le réacteur no1 a été arrêté à la mi 1996. En tout état de cause son maintien en fonctionnement aurait nécessité des travaux importants sur les tubes de force. Toutefois certains milieux ukrainiens font état de l'idée d'utiliser les parties turbine et alternateur de ce réacteur afin de restaurer l'installation no2 dont ces parties avaient été détruites par un incendie en 1991. 

Les niveaux de contamination par le césium 137 en France: les sols
     En 1995, l'IPSN avait mis en évidence des taches de contamination dans le Mercantour. Fin 1996, l'attention s'est portée sur une tâche de contamination dans les Vosges.
     Début mai 1986, l'arrivée par le nord-est et le sud-est de la France des masses d'air contaminées s'est traduite par un gradient décroissant d'est en ouest des concentrations de l'atmosphère, notamment dans les premiers jours après l'accident. L'apparition de pluies localisées et abondantes début mai 1986 a contribué à une contamination des sols plus significative des régions situées les plus à l'est, et, à l'intérieur de celles-ci, des zones les plus arrosées.
     Dans les Vosges, des dépôts de césium de 12.000 à 24.000 Bq.m-2 ont été mesurés dans la forêt de Saint Jean d'Ormont. Dans cette même région, des champignons ont été mesurés à des niveaux de l'ordre de 200 Bq.kg-1 frais. De la viande de sanglier a été mesurée au niveau de 1.500 à 2.000 Bq.kg-1 frais de césium 137. Il faut noter que les concentrations en césium font l'objet de fluctuations saisonnières, notamment pour le gibier dans lequel les activités massiques en hiver peuvent être doubles de celles mesurées en été.
     Dans le Haut Var, en 1986 et 1995, des prélèvements ont été mesurés jusqu'à 4.600 Bq.kg-1 sec et exceptionnellement 40.000 Bq.kg-1 sec en 1986. Ces prélèvements ont été effectués dans des fonds de vallées glaciaires et concernent la couche superficielle de sols forestiers ou de prairies permanentes riches en matière organique. Ces concentrations correspondent à des dépôts surfaciques qui peuvent atteindre 100.000 Bq.m-2 en césium 137 (exceptionnellement jusqu'à 800.000 Bq.m-2 sur de très petites surfaces)

.
 p.9

Retour vers la G@zette N°163/164