Préambule
D'une façon
générale le problème des déchets ne peut pas
être sorti de son contexte sans distorsion dans l'approche. Ce qui
oblige de fait à se pencher sur le programme nucléaire et
sa mise en oeuvre de la mine au retraitement ou non en passant par l'enrichissement,
le façonnage, l'entreposage des barreaux irradiés. Chaque
étape crée des déchets et leur traitement dépendra
de leur radiotoxicité, de leur forme physico-chimique et de leur
réemploi éventuel.
Notons que la
loi de 1991 est un bon début mais comme elle ne traite que les déchets
de haute et moyenne activité, à vie longue, sa portée
est réduite. De plus les axes qui ont été définis
dans la loi représentent un moment donné des réflexions
(1991). Il est possible qu'en 2006 on s'aperçoive que d'autres recherches
seront nécessaires et que celles qui avaient été préconisées
s'avèrent des culs de sacs.
Toutes ces considérations
n'empêchent pas qu'il faut se préoccuper des déchets
et éviter de croire ou faire croire que tout n'est qu'affaire de
recherche. Selon les scénarios (nucléaire toujours plus,
stabilisation, décroissance ou même arrêt) la quantité
de déchets et leur traitement différeront mais en tout état
de cause des déchets sont déjà présents et
il faut trouver des solutions pour préserver la santé des
populations et plus généralement l'environnement. La réversibilité
sera d'autant plus facile qu'il y aura moins de déchets (scénarios
réduction ou arrêt).
Quelques questions
préalables s'imposent sur ce problème de l'enfouissement
des déchets.
1) Y a-t-il urgence à enfouir? Pourquoi cette précipitation?
Pourquoi ne pas continuer, à la lumière des expériences
étrangères et française la caractérisation
des milieux et des types de déchets en petites unités, type
MOL ou LEMI de l'IPSN? Pourquoi faut-il déterminer des sites de
stockage en profondeur définitifs avant 2006? Le bilan des connaissances
permet-il de définir un laboratoire? N'est-il pas préférable
de continuer des recherches sur petits sites pour mieux mesurer l'impact
d'une telle installation : transport, stockage intermédiaire, rejets,
impact sur le vivant,.....?
Un calendrier détaillé et justifié de la gestion des déchets devrait être fourni. 2)Il est incorrect de définir les déchets uniquement par leur activité (en becquerels, Bq). Si le danger du stockage de ces déchets est dû aux effets biologiques du rayonnement (et de la radioactivité) il serait logique de définir les déchets par leur radiotoxicité. Ceci n'est pas le cas. Il faut donc, pour chaque fût de déchets existant actuellement, définir son niveau de radiotoxicité à partir des radioéléments qu'il contient. 3)Il faudrait assainir tous les sites connus pour que les populations constatent que la prise en charge des déchets est une réalité. De plus cela permettrait de faire l'inventaire de l'accumulation du passé et des possibilités de reprise. Si les archives ne permettent pas d'établir un tel inventaire il est nécessaire de contrôler chaque container existant en mesurant la radioactivité qu'il contient et sous quelle forme. Il faut aussi vérifier la reprise des boues de l'usine COGEMA de la Hague et des autres sites tels Marcoule, Cadarache, Valduc.... 4)Il est nécessaire, avant toute recherche, de définir un cahier des charges précis que devraient respecter les divers blocs de confinement (bitumes, bétons, verres) et les moyens de vérifier le respect de ce cahier des charges pour chaque type de confinement. Ce cahier tiendrait compte du degré de fiabilité nécessaire pour agréer un colis dans le cadre de la notion de réversibilité ou de la non réversibilité. 5)C'est à partir de ce cahier des charges que les divers conteneurs de déchets nucléaires devraient être examinés. Les conteneurs défectueux ou hors normes devraient être repris et les radioéléments qu'ils contiennent devraient être reconditionnés. 6)Une attention particulière doit être apportée aux déchets vitrifiés. - quelle est la tenue réelle de ces blocs de verre? - les essais de durée de vie assurant un confinement correct sont-ils crédibles pour les durées qui sont envisagées? Les essais sont-ils valables pour les blocs contenant des émetteurs alpha et qui sont soumis, outre le rayonnement, à la pression interne de l'hélium résultant de l'émission alpha? - les résultats qui sont donnés proviennent-ils des premiers blocs vitrifiés élaborés avec de faibles quantités de radioactivité ? Sont-ils valables pour les blocs fabriqués actuellement ou ceux qui le seront à l'avenir ? Une discussion sur la tenue de ces verres, point capital pour le stockage en profondeur, devrait être ouverte largement. Elle n'est possible que si l'accès à toutes les données scientifiques est garanti. 7) Avant toute recherche de terrain il est nécessaire de définir au préalable les qualités exigées d'un sous-sol pour qu'il soit retenu comme site de stockage en profondeur, elles devraient être caractérisées par des grandeurs physiques mesurables. La définition de ces qualités du sous-sol doit donner lieu à un débat largement ouvert. Il faut aussi opposer le profond et la subsurface sur 2 points capitaux: réversibilité et surveillance. (suite)
|
suite:
8)L'étude de sûreté relative aux sites de stockage doit être faite soigneusement, en particulier sur les points suivants: - conditions de transport des déchets vers le site et les accidents possibles, leur gestion. - le stockage temporaire en surface sur le site. - les actes de malveillance sur le site et les mesures à envisager pour les éviter. - la situation du site en cas de troubles sociaux violents, de guerre. - la sismicité. 9)Les laboratoires d'étude du stockage en profondeur des déchets nucléaires ne peuvent être créés sans qu'il soit défini ce qu'on envisage d'y faire. Une description détaillée des expériences prévues doit être rendue publique ainsi que les résultats que l'on attend de ces laboratoires? Il est inacceptable de créer ces laboratoires sans que l'on définisse avec précision les buts recherchés. Cette liste n'est pas exhaustive! Le critère de base pour le stockage des déchets nucléaires doit être fondé sur la protection sanitaire de la population et des générations futures. C'est donc à la population de définir les critères d'acceptabilité d'un tel stockage, le prix à payer s'exprimant en cancers, morbidité et accroissement du fardeau génétique. Une grande prudence doit être de rigueur vis à vis de ces critères car il est a priori impossible de connaître les conditions de vie des générations futures et les critères que ces générations pourraient considérer comme acceptables. Le laboratoire, sa nécessité, son apport aux problèmes des déchets S'il existe une nécessité c'est celle qui consiste à développer des techniques de gestion des déchets qui minimisent le retour des radioéléments dans la biosphère. Le stockage en couches géologiques profondes que doit tester le laboratoire est-il suffisamment bien défini pour pouvoir avoir un apport décisif à cette gestion ? Il n'est pas aisé de répondre à cette question. L'analyse des divers documents montre la complexité du sujet. l'IPSN a étudié différents milieux à l'aide de petites unités dénommées LEMI (Laboratoires d'Études Méthodologiques et Instrumentales, nous reviendrons sur ces petites unités). Ces études menées depuis plus de 15 ans n'ont pas encore permis de disposer de modèles vraiment fiables permettant d'étudier un terrain. La géologie nous renseigne bien sur le passé d'une région mais elle a du mal à nous prédire son futur. Il n'est toujours pas évident que le meilleur choix soit celui de l'enfouissement profond. En effet le suivi des déchets enrobés et installés dans une galerie dont l'accès n'est plus possible une fois le bouchage du site effectué, reste un point difficile. Cette solution peut être valable, éventuellement pour le court terme mais si on décèle une pollution que fera-t-on? Si on est en cours de remplissage, l'accès aux galeries sera peut-être encore possible avec des robots. Si on est en phase terminale, on pourra suivre la pollution mais comment pourra-t-on encore intervenir sur le site. Le site, une fois fermé on ne pourra que déplorer la pollution. Il est clair que le droit à l'erreur n'existe pas mais les exemples ne manquent pas sur l'impossibilité de la perfection. Par exemple, le site Manche est un raté et le site Aube (qui a bénéficié de l'expérience du site Manche) présente déjà des défaillances. p.1
|
Le choix d'un stockage
en profondeur demande encore des études pour être sûr
que cette solution en est une. En l'absence de réponses fiables
l'attitude conforme au principe de précaution est la limitation
stricte des déchets et des rejets ainsi qu'un entreposage dans des
conditions telles qu'une reprise soit possible.
Il faut être conscient que, probablement on parviendra à assurer la sécurité des populations sur des décennies mais au delà de quelques centaines d'années les prévisions deviennent très incertaines. Le laboratoire est, donc, une inélégante solution pour éviter de se poser les questions de fond: - 1 Ayons le courage de nous poser des questions sur notre consommation d'énergie et ce sera une des façon de limiter notre production de déchets si nous parvenons à la réguler. Ces déchets sont d'ailleurs de toute nature, radioactive, chimique - 2 Au-delà des paroles rassurantes y-a-t-il un examen de toutes les possibilités de protéger les humains et leur biosphère. A-t-on analysé la solution d'entreposage des déchets pour assurer leur surveillance et éviter de polluer irrémédiablement le sous-sol? Il est souvent affirmé que des laboratoires sont indispensables pour la recherche: - de matrices de déchets présentant la plus grande résistance possible à l'eau pour réduire les transferts de produits radioactifs, - de sur conteneurs résistants à l'eau et retardant la destruction des colis, - de la meilleure roche d'accueil - argile, sel, granite, schistes-, - de procédés d'obturation des galeries pour éviter qu'elles ne constituent des failles dans le confinement. Ces études peuvent être faites avec les LEMI. Certaines ont d'ailleurs été menées. On est donc plutôt à l'heure des bilans. On peut modéliser les résultats et tester ces modèles de LEMI en LEMI, avant de se lancer sur des échelles plus grandes. Vérifions la pertinence des hypothèses sur de petites unités d'une part c'est plus facile et d'autre part cela évite de se trouver dans une situation irréversible. Le dernier point est qu'il manque encore une règle du jeu bien définie pour étudier un site profond. Le Centre Manche a permis de mettre sur pied une Règle Fondamentale de Sûreté pour les sites de surface (règle appliquée seulement dans l'Aube). Cette RFS qui prévoyait un site sans rejet s'avère dès à présent optimiste, le site Aube (4 ans de fonctionnement) a besoin d'une autorisation de rejets et est à l'origine de diverses pollutions dont du tritium. Celle destinée aux sites profonds n'existe toujours pas ce qui ne facilite pas la recherche d'une solution. La publication d'une règle très générale (RFS III-2-f- 1991) sur le sujet n'a rien clarifié et laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. De plus elle commence sérieusement à dater et il serait judicieux de l'actualiser à la lumière de tous les travaux réalisés depuis 1991. Analyses des résultats de l'IPSN avec les LEMI 1 ÉVALUATION 1992
(suite)
|
suite:
Voici l'intégralité de leurs recommandations: "L'objectif majeur des travaux réalisés dans les LEMI semble être de développer un savoir faire méthodologique et instrumental. Il parait donc essentiel, qu'à la fin de chaque opération, soient tirées les leçons de l'expérience de façon à bien souligner les acquis et les questions laissées en suspens. En outre, une étude bibliographique devrait être entreprise systématiquement avant toute étude de terrain de façon à montrer en quoi le travail proposé est original et comment il fait avancer les connaissances, La lecture de l'ensemble de ces travaux donne l'impression qu'un grand effort a été fait pour élaborer les éléments d'un puzzle mais que personne ne s'est soucié de l'assemblage des différents morceaux du puzzle. Certes le rapport "Goguel" a le mérite d'énoncer un certain nombre de règles permettant de définir le cadre d'une étude de stockage profond. Mais qui se soucie de montrer comment les travaux effectués dans les LEMI permettent effectivement de répondre aux questions posées par l'application de ces règles? Il nous semble qu'un document de synthèse sur les résultats acquis serait nécessaire, ne serait-ce que pour faire le point sur ce que l'on sait faire aujourd'hui et ce que l'on ne sait pas faire. Ce travail de synthèse devrait d'ailleurs intégrer les résultats obtenus sur les autres sites expérimentaux à l'étranger de façon à préciser la stratégie à suivre pour le futur. Un moyen très efficace, et peut-être le seul, de montrer qu'un travail de recherche est solide est de le publier dans des revues à comité de lecture. Les rapporteurs font leur travail, et la qualité des études s'en trouvent presque toujours nettement accrue." 2 SYNTHÈSE 1994
p.2
|
Modélisations
Les modélisations ont été établies avec différents résultats physiques: 1 La complexité des couplages La migration des produits radioactifs est gouvernée par les mouvements de l'eau dans le sol. C'est un problème d'hydraulique mais vont intervenir aussi la dilatation de la roche, les colmatages chimiques, les effets thermiques, les mouvements tectoniques. 2 la perméabilité en milieu fracturé "On arrive à établir quelques liaisons entre les grands mouvements subis par les massifs mais on est loin de pouvoir prédire la perméabilité d'un massif à partir de son histoire." "Il y a d'ailleurs un problème de fond pour l'exploration d'un site de stockage potentiel car on ne peut se permettre de truffer le sol de forages d'exploration." 3 l'effet thermo-hydro-mécanique "Le principal problème des milieux fissurés est sans doute le chauffage par les déchets." "Il est impossible de représenter le réseau de fractures réelles mais les conclusions qualitatives sont sans ambiguïté : de larges fissures et un soulèvement du sol de quelques dizaines de cm sont à attendre d'un stockage type. Cela peut conduire à réduire la charge chauffante ( espacement des colis, refroidissement préliminaire) ou à le placer plus en profondeur." 4 la chimie "Le rassemblement des données existantes est un vaste travail mené à l'échelle internationale. La mesures des constantes manquantes, surtout lorsqu'elle doit se faire en laboratoire " chaud " ne progresse que très lentement." 5 la géoprospective Pour le stockage profond on mise sur "Un des critères de choix d'un site est justement d'éliminer les sites où ces effets [ variation du niveau des mers, séismes, érosion, etc...] sont envisageables.. "bien qu ' on ne peut se contenter de considérer que les conditions externes resteront fixes." Validation des modèles
(suite)
|
suite:
Ce type de laboratoire, normalement de dimensions représentatives d'un stockage est avant tout destiné à vérifier qu'un site déterminé est apte au stockage. On élimine donc a priori tout emplacement pour lequel on a un doute sur son aptitude future. En principe, ne serait-ce que pour des questions de coûts, on devrait être sûr de disposer de modèles et techniques nécessaires avant d'entreprendre ce type de construction.. En pratique, la phase d'exploration préliminaire offre encore des possibilités de validation." Ainsi il est rappelé " Du point de vue scientifique la limite est floue. La différence est dans la finalité : les premiers sont consacrés à l'avancement des sciences et techniques alors que les seconds, comme le médiateur le rappelle souvent sont des reconnaissances de sites et pourront se transformer en stockage s'il se confirme qu'ils sont adaptés." Toute la question est là: Sont-ce des véritables reconnaissances de sites et se retirera-t-on d'un de ces sites s'il s'avère inadéquat? Une claire réponse à une telle question clarifierait le débat. Ce rapport nous présente un bilan sur Fanay et les milieux fissurés dans le granite. Il reste encore beaucoup de travail avant d'avancer dans la modélisation, en particulier sur la circulation de l'eau en milieu fissuré. On a une connaissance au point de forage et on ne sait pas du tout raccorder les forages entre eux. Les milieux argileux ( Mol en Belgique et Tournemire) sont présentés reposant sur le fait que: "La perméabilité de l'argile est si basse qu'elle peut être considérée comme nulle. Le problème est donc comme pour le granite de prouver que des circulations ne peuvent court-circuiter l'argile saine." Voici les conclusions
p.3
|
3 ÉVALUATION 1997
Le dossier qui a été présenté est celui de Tournemire. Il s'agit d'un LEMI argile. Les principales conclusions sont: "Les premières études ont montré que les fissures constituent la seule possibilité pratique de transport. Leur contenu sera analysé en vue d'une interprétation par des modèles couplés chimie-transport. En effet, à part la reconnaissance directe par forage, aucune méthode ne peut garantir qu'une fissure conductrice ne passe pas à proximité d'un stockage. Même si un maillage suffisamment fin, rendait la chose possible, de nouvelles fissures conductrices pourraient en tout état de cause se former, soit sous l'effet de phénomènes naturels (néotectonique et séisme ), soit sous l'effet du chauffage par les déchets. Les fissures dans les argiles profondes s'expliquent par la dureté et le caractère cassant de ces matériaux. Il semble bien que leur colmatage naturel soit suffisant pour que la circulation d'eau reste insignifiante mais des zones d'ombre subsistent dans ce domaine. Il convient de développer les moyens de prévision de la formation et du colmatage des fissures." L'IPSN s'est doté d'un certain nombre d'outils. Il remplit sa mission d'expertise. La découverte de fissurations en argile comme en granite a été l'apport de Tournemire. L'étude approfondie est en cours. Plusieurs points restent en suspend: - l'influence de la chimie sur le colmatage ou non des fissures - la formation ou la réouverture de fissures après remplissage d'un stockage. - l'inhomogénéité de l'argile, bien supérieure à ce qu'on avait estimé. - L'importance du temps d'ouverture d'un stockage. Pour éviter des problèmes d'oxydation des roches, il faut fermer le plus vite possible. Ceci est en contradiction avec le principe de réversibilité. Qu'apporte le laboratoire à ces résultats?
En 1997 les incertitudes
ont conduit le rapporteur à émettre cette remarque:
(suite)
|
suite:
Ce rapport n'est pas un rapport de conclusions mais il tente, à partir des connaissances actuelles de définir les champs d'études et de pointer le manque de connaissances. Trois priorités ressortent: 1- l'hydrogéologie explicative liée aux problème des fissures, celles existant préalablement aux travaux et celles engendrées par le stockage. 2- la géochimie, les caractéristiques chimiques gouvernant les phénomènes en solution et ceux aux interfaces solide-liquide doivent être précisées. 3- la compréhension des cycles de la biosphère. C'est pour mieux approcher le pouvoir de dilution ou non de la biosphère. Par exemple le cycle de l'iode doit être étudié dès maintenant car les roches n'ont aucun pouvoir de rétention de cet élément. Ce problème est présent sur le site Manche et sur celui de l'Aube. COMME QUOI IL Y A ENCORE BIEN DU TRAVAIL AVANT DE POUVOIR DÉCIDER ET CE TRAVAIL PEUT SE FAIRE EN PETITS LABORATOIRES. IL FAUT ENCORE DE LONGUES ÉTUDES AVANT LA MISE EN ROUTE D'UN LABORATOIRE PRÉLUDE A UN STOCKAGE THÈMES POUR LA RÉVERSIBILITÉ DES STOCKAGES La notion de réversibilité
ou de non réversibilité est à évoquer avant
tout autre thème. En effet pour pouvoir reprendre un stockage il
faut avoir prévu de le faire sinon la tâche s'avère
vite inextricable. Prenons un cas d'école le site Manche (CSM).
Sur ce site il a été montré qu'il existait des colis
irradiants et/ou hors normes actuelles. Ceci ne facilite pas sa surveillance
et ne permet pas d'envisager son retour à un terrain sans risque
avant 500, voire 600 ans au lieu des 300 annoncés à la population
(et toujours mis en avant pour les sites de surface). Cependant il n'a
pas été possible d'envisager la reprise de ces colis. Deux
raisons se sont mélangées:
p.4
|
La notion de réversibilité
s'applique surtout aux déchets à venir car pour ceux existants
on devra se contenter de faire au mieux pour protéger l'homme et
son environnement. C'est pourquoi il ne faut rien engager d'irréversible
et limiter autant que possible les déchets. Entreposer des combustibles
est finalement la voie la plus ouverte pour tenter de trouver des solutions.
Diminuer le recours au nucléaire est une autre approche qui permettra
de limiter les stocks.
En ce qui concerne la réversibilité ou non la loi de décembre 1991 présente des incohérences entre son article 2 et son article 3: - Art 2 (redéfinition de l'art 3 de 1976) " Le stockage souterrain en couches géologiques profondes de produits dangereux de quelque nature qu'ils soient, est soumis à autorisation administrative. Cette autorisation ne peut être accordée ou prolongée que pour une durée limitée et peut en conséquence prévoir les conditions de réversibilité du stockage. Les produits doivent être retirés à l'expiration de l'autorisation. Les conditions et garanties selon lesquelles certaines autorisations peuvent être accordées ou prolongées pour une durée illimitée, par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, seront définies dans une loi ultérieure." - Art 3 "Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l'avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et des travaux qui sont menés simultanément pour: -la recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets; -l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, grâce notamment à la réalisation de laboratoires souterrains; - l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface de ces déchets. ............. A l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue ..." Il y a incohérence interne dans l'article 2. En effet l'autorisation ne peut être accordée ou prolongée que pour une durée limitée et peut en conséquence prévoir les conditions de réversibilité. Manifestement ce n'est pas "peut" mais "doit" qui s'applique au premier alinéa. Puis 3 lignes plus loin on trouve une solution, ce peut être illimité par dérogation, seule nuance cette dérogation sera définie dans une loi... L'article 3 précise réversible ou irréversible mais la future loi aura intérêt à revoir l'article incriminé où on retombe sur ses pieds par dérogation.... notion de réversibilité
(suite)
|
suite:
Le projet de l'ANDRA prévoit quant à lui une période de réversibilité garantie sur 50 à 100 ans. Le concept de réversibilité reposera sur: - le type de soutènement à adopter pour maintenir l'accessibilité des puits et galeries de stockage, - le type de matériaux utilisés mis en place entre les colis de déchets et la galerie souterraine pour garantir à la fois une bonne protection contre la corrosion et une reprise des colis, - le type de matériel de surveillance. L'ANDRA a défini deux niveaux de réversibilité possibles: "- 1 niveau: colis stockés dans une galerie ouverte dans laquelle ils seraient accessibles, la reprise des colis se faisant avec les mêmes moyens que pour leur mise en place, - 2 niveau: galeries remblayées pour améliorer le confinement à long terme, mais qui pourraient être déblayées." En conséquence: " Pour vérifier l'efficacité de la réversibilité le projet ANDRA prévoit, dans la phase future de stockage, de n'introduire qu'une quantité limitée de déchets pour vérifier, sur quelques dizaines d'années, le caractère opérationnel du dispositif de réversibilité. D'après les connaissances actuelles, il est raisonnable de penser qu'une réversibilité peut être garantie jusqu'en 2050 voire 2100, c'est à dire durant la durée d'exploitation industrielle du site. " un point important est le suivant: " Notons que la notion de réversibilité n'intervient pas dans les projets de stockages souterrains des autres pays de la communauté internationale. Il semblerait que cette notion soit spécifiquement introduite dans la législation française et nécessite des recherches complémentaires, avant d'être opérationnelle." études pour garantir la réversibilité - soutènement,
La réversibilité
impose des contraintes pour manipuler les colis. Il faut aussi étudier:
p.5
|
Conclusion
La notion de réversibilité est valable pour un laboratoire et encore. L'ANDRA avait un calendrier qui supposait que le laboratoire serait quasiment construit en 1995. De fait il faudra compter 3 ans pour la construction qui ne démarrera pas avant 19xx ou même 20xx. Soit comme nous sommes en 1998 les tests de conteneurs et autres études (soutènement, hydrogéologie, fracturation, etc...) ne dureront pas assez longtemps pour dégager des résultats pour 2006. Il serait plus astucieux d'intensifier les recherches sur les LEMI ((Laboratoires d'Études Méthodologiques et Instrumentales) déjà équipés et permettant des études approfondies sur le comportement des roches hôtes, sur l'impact de travaux, etc... De toute façon la réversibilité ne peut pas être garantie et demande encore de raffiner beaucoup de paramètres. Il est étonnant de vouloir construire à tout prix un grand laboratoire qui sera difficile à gérer. Des petites unités sont encore nécessaires pour fixer des paramètres et pour aider à la compréhension des phénomènes. Les remblais, le contenu des colis, la tenue des galeries ne réclament pas des km pour être testés. En effet les diverses expériences menées en Allemagne, États Unis, Belgique donnent des indications qui montrent que la réversibilité est un concept séduisant mais impossible à mettre en oeuvre avec des produits radioactifs si on veut garantir l'étanchéité du stockage. Sûreté des stockages et protection de l'homme et de son environnement Dans la première phase
du stockage, la sûreté des transports sera un élément
important. Il faudra garantir que les camions n'induiront pas une nuisance
supplémentaire. En particulier la rotation des camions ne doit pas
être insupportable pour les riverains.
(suite)
|
suite:
Il faut se souvenir que le CSM contient 25.000 tonnes de plomb, de l'arsenic, etc.. La composition chimique des déchets et de leurs emballages doit être un des paramètres des études de sûreté. LA RÈGLE FONDAMENTALE DE SÛRETÉ
(n° III. 2.f) du 10 juin 1991 devrait permettre d'assurer. la sûreté
du site. Nous allons donc l'examiner en détail.
Domaine d'application:
p.6
|
«Déchets
C [déchets de haute activité
pouvant contenir également des quantités significatives de
radionucléides à vie longue]
(...) Pour ce qui concerne les déchets vitrifiés, si les caractéristiques de la matrice placée dans son environnement de stockage étaient susceptibles d'être altérées de façon importante pendant la phase d'activité thermique des déchets, il faudrait protéger cette matrice des effets de cette altération, le cas échéant, par une barrière efficace résistant notamment à la corrosion et à la pression pendant cette durée »(§ 4.2.2). Ainsi il est clair qu'on ne sait pas si les blocs vitrifiés vont résister au stockage même dans la phase initiale. Toutes ces mesures à effectuer ne nécessitent pas un laboratoire souterrain. «Hydrogéologie.
«Le concept de stockage.
«Modélisation.
(suite)
|
suite:
Soulignons un point important de ce rapport sur les barrières ouvragées car il concerne en fait le problème de la réversibilité du stockage: «Les barrières ouvragées: Après remplissage des ouvrages, les vides créés lors de la réalisation du stockage devront être comblés pour rétablir autant que possible l'étanchéité du milieu et éviter que les ouvrages ne constituent des drains préférentiels pour les eaux souterraines et, le cas échéant, pour éviter des tassements préjudiciables aux couches géologiques surmontant la formation d'accueil. (...) Les puits d'accès devront faire l'objet d'un rebouchage assurant une étanchéité d'excellente qualité»(§4.3). Ainsi il est clair que la réversibilité du stockage, c'est à dire la reprise éventuelle des conteneurs est incompatible avec les conditions exigées tant pour le confinement que pour la stabilité des terrains. «Les critères de radioprotection (§3.2) (...).On supposera la constance des caractéristiques de l'homme (sensibilité aux rayonnements, habitudes alimentaires, conditions de vie, connaissances générales sans prise en compte de progrès scientifiques, notamment dans les domaines techniques et médical). Comment garantir que les générations futures ne connaîtront pas des aggravations de leurs conditions de vie, que leur sensibilité au rayonnement en serait affectée les rendant plus fragiles, que le stock de connaissances se transmettra totalement sans perte sur une très longue période. Les hypothèses adoptées pour la radioprotection sont loin d'être prudentes. En ce qui concerne les limites de dose pour des expositions en «condition d'évolution normale de référence» [non accidentelles] : «Les équivalents de dose individuels devront être limités à 0,25 mSv/an pour des expositions prolongées liées à des événements certains ou très probables. Cette valeur correspond à une fraction de la limite annuelle d'exposition du public en situation normale» (§3.2.1). Ceci mérite un commentaire: la limite réglementaire pour l'irradiation du public par des sources industrielles est actuellement en France de 5mSv/an (500 mrem/an). La CIPR recommande depuis 1985 une limite de 1 mSv/an (100 mrem/an). Cette limite est maintenant la règle au moins pour les calculs en attendant son décret d'application, la RFS aurait du être actualisée. On envisage donc de soumettre les générations futures à des irradiations supérieures à celles que subissent les populations actuelles. Cette limite est inacceptable aux termes de l'article 1 de la Loi du 30 décembre 1991. «Les situations hypothétiques correspondant à des événements aléatoires. Certains événements aléatoires, d'origine naturelle ou associés à des actions humaines, peuvent perturber l'évolution du stockage et éventuellement conduire à des expositions individuelles plus élevées que celles associées à l'évolution de référence du stockage. (...) Les expositions individuelles, exprimées en équivalents de dose, associées aux situations hypothétiques dont il apparaît qu'elles doivent être retenues pour la conception du stockage devront être maintenues suffisamment faibles par rapport aux niveaux susceptibles d'induire des effets déterministes» (§3.2.2) Là aussi on reste dans le vague. Que signifie «suffisamment faibles», quels effets déterministes sont pris en compte? Il aurait été plus simple, mais bien sûr plus contraignant, de fixer une valeur numérique pour cette limite. p.7
|
Conclusion
Ce texte n'est pas une règle de sûreté. Par contre c'est un inventaire assez complet des questions qu'il faut se poser et auxquelles il faut apporter des réponses avant de rédiger une véritable règle de sûreté. Le chemin est encore très long et ardu avant d'arriver à la règle de sûreté nécessaire à la conception d'un stockage souterrain. Il pose des critères pour la protection de l'homme et de son environnement à partir d'une certaine conception de la sûreté. Simplement ce texte date de 1991, il faudrait l'actualiser sérieusement. Le droit des générations futures En partant du principe que «nous
ne n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons
à nos enfants» il est évident que nous ne pouvons
faire n'importe quoi.
(suite)
|
suite:
En ce qui concerne les limites de doses la réglementation française se fonde sur les directives EURATOM et celles-ci font référence aux textes de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR). Les dernières directives s'appuient sur la CIPR 60 (1991): - Il n'y a pas de seuil de dose en dessous duquel il n'y a pas d'effet pour la santé (art 21, 62, 68, 69, 100). Toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique directement proportionnel à la dose reçue. - Les limites de doses n'impliquent pas qu'en dessous de ces limites le rayonnement soit inoffensif. A l'article 124 la CIPR précise "Dans la pratique, plusieurs idées fausses sont apparues dans la définition et la fonction des limites de doses. En premier lieu, la limite de dose est largement, mais de manière erronée, considérée comme une ligne de démarcation entre l'inoffensif et le dangereux." - Les limites de doses recommandées définissent un domaine acceptable d'exposition au rayonnement. Ces limites doivent s'établir à partir de considérations sanitaires et de considérations socio-économiques (art 15, 100 et 123). Dans ce cadre une limite de dose représente une frontière sélectionnée dans la région entre l'inacceptable et le tolérable (art 150). - Le domaine de doses tolérables se définit par un compromis entre le bénéfice que l'individu ou la société peut tirer de la pratique nucléaire, et les détriments sanitaires qui en résultent. - Parmi les principes généraux concernant la radioprotection la CIPR recommande : "Aucune pratique impliquant des irradiations ne devrait être adoptée à moins qu'elle ne produise un bénéfice suffisant aux individus exposés ou à la société pour compenser le détriment causé par le rayonnement (art 112a)" Comment aborder la gestion à très long terme des déchets à partir de ces recommandations? - Quels facteurs de risques faut-il prendre pour évaluer le détriment éventuel? L'histoire de la CIPR montre que le facteur de risque a beaucoup évolué depuis les origines de la radioprotection. Il a considérablement augmenté et rien ne prouve que cette évolution ait atteint son terme. Les connaissances sur les effets biologiques du rayonnement sont loin d'être définitives. L'effet de la contamination interne par l'ensemble des radioéléments présents dans les déchets fait l'objet de calculs à l'aide de modèles qui ne se fondent pas sur des observations expérimentales chez l'homme. Les enquêtes épidémiologiques qui pourraient peut être éclairer cette approche sont rares et difficiles à interpréter Le facteur de risque cancérigène du rayonnement dépend des individus (et même de l'état de l'individu à un moment donné). Il n'est donc pas possible d'affirmer que les générations futures auront la même sensibilité que nous au rayonnement. Une grande prudence est de mise dans l'établissement d'un détriment "tolérable". En ce qui concerne le bénéfice que peuvent tirer les générations futures d'un stockage, on sait que l'optimisation détriment/bénéfice pour l'établissement de limites "tolérables" pose problème et conduit à des conflits selon la place que les individus occupent dans la société. Si on applique cette optimisation aux générations futures, la réponse devient assez simple: Quel bénéfice peuvent-elles retirer de nos déchets? Aucun semble-t-il actuellement. Dans ces condition, d'après la CIPR " la pratique" relative à l'avenir de nos déchets "ne devrait pas être adoptée." p.8
|
C'est un point délicat
et il n'est pas certain que les efforts menés par les différents
protagonistes aient convaincus les populations de la volonté de
les écouter et surtout de les entendre.
(suite) |
suite:
Il ne peut pas y avoir d'acceptation sans une mise à plat du sujet. Dire que la concertation est réalisée parce que les élus ont dit oui, le préfet aussi ne suffit pas à emporter l'adhésion de tous ou même une reconnaissance que les déchets existent et qu'il faut bien les gérer. La question qui sort automatiquement est : Comment avec ce poids, cette absence de conclusions, on peut continuer ce nucléaire dont on exporte 20% (seulement les kWh, pas les déchets ni les rejets...). De plus l'approche de l'ANDRA qui utilise l'argent pour obtenir l'adhésion des habitants crée de sérieuses tensions. Que les Commissions locales ou les Instances puissent faire des auditions, commanditer des études, recevoir des associations tout cela est correct mais trop d'argent nuit à la concertation. La réversibilité et les générations futures sont 2 points qui reviennent dans les interrogations. Or il s'agit justement de 2 points difficiles et que chacun traite avec sa sensibilité. On ne peut les rejeter loin dans le temps car la réversibilité conditionne le type de stockage et les générations futures aussi. Il faut aussi que la question des déchets étrangers soit réglée. Ils doivent repartir au terme de l'article 3 et dans des délais relativement incertains mais tout de même pas dans 100 ans. Ces points, départ des déchets étrangers (pas seulement quelques verres et du plutonium) et utilisation des petits LEMI clarifieront la politique des déchets. Le planning du départ des déchets étrangers, la mise en oeuvre de règles pour le laboratoire aiderait aussi. Lors des réunions des instances de concertations Meuse, Gard et Vienne il a été affirmé le laboratoire ne sera jamais un site de stockage. Il faudrait plus clairement expliciter cette démarche. Les populations locales n'ont pas été convaincues par cette affirmation. On sait que a priori on choisit un site favorable, donc le tunnel du laboratoire ne sera que l'entrée du site et pas le lieu du stockage mais c'est à peu près la seule chose exacte dans l'affirmation. Simplement le stockage se fera dans un autre forage mais sur le même site, puisque ce qu'on a caractérisé c'est ce site, son milieu et pas un autre! p.9
|