La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°171/172
A PROPOS DES CENTRALES

STOP-GOLFECH - Bazens, le 29/11/98
COMMUNIQUÉ DE PRESSE: FUITES RADIOACTIVES A GOLFECH LE 27/11.
POUR EDF UN «INCIDENT» DE PLUS.
CETTE FOIS, DES TRAVAILLEURS DIRECTEMENT CONTAMINÉS.
JUSQU'OÙ IRA-T-ON?
 
     «Vers 13h15, l'alarme d'une balise de détection de la radioactivité atmosphérique s'est déclenché lors d'une intervention sur un couvercle de la cuve du réacteur no2 de la centrale de Golfech, en cours d'arrêt de tranche» (communiqué commun DSIN-Direction de la sûreté des installations nucléaires et OPRI- Office de Protection contre les rayonnements ionisants, cité par REUTERS).
     «Après confirmation d'une contamination dans la zone concernée du chantier, la décision fut prise vers 16h30 d'évacuer l'ensemble du bâtiment réacteur et de procéder à un examen anthropogammamétrique systématique des travailleurs présents.» (85 personnes ont été concernées).
     EDF n'aurait-elle pas confiance dans ses balises? Les travailleurs ont ainsi continué pendant plus de trois heures à travailler dans une ambiance contaminée.
     «Cette situation est due à un défaut de fonctionnement d'un appareil de ventilation» (communiqué EDF);
     Cela indique que les travailleurs ont vraisemblablement inhalé des particules radioactives. Il y a eu différence majeure de risques entre irradiation externe et contamination interne, à l'image de l'impact d'une braise qu'on approche ou qu'on avale; la communication d'EDFjoue régulièrement sur cette confusion.
     Le cobalt 60 à une demi-vie de 5,3 ans, et se fixe prioritairement sur le foie et les ovaires; cela veut dire que les becquerels inhalés et fixés vont irradier pendant 5,3 ans les organes où ils se seront fixés, et qu'au terme de cette période, la moitié sera encore présente, et ainsi de suite.
     Quel suivi y aura-t-il pour les travailleurs concernés, sachant que la sous-traitance est de plus en plus la règle pour les opérations de maintenance. Il importe que tout travailleur EDF ou privé soit suivi médicalement à vie. Rappelons que le Dr IMBERNON a été licenciée par EDF (avant d'être réintégrée à un poste difféent) pour avoir voulu mettre en place cette politique de suivi épidémiologique.
     EDF annonce une dose max. reçue de 0,16 mSv, et la compare aux limites annuelles réglementaires. Celles-ci sont aujourd'hui en France de 50 mSv pour les travailleurs de l'industrie nucléaire et de 5 mSv pour la population.
     Est-il normal que les doses tolérées pour les travailleurs soient à ce point supérieures à celles des autres personnes?
     La directive EURATOM du 13 mai1996 fixe ces limites à respectivement 20mSv et 1 mSv, il faut savoir en outre que ces doses correspondent à une nocivité jugée acceptable économiquement par les autorités, et nullement à un seuil au-dessous duquel elles seraient inoffensives. (La communauté scientifique s'accorde aujourd'hui pour reconnaître qu'il n'existe pas de seuil, et que donc toute dose se cumule).
suite:
     EDF compare ces doses à celles reçues lors d'un examen radiographique des poumons.
     Nous citerons Mme GazaI, vice-présidente de la Commission locale d'information (CLI) de Golfech, dans le compte-rendu de la réunion plénière de la CLI du 17/10/97: «ce n'est pas une référence parlante pour les populations auxquelles elles s'adressent... Pour reprendre la comparaison avec la radiographie pulmonaire qui est effectivement très fréquente, la dose reçue par le patient représente l'équivalent d'un tiers des limites annuelles maximales admissibles par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), ce qui est loin d'être négligeable» et nous rajouterons que l'irradiation médicale n'est pas inoffensive (700 morts/an en France - 0,5% du nombre de décès par cancer par an -étude INSERM 1997)

Incident en cascade: jusqu'où?
     Le 28 septembre, les circuits de mesure de la réaction en chaîne du coeur ont été débranchés avec autorisation de l'autorité de sûreté, à la condition expresse qu'aucun élément important pour la sureté ne soit indisponible au même moment; l'équipe de conduite s'est aperçu 50 minutes après la déconnexion de ce circuit qu'une vanne de déchargement de vapeur vers l'atmosphère était défaillante. Les systèmes de mesure ont alors été rebranchés. Incident classé niveau I. Le 14 octobre 98, encore à Golfech, l'autorité de sûreté a du reclasser à la hausse une sous-estimation de la part d'FDF d'une anomalie qui avait conduit à une sous-estimation de la puissance du réacteur de 7% pendant 30 heures. Trois «incidents» en 3 mois (8 depuis le début de l'année, à notre connaissance). Jusqu'où ira-t-on? Qui répondra à nos question? Localement nous demandons une réunion extraordinaire de la CLI.
     Il y a eu en 1997 en France 470 incidents significatifs (soit un toutes les 19 heures). Si l'on sait qu'un accident majeur est souvent le fruit de la juxtaposition de petits «incidents», on ne peut que s'interroger devant cette inflation des problèmes dans les centrales françaises (Chooz, Civaux, Belleville, Flamanville, maintenant et encore Golfech).
     Des voix s'élèvent de l'intérieur même, pour déplorer cette situation; un syndicaliste CGT nous confiait son inquiétude devant le fait que le rechargement dans les réacteur 1300 MW est pratiqué tous les 18 mois au lieu de 12; conséquence pratique: les entretiens préventifs du matériel ne sont plus assurés actuellement comme auparavant. Même Claude-André Lacoste, directeur de la DSIN met en garde: «Nous ne voulons pas que les directeurs de tranche se lancent dans une course effrénée de la réduction des arrêts de tranche, sous prétexte de décrocher le record mondial et d'avoir leur nom dans Nucleonie weeks.»
     Plus que jamais, l'actualité nous conforte dans notre conviction qu'il faut sortir le plus rapidement possible du nucléaire (comme le fait le reste de l'Europe).

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CSSIN
Réunion du 15 décembre 1998
INCIDENT DE CONTAMINATION SURVENU DANS LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE GOLFECH LE 27 NOVEMBRE 1998
 
Présentation de l'incident

     Le 27novembre 1998, vers 13h15, l'alarme d'une balise de détection de la radioactivité atmosphérique dans le bâtiment du réacteur 2 de la centrale de Golfech s'est déclenchée alors que des travaux, réalisés dans le cadre de l'arrêt annuel du réacteur, étaient en cours dans le bâtiment. 

     La section sécurité - radioprotection» (SRP) de la centrale, immédiatement alertée par le personnel présent dans le bâtiment réacteur, a effectué vers 14h00 des contrôles qui ont confirmé la présence de contamination. Une évacuation du niveau du bâtiment affecté par cette contamination a alors été demandée à 14h20 par la SRP. 
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     Le service médical ayant signalé à 16h00 que 3 agents sortant du bâtiment réacteur présentaient des traces de contamination, détectée lors de leur anthropogrammamétrie, la SRP a demandé à titre de précaution l'évacuation de tout le bâtiment réacteur à 17h40.
     Il est à noter que cet incident est intervenu alors que les circuits généraux de ventilation du bâtiment réacteur, ainsi que la chaîne de mesure de l'activité bêta des aérosols dans ce bâtiment étaient à l'arrêt du fait de la réalisation d'essais relatifs à l'étanchéité des traversées de l'enceinte.
     Les contrôles anthropogammamétriques réalisés sur le personnel qui intervenait dans le bâtiment réacteur ont porté sur 97 personnes; des contaminations, dues essentiellement à des traces d'isotopes radioactifs de cobalt (notamment de cobalt 60) ont été découvertes. Parmi les personnes contrôlées:
     - 82 présentaient une contamination non détectable ou inférieure à 500 Bq de cobalt 60;
     - 14 présentaient une contamination comprise entre 500 et 1.500 Bq de cobalt 60;
     - 1 personne présentait une contamination supérieure à 1.500 Bq; cette contamination d'environ 2.000 Bq de cobalt 60, correspond à un équivalent de dose de moins de 0,2mSv.
     A titre d'information, il convient de préciser que la centrale doit informer l'OPRI pour toute contamination comprise entre 5.000 et 10.000 Bq de cobalt 60, et doit l'avertir immédiatement pour toute contamination supérieure à 10.000 Bq.

Origine de l'incident
     Dans l'état actuel de l'enquête menée par l'Autorité de sûreté, la contamination est due à la défaillance d'un système de filtration du chantier du couvercle de cuve qui était en cours. A cette défaillance matérielle s'est ajoutée une réaction inappropriée des agents présents dans le bâtiment réacteur, qui les a conduit à ne pas engager l'évacuation immédiate lorsque l'alarme de la balise s'est déclenchée.

Défaillance du système de fïltration
     Le chantier du couvercle de cuve présentant un risque de dissémination de la contamination, des précautions particulières sont prises. En particulier, un confinement dynamique du chantier est assuré et l'accès au chantier s'effectue au travers d'un sas dans lequel les intervenants s'équipent et se déséquipent. Le confinement dynamique du chantier et de son sas est réalisé par deux appareils de ventilation, l'un pour le chantier et l'autre pour le sas, qui rejettent l'air aspiré dans le bâtiment du réacteur après filtration sur un filtre «absolu» destiné à piéger les aérosols et en particulier les particules de cobalt radioactif.
     Il s'est avéré que le ventilateur du sas n'était pas équipé du filtre adapté: il était muni d'un filtre à iode (charbon actif) au lieu d'un filtre «absolu». Cette situation explique, au moins partiellement, la contamination constatée dans le bâtiment réacteur.

suite:
Réaction inappropriée des agents
     Lorsque la balise de mesure de l'activité s'est déclenchée, le gardien du sas d'accès au bâtiment réacteur du niveau 22m a alerté la SRP en lui demandant de venir contrôler que cette alarme n'était pas intempestive, mais il n'a pas été donné d'ordre d'évacuation immédiate du bâtiment réacteur.
     La balise qui a déclenché est mise en place pour le suivi de l'activité en aérosols lors des opérations de chargement et de déchargement du réacteur en combustible; elle reste en place entre ces deux opérations, c'est-à-dire pendant toute la durée de l'arrêt. Si le personnel chargé de ces opérations de manipulation de combustible est attentif à cette alarme, qui permet en particulier d'avertir d'une perte d'étanchéité du combustible, les intervenants sur les autres chantiers n'y sont pas autant sensibilisés. De plus, cette balise déclenche plusieurs fois au cours d'un arrêt (par exemple lors du passage d'un matériel irradiant à proximité), ce qui ne peut qu'augmenter la passivité des agents vis à vis de cette alarme.

Les actions de l'Autorité de sûreté à la suite de cet incident
     Cet incident a eu des conséquences limitées (faible contamination des personnes affectées, pas de rejet dans l'environnement). Cependant, du fait des dysfonctionnements constatés, il conduit la DSIN, au-delà de l'enquête menée par la DRIRE des contrôles réalisés par l'OPRI et des suites locales qui pourront être données à cet incident, à examiner de manière plus approfondie les mesures prises par EDF pour prévenir la contamination du personnel intervenant en zone contrôlée pendant les arrêts de tranche.
     Cet examen portera notamment sur:
     - le fonctionnement des systèmes de ventilation du bâtiment réacteur pendant les interventions sur des installations présentant un risque de dissémination de substances radioactives,
     - la gestion des dispositifs mobiles de ventilation et de filtration, et notamment les caractéristiques requises, les conditions d'installation, les essais de qualification après installation et la surveillance en service,
     - la conduite à tenir lorsque le système de contrôle de la radioactivité ambiante (système KRT) est indisponible, notamment du fait de la réalisation d'essais périodiques,
     - la gestion des dispositifs mobiles qui sont utilisés pour assurer le contrôle de la radioactivité ambiante (caractéristiques, étalonnage, conditions d'utilisation...),
     - les modalités de prise en compte des alarmes des dispositifs fixes ou mobiles de contrôles de la radioactivité ambiante.
     C'est pourquoi, dans un premier temps, la DSIN s'apprête à demander à EDF de lui communiquer les instructions qui avaient été données aux sites par ses services centraux sur ces différents aspects.
     Par ailleurs, la DSIN s'apprête à demander à l'exploitant de reclasser cet incident au niveau I de l'échelle INÈS, compte tenu du manque de culture de sûreté mis en évidence par le retard constaté dans l'évacuation du bâtiment réacteur.

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Une brève à propos de la sûreté des réacteurs
Le fleuron français: la saga des fissures continue sur le palier N4
B Belbéoch
 
     Il y a un peu plus d'un an Christian Pierret, secrétaire d'État à l'industrie et Edmond Alphandéry, alors président d'EDF se sont rendus à la centrale nucléaire de Chooz. Durant leur visite C. Pierret a tenu à féliciter EDF «pour la conception et la mise en service de Chooz B, qui est, à ce jour, la centrale à eau sous pression la plus avancée au monde. Une véritable vitrine technologique que même les Américains nous envient» (La Vie électrique, no 297, déc-janv. 1998). Depuis, cette vitrine de Civaux et Chooz leur cause bien des soucis. Si l'EPR est encore une version "améliorée" de ce palier N4 on n'est peut-être pas les seuls à souhaiter qu'il reste à l'état de projet
     Nous avons analysé l'incident survenu en mai dernier sur le circuit de refroidissement à l'arrêt (RRA) du réacteur Civaux-1 dû à la fissuration par fatigue thermique d'un coude situé à proximité d'un té de mélange eau chaude/eau froide (Gazette Nucléaire N°167/168, août 1998).
     Nous avons insisté sur les erreurs de conception, les lacunes du contrôle qualité, sur le non-respect par EDF des consignes de conduite alors même que l'intégrité du circuit primaire était mise en défaut par l'incident. EDF, qui, selon son slogan "nous doit plus que la lumière", devrait sans faute nous éclairer sur sa nouvelle conception de défense en profondeur...
     Les contrôles métallurgiques non-destructifs effectués sur les deux réacteurs B1 et B2 de Chooz ayant révélé le même phénomène de fatigue thermique, ces réacteurs ont été déchargés, B1 en juillet et B2 à la fin juin.
 
fin p.9

Que s'est-il passé depuis?
     Passons rapidement sur le fait qu'EDF a menti en affirmant qu'il n'y avait pas eu de rejets radioactifs dans l'environnement puisqu'on a appris que, suite à des erreurs dc manutention et de mesure d'activité, un rejet intempestif d'effluents radioactifs liquides a bel et bien été effectué dans la Vienne mais qu'il a été classé au niveau 0 de l'échelle INES; de faible volume a-t-on dit, (mais de quelle activité ?) le jour où avait lieu une sortie en canoé-kayak non loin du point de rejet des effluents... Passons sur le fait que la Commission Locale d'Information n'a pas été informée de ce délestage (Bulletin d'information de Stop-Civaux, Nov.-Déc. 98, janv. 99). Nous allons nous borner aux problèmes métallurgiques.
     Selon nos sources trois sortes de modifications ont été apportées au circuit RRA du palier N4 sur chacune des deux voies:
     Conception. Un nouveau tracé a été conçu pour la portion de circuit RRA où le coude s'est fissuré après le té de mélange. La barre du T est désormais horizontale et comprend d'un côté l'arrivée d'eau chaude et de l'autre le mélange eau chaude/eau froide, l'eau froide arrivant dans la branche verticale. On a éloigné la zone de mélange de la première soudure qui raccorde le té au restant de la tuyauterie du circuit RRA en rallongeant d'une façon dissymétrique la portion de barre du T où s'effectue le mélange.
     Fabrication. Un traitement interne (du type polissage) durcit l'acier sur la surface intérieure de cette portion du circuit pour le rendre moins susceptible au phénomène de faiençage thermique.
     Exploitation. La durée de fonctionnement du circuit RRA est limitée à 1200 heures sur 3 cycles. EDF doit faire des contrôles sur les parties pouvant présenter de la fatigue thermique. Une caméra surveille le circuit dans la partie qui a été remplacée par la nouvelle configuration. Des jauges de contraintes et des thermocouples ont été placés sur la peau externe de la tuyauterie dans la zone (le mélange. (Il y aurait également un thermocouple implanté à l'intérieur de la paroi).
     C'est dans ces conditions que la DSIN a autorisé EDF à faire fonctionner les réacteurs de Chooz pour un cycle d'1 an et donc EDF a commencé à effectuer le rechargement bien que tous les paramètres thermo-hydrauliques de la nouvelle configuration n'aient pas, faute de temps, été étudiés. En somme les essais dc qualification vont être faits sur les réacteurs en fonctionnement, ce qui revient à utiliser la centrale de Chooz comme un laboratoire de mise au point! Comme d'habitude un compromis bâtard entre coût et sûreté. Cela nous a paru inadmissible et nous l'avons dit. Mais parole d'ingénieur, on nous a garanti qu'il n'y avait pas de risque à fonctionner de cette façon.
     Cependant les contrôles ont continué depuis juillet sur le réacteur de Civaux-1 qui lui n'est pas encore chargé.
     La DSIN a demandé à EDF de recenser sur le RRA de Civaux-1 toutes les zones sensibles susceptibles d'être des zones de mélange, bien que les écarts de température eau chaude/eau froide ne puissent être qu'inférieurs à ceux ayant provoqué la fissuration du coude observée en mai dernier, et de les contrôler. Les 5 et 6 décembre, patatras ! EDF informe la DSIN que les contrôles complémentaires par ultra-sons montrent des indications dans une zone de mélange d'un autre té, sur la ligne de débit nul de la pompe. Les tronçons correspondants ont donc été déposés pour être expertisés: il y a une fissuration de la paroi interne d'une soudure sur une longueur de 18 cm pour une tuyauterie de 10 cm de diamètre et elle affecte donc la soudure sur plus de la moitié de la circonférence. Ce serait du faiençage thermique comme pour le tronçon déposé au mois de mai dernier.
     Et les réacteurs de Chooz? A cette date le chargement en combustible n'est pas complètement terminé mais est déjà réalisé aux 3/4. On effectue dare-dare des examens par ultra-sons au voisinage du té de la ligne de débit nul: ils montrent des indications nombreuses en particulier sur le réacteur B1.
suite:
Dilemme pour EDF: 
     décharger le réacteur, changer les tronçons et recharger? Cela nous paniltrait la solution minimale à adopter tout en pensant qu'il est aberrant de faire fonctionner des gros bazars, de plus en plus gros et dont on ignore complètement comment ils se comportent d'un point de vue métallurgique. Ce qu'a admis D. Quéniart, un des responsables de l'IPSN lors d'une réunion de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN) du 8 décembre "persunne a été capable pourquoi au juste ça a craqué [le RRA de Civaux]" (Nucleonics Week, December 10, 1998). Mais ce n'est pas ainsi que raisonnent nos spécialistes. Pour eux il y a une autre alternative, c'est de ne pas décharger le réacteur, de faire marcher une seule voie du circuit RRA pendant que sur l'autre voie on découpe la mauvaise portion de circuit et on inverse pendant qu'on répare la deuxième. En somme on élimine volontairement la redondance.
     Comment peut-on être amené à ce genre de "solution" ? Et bien le déchargement puis le rechargement posent des problèmes à EDF. Non, il ne s'agit pas seulement d'une perte de temps et bien sûr le temps c'est de l'argent et tous ces déboires sur notre "vitrine nationale" ça fait mauvais effet au niveau international. (Vous n'en trouverez aucune mention dans l'article consacré au palier N4 sur Internet par un rédacteur de Mechanical Engineers et EDF se fait ainsi de la publicité auprès de The American Society of Mechanical Engineers). Et si ça prend beaucoup de temps alors qu'on doit rester sur le circuit RRA, ce temps est pris sur le quota d'heures permis par la DSIN ce qui restreint l'utilisation ultérieure du circuit RRA.
     Les difficultés liées au déchargement puis au rechargement du coeur proviennent de ce que les assemblages combustibles sont très déformés. D'après l'article de Nucleonics Week déjà cité "(...) les assemblages sont tellement courbés que cela prend jusqu'à trois heures pour remettre un assemblage dans le coeur et une autre opération de déchargemcnt-rechargement pourrait poser des problèmes sévères". (Il y a 205 assemblages pour un coeur du palier N4). La courbure des assemblages serait due à la longueur des crayons combinée à un manque de rigidité des structures-guides. Il est vraisemblable que des ruptures de crayons de combustible puissent en résulter. (Cela s'est déjà produit à Chooz).
     Des analyses probabilistes auraient été effectuées par le DES (Département d'études de sûreté) de l'IPSN pour savoir quelle était la meilleure solution entre décharger puis réparer ou bien réparer sans décharger. Des analyses de risques. Quels risques? Sur ce point nous n'avons pas pu avoir d'informations. Nous aimerions pourtant connaître les bases sur lesquelles se font de telles analyses. Et ce qu'il en est résulté.
     EDF a perdu son pari en rechargeant précipitamment les réacteurs de Chooz avant d'avoir l'expertise complète de Civaux-l. Pour le RRA c'est raté. Qu'en est-il du circuit primaire?
     Remarquons qu'en date du 22 janvier 1999 il n'y a aucun renseignement sur Magnuc à propos de Chooz depuis la mise à jour du 18 décembre 1998 où, curieusement il est indiqué l'arrêt du réacteur B1 depuis le 21 juin et son déchargement terminé depuis le 17 juillet, l'arrêt du réacteur B2 depuis le 7juin et le déchargement terminé depuis le 29 juin pour intervention sur le circuit RRA, mais il n'y a pas un mot sur le rechargement de B1 (autorisé le 17 novembre) ni sur celui de Chooz B2. (Est-il chargé ou non ?). Ce sont des informations très transparentes!
     Ajoutons qu'EDF s'attendait à avoir des problèmes sur les plus vieux réacteurs du palier 900MW mais pas sur ces tout nouveaux réacteurs du palier N4. Remarquons cependant qu'il n'était pas prévu que ces derniers restent si longtemps en situation d'attente sur le circuit RRA. Pauvre Chooz B1 qui a eu des ennuis de turbine et donc une période d'essais très longue et qu'il a fallu approvisionner avec la turbine de Civaux-2 et pauvre Civaux-1 qui a dû fonctionner avec son RRA pendant 3 mois à cause d'un problème d'alternateur….
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ET MAINTENANT INCIDENT A CRUAS
 
AFP (29janvier 1999) - Dégazages radioactifs: inspection de l'autorité de sûreté à Cruas
     L'autorité de sûreté a décidé de déclencher vendredi après-midi une inspection à la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche), où deux évacuations de personnels ont éte nécessaires depuis jeudi à la suite de dégazages radioactifs.
     La DSIN estime qu'il y a eu retard lors de la première évacuation, comme cela avait été constaté lors d'une évacuation similaire à la centrale de Golfech en novembre. Les balises se sont déclenchées jeudi à 16h15 et l'évacuation a été décidée à 17h30, selon Eric Bret, chef de la centrale de Cruas. Pour Mr Bret l'évacuation a été décidée «après vérification du diagnostic de véracité de l'alarme.» La deuxième évacuation, vendredi à 1h00 du matin, a été plus rapide
     «Au lieu d'évacuer immédiatement les lieux lorsque la balise s'est déclenchée, détectant la première bouffée de radioactivité, le personnel a voulu vérifier si les balises fonctionnaient bien.». a indiqué à l'AFP le directeur de la DSIN, André-Claude Laccoste.
     «Or si une balise de radioactivité se déclenche, il faut évacuer immédiatement et réfléchir ensuite.», a ajouté M. Lacoste.

PARIS, 29 jan (AFP) - La direction de la centrale nucléaire EDF de Cruas-Meysse (Ardèche) a procédé dans la nuit de jeudi à vendredi à une deuxième évacuation «préventive» du personnel présent dans le réacteur no 1, a-t-on appris auprès d'EDF.
     65 personnes avaient été évacuées jeudi enfin d'après-midi du bâtiment réacteur après le déclenchement de balises de mesure de la radioactivité, a indiqué Électricité de France (EDF).
     Vers 4h00 vendredi, les balises se sont une nouvelle fois déclenchées et la quarantaine de personnes présentes a été évacuée.
     Ces incidents, signalés à l'autorité de sûreté mais sans «déclaration d'incident significatif en première analyse», n'ont pas eu de conséquences néfastes sur l'environnement et le personnel, selon EDF.
     Des expertises étaient en cours vendredi dans la journée pour connaître la cause de ces dégazages radioactifs, assez fréquents lors des opérations de maintenance lorsque le couvercle du réacteur est soulevé, comme c'était le cas.

REUTER-PARIS, 2 février - Un incident qui s'est produit la semaine dernière à la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche), dans un réacteur à l'arrêt, a valu mardi à EDF une réaction de l'autorité de sûreté nucléaire.
     La Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) a classé l'incident au niveau 1 (le moins grave) de l'échelle internationale des événements nucléaires (Ines).
     Jeudi à 16h15, lors de la levée du couvercle de la cuve du réacteur, une balise de mesure de la radioactivité dans l'air ambiant du bâtiment réacteur s'est déclenchée.
     Les personnes présentes dans le bâtiment réacteur n'ont été évacuées qu'une heure plus tard, déplore la DSIN dans un communiqué.
     Après ventilation, l'air ambiant a retrouvé un niveau normal de radioactivité. Les travaux ont pu reprendre dans ce réacteur en arrêt annuel pour rechargement en combustible et entretien. Mais une balise de mesure de la radioactivité a de nouveau été déclenchée vendredi à 1h du matin, entraînant l'évacuation - immédiate cette fois - du bâtiment réacteur.
     Selon la DSIN, ces bouffées gazeuses radioactives «résultent de défauts d'étanchéité de la gaine de certains assemblages combustibles». Les 168 personnes potentiellement concernées ont été examinées mais n'ont pas été contaminées. «La radioactivité rejetée dans l'atmosphère est restée très faible et bien inférieure aux limites autorisées», ajoute l'autorité.
     La DSIN note «le caractère tardif de l'évacuation du personnel après le déclenchement de la première balise» et «le manque de précautions prises pour la levée du couvercle de la cuve du réacteur malgré les incidents de même type survenus récemment sur les centrales de Golfech et de Gravelines».

suite:
     La Crii-Rad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité) a dénoncé pour sa part une «exposition injustifiée du personnel» dans cette centrale mais aussi dans un autre réacteur nucléaire à Marcoule le 15 janvier.
     «Le réacteur Célestin (de Marcoule) a rejeté, en quelques heures, plus de tritium que n'en rejettent sur une année entière les 57 réacteurs électronucléaires français», affirme l'association, basée à Valence.

Information sur MAGNUC en date du 29 11/1999 avec une mise à jour en date du 23/1/99 - CELESTIN (COGEMA DE MARCOULE Installation nucléaire de base secrète) (Gard) Rejet atmosphérique de tritium.
     Le 15 janvier, un relâchement non contrôlé de gaz tritium d'environ 85 térabecquerels (2300 curies), évacué par la cheminée de l'installation CELESTIN, a été détecté à 11h50. L'installation CELESTIN, constituée de deux réacteurs nucléaires fonctionnant en alternance, produit de tritium par irradiation neutronique de cibles contenant du lithium. La fuite s'est produite au cours de l'opération de lavage des cibles irradiées et avant leur expédition vers l'atelier tritium de Marcoule (ATM) où elles sont traitées pour extraire le tritium. Elle résulte d'un défaut d'étanchéité ayant affecté 8 cibles sur les 144 en cours de traitement. Des investigations sont en cours pour déterminer l'origine de ce défaut. Le rejet dans l'environnement représente un peu moins de 1% de la limite annuelle autorisée en tritium pour les rejets gazeux par l'établissement COGEMA de Marcoule. Au niveau du sol, l'impact maximum calculé résultant de ce rejet est inférieur à 10 microsieverts (soit le centième de la limite annuelle d'exposition pour le public); il se situe à 500 mètres de la cheminée, au niveau de la clôture sud du site; l'exposition maximale des populations les plus proches du site est très inférieure à 1 microsievert (soit le millième de la limite annuelle d'exposition pour le public). Cet incident est classé au niveau 1 de l'échelle INES.

COMMENTAIRE GSIEN

     Golfech, Gravelines puis maintenantCruas, cessons de jouer avec les personnels.
     La DSIN ne parvient pas à faire passer son message. Si une alarme radioactivité se produit, il faut sortir. Ce n'est pas compliqué et pourtant... Une maintenance de réacteur est encore et toujours la présence sur un site et plus spécialement dans le bâtimient réacteur, d'une série d'équipes sans lien les unes avec les autres, sans contrôle global. Le résultat est un manque total de coordination et de consignes précises…
     Chaque petit groupe interprète les consignes ou même se forge ses consignes.
     A Golfech la contamination n'a été découverte que par hasard. Une équipe terminait son boulot et alors les intervenants passent à l'anthropogammamétrie. Par chance le médecin a eu son attention attirée par le fait que les agents présentaient tous une contamination, en dessous des seuils. C'est ça le gros problème: s'il n'y avait pas eu la série, qui aurait décelé l'anomalie? Anomalie reprise à Cruas et cette fois pour 65 intervenants. Comme on peut avoir sur un site 700 intérimaires dont 400 peuvent se trouver dans le bâtiment réacteur, EDF va-t-elle attendre encore pour revoir les consignes? Et par ailleurs qui va faire le suivi puisque personne ne sait exactement qui est sur un site. EDF ne connaît que Framatome et Framatome sous-traite à qui mieux mieux...
     Revoir les consignes et aussi les gaines de combustible car ce que déclare la DSIN est fort alarmant: selon la DSIN, ces bouffées gazeuses radioactives «résultent de défauts d'étanchéité de la gaine de certains assemblages combustibles»
     Alors combien d'assemblages sont fuyards et quelles mesures prévues pour ne pas contaminer les intervenants?
     Il n'y a pas que les balises internes qui déclenchent, les balises externes aussi et d'aprés «le régional du 17-12-98» ce n'est pas mieux géré. Une balise de clôture de Belleville a déclenché, apparement sans raison mais... ça reste a prouver et pour le moment on reste toujours sans explication sur cette bouffée radioactive à Belleville, sujet à suivre...

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