Madame, Monsieur, Le 15 décembre 2005 au Chili, trois ouvriers ont été accidentellement en contact avec une source de gammagraphie (iridium 192) d'activité importante. Le Chili a sollicité l'assistance de la France, qui a accepté d'accueillir l'ouvrier le plus irradié afin que celui-ci puisse bénéficier de soins médicaux appropriés. Celui-ci est attendu aujourd'hui, pour être transféré à l'hôpital d'instruction des Armées Percy de Clamart, où il sera pris en charge par une équipe médicale spécialisée. Cet accident grave est l'occasion de rappeler aux professionnels utilisateurs de la gammagraphie que cette technique comporte des risques d'irradiation importants dès lors que la source n'est pas sécurisée. Ces risques ne concernent pas que les opérateurs eux-mêmes, mais aussi tous ceux qui pourraient être en contact avec la source. C'est le cas de cet ouvrier chilien qui a retrouvé la source d'iridium sur son chantier, source perdue la veille par des opérateurs de gammagraphie. Je vous rappelle donc à nouveau dans l'annexe jointe que je vous avais déjà adressée le 26 avril 2004 les principales dispositions réglementaires de radioprotection applicables en gammagraphie; j'attire en particulier votre attention sur l'importance de la formation et de l'information des opérateurs que vous employez (paragraphe 2.4). Par ailleurs, un guide de bonnes pratiques de la gammagraphie industrielle, en cours de réalisation avec le soutien de la COFREND (Confédération française pour les essais non destructifs) et de la faculté de médecine de Marseille, viendra renforcer dans le courant de l'année 2006 la formation des opérateurs. La gammagraphie reste donc un thème prioritaire d'inspection pour l'ASN en 2006. Le guide de bonnes pratiques de la gammagraphie industrielle que j'ai souhaité constituera le moment venu un référentiel supplémentaire pour l'inspection. Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée. Le directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection André-Claude LACOSTE 1 ANNEXE A LA LETTRE DGSNR/SD8/N° 086/2004
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2. Concernant la radioprotection des travailleurs et du public 2.1. Dispositions de portée générale 2.1.1. L'exposition des personnes aux rayonnements ionisants doit être maintenue au niveau le plus bas qu'il est raisonnablement possible d'atteindre, en application du principe d'optimisation (articles L.1333-1 du code de la santé publique et R.231-75 du code du travail). 2.1.2. Le chef d'établissement doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la prévention des accidents du travail et faire appliquer les mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel (article R.231-74-I du code du travail). A ce titre, il doit notamment exister dans l'établissement des détecteurs de rayonnement (débitmètres/radiamètres) utilisés à des fins de radioprotection lors de la mise en oeuvre des sources de rayonnements ionisants (arrêté du 2 mars 2004 qui annule et remplace les Conditions particulières d'emploi (CPE) des radioéléments artificiels destinés à la radiographie et à la radioscopie gamma édictées par la CIREA). 2.1.3. La dose efficace reçue par les travailleurs exposés, dont les opérateurs de gammagraphie, ne doit pas dépasser 35 millisieverts sur 12 mois consécutifs (ramenée à 20 mSv à partir d'avril 2005), dans la limite de 100 mSv durant une période de 5 ans (article R.231-76 du code du travail, complété par l'article 5 du décret n°2003-296 du 31 mars 2003). La dose efficace annuelle reçue par les personnes du public est limitée à 1mSv (article R.1333-8 du code de la santé publique). Sont notamment à classer comme personnes du public les personnels non exposés aux rayonnements ionisants, en particulier tous ceux qui ne participent pas à leur mise en oeuvre. 2.1.4. Les travailleurs susceptibles de recevoir, dans les conditions habituelles de travail, une dose efficace supérieure à 6 mSv par an sont classés par le chef d'établissement en catégorie A, après avis du médecin du travail. En ce qui concerne les travailleurs exposés aux rayonnements ne relevant pas de la catégorie A, ils sont classés en catégorie B (article R.231-88 du code du travail). 2.1.5. Tout incident ou accident susceptible de porter atteinte à la santé des personnes par exposition aux rayonnements ionisants doit être déclaré sans délai à l'autorité administrative ayant délivré l'autorisation de détenir et d'utiliser des radionucléides (article L.1333-3 du code de la santé publique). En outre, une information de l'inspecteur du travail et du médecin du travail doit être également effectuée si les limites réglementaires d'exposition des travailleurs ont été dépassées (article R.231- 96 du code du travail). 2.1.6. Les salariés sous contrat de travail à durée déterminée et les salariés des entreprises de travail temporaire ne peuvent pas être affectés à des travaux sous rayonnements ionisants dès lors que ceux-ci sont effectués dans des zones où le débit de dose horaire est susceptible d'être supérieur à 2 mSv (arrêtés du 12 mai 1998 et du 21 juillet 1998). 2.1.7. L'ouverture d'un chantier de contrôle radiographique de durée prévisible supérieure à un mois doit faire l'objet d'une déclaration auprès de l'inspection du travail, du préfet du département dans lequel le chantier est prévu et de l'autorité administrative ayant délivré l'autorisation prise en application de l'article L.1333-4 du code de la santé publique. Cette déclaration doit être faite au plus tard 48 heures avant le premier contrôle radiographique (article R.1333-33 du code de la santé publique et arrêté du 2 mars 2004). 2.2. Personne compétente en radioprotection 2.2.1. Dans tout établissement qui utilise un générateur électrique de rayons X et/ou au sein duquel sont entreposées des sources de rayonnements ionisants, telle que des sources radioactives scellées, entraînant un risque d'exposition notamment pour ses salariés, le chef d'établissement doit désigner au moins une personne compétente en radioprotection qui devra avoir suivi au préalable et avec succès une formation à la radioprotection (article R.231-106 - I du code du travail). 2.2.2. Dans un établissement comprenant une installation soumise à déclaration ou à autorisation en application du code de l'environnement, il doit exister un service compétent en radioprotection dont l'effectif comprend des salariés de l'établissement ayant suivi avec succès la formation de personne compétente en radioprotection. Ce service est distinct des services de production et des services opérationnels (article R.231-106 – I du code du travail). p.5
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2.2.3. Le chef d'établissement doit mettre à la disposition de la personne compétente en radioprotection les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions (article R.231-106 - I du code du travail). Plus généralement, le chef d'établissement met à disposition de la personne titulaire de l'autorisation les moyens nécessaires pour atteindre et maintenir un niveau optimal de radioprotection du public (article R.1333-7 du code de la santé publique). 2.2.4. La personne compétente en radioprotection doit procéder à une analyse des postes de travail pour identifier et quantifier le risque encouru par les travailleurs exposés. A partir de cette analyse, elle définit les mesures de protection adaptées à mettre en oeuvre et en vérifie leur pertinence, notamment au vu des résultats de la dosimétrie opérationnelle (article R.231-106 – III du code du travail). 2.2.5. Lors d'une opération se déroulant en zone contrôlée, le chef d'établissement fait définir par la personne compétente en radioprotection les objectifs individuels et collectifs de dose de rayonnements reçus lors de chaque opération (article R.231-75 du code du travail). 2.2.6. En cas de dépassement d'une limite réglementaire d'exposition aux rayonnements ionisants, la personne compétente en radioprotection, sous la responsabilité du chef d'établissement, doit engager plusieurs actions spécifiques, notamment formaliser l'étude des circonstances dans lesquelles le dépassement s'est produit, ainsi que définir les mesures à prendre pour éviter une nouvelle surexposition (article R.231-97 du code du travail). 2.2.7 Lorsque le chef d'une entreprise utilisatrice fait intervenir une entreprise extérieure ou un travailleur non salarié, il doit assurer la coordination générale des mesures de prévention qu'il prend et de celles prises par le chef de l'entreprise extérieure ou le travailleur non salarié. A cet effet, le chef de l'entreprise utilisatrice communique à la personne ou au service compétent en radioprotection les informations qui lui sont transmises par les chefs des entreprises extérieures. Il transmet les consignes particulières applicables en matière de radioprotection dans l'établissement aux chefs des entreprises extérieures qui les portent à la connaissance des personnes compétentes en radioprotection qu'ils ont, le cas échéant, désignées (article R.231-74-II du code du travail). 2.2.8 Chaque chef d'entreprise est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel et, notamment, de la fourniture, de l'entretien et du contrôle des appareils et des équipements de protection individuelle et des instruments de mesure de l'exposition individuelle. De plus, les chefs des entreprises extérieures déterminent les moyens de protection individuelle pour leurs propres salariés, compte tenu des mesures prévues par le plan de prévention établi en application de l'article R.237-7 du code du travail (articles R.231-74-II et R.231-85-III du code du travail). 2.3. Délimitation des zones réglementées pour des raisons de radioprotection (zones contrôlées ou surveillées) 2.3.1. Après une évaluation des risques, le chef d'établissement détenteur d'une source de rayonnements doit délimiter autour de la source des zones réglementées pour des raisons de radioprotection (zone surveillée, zone contrôlée) qui font l'objet d'une signalisation particulière et de conditions d'accès spécifiques (article R.231-81 du code du travail). Dans le cas de zones réglementées mises en place autour des gammagraphes sur des chantiers ou des installations mobiles, une attention particulière doit être portée à leur délimitation et à leur balisage. 2.3.2. L'accès au local ou chantier doit être matériellement interdit pendant la durée de l'opération de tirs par la mise en place de dispositifs ne pouvant être franchis par inadvertance. En cas d'utilisation d'appareils de radiographie mobiles, la zone où les personnes étrangères à l'opération ne peuvent avoir accès doit être matérialisée (arrêté du 2 mars 2004). 2.3.3. A l'intérieur des zones réglementées, les appareils de gammagraphie doivent être signalés (article R.231-82 du code du travail). 2.4. Formation et information des opérateurs 2.4.1. Tous les opérateurs susceptibles d'intervenir dans des zones surveillées ou contrôlées doivent bénéficier d'une formation à la radioprotection qui doit être renouvelée au moins tous les trois ans (article R.231-89 du code du travail). 2.4.2. Le chef d'établissement doit également remettre aux opérateurs intervenant en zone contrôlée une notice rappelant les risques particuliers liés au poste de travail qu'il vont occuper ou à l'intervention qu'il vont réaliser, les règles de sécurité applicables, ainsi que les instructions à suivre en cas de situation anormale et les coordonnées de la personne compétente en radioprotection (article R.231-90 du code du travail). 2.4.3. L'utilisation d'un appareil de radiographie industrielle ne peut être confiée qu'à des personnes titulaires d'un certificat d'aptitude (CAMARI) valide (article R.231-91 du code du travail et arrêté du 25 juin 1987). Pour mémoire, la durée de validité d'un CAMARI est de 9 ans. (suite)
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2.4.4. Tout assistant d'un opérateur de gammagraphie doit être en possession d'un CAMARI s'il est amené à manipuler l'appareil. La présence d'un assistant est obligatoire pour tout contrôle radiographique effectué en dehors de l'établissement domiciliaire de l'autorisation de détention et d'utilisation de sources radioactives (arrêté du 2 mars 2004). 2.5. Surveillance de l'exposition des opérateurs 2.5.1. Aucun travailleur ne peut être affecté à un poste exposé s'il n'a pas au préalable bénéficié d'un examen médical permettant au médecin du travail de se prononcer sur son aptitude à occuper ce poste (article R.231-98 du code du travail). 2.5.2. Chaque travailleur intervenant en zone surveillée ou contrôlée doit faire l'objet d'un suivi dosimétrique (dosimétrie passive) pour l'estimation de son exposition externe. En outre, s'il intervient en zone contrôlée, il devra bénéficier d'une dosimétrie opérationnelle (articles R.231-93 et R.231-94 du code du travail). La dosimétrie opérationnelle doit être réalisée à l'aide de dosimètres électroniques permettant d'intégrer puis de lire les doses reçues et comportant des seuils d'alarme, le recours à des stylo-dosimètre étant à proscrire. 2.6. Maintenance et contrôle des appareils et installations 2.6.1. Les gammagraphes portatifs ou mobiles et leurs accessoires doivent faire l'objet au moins une fois par an d'une révision complète, exécutée par des personnels qualifiés, sous la responsabilité de leur constructeur. Les autres appareils doivent subir cette révision lors de chaque rechargement (article 21 du décret n° 85-968 du 27 août 1988). 2.6.2. Un carnet d'entretien ou de suivi doit être attribué à chaque gammagraphe et une fiche de suivi à chaque accessoire. Ces documents doivent accompagner les appareils et être régulièrement tenus à jour, au moins une fois par semaine. Le carnet de suivi devra notamment mentionner toutes les révisions périodiques, les chargements de sources mais aussi les paramètres d'exploitation et les incidents survenus et leur nature, leurs dates, leurs conséquences (arrêté du 11 octobre 1985). 2.6.3. Les canaux des projecteurs, les gaines d'éjection, les télécommandes et les dispositifs d'irradiation des gammagraphes doivent être protégés contre la pénétration de tout corps étranger, notamment l'eau et la poussière (article 7 du décret n° 85-968 du 27 août 1988). 2.6.4. Les appareils de gammagraphie (et les générateurs électriques de rayons X), les dispositifs de protection et d'alarme et les instruments de mesure utilisés doivent faire l'objet de contrôles techniques de radioprotection périodiques. Des contrôles d'ambiance doivent également être réalisés périodiquement ou en continu. Ces contrôles doivent être effectués au moins une fois par an par un organisme de contrôle agréé ou par l'IRSN (articles R.213-84 et R.231-86 du code du travail). Dans le cas des chantiers, les vérifications du champ de rayonnement en limite de zones balisées doivent être effectuées obligatoirement au début des opérations de tirs. 2.6.5. Les résultats de ces contrôles doivent être consignés dans le document prévu à l'article R.230-1 du code du travail, qui doit également faire apparaître un inventaire des sources et appareils détenus, leurs caractéristiques, les informations détaillant les éventuelles modifications apportées aux sources et appareils détenus et les observations formulées par les organismes agréés à l'issue d'un contrôle. 2.6.6. Le chef d'établissement doit également mettre en oeuvre un contrôle interne visant à assurer le respect des dispositions applicables en matière de protection contre les rayonnements ionisants. En particulier, il doit contrôler l'efficacité des dispositifs techniques prévus à cet effet, réceptionner et étalonner périodiquement les instruments de mesure et vérifier qu'ils sont en bon état et utilisés correctement. Le chef d'établissement doit également faire contrôler par un organisme agréé par les ministres chargés du travail et de la santé, l'efficacité de l'organisation et des dispositifs techniques qu'il a mis en place (articles R.1333-7 et R.1333-43 du code de la santé publique). 2.7. Transport et stockage des matériels 2.7.1. Le transport des appareils de gammagraphie doit se faire suivant les règles générales applicables au transport des matières radioactives, en particulier en matière de signalisation et de formation à la classe 7 des chauffeurs réalisant le transport des gammagraphes. En outre, les appareils ne doivent en aucun cas être laissés sans surveillance adaptée (arrêté du 2 mars 2004). 2.7.2. Le transport d'un appareil de radiographie, y compris lors de son déplacement à l'intérieur des limites d'un chantier ou de son établissement, ne peut avoir lieu que s'il est verrouillé, clé de sécurité dégagée et séparée de l'appareil. Cette clé doit être retirée dès la vérification du retour de la source en position stockage (arrêté du 2 mars 2004). 2.7.3. Toutes les dispositions doivent être prises pour assurer la protection contre le vol et l'incendie. En particulier les appareils ne doivent pas être stockés dans un véhicule même fermé à clé (arrêté du 2 mars 2004). p.6
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Un dysfonctionnement d'un gammagraphe s'est produit le mardi 27 février 2007 dans un local de l'entreprise CICO Centre de Clamecy (Nièvre). Cet appareil de radiographie industrielle était utilisé pour le contrôle d'une soudure. La source scellée d'iridium 192, d'une activité importante (1,4 TBq), qui équipait le gammagraphe, est restée bloquée dans sa gaine d'éjection en raison d'un dysfonctionnement mécanique. Devant l'impossibilité matérielle de réintégrer la source dans l'appareil, le personnel de CICO Centre a condamné les accès au local concerné afin d'éviter tout risque d'exposition des travailleurs. Le jeudi 1er mars, la société CEGELEC, fournisseur du gammagraphe, s'est rendue sur place et a coordonné l'opération de récupération de la source radioactive. Celle-ci a réintégré le corps du gammagraphe. Les accessoires défaillants (télécommande et gaine d'éjection) ont été transférés chez CEGELEC pour expertise. L'ASN a été informée de cet incident le mercredi 28 février. Des agents de la division de l'ASN de Dijon se sont rendus sur place le 1er mars pour suivre le déroulement des opérations de récupération de la source. |
L'ASN a constaté que les intervenants ont fait preuve d'une réactivité correcte et ont géré l'incident de manière satisfaisante. L'ASN a demandé à chaque entreprise intervenante de rédiger un rapport sur l'incident et de tirer profit du retour d'expérience associé. L'utilisation de gammagraphes (un millier) est très répandue dans l'industrie, en particulier pour contrôler certaines structures métalliques. L'ASN rappelle que cette technique de radiographie, tout comme les autres activités utilisant les rayonnements ionisants, comporte des risques d'irradiation. A la suite de nombreuses insuffisances et de graves manquements dans l'application des bonnes pratiques de radioprotection, l'ASN a rappelé aux industriels, par courrier du 26 avril 2004, la nécessité de respecter les dispositions réglementaires. L'ASN leur a par ailleurs adressé une lettre de rappel le 29 décembre 2005 à la suite d'un incident de perte d'une source de gammagraphie au Chili où un ouvrier a été gravement irradié. L'ASN a proposé, en juillet 2005, à la COFREND (Confédération française pour les essais non destructifs) de mener une réflexion sur la justification de la gammagraphie et de produire un document détaillant les bonnes pratiques à respecter, tant par les donneurs d'ordres que par les entreprises de gammagraphie. Un guide sera disponible vers la mi 2007. p.7
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Réf.: lettre DGSNR/SD9/n°0578/2005 – AFSSAPS MV/20051998 du 26 avril 2005 Madame, Monsieur, Un accident grave de surexposition d'un patient au cours d'une radiothérapie a été récemment porté à la connaissance de l'ASN. Il est dû à la mise en place erronée des systèmes de collimation du faisceau d'irradiation, ce qui a conduit à exposer une zone plus importante que celle à traiter lors d'une irradiation à dose unique. Comme pour la majorité des accidents graves de radiothérapie rapportés dans la littérature (Saragosse, Panama, Bialystok,...), cet accident résulte d'une défaillance organisationnelle et humaine. A la suite d'un incident grave survenu à Grenoble en 2005, l'ASN et l'AFSSAPS vous avaient rappelé par la lettre citée en référence, les principales dispositions réglementaires en vigueur en matière de radioprotection des patients et du contrôle de qualité des installations de radiothérapie, dont le but est de spécifier les règles minimales pour assurer la sécurité. A la suite de chaque incident, il y a lieu de tirer les leçons de tout événement passé afin de renforcer les dispositions qui permettront que de tels événements ne se reproduisent pas. C'est dans ce contexte que vous étiez invités dans la lettre référencée à déclarer tous les incidents ou dysfonctionnements survenant dans ces installations qui seraient susceptibles d'avoir des conséquences en matière de radioprotection et de qualité des traitements. La déclaration d'accident survenu à Lyon qui vient d'être faite à l'ASN souligne l'esprit de responsabilité de votre profession dans l'exercice de ses fonctions. Les circonstances de l'accident m'amènent donc aujourd'hui à initier une réflexion de fond sur le rôle des hommes et des organisations, l'homme étant source potentielle d'erreur dans une organisation, mais aussi et surtout l'homme étant acteur positif pour la sécurité et la qualité des traitements en radiothérapie. Cette démarche, sans doute nouvelle pour la radiothérapie, a été développée dans d'autres secteurs d'activité où les exigences de sûreté sont particulièrement élevées (aviation, pétrochimie, nucléaire, …). En effet, dans tous ces domaines, les experts font régulièrement le constat que le fonctionnement des organisations et le comportement des hommes sont une composante importante des incidents ou des accidents. L'ASN considère que l'homme et les organisations (le management, l'organisation, les comportements individuels et collectifs) sont des facteurs fondamentaux de la sûreté et de la sécurité des systèmes à risques dans le domaine nucléaire ; améliorer ces facteurs et remédier aux dysfonctionnements éventuellement constatés font progresser la sûreté et la sécurité de façon importante. Dans cette perspective, l'annexe au présent courrier propose la mise en place dans le domaine de la radiothérapie d'une démarche de gestion des risques comprenant une étape d'identification des risques, leur analyse, puis leur traitement ; elle présente les outils méthodologiques et les concepts pouvant être mis en oeuvre. J'appelle votre attention sur les gains importants en matière de sécurité qui peuvent être obtenus simplement par la mise en place de modalités de transmission orale et écrite fiables au sein des services de radiothérapie, tout au long de la préparation et de l'exécution des traitements. En coordination avec la Société française de radiothérapie oncologique et la Société française de physique médicale, je vous informe que l'ASN mènera auprès des professionnels de la radiothérapie des actions de sensibilisation aux facteurs organisationnels et humains et poursuivra la réflexion sur les outils de prévention des incidents pouvant être déclinés pratiquement dans les services de radiothérapie. L'ASN demandera en particulier au groupe de travail qu'elle coordonne sur l'optimisation des procédures de radiothérapie d'y inclure la prévention des défaillances organisationnelles et humaines. Je vous prie d'agréer Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées, Le Directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection André-Claude Lacoste
Copie: AFSSAPS, HAS, DSNR, DDASS, DRASS, INCa, SFRO, SFPM, DHOS
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Annexe à la lettre DGSNR/SD7/1027/2006 du 19 avril 2006 relative à la prévention des incidents graves en radiothérapie, par une approche sur les facteurs organisationnels et humains Le thème de la gestion des risques s'inscrit dans une préoccupation forte de l'ASN d'amélioration de la radioprotection des patients bénéficiant de traitements mettant en oeuvre des rayonnements ionisants. C'est pourquoi la présente note, après avoir rappelé que la radiothérapie fait appel à des systèmes complexes de santé pouvant potentiellement être affectés par de multiples défaillances [1], propose aux professionnels concernés des outils pour la mise en oeuvre d'une démarche globale de maîtrise des risques [2]. I La radiothérapie s'inscrit dans
le fonctionnement de systèmes complexes de santé pouvant
potentiellement être affectés par de multiples défaillances
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2. Erreur humaine La défaillance des systèmes complexes conduit à s'intéresser au rôle de l'erreur humaine. La littérature montre l'importance de l'erreur humaine. Ainsi, l'analyse des accidents impute classiquement 65 à 80% des causes immédiates aux opérateurs de première ligne dans l'industrie et les transports. Plusieurs notions sont à prendre en compte pour améliorer la sécurité des systèmes. * L'impossibilité de supprimer l'erreur du fonctionnement humain L'erreur est inséparable de l'intelligence humaine. Elle reflète les stratégies performantes que l'homme met en place pour contourner les limitations de ses capacités. En effet, l'opérateur humain est limité en ressources, limité en rationalité, mais il ne subit pas cette limitation. Il organise sa cognition pour y faire face: réduction de la complexité, conduite par anticipation, fonctionnement par essai/erreur, conduite en parallèle de plusieurs tâches, économie des ressources faisant préférer un niveau de fonctionnement automatique (basé sur des routines, des gestes ou actions connus et habituels) à un niveau de conduite contrôlé (mobilisant vigilance, attention, mettant en jeu les mécanismes plus complexes de recherche et traitement de l'information, d'élaboration de solutions), etc. Cette manière de procéder s'accompagne de prises de risques car elle privilégie la performance aux dépens de l'analyse exhaustive des situations ou de la concentration sur une seule tâche. Le choix de cette "stratégie" par le cerveau humain prend en compte (même si quelquefois elle la surestime) la capacité de récupération en cas d'erreur. L'erreur est la conséquence naturelle de ce fonctionnement et ne peut pas être supprimée. De ce fait, les erreurs sont fréquentes dans les activités humaines, parfois plusieurs par heure, mais leur taux de détection et de récupération par leur auteur est également très élevé. * La nécessité d'intégrer au système des mécanismes de lutte contre l'erreur Compte tenu de ce qui précède, la prévention des défaillances humaines repose sur la construction de systèmes capables de limiter et de tolérer les erreurs. Un système sûr n'est pas un système dans lequel il ne se commet pas d'erreurs, mais un système qui se protège par une suite de défenses en profondeur contre le développement "d'histoires d'accidents" à partir des erreurs commises. Aucune de ces défenses ne peut garantir la sécurité, mais leur empilement finit par conférer une fiabilité acceptable au système. * Le développement d'une culture de gestion des risques et d'une approche positive et non punitive de l'erreur Pour développer une culture de gestion des risques, il convient de dissocier les notions de faute et d'erreur. En effet, tout système comporte en lui des conditions favorisantes de l'erreur, telles que: défauts de conception, défauts d'aménagement des locaux, défauts de réglementation, carences du management. Il s'agit d'erreurs latentes. L'opérateur de première ligne révélera ces erreurs latentes par des erreurs patentes à l'occasion de circonstances particulières. Pour faire progresser la sécurité, il convient donc de considérer que l'accident n'est pas uniquement lié à l'erreur de l'opérateur. 3. Défaillances liées à la notion de déviance Tout système comporte une déviance volontaire par rapport aux normes, instructions et directives. La déviance s'installe chez les opérateurs par extension progressive en raison, d'une part d'un contrôle de plus en plus approximatif du fait de l'absence d'incident et d'accident, et d'autre part de la tolérance de la hiérarchie. La déviance est la conséquence de l'adaptation d'un système et de ses acteurs. La déviance par rapport aux normes internes ou externes s'observe dans tous les domaines d'activité. Elle concerne les pratiques individuelles, l'encadrement et le management. La compréhension de ces mécanismes est essentielle dans la construction d'une démarche de gestion des risques. Le management du risque suppose la prise en compte de la déviance, à la fois source de performance et de risque. 4. Défaillances liées à l'organisation Plusieurs circonstances peuvent favoriser ces défaillances: la survenue de dysfonctionnement dans un ou plusieurs processus particuliers, la saturation de la capacité de l'établissement liée à une augmentation du flux d'activité, l'inadaptation entre les besoins évolutifs à satisfaire et l'organisation en place, l'interaction imprévue de plusieurs processus liée à des circonstances particulières d'occurrence rare. La complexité croissante des systèmes et l'augmentation du nombre d'intervenants diminue la visibilité des actions et de leurs effets, ou encore des problèmes rencontrés aux interfaces entre les acteurs ou entre les secteurs. L'ensemble de ces constats amène à réfléchir à la mise en place d'une démarche globale et structurée de maîtrise des risques en radiothérapie. (suite)
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II Des outils pour la mise en oeuvre d'une démarche globale de maîtrise des risques en radiothérapie La démarche proposée visant à réduire les risques, comporte l'identification, l'analyse, et le traitement des risques. Il s'agit d'une démarche systématique à réaliser dans le même esprit que les études de poste. Elle consiste notamment à entreprendre la recherche la plus exhaustive possible des scénarios d'incidents ou d'accidents pouvant aboutir à des conséquences majeures. Les résultats permettent ensuite de définir des parades spécifiques. A/ L'identification des risques La démarche de maîtrise des risques suppose de les connaître pour pouvoir agir. La première étape dans la connaissance des risques est de les repérer. L'identification des risques se réalise grâce à plusieurs approches complémentaires. 1. A priori Certaines activités critiques au plan de la sécurité des traitements doivent attirer l'attention des équipes dans les services de radiothérapie, notamment: - identification du patient; - définition du volume cible et des organes à risques; - préparation du plan de traitement; - formalisation de la prescription du plan de traitement; - simulation du traitement et mise en place des repères permettant d'assurer une bonne reproductibilité des traitements; - vérification et validation des contrôles réalisés lors de la première séance et en cours de traitement; - positionnement du patient et sélection de paramètres et accessoires de traitement; - enregistrement du cumul de doses dans le dossier du patient; - modifications au cours d'un traitement; - administration de radiopharmaceutiques. 2. A posteriori (l'analyse des incidents) Il y a lieu de tirer les leçons des événements passés, même sans conséquence: les causes des événements qui se sont produits sont toutes porteuses d'enseignements. Une méthode consiste à relever les événements, même mineurs, pour les étudier et les analyser plus en profondeur. L'analyse des événements doit notamment faire ressortir la chronologie des faits qui constituent l'événement, les causes immédiates et profondes, notamment liées aux acteurs et organisations impliqués, et les actions d'amélioration qui peuvent être dégagées. Cette pratique permet de régler définitivement certaines difficultés et d'identifier des problèmes répétitifs qui peuvent être précurseurs d'incidents plus graves. L'ensemble de ces informations est à utiliser dans la perspective d'un apprentissage organisationnel. La collecte et l'analyse des informations recueillies par les acteurs de l'institution sont également des opportunités pour renforcer les liens de confiance entre les personnes, valoriser leurs connaissances et mieux connaître le système. B/ L'analyse des risques L'analyse des risques permet d'approfondir la connaissance des risques identifiés. 1. En terme de fréquence / gravité Elle permet de caractériser les risques à partir des deux déterminants essentiels que sont la fréquence et la gravité. Cette première approche permet notamment la hiérarchisation des risques en vue de prioriser leur traitement. 2. Identification des causes d'incidents Un retour d'expérience effectué à partir de données sur des incidents de radiothérapie 2 a mis en évidence les causes suivantes à l'origine des incidents les plus fréquents: - non transmission d'une information; - transmission d'information erronée; - communication avec un interlocuteur inapproprié; - résolution d'un problème par une personne non qualifiée sans aide ni supervision; - communication orale directe ou par téléphone, sans confirmation écrite, entraînant une incompréhension; - erreur de lecture ou lors du transfert d'information; - communication écrite illisible ou confuse, expression informelle ou utilisation d'un jargon qui n'est pas compris de la même manière par différentes personnes; - mauvaise compréhension d'une communication en langue étrangère : inclus les instructions d'utilisation du constructeur de l'équipement, de même que la communication au sein de l'équipe et avec les patients; - manuels d'instructions incomplets ou mal rédigés pour des équipements complexes tels que des accélérateurs ou des systèmes informatiques de dosimétrie; sont concernées en particulier les instructions qui ne couvrent pas des applications spéciales ou inhabituelles. p.9
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D'autres facteurs qui ne sont pas toujours cités explicitement dans les données sur les incidents mais qui peuvent souvent intervenir concernent les circonstances suivantes: - difficultés relationnelles au sein des équipes; - travail dans une ambiance sonore bruyante, conduisant à la distraction et à la perte de concentration; - accès insuffisant ou indisponibilité de personnel en position de prendre les décisions à un moment critique d'un traitement; - Emploi de personnel remplaçant ou intérimaire, charge de travail excessive, fatigue, stress ou insuffisances de formation initiale ou continue. Voici quelques exemples significatifs d'accident de radiothérapie attribuable à l'une des causes précitées: - mauvaise compréhension d'un plan de traitement complexe communiqué oralement conduisant à une surexposition du patient de 40%; - mauvaise identification du patient bien que la fiche de traitement comprenne une photo; - confusion entre la dose totale et la dose par séance pour un traitement prévoyant uniquement 2 séances soit une exposition de 6 Gy au lieu de 3 Gy; - mauvais positionnement du patient conduisant à réaliser une ou plusieurs séances de traitement en dehors du volume prévu; - traitement d'un patient par radiothérapie dynamique au lieu de champs fixes conduisant à l'exposition d'organes non prévus initialement ; - non mise en place de filtres en coins entraînant une surexposition de 40% avec une distribution non conforme au plan de traitement. 3. Traitement des risques Le traitement des risques repose sur la prévention, la récupération et l'atténuation ou protection. Le pré-requis commun à leur utilisation est la connaissance du risque. Ces mécanismes doivent être envisagés de façon globale et cohérente dans une stratégie d'ensemble comprenant des actions de prévention ou d'atténuation des conséquences d'un risque. 3.1 Prévention et récupération La prévention et la récupération visent à réduire la fréquence du risque. Leur objectif est d'éviter la survenue d'un événement redouté. La prévention n'a pas d'effet sur la gravité d'un incident, lorsqu'il survient, malgré toutes les précautions prises. |
Plusieurs notions sont à distinguer: - la suppression du risque: la prévention peut être obtenue soit par la suppression du risque, soit par la suppression de l'activité, soit par la modification du procédé en éliminant les étapes porteuses de risque; - la prévention (en dehors de la suppression et de la récupération): elle a pour objectif d'éviter que ne se produisent les défaillances; - la récupération correspond au dépistage et au traitement d'une défaillance entre le moment où elle se produit et la réalisation de l'événement redouté auquel elle aurait pu conduire. Parmi les mesures de prévention envisageables, les dispositions suivantes sont à considérer: - l'identification et l'affichage des règles de communication critique pour la sécurité des traitements; - la définition précise des responsabilités de chacun au sein du service, incluant la rédaction de fiches de postes; - une organisation qui identifie clairement la "chaîne de commande", c'est à dire précisant "qui supervise qui?", "qui travaille sous la responsabilité de qui?", etc.; - l'établissement d'une liste de contrôles à effectuer décrivant aussi bien toutes les procédures de routine que les actions à réaliser en cas d'accident; - la mise en place de procédures écrites et concises pour toutes actions de communication critiques au plan de la sécurité des traitements. Le tableau ci-dessous présente des exemples de telles procédures; - organisation de formations à la communication opérationnelle; - signature des documents importants pour la sécurité des traitements. Par exemple, les prescriptions doivent être écrites et signées par le médecin. Les données de base, le plan de traitement et sa réalisation quotidienne doivent être visées par la/les personne(s) les réalisant; - instauration de vérifications croisées entre intervenants; - prise en compte de l'ergonomie à la conception ou modification des installations: il s'agit d'analyser l'influence des différents facteurs de la performance humaine sur les performances attendues du système et d'en déduire les besoins et exigences utiles pour concevoir l'installation ou réaliser la modification. Le dossier [3] traitant plus particulièrement de ce sujet pourra utilement être consulté. p.10
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3.2 Atténuation des conséquences La protection permet de réduire les conséquences d'un risque qui s'est réalisé. Elle repose sur des actions dont la mise en oeuvre atténue les conséquences d'un risque qu'il est impossible d'éviter. Cela suppose cependant d'identifier a priori ce risque. La fréquence d'apparition du risque n'est pas modifiée mais sa gravité est diminuée. La protection consiste à prévoir ces situations, à mettre en place un dispositif adapté afin de limiter la gravité en cas de survenue du risque. Il s'agit notamment de prévoir une conduite à tenir et les ressources nécessaires (équipement, personnel disponible et formé) en cas de survenu de l'incident. C-Mise en place d'une démarche de management des risques et d'un dispositif de gestion de crise 1- La démarche de management des risques Elle conduit à des changements majeurs ayant une influence sur les politiques, les décisions stratégiques, les modes de management, les responsabilités des acteurs. Elle nécessite la mise en place de règles concernant le partage d'informations sur les risques. Une politique de gestion des risques ne peut s'envisager qu'avec un engagement au plus haut niveau. La réussite de cette politique repose sur l'adhésion des différents acteurs. Le management a un rôle important pour créer les conditions de réussite de la démarche. La mise en place de cette politique va consister à: - affirmer l'importance de la sécurité et créer une culture de gestion des risques; - clarifier les responsabilités des différents acteurs; - structurer la démarche; - définir un programme; - suivre et évaluer sa réalisation; Le développement et la gestion des risques doit conduire à: - disposer d'une politique face à la sécurité; - élaborer un programme d'action comportant des objectifs clairs; - structurer une démarche et affecter des moyens; - définir des règles de partage de l'information sur le risque. 2-Vers un dispositif de gestion de crise Des incidents peuvent survenir malgré toutes les précautions prises, et confronter les services et leurs établissements à une crise. Dès lors, il y a également lieu de se préparer à ces situations. La réflexion au moment critique ne peut se développer efficacement que s'il y a eu préparation profonde des systèmes et des hommes. En effet, la caractéristiques d'une crise est qu'elle échappe aux règles habituelles. Elle ne correspond pas à des précédents connus. Vivre une crise sans préparation est souvent marqué par l'improvisation, la pression du temps et des événements, le travail dans l'incertitude. C'est la raison pour laquelle les responsables doivent se préparer à ces épisodes de forte perturbation. L'information et la transparence sont essentiels dans le traitement de la crise. Plusieurs cibles sont concernées: - les éventuelles victimes et leurs familles; - le personnel de l'établissement; - les autorités de contrôle; - les autorités de tutelle; - le public et les médias. La transparence répond au besoin d'information de ces différents publics. Il faut se convaincre que tout vide d'information est comblé par un autre acteur, par la rumeur ou le soupçon. Le fait de ne pas savoir ne doit pas justifier une attitude de silence. Une telle attitude donne une impression de manque de respect et d'incapacité de réaction aussi bien technique qu'humaine. En l'absence momentanée d'information, il convient de dire que le problème est en cours d'analyse, que des informations sont en cours de collecte et que dès que possible celles-ci seront données. Cette attitude, là encore, se prépare. Elle est le reflet d'une culture d'ouverture de l'organisation. (suite)
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Enfin, il convient également de gérer les sorties de crise. Le système existant est à revoir en profondeur après la crise, en prenant en compte ses enseignements. L'accident doit être considéré comme une occasion de progresser. Des modifications importantes sont à apporter. Elles vont entraîner un fonctionnement quotidien différent. Une nouvelle analyse des risques est alors à conduire. S'adapter, évoluer, réagir rapidement sont des capacités qui sont plus développées dans certaines institutions. Climat de confiance, anticipation, existence de démarche qualité en sont des éléments favorisants. L'erreur humaine n'est pas une fatalité contre laquelle on ne peut rien, au même titre que la panne d'un matériel n'est pas une fatalité . Il y a lieu de dépasser un modèle traditionnel reposant sur l'infaillibilité technique et humaine. A fiabilité technique et professionnalisme constants, une approche de la gestion des risques se fondant sur la prise en compte des facteurs organisationnels et humains peut aider les professionnels de la radiothérapie à améliorer les interfaces des installations dès leur conception, évaluer les risques liés aux situations de travail, améliorer les conditions de réalisation du travail, renforcer les lignes de défense humaines et organisationnelles et tirer les enseignements liés au retour d'expérience de l'activité. Quelques références bibliographiques et ressources utiles pour la mise en place d'une démarche de gestion des risques en radiothérapie: [1] Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé (ANAES - janvier 2003) [2] Apport de l'analyse ergonomique à l'amélioration des conditions de travail, d'accueil et de qualité en radiothérapie - INRS, 3 ème trimestre 2000 (dont études et enquêtes) [3] Interface entre les normes et les référentiels, et l'activité de travail réelle des soignants - revue adsp n° 35, juin 2001 [4] Lessons learned from accidental exposures in radiotherapy - IAEA Safety report series No. 17 [5] Base de données européenne ROSIS sur les incidents de radiothérapie (www.rosis.info) [6] Investigation of an accidental exposure of radiotherapy patients in Panama - IAEA (2001) [7] Prevention of accidental exposures to patients undergoing radiation therapy - ICRP Publication 86 (2000) [8] A radiation overdose incident (Riverside Hospital): initial data. Cohen L, Schultheiss T E, Kennaugh R C. Int J Radiat Oncol Biol Phys 33: 217-224 (1995) [9] Report to Congress on abnormal occurences (Sacred Heart Hospital). Nuclear Regulatory Commission. Report to Congress. NUREG-0090, Vol. 11, No. 4., US NRC, Washington DC (1988) [10] Report on the clinical effects of inadvertent radiation underdosage in 1045 patients. Clin Oncol 6: 214-225 (1994) Ash D, Bates T (UK) [11] An investigation of the Therac-25 accidents. Leveson N G, Turner C S. IEEE Computer 26: 18-41 (1993) [12] The accident of the linear accelerator in the "Hospital Clinico de Zaragoza", Spanish society of medical physics (1991) [13] Accidental over exposure of radiotherapy patients in Bialystok, IAEA 2004, ISBN 92-0-114203-X [14] Accidental over exposure of radiotherapy patients in San José, Costa Rica, IAEA 1998, ISBN 92-0-102098-8 nécessaires (équipement, personnel disponible et formé) en cas de survenue de l'événement. p.11
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L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont été chargées par le ministre d'une enquête sur l'accident qui a conduit au surdosage de 23 malades irradiés pour cancer de la prostate à l'hôpital d'Épinal. Cet événement constitue le plus important accident impliquant les rayonnements ionisants, ayant eu lieu en France. I - L'ACCIDENT ET SON CONTEXTE 1.1 – les causes de l'accident En mai 2004, le protocole de radiothérapie conformationnelle appliqué aux tumeurs de la prostate a été modifié, afin de se servir plus largement des possibilités du logiciel de dosimétrie en place depuis 2000. Il passe ainsi de l'utilisation de coins statiques à celle de coins dynamiques (1). Ce changement suppose de modifier également le paramétrage assurant le calcul d'intensité d'irradiation, ce qui ne sera pas fait pour certains malades. A ce stade, l'erreur aurait pu être corrigée si le calcul indépendant du nombre d'unités moniteurs (UM) et la dosimétrie in vivo, qui permet de vérifier la dose réelle reçue par le malade, avaient été maintenus. Malheureusement ces lignes de défense sont levées, l'utilisation des coins dynamiques les rendant inopérantes en l'état. La décision n'est pas préparée : la traçabilité des opérations, l'écriture préalable du protocole, l'adaptation à cette nouvelle pratique en amont de la dosimétrie in vivo et du calcul indépendant d'UM n'ont pas été effectuées. De plus, les manipulateurs ne disposent d'aucun guide d'utilisation en français adapté à leur pratique quotidienne. Ils n'ont pas été formés correctement à la modification effectuée : deux démonstrations individuelles ont été faites à deux manipulateurs, l'une exacte, l'autre entachée d'erreur. Ceux-ci ont transmis l'information, l'un à deux, l'autre à trois collègues, qui ont à leur tour reproduit fidèlement ce qu'ils avaient appris. La responsabilité des manipulateurs n'est donc pas en cause. La période pendant laquelle a eu lieu le surdosage des 23 malades, se situe entre le 6 mai 2004 et le 1er août 2005. Après cette date, un nouveau logiciel de dosimétrie remplace définitivement l'ancien, dont l'ergonomie ne permettait pas d'empêcher ce type d'erreur. 1.2 –un établissement connaissant des difficultés Cet accident survient au centre hospitalier Jean Monnet (CHJM) à Épinal, troisième élément du dispositif lorrain hospitalier, après le CHU de Nancy et le CHR de Metz. Cet établissement souffre de plusieurs handicaps: - construit dans les années 60 sur un terrain devenu trop étroit, les bâtiments actuels ont besoin d'être reconstruits; - les tensions entre médecins et direction rendent difficile la gouvernance de l'hôpital et nuisent à la réalisation des projets, tels que le rapprochement avec la polyclinique de la Ligne bleue (2) ou la création du pôle mère enfant, souhaités par le conseil d'administration et la tutelle; - enfin certains services posent problème et ont fait l'objet de réserves lors de l'accréditation par la haute autorité de santé (HAS). Bien équipé, refait récemment, le service de radiothérapie du CHJM bénéficiait jusque là d'une bonne réputation et son activité s'avérait soutenue. Fonctionnant au sein de l'établissement, comme une entité autonome, avec un personnel qui n'a dans sa grande majorité jamais connu d'autre service, il ne dispose cependant que d'un seul radiophysicien, également mis à disposition de la polyclinique de la Ligne bleue. (suite)
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II - LES SUITES IMMÉDIATES 2.1 – la prise de conscience de l'accident Pour les malades, la période d'irradiation (qui dure entre 5 et 8 semaines) se passe de façon habituelle, mais les premiers symptômes du surdosage apparaissent, chez les premiers d'entre eux, à partir de janvier 2005. Au fur et à mesure de l'apparition des premiers signes, les patients consultent leur médecin généraliste, qui les adresse à un gastro-entérologue. L'endoscopie révèle l'existence d'une rectite radique, qui va en s'aggravant. A partir de mai 2005, cinq malades sont porteurs de lésions sévères; en juin 2005, ils sont sept, et se retrouvent à dix en août 2005. Au cours de l'été 2005, l'un des médecins radiothérapeutes et le radiophysicien retrouvent l'erreur de surdosage, en réexaminant l'ensemble des dossiers. Le 15 septembre 2005, les deux médecins du service font part de l'accident à la directrice du CHJM, qui informe à son tour DDASS et ARH. Une réunion est organisée le 5 octobre 2005 à la DDASS. Les décisions prises ne donnent lieu à aucun document commun et sont interprétées différemment par les parties. L'absence de mise en place de tableau de bord ou de réunions de suivi ne permet pas de corriger les divergences ni de reconnaître le caractère inapproprié des mesures arrêtées. A ce stade, contrairement aux obligations des articles L. 1333-1, L. 1413-14 et L. 5212-2 du CSP, les autorités nationales responsables (ministre de la santé, AFSSAPS, ASN, IRSN, préfet) ne sont pas alertées. 2.2 – l'information et le suivi médical des malades A la suite de la réunion, sept malades vont être informés du surdosage, lors de plusieurs entretiens avec la directrice de l'hôpital qui se tiendront au cours du dernier trimestre de l'année 2005. Les seize autres malades, réputés (à tort) indemnes ne sont pas informés de l'accident dans le délai qu'impose l'article L. 1142-4 du CSP (3). Parmi eux, trois malades se souviennent d'avoir appris leur surexposition par un autre médecin que leur radiothérapeute, un patient l'a appris par un tiers, un autre par la presse, un de façon fortuite par un médecin parlant avec un confrère et quatre malades par la direction, mais deux jours avant que la presse ne diffuse l'information en septembre 2006 (4). Un autre malade décédera en septembre 2006, avant d'être informé du surdosage (5). L'assistance aux victimes n'est pas organisée la première année de façon concertée, et le suivi médical des malades se déroule au gré des circonstances : après avoir consulté leur généraliste, les malades précocement atteints sont adressés à un gastro-entérologue et hospitalisés près de chez eux, ou vont dans un deuxième temps à Nancy pour des complications de plus en plus sévères. L'absence d'information expose certains d'entre eux à des errances diagnostiques ainsi qu'à des examens inutiles, voire formellement contre-indiqués. Certains malades présentent des douleurs intenses mal prises en charge. Tous les malades ont reçu les traitements habituels des rectites radiques "banales" (d'abord médicaments locaux et antalgiques, ensuite coagulation par plasma argon, oxygénothérapie hyperbare, transfusions répétées). Ces méthodes efficaces pour des atteintes radiques courantes sont insuffisantes pour ces lésions délabrantes, envers lesquelles il convient d'agir vite et fort, en usant de techniques non conventionnelles, ce qui suppose de faire appel à des structures aptes à répondre à des accidents nucléaires graves situées à un échelon national ou international. p.12
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Malheureusement, les autorités nationales (6) (et notamment l'IRSN, dont c'est une des missions) n'ont été alertées qu'en juillet 2006. Depuis, cherchant à rattraper le temps perdu, l'IRSN a effectué plusieurs visites sur place pour reconstituer la dosimétrie, analyser les dossiers médicaux et examiner les patients, afin de pouvoir leur proposer un protocole de traitement par greffes de cellules souches mésenchymateuses. 2.3 - La situation actuelle des 23 victimes et de leur famille Entre septembre 2005 et septembre 2006, quatre patients sont morts. Dix malades au moins présentent une complication radique sévère, avec des symptômes à type de douleurs intenses, écoulements, hémorragies nécessitant des transfusions répétées, fistules pour la plupart, difficulté ou impossibilité à rester assis, se déplacer, dormir. Ces patients souffrent d'une altération de l'état général, de dépression, et présentent parfois un amaigrissement. Ils sont porteurs de colostomie et d'urétérostomie, et ont besoin en permanence de poches, sondes et cathéters. Neuf malades ont une atteinte modérée et peuvent mener une vie, sinon normale, du moins compatible avec une certaine activité. Aucun malade n'est indemne. Le retentissement sur la vie privée est important. Dans les cas sévères, l'entourage est très sollicité. Les malades et leurs familles, qui éprouvent le sentiment d'avoir été abandonnés et trompés, n'ont pas bénéficié à ce jour d'un soutien social, économique et psychologique, même si des provisions ont été versées par l'assurance de l'hôpital à certaines victimes. Sept plaintes ont été transmises par le procureur de la République d'Épinal au juge d'instruction chargé de les instruire. Parmi ces plaintes, trois émanent de victimes ou de familles de victimes surdosées. Deux autres plaintes correspondent à des personnes qui ont subi une radiothérapie conformationnelle de la prostate et qui estiment présenter des complications radiques invalidantes. Deux plaintes proviennent de patients souffrant d'un autre type de cancer. 2.4 – les autres malades porteurs de complications radiques Les plaintes en effet ne sont pas limitées au seul accident. L'enquête de la mission auprès de gastro-entérologues a également retrouvé une liste de 44 autres personnes atteintes de rectite radique après radiothérapie conformationnelle de la prostate, s'ajoutant à celle des 23 malades surdosés. Le tableau ci-dessous indique leur répartition par année: complications connues de la mission
Cette liste n'est pas close, certains malades
pouvant avoir échappé aux investigations, notamment pour
les années les plus anciennes. Seule une enquête épidémiologique
de grande ampleur pourrait mesurer l'extension réelle du phénomène.
Dans la plupart des cas, les symptômes paraissent modérés
(7).
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III – LES ENSEIGNEMENTS DE LA CRISE L'accident a révélé d'importantes lacunes auxquelles il convient de remédier: - en matière d'assurance qualité, - en matière de gestion des crises sanitaires, - en matière de radiovigilance et de suivi des complications iatrogènes. 3.1 – l'assurance qualité n'est pas une notion suffisamment connue et assimilée L'accident d'Épinal résulte d'une méconnaissance ou d'un oubli des règles élémentaires d'assurance qualité (traçabilité des pratiques, validation des doses, vérification d'une formation adéquate du personnel pour accomplir la tâche confiée) par la personne qui en avait la charge, alors qu'aucune urgence particulière n'expliquait cette décision. L'organisation du service n'a pas permis de rattraper ce dysfonctionnement. L'importance du facteur "organisation" dans la prévention des risques est méconnue. Notre système de santé agrée les personnes et les structures, dès lors qu'elles satisfont, un jour donné, à des conditions de compétence et de moyens, mais ne se préoccupe plus du bon fonctionnement d'ensemble, une fois ce seuil franchi. Or les compétences ne sont pas acquises pour toujours, les équipements vieillissent, et des méthodes approximatives peuvent rendre inefficients des moyens coûteux. Seule une évaluation continue des résultats, combinée avec un système d'assurance qualité basé sur des normes internationales, peut garantir que le dispositif évolue dans un sens favorable. Il faut donc accepter l'idée de retirer l'autorisation, en cas de mauvais résultats persistants, à moins que l'équipe ne mette en oeuvre des procédures de correction proportionnées. 3.2 - l'examen des événements a révélé au niveau local des défaillances que l'on ne croyait plus possibles dans la gestion de la crise Les différents maillons de la chaîne sanitaire, qui doivent permettre d'éviter les crises ou de les gérer au mieux, ont tous successivement lâché. - Au lieu d'être correctement appréciés, les effets de l'accident ont été constamment minimisés: les personnels hospitaliers concernés ont considéré que tout malade dont on n'avait pas de nouvelle allait forcément bien et que lorsqu'ils étaient informés d'une complication, il n'y avait rien de plus à faire. Ils ont conservé cette ligne de conduite alors même qu'ils ne pouvaient ignorer, dans certains cas, son caractère erroné. Ils ont longtemps tenu les autorités dans l'ignorance de la nature réelle des problèmes. - Les malades sont restés livrés à eux-mêmes, sans organisation sanitaire d'ensemble: si les radiothérapeutes n'étaient pas les auteurs du surdosage originel, c'est à eux et à la direction qu'incombait le soin d'informer les malades et de veiller à ce qu'ils bénéficient d'une assistance appropriée, en liaison avec la direction du CHJM, ce dont ils se sont abstenus pour une partie au moins des victimes. S'agissant des malades suivis en activité libérale, l'obligation de signalement et d'information pesait particulièrement sur les praticiens, l'hôpital n'agissant qu'en tant que prestataire de service. Or, une proportion surprenante de victimes était suivie en consultation privée par les praticiens hospitaliers: en effet, pour les années 2004 et 2005, le pourcentage de malades ayant subi une irradiation conformationnelle de la prostate suivis en activité libérale s'élève à 54%, alors que le pourcentage du total des malades de radiothérapie suivis en activité libérale se situe entre 13% et 15%. - la direction de l'établissement a développé une approche plus compassionnelle qu'organisée et ne s'est pas donnée les moyens de répondre à la crise. Le Conseil d'administration et la CME de l'établissement n'ont été avertis qu'en octobre 2006. - ne vérifiant pas au fur et à mesure, la tutelle locale n'a pu corriger l'erreur initiale, qui consistait à ne pas établir de relevé de décision, à se fier aux déclarations d'intention sans vérifier leur mise en oeuvre, et à oublier d'avertir les autorités nationales. Plusieurs raisons conjoncturelles contribuent à expliquer cette erreur, mais la raison structurelle tient au flou des attributions entre, d'une part, le préfet de département et la DDASS et, d'autre part l'ARH, pour la gestion des crises sanitaires, problème déjà signalé par divers rapports. p.13
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3.3 – de façon plus générale, la radiovigilance et le suivi des complications iatrogènes de la radiothérapie sont insuffisamment organisés Lors de l'enquête, chaque fois qu'une complication radique nouvelle était portée à la connaissance de la mission (hors accident), la réponse des professionnels était qu'il s'agissait de complications "normales" de l'irradiation, de séquelles constituant l'inévitable rançon de la guérison du cancer. Sur quelles bases s'établit cette réputation de normalité? Jusqu'à quel point peut-on considérer que des complications iatrogènes constituent un risque acceptable? Ces questions ne disposent pas à l'heure actuelle de réponse claire, faute de remontée d'information exhaustive sur les suites des traitements d'irradiation. Les complications à long terme de la radiothérapie ne sont connues que par les publications de quelques bonnes équipes (9), par définition non représentatives de la moyenne. Le long délai d'apparition des complications de radiothérapie contribue à une vision biaisée des risques, notamment dans les cancers de bon pronostic, comme le suggère une récente étude américaine (10). Entre deux risques à subir (l'un lié à l'extension du cancer, l'autre, à un traitement délabrant) c'est au malade que devrait revenir le choix, non au seul médecin. Encore faudrait-il que ce dernier se donne les moyens de connaître les résultats pratiques des thérapeutiques qu'il met en oeuvre, afin de l'informer honnêtement de ses propres performances. Or tel n'est pas toujours le cas en France, et tel n'était pas le cas à Épinal où les radiothérapeutes ne reconvoquaient pas les malades après irradiation. IV- LES PROPOSITIONS
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4.2 - Au niveau national Plusieurs chantiers sont à ouvrir ou compléter: - celui, jamais fini, de la réponse à la crise sanitaire; L'accident a montré une fois de plus que la surveillance des complications iatrogènes devait être renforcée dans l'ensemble de la population et qu'il convenait de mettre en place une véritable évaluation des suites de la radiothérapie, et ce faisant, des accidents, au sein d'un système actif de radiovigilance. Il a montré à nouveau l'intérêt d'un guichet unique des vigilances, lié aux CIRE et à l'InVS, afin que les professionnels de santé ne s'égarent pas entre les nombreuses procédures et agences responsables. Il a montré enfin que, tant que la fusion DRASS-DDASS-ARH ne serait pas assurée au sein d'une Agence régionale de santé, les risques de mauvaise gestion des crises (non suivi, doublon, anarchie) restaient possibles, mais qu'en revanche il convenait de distinguer au niveau régional les fonctions de tutelle de celles de contrôle et d'inspection. - celui de l'assurance qualité dans le domaine de la radiothérapie. Au-delà des actions déjà entreprises depuis 2002 par l'ASN dans le domaine de la radioprotection, et les autres agences concernées (INCA, AFSSAPS), la mission recommande d'amplifier les initiatives en faveur du développement et de l'élaboration, en lien avec les instances européennes et nationales, des bonnes pratiques ou des normes englobant les normes ISO 9000 d'assurance qualité, qu'elles les fassent connaître, que les personnels soient formés à ces pratiques, et qu'à terme les structures ou les équipes pratiquant cette activité soient accréditées par des organismes certificateurs indépendants. Parallèlement, l'ASN est encouragée à poursuivre l'amélioration de la sécurité des patients en radiothérapie dans le cadre du plan d'actions qu'elle coordonne. Notes 1 ces "coins" statiques ou dynamiques ont pour but de diminuer la dose de rayons reçue par les organes proches de la prostate (rectum, vessie), très sensibles à l'irradiation. 2 établissement de soins privé d'Épinal issu du regroupement de 4 cliniques. 3 le délai légal est de 15 jours, mais certaines personnes ont été informées avec plusieurs mois de retard. 4 la mission ne sait pas comment 3 malades l'ont appris. 5 un autre décès est complètement indépendant de l'accident. 6 Ministre de la santé, ASN, AFSSAPS, IRSN. 7 une étude partielle montre cependant 7 rectites de grade 3. 8 encore ce taux n'est-il que plancher, puisque la liste n'est pas close. 9 Les CLCC sont notamment tenus d'évaluer leurs résultats. 10 "Incidence of initial local therapy among men with lower-risk prostate cancer in the United states" D.C. Miller, S.B.Gruber, B.H. Hollenbeck Jl of the national cancer institute , vol.98, n°16, 2006; 1134-1141 p.14
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Le Ministre de la Santé et des Solidarités a été alerté à l'été 2006 au sujet de dysfonctionnements graves du service de radiothérapie du centre hospitalier (CH) Jean Monnet d'Épinal, survenus entre mai 2004 et août 2005, et ayant affecté 23 patients traités pour un cancer de la prostate. Il a demandé à l'IRSN de veiller à ce que les patients, souffrant de complications sévères au niveau du rectum (rectites de grades III et IV notamment) ou au niveau de la vessie (cystites de grades III et IV notamment), reçoivent les meilleurs soins possibles. Cette mission est toujours en cours, l'IRSN publiera le moment venu une note de synthèse sur les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus. Par ailleurs, le Ministre a confié une enquête à l'IGAS et à l'ASN afin d'examiner les circonstances de cet accident radiologique et d'en tirer les enseignements nécessaires. Or le rapport IGAS/ASN, remis au Ministre en février 2007, fait notamment état du constat d'un nombre élevé de patients (44 ont été dénombrés au cours de cette enquête) traités par le même service de radiothérapie, mais selon un protocole différent de celui mis en cause pour les 23 patients victimes de l'accident, et souffrant eux-aussi de rectites et de cystites vraisemblablement radio-induites. Les rectites constituent une complication connue d'un traitement par radiothérapie, notamment du cancer de la prostate, car il est impossible d'éviter qu'une partie des organes sains et sensibles aux rayonnements ionisants (rectum, vessie…) entourant la prostate à traiter reçoive également une fraction de la dose. Les études internationales ont montré qu'on pouvait attendre de telles lésions radio-induites, dans une proportion variable mais significative, chez les patients traités par radiothérapie pour un cancer de la prostate. Au vu du nombre apparemment élevé de ces rectites et cystites dans la population de patients traités par radiothérapie conformationnelle à Épinal, la question s'est posée de savoir si leur fréquence s'inscrivait ou non dans les taux courants de lésions radio-induites. Le Ministre a alors confié une mission complémentaire à l'IRSN, en date du 8 mars 2007, en lui demandant de mener une évaluation des pratiques de radiothérapie du CH Jean Monnet et notamment d'analyser: • la qualité des pratiques mises en oeuvre dans ce service de radiothérapie; • la pertinence des choix thérapeutiques au regard des indications; • les surdoses auxquelles l'application des pratiques aurait pu conduire; • le risque sanitaire qui peut en résulter; • la population de patients concernés par ce risque. L'IRSN a remis son rapport le 23 mars. Le très court délai a pu être tenu grâce à une mobilisation exceptionnelle des capacités d'expertise scientifique de l'IRSN. Plus de trente spécialistes, médecins, radiophysiciens, radiopathologistes, dosimétristes, ainsi que les ressources humaines et logistiques dédiées à la gestion des situations de crise ont été affectés à cette mission. Une mission de 3 jours a été conduite sur place à Épinal par une équipe pluridisciplinaire. Elle a bénéficié d'un concours sans réserve de la part des personnels du centre hospitalier. La conception générale de l'expertise Plus de 4.000 patients ont été traités par radiothérapie au CH Jean Monnet dans la période 2001- 2006. Une majorité des traitements relevait de la radiothérapie conventionnelle, et 694 de la radiothérapie conformationnelle (dont 30 par modulation d'intensité). Une approche par échantillonnage de dossiers médicaux a été effectuée, en comparant les traitements prescrits aux bonnes pratiques professionnelles décrites par les sociétés savantes. Cette investigation n'a pas fait apparaître d'indice révélateur de pratiques critiquables du centre hospitalier en matière de radiothérapie conventionnelle. Il a toutefois été observé une insuffisance du suivi médical des patients au cours du traitement, et postérieurement à celui-ci. L'expertise s'est donc centrée sur la radiothérapie conformationnelle. En outre, il a été montré que les pratiques critiquables mises en évidence n'étaient en mesure d'induire des risques significatifs de lésions radio-induites que dans le cas des protocoles de traitement du cancer de la prostate, pour des raisons d'ordre anatomique. Les autres champs d'utilisation de la radiothérapie conformationnelle (poumon, cerveau) n'ont donc pas non plus fait l'objet d'une analyse approfondie. En conséquence, l'expertise a porté essentiellement sur les 421 traitements du cancer de la prostate, par radiothérapie conformationnelle, réalisés à Épinal entre 2001 et 2006. Cette cohorte comprend les 23 cas déjà identifiés au titre de l'accident d'Épinal, et les 44 cas de rectites identifiés par la mission IGAS/ASN. Dans le cadre de cette expertise, les principales opérations suivantes ont été menées: - 295 dossiers cliniques détenus par le CH d'Épinal ont été transmis à l'IRSN en vue d'une analyse détaillée de la pertinence des choix thérapeutiques au regard des pratiques professionnelles de référence. Seuls 96 dossiers étaient suffisamment complets pour réaliser cette analyse (1). (suite)
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- 306 dossiers dosimétriques exploitables ont été transmis par l'hôpital à l'IRSN. Ils décrivent les conditions de réalisation du traitement prescrit, et comportent les renseignements qui permettent la reconstitution des doses effectivement délivrées à la tumeur, ainsi que les doses aux tissus sains radio-sensibles entourant l'organe irradié (rectum, vessie), et de comparer ces doses avec celles prescrites. Les doses délivrées ont deux origines distinctes: * celle résultant de la prescription, telle que calculée pour chaque séance à l'aide des logiciels ad hoc, * celle, additionnelle, résultant des images de contrôle réalisées avec l'appareil de traitement avant chaque séance afin de s'assurer du positionnement correct du patient par rapport aux faisceaux de rayonnement. La reconstitution dosimétrique par l'IRSN a été entreprise de deux manières complémentaires et indépendantes: d'une part en procédant à l'irradiation, selon la procédure utilisée en routine par l'hôpital, d'un mannequin anthropomorphe équipé de nombreux dosimètres permettant de mesurer la dose reçue en différents points du corps; d'autre part, en recalculant les histogrammes dose-volume à partir des dossiers techniques individuels de quelques patients, avec le logiciel effectivement utilisé pour le calcul des traitements. Cette reconstitution des histogrammes est celle qui donne les résultats les plus représentatifs de l'exposition réelle des organes sains à protéger. Il a été constaté une excellente correspondance entre les résultats donnés par les deux méthodes, ce qui permet de valider le calcul, à l'aide du logiciel de traitement, de la dose en excès par rapport à la dose prescrite. Les doses réelles ont ensuite été comparées d'une part aux doses prescrites, d'autre part aux recommandations publiées par les sociétés savantes en ce qui concerne les niveaux de doses à ne pas dépasser pour le rectum et la vessie. - Tous les patients de la cohorte, à l'exception de ceux concernés par l'accident identifié précédemment, dont la situation est déjà connue, soit 402 patients, ont fait l'objet d'une enquête par téléphone sur leur état de santé, afin de disposer d'informations actualisées sur les éventuelles séquelles de leur traitement. Sur ces 402 patients, 378, soit 94%, ont effectivement participé à la démarche et fourni des indications précises sur leur état de santé. Les résultats obtenus ont été ensuite comparés aux données scientifiques publiées relatives à 30 études internationales menées sur l'incidence des complications radio-induites à la suite de traitements de radiothérapie conformationnelle pour le cancer de la prostate. Ces divers éléments d'analyse ont ensuite été mis en perspective pour en tirer des conclusions globales sur les pratiques de radiothérapie au CH Jean Monnet, ainsi que des recommandations à vocation plus générale. Les principaux résultats de l'expertise Ce qui suit ne concerne que les traitements du cancer de la prostate par radiothérapie conformationnelle, au CH Jean Monnet, entre 2001, date d'introduction de cette technique, et 2006. - La pertinence des choix thérapeutiques au regard des indications Les choix thérapeutiques ne paraissent pas en eux-mêmes devoir être remis en cause dans la plupart des cas, bien qu'il soit surprenant de constater dans de nombreux dossiers médicaux de patients l'absence de comptes rendus détaillés du suivi clinique pendant et après la radiothérapie, alors que ces examens relèvent des bonnes pratiques. Les doses le plus souvent prescrites (70 à 74 grays) s'inscrivent dans la gamme de doses couramment utilisées pour traiter ce type de tumeur. Cependant, l'IRSN s'étonne des conditions dans lesquelles, pendant la période 2004 à 2005, le service a eu recours, pour une trentaine de patients atteints d'un cancer de la prostate, à un protocole dit de "l'escalade de dose". Cette technique consiste à accroître progressivement (jusqu'à 78 grays en l'occurrence) la dose administrée à une série de patients, afin de définir par l'expérience le niveau de dose optimal pour assurer le contrôle tumoral tout en limitant les dommages aux tissus sains adjacents. Il s'agit d'une technique particulière qui s'apparente à un protocole d'étude clinique et qui nécessite usuellement un cadre approprié. En outre, les patients auraient dû être informés de la proposition de mettre en oeuvre un protocole de traitement comportant des risques plus élevés, protocole qui par ailleurs aurait nécessité un contrôle accru de qualité et un suivi rigoureux des patients. Or, selon les informations dont dispose l'IRSN, il ne semble pas que toutes ces bonnes pratiques aient été respectées. p.15
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La qualité des pratiques mises en oeuvre dans ce service de radiothérapie et les surexpositions résultant de l'application de ces pratiques * L'exposition des tissus sains adjacents: vessie, rectum Une fois la dose prescrite par le radiothérapeute, il reste à mettre en oeuvre les opérations qui conduiront à respecter aussi exactement que possible cette prescription, en épargnant au mieux les organes sensibles situés à proximité de la cible de l'irradiation. S'il n'existe pas de critères de sécurité réglementaires au sens propre du terme en matière de protection de ces organes à risque, il existe des critères publiés, par exemple ceux du GETUG, Groupe d'Étude des Tumeurs Urogénitales. Le CH Jean Monnet avait également défini ses propres critères. Ceux-ci s'expriment en pourcentage du volume d'un organe (la vessie, le rectum) qui ne doit pas recevoir une dose supérieure à un niveau donné, pour un protocole de traitement donné : par exemple, pour un protocole à 70 grays délivrés à la prostate, ne pas dépasser 25% du volume de rectum exposé à plus de 65 grays (GETUG). L'analyse des dossiers a montré que les critères fixés par le CH Jean Monnet avaient été, sauf exception, respectés pour ce qui concerne l'exposition de la vessie, mais qu'en revanche, pour le rectum, ces critères n'ont pas été respectés dans 16% des cas. En outre, pour les protocoles à 78 grays, présentant par nature des risques accrus de complications radio-induites, les critères GETUG ont été dépassés dans 4 cas sur 34, ce qui accroît encore ces risques. * Les doses supplémentaires résultant des pratiques de contrôle avant les séances de traitement Il est également admis, au titre des bonnes pratiques de la radiothérapie, qu'il est nécessaire que la dose effectivement délivrée ne s'écarte pas de plus de 5%, en plus ou en moins, de la dose prescrite: un sous-dosage entraînant un risque d'échec du traitement, un surdosage un risque accru de complications radio-induites. Pour s'en assurer, on doit notamment contrôler que les calculs de doses, effectués à l'aide de logiciels, sont corrects et les réglages de l'appareil appropriés, et enfin que le patient est correctement placé sur la table d'irradiation. En l'occurrence, il était procédé à des "contrôles" hebdomadaires avec le système d'imagerie portale de l'appareil de traitement, le patient étant en position ad hoc, pour chaque configuration géométrique des faisceaux. Cette procédure entraînait une dose de l'ordre de 0,2 gray par contrôle. En outre, à partir de 2001, des contrôles complémentaires appelés "matching" ont été systématiquement introduits à chaque séance d'irradiation. Il s'agissait de vérifier, à partir de 2 clichés orthogonaux générés par des faisceaux de rayonnement, le positionnement correct du patient. Ces dispositions ont été prises à la demande des radiothérapeutes. La dose associée est de l'ordre de 0,15 gray par "matching". Or l'IRSN a constaté que l'impact dosimétrique de ces deux contrôles a été considéré comme négligeable jusqu'en avril 2006, alors que, pour les traitements du cancer de la prostate, la dose ajoutée pouvait représenter au total environ 6 grays. Par la suite, la dose additionnelle a bien été prise en compte, mais par la suppression de 2 à 3 séances d'irradiation, alors qu'il aurait fallu réduire la dose de chaque séance (ce qui a été fait à partir de novembre 2006). Il convient tout particulièrement de noter que les 23 patients sur-irradiés lors de "l'accident" ont également reçu cette dose supplémentaire, non documentée dans les rapports établis précédemment à ce sujet par l'IRSN. - Le risque sanitaire pour les patients *Résultats de l'enquête téléphonique Les 378 questionnaires exploitables conduisent aux observations suivantes: - Dans 164 cas, soit 41% de l'ensemble des patients, il n'y a pas de signes cliniques déclarés. Il convient de noter à cet égard que certains de ces patients ont été traités il y a moins de 2 ans. - Dans 140 cas, soit 32%, il y a soit une rectite avérée (17%), soit une suspicion forte de rectite (15%). Sous réserve de la confirmation du caractère radio-induit des troubles déclarés par les patients qu'il est nécessaire d'établir à partir d'un examen clinique, un taux d'incidence de rectites radio-induites de 32% placerait la cohorte d'Épinal au-delà des taux constatés dans les études internationales. Un nouveau patient doit être intégré à la cohorte accidentelle de 23 patients (2004-2005) L'enquête téléphonique a fait apparaître un cas particulièrement grave de lésions radio-induites qui a amené l'IRSN à examiner plus particulièrement le dossier correspondant. Il ressort clairement de cette expertise que ce patient a reçu le même protocole erroné de traitement (coins dynamiques utilisés avec un plan calculé en coins statiques) que les 23 patients déjà identifiés. Ce patient n'a pas été découvert au cours des précédentes enquêtes. En examinant le dossier de ce patient, l'IRSN a en outre constaté des incohérences dans les fiches retraçant le plan de traitement, qui ne peuvent pas correspondre à un traitement réellement délivré en mode "coins statiques". Les traces informatiques établissent pourtant qu'il s'agit bien d'un 24 ème patient qui a reçu lui aussi un surdosage important en raison de la mauvaise application du logiciel CADPLAN. Son cas avait été omis lors de la vérification générale réalisée par l'hôpital en 2005. L'IRSN ayant procédé à un examen systématique des dossiers de dosimétrie, il peut être affirmé qu'il n'y a pas d'autres patients qui devraient rejoindre la cohorte des victimes de l'accident de 2004-2005. (suite)
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Conclusions générales L'expertise conduite par l'IRSN conduit aux principales conclusions suivantes: - Parmi toutes les activités de radiothérapie conduites au CH Jean Monnet pendant la période considérée (2001 à 2006), seule la radiothérapie conformationnelle appliquée au traitement du cancer de la prostate a connu des dysfonctionnements systématiques générant des risques additionnels pour les patients. Ceci concerne 397 patients. Des carences dans le suivi des patients pendant et après le traitement sont vraisemblables. - Les doses prescrites pour les traitements étaient conformes aux pratiques usuelles. Toutefois, un protocole clinique d'escalade de doses, allant jusqu'à 78 grays a été mis en oeuvre pour un groupe de patients en 2004 et 2005 sans que toutes les précautions accompagnant normalement un protocole de ce type soient réunies. En outre, l'analyse des histogrammes dose-volume montre que dans 16% des cas, les critères de limite d'exposition du rectum définis au CH Jean Monnet ont été dépassés. - La très grande majorité des patients concernés a reçu une dose en excès d'environ 6 grays par rapport à la dose prescrite. Ceci s'explique par la non prise en compte dans la dosimétrie planifiée des doses résultant des procédures particulièrement nombreuses de contrôle effectuées avec le dispositif d'imagerie de l'appareil de radiothérapie. Il en est résulté un facteur de risque supplémentaire, compte tenu de la présence d'organes radiosensibles à proximité immédiate de la tumeur traitée. - L'enquête téléphonique, qui a reçu un accueil exceptionnel de la part des patients, laisse penser qu'il existe dans la population de patients concernée un taux de lésions radio-induites supérieur à ce que l'on peut attendre en moyenne pour cette technique de traitement. Ceci reste cependant à confirmer par une consultation médicale et des examens exploratoires appropriés. - L'expertise a également permis d'identifier un 24 ème patient dans la cohorte des victimes de l'accident de sur-irradiation intervenu entre mai 2004 et août 2005. Le contrôle systématique des dossiers de traitement permet en outre d'affirmer que l'effectif de cette cohorte est bien limité à 24. Recommandations de l'IRSN - Recommandation des patients ayant subi une surirradiation à l'occasion du traitement d'un cancer de la prostate en radiothérapie conformationnelle au CH Jean Monnet *L'IRSN adressera à chaque patient, par l'intermédiaire du CH Jean Monnet, une note expliquant le travail d'expertise mené par l'Institut. Cette note complètera l'information qui sera donnée par ailleurs par le CH Jean Monnet. *Chaque patient devrait être convoqué pour une consultation et un examen clinique, puis recevoir un suivi médical approprié si nécessaire. Ceci permettra également de qualifier correctement les rectites radio-induites apparues chez certains patients. * Une reconstitution personnalisée et complète de la dosimétrie effective de chaque traitement devrait être réalisée. * Un suivi à long terme au plan scientifique de la cohorte des patients devrait être entrepris avec la participation de l'IRSN. - Recommandations d'ordre général en matière de pratiques de radiothérapie L'IRSN recommande que les professionnels de la radiothérapie, leurs sociétés savantes ainsi que les agences de sécurité sanitaire initient des démarches de consensus pour renforcer les bonnes pratiques lorsque nécessaire, par exemple: * La fréquence des contrôles par imagerie portale devrait être optimisée; * La dosimétrie du traitement devrait faire l'objet de plusieurs contrôles (logiciels indépendants, dosimétrie in vivo); * Seuls des logiciels validés et verrouillés devraient être utilisés pour la mise en oeuvre de protocoles de traitement; * Les aspects liés à la formation des personnels, et à l'incidence du "facteur humain" dans les risques d'erreur devraient être pris en compte dans les services de radiothérapie, et être systématiquement audités; * Les techniques innovantes, et les protocoles d'essais cliniques présentant des risques accrus devraient être réservés aux établissements disposant des ressources nécessaires à la conduite en toute sécurité de ces activités; * Les services de physique médicale devraient être indépendants des services cliniques; * Les pratiques de suivi médical des patients pendant et après les traitements devraient être mieux codifiées; * Des conférences de consensus entre spécialistes devraient être organisées pour préciser les protocoles de référence de traitement du cancer de la prostate; * Une démarche de radio-vigilance au plan national devrait être mise en place, pour permettre une meilleure connaissance des effets à moyen et long terme des traitements proposés, et de leurs éventuelles conséquences indésirables. Note 1. Les 3 critères indispensables pour apprécier la pertinence thérapeutique que sont la classification anatomopathologique de la tumeur, le score de Gleason et le taux de PSA, ne figurent que dans 96 dossiers. p.16
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