Une étude allemande menée entre 2003 et 2007 pour le compte de l'Office fédéral de protection radiologique (BfS) a été publiée récemment. Elle porte sur la question de savoir s'il existe une corrélation entre la fréquence des cancers chez les enfants et la proximité du lieu d'habitation de ces derniers avec une centrale nucléaire. Précisons-le d'emblée: la commission d'experts externes composée aussi bien de partisans que d'adversaires du nucléaire mise sur pied par le BfS a conçu une étude extrêmement détaillée et rigoureusement scientifique dont les résultats sont parfaitement clairs. La probabilité qu'un enfant soit atteint d'un cancer, en particulier d'une leucémie, augmente considérablement en fonction de la proximité de l'endroit où il grandit avec une centrale nucléaire. Cette étude apporte des preuves évidentes de cette corrélation. Cet effet cancérogène ne peut être associé à aucun autre agent qu'à la radioactivité diffusée par les effluents gazeux et liquides des centrales nucléaires. Cependant, dans son résumé de l'étude, la mathématicienne qui a conduit la recherche, Maria Blettner, prétend, en contradiction évidente avec les connaissances en matière de radiobiologie et de radiophysique, qu'au vu des résultats le nombre des cancers augmente certes en fonction de la proximité avec la centrale nucléaire – ce qu'on ne saurait contester – mais que la cause du phénomène reste inexpliquée. Pour que le message soit diffusé par la presse, l'étude a été envoyée à la Süddeutsche Zeitung avant la conférence de presse, probablement accompagnée de l'"explication des principaux résultat". En effet, dans le peu de temps qui restait jusqu'au bouclage du journal, aucun journaliste ne serait en mesure d'étudier les 335 pages d'un texte hautement scientifique et la Süddeutsche Zeitung ne voulait pas se laisser griller la primeur de l'information. Et après la conférence de presse, les autres journalistes n'approfondiraient guère le sujet: lecture du dossier de presse et du résumé, quelques coups d'œil jetés au texte de l'étude et ils livreraient bientôt leur article. Rares sont ceux qui auront pris le temps de découvrir, à la suite d'une lecture approfondie, l'aspect tendancieux du résumé. Il convient, dans le contexte de cette étude, d'aborder à nouveau la question des centrales nucléaires. On ne peut pas négliger ces résultats sans engager lourdement sa responsabilité vis-à-vis de la santé publique. Les choses sont claires: Pour les profits nets habituels de 1 million d'euros par jour des actionnaires et des exploitants, les centrales nucléaires font dans la population des alentours des victimes de cancers et de leucémies. Il est certain que les valeurs-limites d'exposition au rayonnement devront être considérablement réduites si nous prenons au sérieux la santé de nos enfants et des générations futures. Il faut saluer le fait que la Suisse – à la suite de pressions politiques – ait l'intention de commander une étude analogue, à condition qu'elle soit préparée avec le même soin et le même souci d'équilibre que l'étude allemande. Remarque préliminaire
Histoire des valeurs-limites
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"Selon les évaluations de différentes commissions, une dose génétique de 6-10 rems accumulée de la conception à l'âge de 30 ans sous l'influence de toutes les sources de radiations artificielles représenterait pour la société un danger consistant en dommages génétiques. Elle peut cependant être considérée comme supportable et justifiée en regard des avantages que l'on peut attendre de l'utilisation de l'énergie nucléaire." (ICRP-1) Ensuite, à propos d'une valeur-limite de 1,5 rems que veulent fixer certains pays pour les sources artificielles, on peut lire ceci: "Mais cela imposerait à ces pays des limites insupportables" [comprenez: pour le développement de l'énergie nucléaire]. La Commission a alors recommandé de "retirer du concept de valeur-limite l'exposition médicale au rayonnement et d'utiliser pour toutes les autres sources une valeur-limite de 5 rems pour la dose génétique". L'IRCP-9 (1965) a repris le concept et a pris en compte une augmentation du taux de mutation de la population: "La dose génétique, à laquelle la population est exposée en raison de la totalité des installations nucléaires jusqu'à la fin de l'âge moyen de la procréation ne doit en aucun cas dépasser 5 rems. Il s'agit d'une dose qui s'ajoute à l'exposition aux sources naturelles et médicales." Il est précisé ensuite qu'une valeur-limite de 5 rems pour la dose génétique "laisse une marge de manœuvre raisonnable au développement des programmes nucléaires". Comme on était conscient que le fait de s'accommoder de dommages génétiques dans l'intérêt du développement du nucléaire conduirait la population, si elle apprenait cela, à perdre une bonne part de sa confiance dans les commissions officielles de protection radiologique, on chercha une autre justification qui paraîtrait plausible. On trouva dans l'intervalle de fluctuation de l'exposition au rayonnement naturel une grandeur numérique appropriée et on commença à s'y référer pour justifier les anciennes valeurs-limites. Le 13 octobre 1969, la Commission nucléaire allemande a décrété que "le tiers environ de la dose génétique – déterminée par la science et qu'il convient de respecter – de 5 rems en 30 ans, c'est-à-dire 2 rems en 30 ans, devrait être exigé de la technologie nucléaire." On en arriva ainsi aux 30 millirems par année par inhalation et aux 30 millirems par ingestion. Plus loin, on peut lire: "La condition de cette valeur-limite théorique de 30 millirems est que cette dose d'exposition soit inévitable à un coût encore acceptable." Il est donc clair que le coût acceptable pour les exploitants d'installations nucléaires a constitué la base de la fixation de la valeur-limite qui implique forcément une dose d'exposition inévitable et admet consciemment l'existence de dommages sanitaires. On ne tient pas compte du risque de cancer
Il faut réduire considérablement
les valeurs-limites
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Certes, la limitation – par le groupe Blettner, qui a réalisé l'étude – de la distance par rapport à la centrale à 5 kilomètres minimise la portée du résultat communiqué à l'opinion car l'étude a montré une augmentation des cancers également à des distances supérieures. Les résultats auraient été encore plus nets. Dans ses rapports annuels, le BfS donne une limite supérieure d'exposition de la population allemande aux radiations de 0,01 mSv par année. Les doses annuelles indiquées dans le rapport annuel parlementaire pour un individu de référence sont des valeurs qui ont été non pas mesurées mais calculées sur la base de nombreuses hypothèses concernant les conditions d'exposition. Les données de base (nature, altitude et dynamique des émissions de substances radioactives) sont recueillies et traitées par les exploitants de centrales nucléaires eux-mêmes. Dans son étude, Mme Blettner mentionne pour une personne de 50 ans une dose annuelle de 0,00032 mSv pour les radiations provenant de la centrale nucléaire de Gundremmingen. Je ne sais pas d'où elle tient ce chiffre. En outre, il est de fait que la dose exprimée en millisieverts est calculée selon «l'effective dose model» ou modèle de dose efficace dans lequel les chances moyennes de guérison des cancers de différents organes sont incluses en utilisant des facteurs de pondération. Dans la littérature scientifique, la dose de doublement dans les leucémies infantiles est de 10 mSv. On appelle dose de doublement une dose de radiations qui conduit à un doublement de la fréquence "normale" d'apparition des cancers, c'est-à-dire sans cause reconnaissable. Pour expliquer les résultats trouvés dans l'étude, il faut supposer que la part due aux centrales nucléaires pour les enfants habitant à proximité est comprise dans cet ordre de grandeur. Ignorance persistante des autorités responsables
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Dans le cas de la présente étude sur les cancers juvéniles, des personnes qui prétendent être des scientifique, ont avancé l'idée que non seulement l'intensité des radiations, mais également la perception optique d'une centrale (surface de l'image rétinienne de la centrale) diminuait avec le carré de la distance. Cette interprétation absurde me vient à l'esprit quand j'entends Mme Blettner dire que ce n'est pas le rayonnement radioactif mais quelque chose d'autre, quelque chose d'inconnu, qui explique l'augmentation prouvée des cas de leucémie et d'autres cancers chez les enfants habitant à proximité des centrales nucléaires en Allemagne. On entend souvent dire que les radiations dues aux transports aériens ou aux rayons X sont beaucoup plus élevées, que le tabagisme et d'autres habitudes de civilisation augmentent le risque de cancer et que la société accepte cela. À quoi l'on peut rétorquer que chacun peut échapper à ces risques sans grand effort ou les tolérer volontairement en regard d'un profit personnel supérieur (par exemple en radiologie). Mais les personnes vivant à proximité d'une centrale nucléaire ne peuvent échapper à l'exposition au rayonnement radioactif qu'en déménageant, ce qui implique notamment des frais importants. Les centrales nucléaires n'apportent pas d'avantage personnel, si ce n'est à quelques employés et à ceux qui participent aux bénéfices. En outre, sur les sites, les habitations existaient préalablement à la construction de la centrale. Il faut sortir sans délai du nucléaire
Prof. Dr.med. Dr.h. c. Edmund Lengfelder, Strahlenbiologisches Institut
der Ludwig-Maximilians-Universität, Schillerstrasse 42, D-80336 München
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Curriculum vitae du Pr Edmund Lengfelder Naissance le 30/3/1943 à Weiden, marié avec le professeur Ulrike Messing 1962: Baccalauréat classique au lycée de Weiden 1962-1964: Service militaire dans la Bundeswehr 1964-1970: Etudes de médecine à Munich 1971: Autorisation d'exercer la médecine. Thèse de doctorat sur la radiobiochimie des nucléotides ("summa cum laude") 1971-1972: Recherches sur les réactions radicales induites par les radiations à l'Institute of Cancer Research and Department of Physics de Londres (Radiolyse pulsée par spectroscopie cinétique sur accélérateur d'électrons) Jusqu'en 1974: Etudes complémentaires de physique et d'électronique, développement d'un appareil de mesure optoélectronique sur un accélérateur de particules pour l'observation des dommages radiologiques subis par les molécules et les éléments cellulaires sur une échelle de temps de l'ordre de la microseconde 1979: Doctorat d'Etat en radiobiologie 1983: Nomination à la chaire de radiobiologie de la Faculté de médecine de l'Université Ludwig-Maximilian de Munich 1989: Professeur invité au Centre national anglais de recherches radiologiques de Harwell (Medical Research Council) Depuis 1974: Travaux sur les sujets suivants: – Apparition et manifestations des dommages moléculaires dus aux radiations – Nature et efficacité de mécanismes cellulaires enzymatiques et non-enzymatiques contre les radiations toxiques – Thérapie anticancéreuse: mécanismes d'endommagement cellulaire dus à des cytostatiques ou à l'hyperthermie – Développement de procédures d'examen destinées à déterminer l'activité de certaines enzymes cellulaires qui protègent des produits radioactifs toxiques chez des personnes saines et des cancéreux – Mécanismes d'apparition de dommages chromosomiques dus à des produits radioactifs toxiques en l'absence et en présence de substances chimiques nocives – Effets biologiques du rayonnement non ionisant, comme les ondes radioélectriques, les micro-ondes – Développement d'instruments de mesure électroniques spéciaux destinés à l'étude biologique des radiations et de procédures de mesure visant à détecter la présence de produits nocifs pour les cellules qui sont apparus dans l'organisme à la suite de l'exposition aux radiations ou de l'effet de substances chimiques – Répartition et enrichissement de substances radioactives dans la biosphère, dans les aliments et dans les tissus et les organes humains – Mesures de l'exposition aux radiations naturelles ou artificielles, cartographie radioécologique (pays européens, régions de la RDA où l'on exploitait des mines d'uranium) – Analyse et évaluation du risque radiologique et de la détermination de valeurs-limites pour la population générale et les personnes professionnellement exposées – Effets médicaux et radioécologiques des retombées de Tchernobyl dans la CEI – Mesures d'assistance médicale après des catastrophes ayant entraîné une forte exposition aux radiations (diagnostic et traitement des maladies consécutives à la catastrophe de Tchernobyl, mesures de protection après des accidents nucléaires) – Recherches médicales et radiométriques et mesure de la radioactivité dans les régions contaminées de la CEI – Étude biologique et histopathologique de tumeurs de la thyroïde chez des patients victimes de la catastrophe de Tchernobyl dans la CEI – Étude radioécologique à proximité d'installations nucléaires allemandes – Éthique scientifique de la recherche radiologique et conflits d'intérêts Membre de plusieurs sociétés
scientifiques internationales (radiologie, radiobiologie, protection radiologique,
radiologie et oncologie, biochimie)
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Expert en matière d'effets radiologiques, de protection radiologique, de protection à la suite de catastrophes nucléaires auprès de parlements, d'autorités nationales et communales, de tribunaux, d'ordres de médecins, d'institutions universitaires, etc. en Allemagne et à l'étranger Depuis 1991: Directeur de l'Otto Hug Strahleninstitut – Medizinische Hilfsmassnahmen e.V. München, Membre du comité directeur de l'Otto Hug Strahleninstitut e. V. Bonn Directeur et coordinateur du projet médical, scientifique et humanitaire de l'Otto Hug Strahleninstitut – Medizinische Hilfsmassnahmen e.V. München en Biélorussie, en Ukraine et en Russie Membre du Conseil consultatif international de l'International Environmental Sakharov University de Minsk, Biélorussie Conseiller permanent et expert pour les questions de mesures radiométriques, médicales et humanitaires visant à lutter contre les conséquences de l'accident de réacteur de Tchernobyl (auprès de ministères de Biélorussie et d'Etats européens) Depuis 1992: Premier président du Deutscher Verband für Tschernobyl-Hilfe e.V. 1992: Titre de docteur honoris causa décerné par l'université biélorusse de Minsk “pour ses travaux en radiobiologie et l'aide qu'il a apportée à la Biélorussie grâce à ses travaux scientifiques sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl”. 1992-1995: Président de la Gesellschaft für Strahlenschutz e.V. Depuis 1992: Membre de la commission d'experts “Leukämie in der Elbmarsch” du gouvernement régional du Schleswig-Holstein 1998: Distinction la plus prestigieuse de Biélorussie, la médaille Franzisk-Skorini pour services rendus dans la lutte contre les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl 2001: Titre de docteur honoris causa décerné par l'International Environmental Sakharov University de Minsk Depuis 2001: Président de l'International Advisory Board de l'International Environmental Sakharov University de Minsk Depuis 2003: Membre de l'Approval Board du programme CORE pour la réhabilitation de la région de Tchernobyl (Communauté européenne et organismes des Nations Unies) 2006: Président du Congrès international “20 Jahre Leben mit Tschernobyl – Erfahrungen und Lehren für die Zukunft”, 14-17/9/2006, Feldkirch (Autriche) Engagement humanitaire et social
Voir aussi notre dossier "Leucémies ou non près des centrales"! p.10
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