LaG@zette Nucléaire sur le Net!
N°280, juin 2016

ATTENTION DANGER:
PIÈCES FALSIFIÉES DANS LE NUCLÉAIRE

Communiqué de presse commun des associations MIRABEL-Lorraine Nature Environnement, BureStop 55, Réseau "Sortir du nucléaire", Les Amis de la Terre France et France Nature Environnement - 3 mars 2016
Pas de cadeaux pour les producteurs de déchets radioactifs
Cinq associations attaquent devant le Conseil d'État l'arrêté ministériel
fixant le coût du projet Cigéo



 
      Par complaisance envers EDF, Areva et le CEA, qui souhaitaient provisionner le moins possible pour l’enfouissement de leurs déchets les plus radioactifs, Ségolène Royal a fixé par arrêté le coût de Cigéo à 25 milliards €, un montant largement sous-estimé. Cinq associations attaquent aujourd’hui cet arrêté devant le Conseil d’État.

     Coût de Cigéo minimisé
     La décision de la ministre est intervenue en pleine polémique sur le coût de Cigéo, ce projet d’enfouissement à 500 m sous terre des déchets radioactifs les plus dangereux à Bure (en Lorraine-Champagne-Ardennes). Suite à l’action d’associations opposées à l’enfouissement des déchets, l’Autorité de sûreté nucléaire venait de rendre public un avis où elle jugeait optimiste le coût de 34,5 milliards € avancé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), lui reprochant de ne pas prendre en compte l’intégralité des coûts de Cigéo (voir en annexe les critiques exprimées par l’ASN).
     En réponse, EDF, Areva et le CEA ont publié leur propre estimation, d’un montant de 20 milliards €. Embourbés dans d’importantes difficultés financières, ils souhaitent avant tout minimiser les provisions à constituer, pour ne pas grever leurs budgets déjà fragilisés et faire plonger encore plus leurs actifs en bourse. Quelques jours après, le 15 janvier 2016, la ministre «coupait la poire en deux» en fixant par arrêté les coûts à un montant 50% inférieur à celui de l’Andra.
     Si le chiffrage de l’Andra est déjà jugé faible par l’ASN, que dire des 25 milliards retenus par Ségolène Royal, ce coût arrêté par la ministre ne permettra pas de constituer des provisions suffisantes pour faire face aux frais entraînés par gestion de ces déchets le moment venu. Ce choix aboutira à faire payer par les générations futures les sommes non provisionnées. Déchets ingérables et lourde facture: un bel héritage!
     Recours contre un décret illégal
     Cet arrêté, qui fixe un coût insuffisant pour l’unique programme de gestion des déchets de haute activité retenu par le gouvernement à ce jour, constitue une infraction à la réglementation européenne. L’article 9 de la directive 2011/70/ EURATOM impose en effet aux États-membres de se doter d’un cadre national garantissant que des ressources financières suffisantes seront disponibles le moment venu pour la gestion de leurs déchets.
(suite)
suite:
     La méthode apparaît tout aussi choquante: le coût de Cigéo a été arrêté à la suite d’un jeu tripartite entre l’Etat et les exploitants nucléaires. Alors que cette décision emportera des impacts sociétaux et environnementaux majeurs à aucun moment le public n’a eu son mot à dire dans cette procédure ! La ministre s’est en effet exonérée de la participation du public sur la question cruciale de la fixation des coûts du projet Cigéo, en violation de l’article 10 de la directive Euratom et de l’article 7 de la charte constitutionnelle de l’environnement. Ce déni de démocratie n’est pas une première, comme l’ont montré les nombreuses irrégularités observées lors du débat public de 2013 (lesquelles on d’ailleurs mené les associations à déposer un recours en 2015).
     En réponse à ce cadeau fait aux exploitants, qui impose un lourd héritage aux générations futures, le Réseau "Sortir du nucléaire", les Amis de la Terre, France Nature Environnement, Mirabel Lorraine Nature Environnement, Burestop 55 attaquent aujourd’hui devant le Conseil d’État l’arrêté pris par Ségolène Royal.
     Le gouvernement devrait être garant de l’intérêt général et des droits des générations futures. La seule décision politique raisonnable aujourd’hui serait de stopper le projet Cigéo pour les risques qu’il ferait courir à l’Europe toute entière, a fortiori avec un projet au rabais, et de sortir au plus vite de l’impasse du nucléaire et de ses déchets.
     Retrouvez le dossier juridique: http://www.sortirdunucleaire.org/


Contacts presse
Romain Virrion (MIRABEL-Lorraine Nature Environnement) - 09 81 98 30 12
Marie Frachisse (juriste, Réseau “Sortir du nucléaire“)
Annexe : les critiques de l’ASN sur l’évaluation de l’Andra
- L’Andra ne prend en compte les coûts de recherche que jusqu’à 2034.
- L’ASN n’est pas en mesure de valider les choix de conception et d’organisation sur lesquels se base le chiffrage de l’Andra,
- L’inventaire des déchets que recevra Cigéo n’est pas complet (les combustibles usés en feront-ils partie?)
- L’estimation de  l’Andra repose sur une vision très restrictive de la réversibilité (alvéoles refermés 10 ans seulement après leur remplissage) alors même que la définition de ce concept doit encore faire l’objet d’un débat parlementaire,
- Certains coûts unitaires relatifs au génie civil sont calculés de manière «particulièrement optimiste»
- L’intégration «d’opportunités» (aléas positifs) n’est pas jugée assez prudente.
p.20

http://abonnes.lemonde.fr/
Le jeu de dupes de la France sur la baisse du nucléaire
Le Monde (Pierre le Hir)

 
      «C’est un tabou qui tombe, se félicitait la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, lors de l’examen parlementaire du projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte: http://www.developpementdurable.gouv.fr, promulguée en août 2015. Elle parlait de la toute-puissance de la filière nucléaire dans le modèle énergétique français, qu’aucun gouvernement n’avait osé écorner. Dans son article 1er, la loi prévoit en effet de «réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% [contre 77% en 2014] à l’horizon 2025».
     Un engagement solennel pris par François Hollande avant son élection. «Vous êtes pour le tout-nucléaire, vous en avez parfaitement le droit; certains sont pour une sortie du nucléaire: ils en ont le droit aussi. Moi, je suis pour une position équilibrée parce que je pense que c’est la plus intelligente», avait-il lancé à Nicolas Sarkozy lors du débat télévisé de l’entre-deux tours de la présidentielle, en 2012.
     Mais les tabous ont la vie dure. Au pied du mur, le gouvernement tergiverse.. Suscitant l’incompréhension et la défiance des associations environnementales, qui l’accusent de renoncer à une vraie transition énergétique.
     Avec sa loi de croissance verte, la France s’est pourtant fixé un cap ambitieux: quatre fois d’émissions de gaz à effet de serre en 2050, deux fois moins  d’énergie consommée au milieu du siècle, moins 30% de fossiles en 2030 et 32% de renouvelables à la même échéance. Le tout assorti, donc, d’une réduction d’un tiers du poids de l’atome, en 2025, dans le bouquet électrique. Ces objectifs, complémentaires, doivent être mis en musique par une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont la loi précise que, «fixée par décret, elle établit les priorités d’action des pouvoirs publics».
     La première PPE devrait couvrir deux périodes, 2016-2018 et 2019-2023.
     Or, huit mois après l’adoption de ce texte, dont le chef de l’Etat avait fait l’un des «grands chantiers du quinquennat», force est de s’interroger sur les «priorités d’action de l’exécutif. La PPE était attendue fin 2015. Repoussée de mois en mois, elle devait être présentée, début mars, à un comité de suivi, lequel a été ajourné sine die. Et voici que Mme Royal vient de décider de soumettre au Conseil supérieur de l’énergie, vendredi 15, un «arrêté relatif à la programmation des capacités d’énergie renouvelable» qui fait l’impasse sur le nucléaire: https://www.legifrance.gouv.fr/

     Sécuriser les énergies renouvelables
     «J’ai choisi de procéder en deux temps, en avançant d’abord sur les renouvelables, explique au Monde la ministre. C’est une façon de sécuriser leur développement, en le rendant indépendant du volet nucléaire, plus compliqué à traiter et conflictuel. Les filières renouvelables ont besoin de visibilité. Si leur sort était lié à celui du nucléaire, les professionnels pourraient craindre que tout soit remis en cause en cas d’alternance politique». En procédant de la sorte, elle va pouvoir «lancer les appels d’offres pour les différentes filières, fixer les tarifs de rachat de l’électricité et accélérer la transition énergétique». L’éolien terrestre doit monter fortement en puissance, en passant d’une capacité installée de 9,3 gigawatts (GW) en 2014 à 22 ou 23 GW en 2023, de même que le solaire photovoltaïque, qui doit grimper de 5,4 GW à 18 ou 22 GW.
     Ce mécanisme à double détente pose toutefois deux problèmes. D’abord, il s’affranchit pour l’instant de la PPE, c’est-à-dire du fil rouge de la loi. L’arrêté ministériel sur les renouvelables, sur lequel le Conseil supérieur de l’énergie doit rendre un avis d’ici à la fin avril, pour une publication au Journal officiel en mai, va simplement modifier les programmations pluriannuelles des investissements (PPI) de production d’électricité et de chaleur de 2009. Un dispositif qui, comme son nom l’indique, ne porte que sur les investissements et non pas sur l’ensemble de la politique énergétique.
(suite)
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     Ensuite, passer sous silence la question du nucléaire a pour conséquence, aux yeux des ONG, de fragiliser les filières alternatives, au contraire de ce qu’avance la ministre. «On ne peut pas sécuriser les renouvelables sans garantir, dans le même temps, qu’on va leur faire de la place sur le marché et sur le réseau, analyse Cyrille Cormier, chargé des questions énergétiques à Greenpeace. La France et l’Europe sont en surcapacité de production électrique, si bien que ces filières ne pourront pas progresser sans une baisse effective du nucléaire, donc sans fermeture de réacteurs». Les atermoiements du gouvernement s’expliquent, selon lui, par «une difficulté à choisir entre la transition énergétique et l’exportation du nucléaire français, qui nécessite de conserver une vitrine nationale, un parc, des équipes et un savoir-faire.
     «Commencer par les renouvelables ne doit pas servir de prétexte pour enterrer le volet nucléaire. Sur ce point, les ONG ont raison concède Mme Royal, qui, espère rendre publique rapidement» une PPE complète, sans plus de précision sur le calendrier. «Il y aura des réacteurs prolongés et des réacteurs fermés sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), annonce-t-elle simplement. Une autre option permettrait même de réduire le poids de l’atome sans toucher au parc installé, en «diminuant la production des centrales». Mais, précise la ministre, aucun arbitrage ne sera rendu avant 2019: «c’est dans la seconde période de la PPE, entre 2019 et 2023, qu’il va falloir prendre des décisions, avec l’ASN

     L’exécutif se défausse sur les gouvernements futurs
     De fait, la série des quatrièmes visites décennales – les inspections approfondies qui décideront de l’aptitude des chaudières nucléaires à rester en activité au-delà de quarante ans – ne débutera qu’en 2019, avec l’unité  de Tricastin 1 (Drôme et Vaucluse).
     Pour autant, la Cour des comptes estime, dans son dernier rapport annuel https://www.ccomptes.fr/, que baisser la part de l’atome à 50% du bouquet électrique revient à arrêter «de 17 à 20 réacteurs» sur les 58 que compte l’Hexagone. Ce qui, en bonne programmation, exigerait de planifier et d’étaler les fermetures. Au lieu de quoi l’exécutif se défausse, de facto, sur les gouvernements futurs. Le seul acte posé au cours du quinquennat sera un décret, «avant l’été promet Mme Royal, abrogeant l’autorisation de fonctionnement de Fessenheim, même si la centrale alsacienne ne s’arrêtera que fin 2018, lors de la mise en service prévue de l’EPR de Flamanville (Manche).
     Cette dérobade n’étonne guère Hervé Mariton, député (Les Républicains) de la Drôme et co-auteur d’un rapport sur le coût de la fermeture anticipée des réacteurs nucléaires http://www.assemblee-nationale.fr/. «depuis le début, on nage en pleine hypocrisie avec une loi de transition énergétique qui est perçue par beaucoup – parlementaires, membres du gouvernement, industriels – comme n’ayant pas vocation à être appliquée, commente-t-il. La preuve en est qu’EDF ou Areva n’intègrent pas d’évolution majeure du parc nucléaire dans leurs calculs financiers. On est dans un jeu de rôles, de feinte systématique du gouvernement. Sur le nucléaire, la transition énergétique réside dans la PPE, le reste n’est que du baratin». Tout aussi sévère, l’ex-ministre de l’environnement Corinne Lepage, présidente du mouvement Le Rassemblement Citoyen-Cap 21, juge que «sur le nucléaire le bilan, le bilan de Mme Royal est égal à zéro».
     À quelques jours de la cérémonie de signature, le 22 avril à New York, de l’accord de Paris sur le climat, pour lequel la France veut s’afficher en moteur de la transition énergétique, les associations environnementales s’étranglent. «Signer l’accord de Paris sans avoir rendu publique une PPE qui transcrive les objectifs de la loi serait comme faire un chèque en bois. Le gouvernement ne peut pas se permettre de rester dans un flou qui pénalise les filières d’avenir, que ce soit l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables», estime Anne Bringault, du Réseau action climat et du Réseau pour la transition énergétique.
     France nature environnement exprime elle aussi son inquiétude: «Si la France veut tenir à l’international son rang acquis avec l’accord de Paris, cela passe nécessairement par la mise en œuvre de la loi de transition énergétique et l’exemplarité de l’Etat, prévient son président, Denis L’Hostis. Ajoutant «Aujourd’hui, nous pouvons en douter.
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