février 2016 •

Avis IRSN/2017-00062
Dossier d’options de sûreté de l’installation de traitement des combustibles particuliers Établissement AREVA NC de La Hague INB n°117 (Usine UP2-800) – Atelier R1 février 2016

Référence :
1. Lettre ASN CODEP-DRC-2016-030069 du 28 juillet 2016
2. Décision ASN n°2014-DC-0422 du 11 mars 2014
3. Décision ASN n°2015-DC-0476 du 6 janvier 2015

Par lettre citée en référence, l’ASN a demandé l’avis et les observations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur le dossier d’options de sûreté (DOS) de l’installation de traitement des combustibles particuliers (TCP), transmis par AREVA NC en janvier 2016, en réponse à la décision citée en deuxième référence relative à la réception, à l’entreposage et au traitement dans les usines UP3-A et UP2-800 d’aiguilles de combustibles fissiles et fertiles irradiées dans le réacteur à neutrons rapides Phénix. En particulier, l’ASN demande à l’IRSN d’examiner les principes retenus par AREVA NC pour assurer la maîtrise des risques liés à l’exploitation de l’installation TCP, la prise en compte des enseignements tirés du retour d’expérience disponible ainsi que les exigences retenues pour le dimensionnement au séisme des équipements.

Dans ce cadre, l’IRSN a particulièrement examiné les principales caractéristiques techniques de l’installation TCP ainsi que les éléments structurants de la démonstration de sûreté. De l’examen du DOS et des compléments transmis au cours de l’instruction, l’IRSN retient les principaux points suivants.

1 PRESENTATION DE L’INSTALLATION TCP

L’installation TCP est une nouvelle unité de «cisaillage dissolution» de combustibles nucléaires implantée dans les locaux de la chaîne A de l’atelier R1 (INB n°117) dont l’aménagement a été différé lors de la construction de l’atelier dans les années 1990. Cette installation est conçue pour recevoir et traiter les combustibles issus du réacteur Phénix ainsi que d’autres combustibles nucléaires (irradiés ou non) divers provenant notamment de réacteurs à eau légère et à neutrons rapides, de réacteurs de recherche ou de test (RTR), d’usines de fabrication de combustibles ou de stocks de combustibles excédentaires.

La capacité de traitement prévue est de quelques tonnes de métal lourd initial par an (tmli par an) pour les combustibles issus des réacteurs de recherche et de quelques dizaines de tmli.an-1 pour les autres combustibles. La mise en service de l’installation est prévue en 2022, la phase de travaux débutant en 2019. En conséquence, AREVA NC prévoit notamment de transmettre en 2018, conformément à l’article 31 du décret du 2 novembre 2007 modifié, un rapport préliminaire de sûreté en appui à sa demande de modifier l’INB n°117 pour y implanter l’installation TCP. Ces échéances sont compatibles avec celles prescrites par l’ASN dans sa décision citée en deuxième référence.

1.1 Domaine de fonctionnement prévu

Les combustibles à traiter dans l’installation TCP présentent des caractéristiques très diverses liées notamment à leurs formes (crayons, aiguilles, plaques...), à leur éventuel conditionnement en étui ou en conteneur, à leur enrichissement potentiellement important en isotope 235 de l’uranium, à leur teneur massique en plutonium ou à leur solubilité plus ou moins importante dans l’acide nitrique ou encore à leurs conditions d’irradiation. Les principales caractéristiques nucléaires des combustibles irradiés retenues pour la conception de l’installation TCP (notamment le taux de combustion, l’enrichissement initial et le temps de refroidissement) ou des combustibles non irradiés, sont toutefois couvertes par celles définies dans les décrets de création des usines UP2-800 et UP3-A.

1.2 Description du procédé

L’installation TCP comprend :

- une partie « procédé mécanique » assurant le transfert des combustibles depuis l’atelier piscine NPH, leur préparation et leur cisaillage lorsque cela est nécessaire. Les équipements concernés sont en grande partie similaires à ceux de la chaîne B de l’atelier R1 dédiée au traitement des combustibles à base d’oxyde d’uranium enrichi (UOX) irradiés dans des réacteurs électrogènes ;

- une partie « procédé chimique » dans laquelle est réalisée la dissolution des combustibles. Cette partie comporte une unité dite de «dissolution principale» pour le traitement des combustibles préalablement cisaillés et une unité dite de «dissolution des combustibles RTR», ces combustibles n’étant pas cisaillés.

Ces deux unités, qui peuvent fonctionner en parallèle, sont implantées dans la cellule de dissolution de la chaîne A de l’atelier R1. Le traitement est réalisé par campagne avec des étapes de préparation et de paramétrage des unités adaptées aux types de matières devant être traitées, notamment pour ce qui concerne la prévention des risques de criticité (concentration en poison neutronique des solutions de dissolution ou de rinçage par exemple).

Unité de dissolution principale

Concernant les combustibles cisaillés dans la partie mécanique de l’installation TCP, le DOS indique que les embouts découpés sont versés dans un puits dédié pour y être rincés à l’acide nitrique et les tronçons de crayons combustibles, appelés coques, sont transférés, via une autre goulotte, dans un panier placé à l’intérieur d’un puits dit « de dissolution », relié à une cuve dans laquelle circule de l’acide nitrique chaud.

En fin de dissolution, la solution est transférée, soit directement vers l’unité de clarification existante de la chaîne A de l’atelier R1, soit, dans le cas de combustibles présentant une faible solubilité dans l’acide nitrique, vers une centrifugeuse spécifique. Les particules solides arrêtées par la centrifugeuse sont décolmatées et transférées dans une cuve appelée «digesteur» qui permet de réaliser une dissolution complémentaire oxydante à l’argent des matières fissiles accompagnant les particules solides. La solution issue de l’étape «de digestion» et les résidus de cette dissolution complémentaire sont ensuite transférés vers l’unité de clarification de la chaîne A.

La solution clarifiée issue de l’installation TCP est ensuite mélangée avec des solutions de dissolution de combustibles UOX traités dans la chaîne B de l’atelier R1 dans une cuve de l’unité bilan de cet atelier, selon un facteur de dilution tel que la solution issue du mélange respecte à la fois le domaine de fonctionnement des ateliers de traitement en aval (notamment pour ce qui concerne la maîtrise des risques de criticité) et les paramètres garantis de la spécification de production des colis de déchets vitrifiés (CSD-V).

Chaque panier de coques (à l’issue de la dissolution) ou d’embouts est rincé à l’eau dans un puits dédié, puis transféré vers un poste de mesure permettant d’estimer la masse de matières fissiles résiduelles. Les coques et embouts sont ensuite déversés dans un fût dit «navette» ou «ECE» (coques et embouts sous eau). L’exploitant indique toutefois privilégier le conditionnement en fût «ECE» et le transfert de ces derniers dans l’atelier d’entreposage D/E EDS de l’INB n°116, cette option permettant de traiter par campagnes spécifiques les fûts «ECE» de coques et embouts issus de l’installation TCP dans l’atelier de compactage des coques et embouts (ACC) de l’INB n°116. En effet, l’exploitant indique que les postes de mesures de cet atelier nécessiteront un paramétrage adapté à la nature des déchets de structure issus de combustibles traités dans l’installation TCP. D’après l’exploitant, de 10 à 30 fûts «ECE» devraient ainsi être produits par an. L’IRSN rappelle que, selon la décision citée en troisième référence relative à la poursuite temporaire de l’entreposage de fûts ECE dans l’atelier D/E EDS, l’entreposage de nouveaux fûts « ECE » dans cet atelier est soumis à l’accord préalable de l’ASN.

Unité de dissolution des combustibles RTR

Les combustibles irradiés dans des réacteurs de test et de recherche (dits combustibles RTR) de tout type (avec ou sans boitier) sont transférés depuis l’atelier piscine NPH dans la partie mécanique de l’installation TCP et sont dissous, sans découpe préalable, dans un dissolveur cylindrique de grande contenance dans lequel peuvent être introduits, soit deux paniers superposés remplis d’assemblages de combustibles RTR de petites dimensions, soit un seul panier contenant un assemblage de combustibles RTR de grandes dimensions. À l’issue de la dissolution, la solution est tout d’abord transférée dans une cuve tampon, dont la capacité permet la réception de six à sept lots de dissolution de combustibles RTR, puis dans l’unité de clarification de la chaîne A de l’atelier R1 avant d’être mélangée avec des solutions de dissolution d’autres combustibles.

1.3 Nouveaux équipements à implanter

Dans le DOS, l’exploitant indique que les nouveaux équipements implantés dans les locaux de la chaîne A de l’atelier R1 sont :

  • les puits de dissolution et les cuves relatives aux opérations «de digestion » ;
  • un poste de perçage des étuis ou des conteneurs de combustibles pour lesquels la présence d’eau n’est pas exclue, celle-ci devant être limitée dans l’unité de cisaillage en raison du mode de contrôle de la criticité retenue. En outre, les gaz issus de la radiolyse de l’eau éventuellement présente dans les étuis peuvent induire des risques d’explosion. L’exploitant a précisé les principes généraux de maîtrise de ces risques d’explosion et a indiqué qu’il présenterait une analyse de ces risques dans le rapport préliminaire de sûreté qui sera transmis en appui de la demande d’autorisation de modification de l’INB n°117 pour y implanter l’installation TCP. Ceci n’appelle pas de commentaire de l’IRSN ;
  • une centrifugeuse, utilisée pour séparer les insolubles de la solution de dissolution, qui fonctionne sur le même principe que les décanteuses pendulaires centrifugeuses (DPC) déjà existantes dans les ateliers R1 et T1, à savoir un bol tournant s’autovidangeant.
    Le DOS précise que cet équipement est prévu d’être implanté en zone 4 de radioprotection, où la contamination est permanente et élevée (inaccessible aux opérateurs), contrairement aux DPC existantes dont les moteurs et l’instrumentation de contrôle sont accessibles en zone de radioprotection 3R par les opérateurs pour réaliser les opérations de maintenance et les opérations dites « de sauvegarde » en cas de défaillance de cet équipement.
    En cours d’instruction, l’exploitant a précisé que la centrifugeue sera implantée dans une «boquette» blindée ancrée dans un voile de la cellule de dissolution, permettant ainsi d’implanter le corps de la centrifugeuse en zone 4 et la partie motorisation en zone 3R (selon les mêmes principes de confinement que ceux retenus pour les DPC existantes), accessible au personnel. Ceci est satisfaisant.
  • un poste de contrôle nucléaire par interrogation neutronique active (INA) permettant d’évaluer la masse résiduelle en matières fissiles des coques et embouts. L’IRSN souligne que la présence d’acier en forte proportion dans certains combustibles et le poison neutronique présent dans la solution résiduelle accompagnant les coques est susceptible d’affecter la qualité de la mesure par INA. Eu égard à la diversité des combustibles traités dans l’installation TCP (origine et type), l’IRSN estime important que ce poste de mesure permette de réaliser des estimations par excès de la masse de matières fissiles. L’exploitant a précisé, au cours de l’instruction, que ceci sera pris en compte dans la qualification du poste de mesure et que ce dernier sera paramétrable en fonction des caractéristiques des combustibles traités. Au stade du DOS, les options de conception prévues par l’exploitant n’appellent pas de remarque de l’IRSN.

1.4 Etat des équipements existants

Selon l’exploitant, les équipements déjà implantés dans la chaîne A de l’atelier R1, tels que le pont basculeur, les chemins de roulement et le chariot de translation de ce pont ainsi que les équipements de l’unité de traitement des gaz de la ventilation «procédé » ont fait l’objet d’un état des lieux. Une vérification de l’état des cellules de zone 4, dans lesquelles seront implantés les nouveaux équipements de l’installation TCP, sera également réalisée.

En tout état de cause, l’exploitant indique que chaque élément important pour la protection des intérêts (EIP) existant de l’installation TCP fera l’objet d’une vérification de la conformité et de la maîtrise du vieillissement suivant la même méthode que celle mise en oeuvre pour les réexamens de sûreté des INB n°116 et 117. Au stade du DOS, ceci est satisfaisant. L’IRSN recommande toutefois que l’exploitant justifie, dans le rapport préliminaire de sûreté qui sera transmis à l’appui de la demande d’autorisation de modifier l’INB n°117 pour y implanter l’installation TCP, la conformité des équipements et structures déjà implantés dans l’installation TCP. Pour ce faire, l’exploitant devra présenter les modalités de réalisation des contrôles ainsi que les résultats correspondants. Ceci fait l’objet de la recommandation n°2 formulée en annexe au présent avis.

2 INCIDENCE DE L’INSTALLATION TCP SUR L’USINE UP2-800

Dans le DOS, l’exploitant indique que l’installation TCP a peu d’incidence sur le fonctionnement des ateliers de l’usine situés en aval de l’atelier R1, car les solutions de dissolution et les solutions de fines qu’elle produira seront mélangées respectivement avec des solutions de dissolution et de fines issues du traitement de combustibles UOX. En effet, des ajustements sont prévus de sorte que le domaine de fonctionnement des ateliers situés en aval et les paramètres garantis des spécifications de production des colis de déchets soient respectés.

L’exploitant indique que le facteur de mélange des solutions le plus pénalisant est celui visant au respect des paramètres de la spécification de production des colis standard de déchets vitrifiés CSD-V. Les solutions de dissolution issues de l’installation TCP sont ainsi mélangées avec celles issues du traitement de combustibles UOX dans un rapport variant de 1 pour 10 à 1 pour 100, selon les caractéristiques des combustibles traités dans l’installation TCP.

Enfin, l’exploitant indique que les déchets de structures issus de certains combustibles prévus d’être traités dans l’installation TCP ne sont pas compatibles avec la spécification de production des colis standards de déchets compactés CSD-C ; à cet égard, l’exploitant a prévu de solliciter une autorisation pour la révision de cette spécification.

Pour ce qui concerne l’incidence sur la production d’effluents de l’usine, l’exploitant précise que l’installation TCP ne remet pas en cause la gestion des effluents gazeux et liquides de l’usine. Pour ce qui concerne les rejets d’effluents liquides et gazeux radioactifs ou non, il indique que leur quantité devrait augmenter légèrement, excepté pour les émetteurs alpha artificiels dont les rejets devraient augmenter de l’ordre de 50 % du fait du traitement de combustible MOX, sans toutefois remettre en cause les limites de rejets autorisées pour le site AREVA NC de La Hague. À ce stade du projet, ces éléments n’appellent pas de remarque.

3 EVALUATION DE SURETE

Dans le DOS de l’installation TCP, l’exploitant indique que les enseignements acquis lors de l’exploitation des INB n°116 et 117, en particulier lors des opérations de traitement de combustibles MOX et de combustibles RTR déjà réalisés, sont pris en compte pour la conception de cette nouvelle installation, de même que le retour d’expérience acquis dans des installations similaires (atelier pilote de Marcoule). Ceci n’appelle pas de remarque.

3.1 Eléments et activités importantes pour la protection (EIP et AIP)

Dans le DOS, l’exploitant rappelle la méthodologie générale d’identification des EIP, des AIP et des exigences définies (ED) associées des INB de l’établissement de La Hague. Ces méthodes, qui ont été mises à jour à la suite de l’instruction par l’IRSN du dossier de réexamen de sûreté de l’INB n°116, sont en cours d’examen dans le cadre de l’instruction du dossier de réexamen de sûreté de l’INB n°117 ; les conclusions de cet examen seront présentées par l’IRSN lors d’une réunion du groupe permanent d’experts pour les « Usines » (GPU) en fin d’année 2017. À ce stade du projet, les EIP et AIP de l’installation TCP ne sont pas encore définis. L’IRSN estime que l’exploitant devra tenir compte des conclusions de l’instruction par l’IRSN du dossier de réexamen de l’INB n°117, dans le cadre de son identification des EIP, des AIP et des ED associées, de l’installation TCP.

3.2 Risques de dispersion de substances radioactives

L’exploitant reconduit les dispositions de maîtrise des risques de dispersion des substances radioactives mises en œuvre dans la chaîne B de l’atelier R1, notamment concernant le choix des matériaux constituant la première barrière de confinement statique et l’organisation en systèmes de confinement statiques et dynamiques. Ainsi, les matériaux retenus sont identiques à ceux des équipements équivalents de la chaîne B de l’atelier R1 ou de l’atelier T1, excepté pour le dissolveur dédié au traitement des combustibles RTR (dit dissolveur RTR). À cet égard, l’exploitant indique qu’il prendra en compte le retour d’expérience disponible des usines de La Hague pour des équipements similaires à ceux de la future installation TCP (dissolveurs, goulotte...), relatif à la corrosion des équipements et aux phénomènes de vieillissement (fatigue mécanique notamment) ; il s’agit notamment des épaisseurs retenues des matériaux des équipements pour tenir compte de ces phénomènes. Ceci n’appelle pas de remarque.

Le dissolveur RTR sera réalisé en acier inoxydable. L’IRSN souligne que la nuance d’acier retenue à ce stade présente une résistance notablement moindre à la corrosion que le matériau constitutif du dissolveur de la chaîne B de l’atelier T1 dans lequel les combustibles RTR sont actuellement dissous. L’exploitant estime néanmoins que le matériau est adapté, compte tenu de la quantité limitée de combustibles RTR devant être traités dans ce dissolveur. À cet égard, l’exploitant a indiqué que des essais réalisés dans des conditions chimiques enveloppes de celles attendues au regard des risques de corrosion sont en cours et permettront de préciser (à l’horizon de mi-2017 selon l’exploitant) la cinétique de corrosion des parois du dissolveur RTR et de définir l’épaisseur nécessaire de ces parois pour en tenir compte.

Dans le DOS, l’exploitant indique également que des dispositions seront prises pour permettre de vérifier le respect des exigences retenues concernant les équipements de procédé (épaisseur des parois notamment).

L’IRSN recommande que l’exploitant justifie, dans le rapport préliminaire de sûreté relatif à l’implantation de l’installation TCP dans l’atelier R1, le choix des matériaux retenus pour les différents équipements de l’installation TCP et les épaisseurs associées pour tenir compte des phénomènes de corrosion ou de vieillissement, au regard des conditions d’exploitation prévues. Pour les équipements pour lesquels l’exploitant ne dispose pas d’un retour d’expérience lié au matériau retenu (notamment pour le dissolveur RTR), l’exploitant devra présenter les résultats des essais réalisés, dont les conditions de réalisation seront présentées. L’exploitant devra également présenter les dispositions prévues pour réaliser les examens de conformité des nouveaux équipements de l’installation TCP. Ceci fait l’objet de la recommandation n°1 formulée en annexe au présent avis.

En dehors des points évoqués ci-dessus, les principes retenus par l’exploitant pour assurer le confinement des substances radioactives n’appellent pas de remarque à ce stade du projet.

3.3 Risques de criticité

L’exploitant reconduit globalement les modes de contrôles de la criticité et les milieux fissiles de référence retenus pour le traitement des combustibles déjà traités dans les ateliers R1 (UOX, MOX) et T1 (UOX, RTR). La principale différence concerne les modes de contrôle de la criticité relatifs aux opérations de dissolution, celles-ci prévoyant un empoisonnement neutronique systématique dans le cas de l’installation TCP.

À cet égard, dans le DOS de l’installation TCP, l’exploitant indique que les paniers de coques ou d’embouts produits sont directement transférés au poste de mesure INA, sans réaliser au préalable une première estimation de la quantité résiduelle de matière fissile présente dans les coques après l’étape de dissolution. Cette disposition est différente de celle mise en oeuvre dans la chaîne B de l’atelier R1 pour le traitement des combustibles UOX, où une telle mesure est réalisée afin de s’assurer d’une dissolution minimale du combustible. Ainsi, dans l’installation TCP, l’IRSN relève qu’en cas de dissolution insuffisante du combustible présent dans les coques, la quantité de matières fissiles dans les coques et embouts transférés au poste de mesure pourrait être supérieure à la masse de matière fissile admissible à l’égard des risques de criticité à ce poste. À cet égard, l’exploitant précise que les dispositions permettant de garantir une dissolution minimale des matières fissiles avant transfert au poste de mesure sont encore à l’étude. Aussi, l’IRSN estime qu’à défaut de justification que les dispositions retenues permettent de garantir le respect de la masse admissible en matières fissiles au poste de mesure, l’exploitant devra prévoir la réalisation d’une estimation de la quantité de matières fissiles dans les coques et embouts avant leur transfert au poste de mesure INA, afin de maîtriser les risques de criticité du panier en cours de remplissage. Ceci fait l’objet de la recommandation n°2 en annexe au présent avis.

Par ailleurs, pour les combustibles RNR, l’IRSN avait notamment souligné, lors de l’examen de la faisabilité du traitement de ces combustibles Phénix (fissiles et fertiles) qui ont fait l’objet d’avis en 2008 et 2013, que les éléments de justification des risques de criticité liés à un engorgement de la goulotte de transfert des coques vers le dissolveur n’étaient pas totalement suffisants. En effet, les valeurs minimales critiques (notamment s’agissant de la masse de matières fissiles) sont faibles pour ces combustibles. Or, les risques d’engorgement de la goulotte sont accrus par les éléments de structure de ces combustibles, tels que les fils espaceurs difficiles à couper ou encore l’étui contenant les combustibles voire les sur-conteneurs non fragilisés par l’irradiation. Pour ces combustibles, l’exploitant retient, à ce stade, pour la goulotte de transfert des coques vers le dissolveur de l’installation TCP, un mode de contrôle de la criticité par la limitation de la géométrie qui pourra être associé à une limitation de la masse de matières fissiles pour certains types de combustibles, comme par exemple les combustibles RNR peu ou non irradiés. L’exploitant précise qu’un prototype de cisaille, à l’échelle 1, est en cours de qualification afin de définir les meilleurs paramètres de coupe devant permettre d’exclure la formation d’objets dont les formes ou les dimensions seraient susceptibles de provoquer un engorgement de la goulotte. Selon l’exploitant, les résultats d’essais de cisaillage de maquettes inactives, notamment d’étuis d’aiguilles RNR (avec ou sans sur-conteneur) sont encourageants.

Ces dispositions de conception seront complétées par un dispositif de détection de la présence de matières fissiles liée à un éventuel engorgement de la trémie cisaille-goulotte ou de la goulotte. Au stade du DOS, l’exploitant indique que le système de détection retenu est une mesure par ultrasons (US). Toutefois, l’exploitant ne justifie pas de la capacité de cette mesure à détecter suffisamment tôt que la quantité de matières fissiles est susceptible de dépasser celle admissible à l’égard des risques de criticité, celle-ci étant particulièrement faible dans le cas des combustibles RNR. L’IRSN recommande que l’exploitant justifie, dans le rapport préliminaire de sûreté qui sera transmis pour l’implantation de l’installation TCP, que les dispositions de maîtrise des risques de criticité liés à un éventuel engorgement de la goulotte (mode de contrôle de la criticité retenu et moyen de détection d’une accumulation de matières fissiles dans la goulotte) sont adaptées au traitement des combustibles RNR. Ce point fait l’objet de la recommandation n°2 formulée en annexe au présent avis.

L’installation TCP se caractérisera par la grande diversité des caractéristiques nucléaires des combustibles devant y être traités, dont la forme et le conditionnement peuvent être très proches. À cet égard, l’exploitant ne prévoit pas, à ce stade, de mesure nucléaire permettant de vérifier les caractéristiques nucléaires des combustibles indépendamment des valeurs déclarées par l’expéditeur. Il précise que chaque assemblage combustible est identifié individuellement par l’opérateur en salle de conduite à partir de la lecture puis de la saisie de l’identifiant du combustible dans le système de conduite, ce dernier comparant la valeur saisie à celle attendue.

À cet égard, l’IRSN considère que le risque de confusion d’éléments combustibles doit être écarté dans la mesure où la concentration retenue en poison neutronique de la solution de dissolution pourrait, dans certain cas de figure, ne pas être suffisant pour garantir la sous criticité en cas d’erreur sur le type de combustible traité. Ainsi, l’IRSN rappelle que la concentration en poison neutronique retenue dans le dossier de faisabilité du traitement des aiguilles de combustibles Phénix fertiles ne garantit pas la sous criticité du procédé en cas de traitement par erreur d’aiguilles de combustibles fissiles. L’IRSN considère que les options retenues par l’exploitant ne sont pas suffisantes pour prévenir un risque de criticité induit par une seule erreur d’identification des combustibles, ce qui ne permet pas de respecter l’exigence qui fait l’objet de l’article 2.3 de la décision ASN relative à la maîtrise des risques de criticité (Décision ASN 2014-DC-0462 du 7-10-14). Aussi, l’IRSN recommande que l’exploitant justifie, dans le rapport préliminaire de sûreté qui sera transmis pour l’implantation de l’installation TCP, les dispositions permettant de vérifier les caractéristiques des combustibles à traiter dans l’installation, indépendamment des données déclarées par l’expéditeur ou, à défaut, celles permettant de prendre en compte un risque d’erreur notamment de conditionnement des combustibles. Ce point est pris en compte dans la recommandation n°2 formulée en annexe au présent avis.

Par ailleurs, l’installation TCP se caractérisera également par la plus ou moins grande solubilité dans l’acide nitrique des combustibles à traiter. À cet égard, l’exploitant prévoit que le mode de contrôle de la cuve recevant les solutions de dissolution avant clarification soit la limitation de la masse de matières fissiles associée à l’empoisonnement neutronique. L’IRSN note que cet équipement présente la particularité de ne pas avoir un mode de contrôle de la criticité incluant la géométrie contrairement à tous les équipements (en amont ou en aval) reliés à cette cuve. Or, compte tenu des incertitudes sur le caractère soluble de certains types de combustibles dans l’acide nitrique, le transfert dans cette cuve de quantités significatives d’insolubles de matières fissiles (plutonium notamment) ne peut pas être exclu. À cet égard, l’exploitant ne présente pas de critère permettant de distinguer les combustibles présentant une insolubilité importante dans l’acide nitrique. En outre, il n’est pas prévu de point d’arrêt « sécurisé » entre le dissolveur et la cuve avant centrifugation, qui permettrait de prévenir le transfert d’une quantité de matières fissiles dans la cuve conduisant à dépasser la valeur admissible à l’égard des risques de criticité. L’IRSN estime qu’il serait préférable de retenir pour cette cuve un mode de contrôle de la criticité incluant sa géométrie, ce qui permettrait de disposer de marges de sûreté plus importantes. Aussi, l’IRSN recommande que l’exploitant justifie, dans le rapport préliminaire de sûreté relatif à l’implantation de l’installation TCP dans l’atelier R1, le choix du mode de contrôle de la criticité de la cuve avant centrifugation et les dispositions associées, au regard des équipements situés en amont (dissolveur) et en aval (digesteur) dont l’un des modes de contrôle de la criticité prévu est la géométrie. Ce point est pris en compte dans la recommandation n°2 formulée en annexe au présent avis.

3.4 Facteurs organisationnels et humains (FOH)

Le DOS présente la démarche de prise en compte des FOH dans la conception de l’installation TCP et dans l’analyse de sûreté associée. L’exploitant a précisé lors de l’instruction que, compte tenu de la grande variété des combustibles devant être traités dans l’installation TCP, le traitement est réalisé par campagne avec des étapes de préparation et de paramétrage des unités adaptées aux types de matières devant être traitées. Ces étapes concernent le choix des combustibles dans l’atelier NPH, de la pince de manutention, des conditions de cisaillage et de dissolution et des dispositions retenues pour assurer la prévention des risques de criticité. Les opérations seront majoritairement automatisées et pilotées depuis la salle de conduite de l’atelier R1.

L’exploitant a identifié d’ores et déjà les thématiques qui feront l’objet d’une attention particulière lors de la conception de l’installation TCP. Il s’agit notamment de la gestion des matières par campagne (identification des combustibles, quantité de matières à traiter...), de la gestion de la documentation opératoire, des interfaces Homme-Machine (interfaces adaptées à la variabilité des matières et des opérations), de la formation des opérateurs. Cela n’appelle pas de remarque particulière. L’IRSN rappelle l’importance que les choix de conception tiennent compte des futures opérations d’exploitation (incluant les opérations de conduite et de maintenance) qui seront à réaliser par l’exploitant ; pour l’IRSN, ces choix devront favoriser la conception d’une installation.

4 CONCLUSION

En conclusion, l’IRSN considère que les éléments présentés par AREVA NC dans le dossier d’options de sûreté de l’installation TCP sont convenables. Toutefois, certains choix de conception des équipements de cette installation méritent des justifications particulières qui concernent principalement la prévention des risques de criticité et les risques de dissémination de substances radioactives. Aussi, l’IRSN estime que l’exploitant devra prendre en compte les recommandations formulées en annexe au présent avis, dans le cadre du rapport préliminaire de sûreté qui sera transmis à l’appui de la demande de modification de l’INB n°117 pour y implanter l’installation TCP.

Annexe à l’avis IRSN/2017-00062 du 16 février 2017

Recommandations à prendre en compte dans le rapport préliminaire de sûreté relatif à l’implantation de l’installation TCP dans l’atelier R1 de l’usine UP2-800

Recommandation n°1 :

L’IRSN recommande que l’exploitant :

  • justifie le choix des matériaux retenus pour les différents équipements de procédé de l’installation TCP et les épaisseurs associées pour tenir compte des phénomènes de corrosion ou de vieillissement, au regard des conditions d’exploitation. À cet égard, l’exploitant devra présenter, pour les équipements pour lesquels il ne dispose pas de retour d’expérience lié au matériau retenu (notamment pour le dissolveur RTR), les résultats des essais réalisés pour lesquels les conditions de réalisation seront présentées ;
  • présente les dispositions prévues pour réaliser les examens de conformité des nouveaux équipements de procédé de l’installation TCP aux exigences qui leur seront attribuées ;
  • justifie la conformité des équipements et structures déjà implantés dans l’installation TCP aux exigences qui leur sont attribuées. Pour ce faire, l’exploitant devra présenter les modalités de réalisation des contrôles réalisés ainsi que les résultats correspondants.

Recommandation n°2 :

L’IRSN recommande que l’exploitant :

  • prévoit, à défaut de justification que les dispositions retenues permettent de garantir le respect de la teneur admissible en matières fissiles au poste de contrôle nucléaire par interrogation neutronique active de la masse résiduelle de matières fissiles dans les coques et embouts, la réalisation d’une estimation de la quantité de matières fissiles avant leur transfert au poste de mesure, afin de maîtriser les risques de criticité du panier en cours de remplissage ;
  • justifie que les dispositions de maîtrise des risques de criticité liés à un éventuel engorgement de la goulotte de transfert des coques (mode de contrôle de la criticité retenu et moyen de détection d’une accumulation de matières fissiles dans la goulotte) sont adaptées au traitement des combustibles RNR ;
  • présente et justifie les dispositions permettant de vérifier les caractéristiques des combustibles à traiter dans l’installation TCP, indépendamment des données déclarées par l’expéditeur ou, à défaut, celles permettant de prendre en compte, à l’égard de la prévention des risques de criticité, un risque d’erreur, notamment de conditionnement des combustibles ;
  • justifie le choix du mode de contrôle de la criticité de la cuve contenant la solution de dissolution avant centrifugation et les dispositions associées, au regard des équipements situés en amont (dissolveur) et en aval (digesteur) dont l’un des modes de contrôle de la criticité est la géométrie.