septembre 2017 •

Avis IRSN/2017-00165
Objet : EDF - REP- Centrale nucléaire du Bugey – INB n° 89
Modification temporaire des spécifications techniques d’exploitation afin de requalifier quatre soupapes de sûreté par générateur de vapeur en arrêt normal sur générateurs de vapeur

Réf :
[1] Saisine ASN – CODEP-LYO-2017-018266 du 5 mai 2017
[2] Avis IRSN - 2015-00111 du 31 mars 2015

En réponse à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) [1], l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a évalué l’impact sur la sûreté de la modification temporaire des spécifications techniques d’exploitation (STE) du réacteur n°5 de la centrale nucléaire du Bugey, déclarée par EDF afin de requalifier quatre soupapes de sûreté du circuit de vapeur principale (VVP) par générateur de vapeur (GV) dans le domaine d’exploitation « arrêt normal sur générateurs de vapeur » (AN/GV).

Pour les réacteurs du Bugey, chaque GV compte sept soupapes de sûreté VVP et généralement, à chaque arrêt pour renouvellement du combustible, trois soupapes de sûreté font l’objet d’une maintenance, conduisant à considérer les trois soupapes visitées indisponibles lors du redémarrage tant qu’elles n’ont pas été requalifiées à leur pression de tarage. Les STE imposant d’avoir quatre soupapes disponibles lors du passage en AN/GV, la requalification des trois soupapes ne nécessite donc pas normalement de déroger aux STE.

À la suite d’un aléa sur l’enceinte de confinement, l’arrêt pour rechargement du combustible du réacteur n° 5 du Bugey a été prolongé, ce qui a conduit l’exploitant du Bugey à réaliser la maintenance préventive d’une soupape de sûreté supplémentaire sur chaque GV afin de respecter la périodicité prescrite par le programme de base de maintenance préventive. Par conséquent, le réacteur n° 5 du Bugey va devoir redémarrer avec quatre soupapes de sûreté indisponibles par GV. Cette situation est redevable de l’évènement de groupe 1 (1) «VVP 4» lors du passage dans le domaine d’exploitation AN/GV, ce qui n’est pas autorisé par les STE, jusqu’à la requalification complète des soupapes soit pendant environ 34 h.

La requalification fonctionnelle des soupapes VVP consiste à vérifier successivement la conformité du tarage des soupapes visitées à une pression de 68 bars dans les GV. Avant l’atteinte des conditions de requalification, l’exploitant doit réaliser un essai périodique réglementaire sur le système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG). Cette activité génère l’évènement de groupe 1 «ASG 1» pendant une durée d’environ une heure.

Les conditions de réalisation de cet essai périodique, en présence de l’évènement de groupe 1 «VVP 4», nécessiteraient donc de cumuler un second évènement de groupe 1, ce qui est contraire aux prescriptions des STE.

De plus, la conduite à tenir de l’événement de groupe 1 «VVP4» impose un repli du réacteur sous huit heures dans le domaine d’exploitation «arrêt normal sur le système de refroidissement du réacteur à l’arrêt» (AN/RRA), ce qui ne peut pas être respecté compte tenu des activités planifiées entre le début de l’AN/GV et l’atteinte des conditions de requalification.

L’objet de la présente modification des STE est donc d’autoriser l’exploitant du Bugey à générer l’évènement de groupe 1 «VVP 4» lors du passage dans le domaine d’exploitation AN/GV, et de prolonger cet évènement pendant environ 34 h - durée pendant laquelle l’évènement de groupe 1 «ASG 1» sera généré - sans appliquer la règle des cumuls.

En AN/GV, tant que la requalification fonctionnelle des soupapes VVP n’est pas prononcée, la défaillance d’une soupape VVP présente les risques suivants pour la sûreté :

  • Une ouverture intempestive d’une soupape peut provoquer un refroidissement rapide du circuit primaire et donc une excursion de réactivité. Dans la plage d’utilisation de la demande de modification des STE, ce risque est limité car la pression de tarage des soupapes est initialement réglée à une valeur de 76,6 bars + 0,8 / - 1,8 bar, et en cas d’ouverture, les procédures de conduite imposent de refermer la soupape défaillante.
  • À l’inverse, le refus d’ouverture d’une soupape peut nuire à la fonction d’évacuation de la puissance résiduelle du réacteur en cas d’indisponibilité du système de refroidissement normal des GV. L’arrêt du réacteur n° 5 ayant été significativement prolongé, la puissance résiduelle au redémarrage est très faible et EDF a évalué qu’une seule soupape suffirait à évacuer cette puissance. Compte tenu du fait que trois soupapes par GV restent disponibles malgré les interventions réalisées pendant l’arrêt du réacteur, ce risque peut être écarté.

L’IRSN note que la requalification des soupapes de sûreté est nécessaire pour retrouver leur disponibilité. L’exploitant du Bugey a identifié cette activité comme une activité sensible. À cet égard, il prévoit de mettre en œuvre des dispositions d’organisation permettant de sécuriser l’intervention afin d’optimiser le planning de manière à minimiser le temps nécessaire pour atteindre la pression de requalification dans les GV.

Pendant la durée d’intervention, l’exploitant propose des parades permettant de pallier les risques liés à l’apport de réactivité et le non-respect des STE. Celles-ci permettent notamment de garantir d’une part que la concentration en bore du circuit primaire sera supérieure à 2385 ppm (2), d’autre part que la surveillance d’un apport en réactivité sera disponible, via le boremètre et l’alarme « flux élevé à l’arrêt ». De plus, en cas d’apparition d’un évènement fortuit pendant la pose de l’évènement de groupe 1 «VVP 4», la règle des cumuls s’appliquera conformément aux STE. L’IRSN estime acceptables les mesures compensatoires proposées par l’exploitant.

Dans son avis en référence [2], l’IRSN a déjà analysé les conséquences sur la sûreté d’une indisponibilité de quatre soupapes sur tous les GV en AN/GV. Les conclusions de cet avis restent valables pour la présente demande de modification temporaire des STE.

En conclusion, à la suite de l’analyse de risques présentée par l’exploitant et compte - tenu des mesures compensatoires proposées, l’IRSN considère acceptable, du point de vue de la sûreté, la demande de modification temporaire des RGE, telle que présentée par l’exploitant de la centrale nucléaire du Bugey.

Notes :

  1. Groupe 1 ou groupe 2 : En fonction de leur importance pour la sûreté, les indisponibilités sont hiérarchisées en événements de groupe 1 et de groupe 2. Une stratégie de repli vers un état plus sûr et des règles strictes de cumul sont associées uniquement aux événements de groupe 1. Dans ce groupe sont classées les non-conformités remettant en cause le respect des exigences et des hypothèses d’étude de la démonstration de sûreté. Les non-conformités défiabilisant une fonction importante pour la sûreté sont classées en groupe 2.
  2. Cette concentration en bore correspond à la concentration en bore minimale requise dans les états d’arrêt avant réalisation de l’essai de temps de chute des grappes de commande.