Avis n° 2017-AV-0298 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 10 octobre 2017 relatif à l’anomalie de la composition de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de la centrale nucléaire de Flamanville (INB n° 167)
L’Autorité de sûreté nucléaire,
Vu le code de l’environnement, notamment ses articles L. 557-4 à L. 557-6 et R. 557-1-3 ;
Vu l’arrêté du 10 novembre 1999 modifié relatif à la surveillance de l'exploitation du circuit primaire principal et des circuits secondaires principaux des réacteurs nucléaires à eau sous pression ;
Vu l’arrêté du 30 décembre 2015 relatif aux équipements sous pression nucléaires, notamment son article 9 et son annexe I;
Vu le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire référencé CODEP-DEP-2015-037971 – IRSN/2015-00010 du 16 septembre 2015 relatif à l’analyse de la démarche proposée par Areva NP pour justifier de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ;
Vu la lettre de l’Autorité de sûreté nucléaire référencée CODEP-DEP-2015-043888 du 14 décembre 2015 relative à sa position sur la démarche de justification de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville ;
Vu la note de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire référencée CODEP-DEP-2016-019209 – IRSN/2016-00005 du 17 juin 2016 relative à
un point d’étape sur la démarche proposée par Areva NP pour justifier de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ;
Vu le courrier de l’Autorité de sûreté nucléaire à Areva NP référencé CODEP-DEP-2016-031435 du 26 septembre 2016 relatif à un point d’étape sur la démarche de justification de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ;
Vu le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire référencé CODEP-DEP-2017-019368 – IRSN/2017-00011 du 15 juin 2017 relatif à l’analyse des conséquences de l’anomalie des calottes de la cuve du réacteur EPR de Flamanville sur leur aptitude au service ;
Vu la note technique du fabricant de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, Areva NP, référencée D02-PEEM-F-15-0368 dans sa révision B du 31 juillet 2015 relative à la démarche de justification du couvercle et du fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ;
Vu la note technique d’Areva NP, référencée D02-PEEM-F-16-0260 dans sa révision A du 20 mai 2016 relative à la méthodologie générale permettant la démonstration de la satisfaction des critères mécaniques pour les calottes de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ;
Vu le dossier technique transmis par Areva NP à l’Autorité de sûreté nucléaire le 16 décembre 2016, mis à jour par la suite, et notamment la note technique référencée D02-ARV-01-104-503 dans sa révision B du 27 avril 2017 relative à la justification de la ténacité suffisante des calottes du fond et du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville ;
Vu les engagements pris par Areva NP, transmis à l’Autorité de sûreté nucléaire par courrier référencé ARV-DEP-00755 du 6 juin 2017 ;
Vu les engagements pris par l’exploitant Électricité de France (EDF), transmis à l’Autorité de sûreté nucléaire par courrier référencé D458517029486 du 6 juin 2017 relatif au suivi en service du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, courrier référencé D458517029054 du 6 juin 2017 relatif au programme de suivi du vieillissement thermique, courrier référencé D458517029531 du 6 juin 2017 relatif au caractère exhaustif de la liste des situations de choc thermique sur les calottes de la cuve du réacteur EPR de Flamanville et courrier référencé D458517030291 du 9 juin 2017 relatif au suivi en service du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ;
Vu l’avis et les recommandations du groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires du 30 septembre 2015 référencés CODEP-MEA-2015-040055 du 1er oct 2015 ;
Vu les observations du groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires référencées CODEP-MEA-2016-027702 du 7 juillet 2016 ;
Vu l’avis du groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires du 27 juin 2017 relatif aux conséquences de l’anomalie de concentration en carbone des calottes de la cuve du réacteur EPR de Flamanville sur leur aptitude au service référencé CODEP-MEA- 2017-028273 ;
Vu l’avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques du 19 septembre 2017 ;
Vu les observations d’Areva NP transmises par courrier référencé ARV-DEP-00803 du 31 août 2017 ;
Vu les observations d’EDF transmises par courrier référencé D458517039634 du 25 juillet 2017 ;
Vu les résultats de la consultation du public réalisée du 10 juillet 2017 au 12 septembre 2017 à l’initiative de l’Autorité de sûreté nucléaire ;
Considérant que la cuve du réacteur EPR de Flamanville est soumise aux exigences essentielles de sécurité de l’annexe I de l’arrêté du 30 décembre 2015 susvisé, notamment celle de la qualification technique ;
Considérant que les essais réalisés dans le cadre de la qualification technique des calottes du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ont mis en évidence le fait que ces composants n’ont pas les caractéristiques requises initialement lors de la conception par le fabricant ;
Considérant que cette anomalie est due à la présence d’une zone de ségrégation majeure positive résiduelle du carbone qui n’a pas été suffisamment éliminée par le procédé de fabrication retenu par Areva NP ;
Considérant que le risque d’hétérogénéité dû aux ségrégations majeures positives résiduelles du carbone, phénomène métallurgique connu, a été mal apprécié et ses conséquences mal quantifiées par Areva NP, alors qu’il existait des techniques disponibles permettant de s’affranchir de ce risque ;
Considérant qu’en conséquence l’exigence de qualification technique mentionnée au point 3.2 de l’annexe I de l’arrêté du 30 décembre 2015 susvisé n’est pas respectée ; qu’Areva NP n’a pas suffisamment tenu compte de l’état d’avancement de la technique et de la pratique au moment de la conception et de la fabrication ;
Considérant que, en cas de non-respect de la valeur d’énergie de flexion par choc à 0 °C définie au point 4.2 de l’annexe I de l’arrêté du 30 décembre 2015 susvisé, le fabricant peut démontrer par d’autres moyens que le matériau est suffisamment ductile et tenace, conformément à cette même annexe ; qu’à ce titre, Areva NP a mis en œuvre un programme de caractérisation spécifique, destiné à démontrer que le matériau est suffisamment ductile et tenace et à justifier un niveau de sécurité global équivalent ;
Considérant qu’Areva NP envisage de transmettre à l’Autorité de sûreté nucléaire une demande d’autorisation de mise en service et d’utilisation de la cuve du réacteur EPR de Flamanville au titre de l’article 9 de l’arrêté du 30 décembre 2015 susvisé et a sollicité l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire sur sa démarche de justification ;
Considérant que la présence d’une zone de ségrégation majeure positive du carbone conduit dans certaines conditions à diminuer la ténacité de l’acier, c’est-à-dire sa résistance à la propagation d’une fissure, et est susceptible de remettre en cause sa résistance à la rupture brutale ;
Considérant que l’Autorité de sûreté nucléaire, par courrier du 14 décembre 2015 susvisé, a considéré acceptable dans son principe, sous certaines réserves, la démarche retenue par Areva NP pour justifier que l’anomalie ne remet pas en cause l’aptitude au service du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville présentée dans la note technique du 31 juillet 2015 susvisée, notamment au vu des conclusions du rapport du 16 septembre 2015 susvisé et de l’avis du groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires du 1er octobre 2015 susvisé ;
Considérant qu’Areva NP a complété sa démarche de justification par la note technique du 20 mai 2016 susvisée ; que l’Autorité de sûreté nucléaire a formulé des demandes complémentaires par courrier du 26 septembre 2016 susvisé, notamment au vu de la note du 17 juin 2016 susvisée et des observations du groupe permanent d’experts pour les équipements du 7 juillet 2016 susvisées ;
Considérant que le dossier technique d’Areva NP du 16 décembre 2016 susvisé conclut que l’anomalie ne remet pas en cause l’aptitude au service du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ; qu’Areva NP a mené une analyse justifiant que les caractéristiques du matériau permettent de prévenir le risque de rupture brutale de ces composants ;
Considérant que cette analyse repose sur l’évaluation de trois paramètres : les dimensions, l’orientation et la position d’éventuels défauts, tels que des fissures, les propriétés mécaniques de l’acier comportant un excès de carbone et les chargements thermomécaniques résultant de changements de température et de pression durant le fonctionnement normal et accidentel du réacteur ;
Considérant que, s’agissant des éventuels défauts, Areva NP a justifié que le procédé de fabrication utilisé n’était pas de nature à créer de défaut préjudiciable à la qualité des pièces ; qu’il a également réalisé des contrôles non destructifs surfaciques et volumiques afin de détecter les défauts présents dans le fond et le couvercle de la cuve, que ces contrôles n’ont pas mis en évidence de défaut de taille supérieure à la limite de détection ; que l’Autorité de sûreté nucléaire a mandaté un organisme indépendant pour surveiller la réalisation de ces contrôles non destructifs ;
Considérant que, s’agissant des propriétés mécaniques du matériau, Areva NP a mené un programme d’analyses chimiques et d’essais mécaniques sur des composants fabriqués dans les mêmes conditions que ceux de la cuve du réacteur EPR de Flamanville et a justifié que ces composants sont représentatifs de ceux de Flamanville ; que ce programme a permis d’évaluer les propriétés mécaniques de l’acier dans la zone de ségrégation majeure positive résiduelle du carbone ; que l’Autorité de sûreté nucléaire a mandaté des organismes indépendants pour surveiller la réalisation de ce programme et a veillé à ce qu’il soit réalisé, en majorité, par des laboratoires indépendants du groupe Areva ; que l’Autorité de sûreté nucléaire a réalisé des inspections dans deux laboratoires du groupe Areva ayant participé à la mise en œuvre de ce programme ;
Considérant que, s’agissant des chargements thermomécaniques, l’ensemble des situations pouvant solliciter le fond et le couvercle de la cuve a été recensé et caractérisé ; qu’il convient toutefois qu’Areva NP confirme les chargements mécaniques sur le couvercle en situation d’éjection de grappe ;
Considérant que, malgré des valeurs de résilience du matériau localement inférieures à celles prévues lors de la conception, les propriétés de ténacité sont suffisantes pour prévenir, avec les coefficients de sécurité requis, le risque de rupture brutale du fond et du couvercle de la cuve, en tenant compte de l’éventuel défaut le plus défavorable ;
Considérant que le fond et le couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ont en partie été fabriqués par Creusot Forge ; que des irrégularités ont été détectées dans cette usine ; qu’Areva NP a refait, à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire, certains essais mécaniques et contrôles volumiques non destructifs qui avaient été réalisés lors de la fabrication ; que l’Autorité de sûreté nucléaire a mandaté des organismes indépendants pour surveiller leur réalisation ; que ces nouveaux essais et contrôles, dont les résultats sont satisfaisants et cohérents avec ceux des essais d’origine, apportent des garanties complémentaires sur la qualité des pièces concernées ;
Considérant que ce dossier technique a fait l’objet d’une instruction par l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, dont les conclusions sont présentées dans le rapport du 15 juin 2017 susvisé, et de l’avis du groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires du 27 juin 2017 susvisé ; qu’en particulier, dans le cadre de l’analyse de la résistance mécanique du matériau, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a réalisé ses propres calculs, qui ne remettent pas en cause les résultats présentés par Areva NP ;
Considérant que la démonstration de sûreté nucléaire des réacteurs à eau sous pression exclut la rupture de la cuve sur la base de dispositions particulièrement exigeantes retenues en matière de conception, de fabrication et de suivi en service ;
Considérant que l’aptitude au service du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville repose sur une justification d’exclusion du risque de rupture brutale fondée sur les trois paramètres susmentionnés ; qu’il est essentiel de s’assurer tout au long du fonctionnement du réacteur que ces paramètres restent dans le cadre de la justification, et notamment de garantir l’absence d’apparition de défaut ;
Considérant qu’il convient dès lors que l’exploitant mette en œuvre des contrôles périodiques complémentaires afin de s’assurer de l’absence d’apparition de défaut ;
Considérant que de tels contrôles sont réalisables sur le fond de la cuve et qu’ils doivent donc être mis en œuvre ;
Considérant, en revanche, que la faisabilité technique de contrôles similaires sur le couvercle de la cuve n’est pas acquise et donc qu’en l’état actuel des connaissances, l’utilisation de ce couvercle doit être limitée dans le temps ;
Considérant que la fabrication d’un couvercle de remplacement a été engagée et que ce couvercle pourrait ainsi être disponible d’ici fin 2024 ;
Considérant qu’il n’a pas été identifié de mécanisme pouvant conduire à créer ou propager rapidement un défaut lors du fonctionnement du réacteur, qu’il est donc acceptable qu’il ne soit pas mis en œuvre de contrôle avant fin 2024 et qu’en conséquence l’utilisation du couvercle jusqu’à une telle échéance est acceptable au plan de la sûreté nucléaire,
Rend l’avis suivant :
L’anomalie de la composition en carbone de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville n’est pas de nature à remettre en cause la mise en service et l’utilisation de celle-ci sous réserve des conditions suivantes.
Des contrôles en service capables de détecter les défauts perpendiculaires aux peaux, quelle que soit leur orientation, dans les 20 premiers millimètres à partir des surfaces interne et externe du métal de base devront être mis en œuvre sur le fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville à chaque requalification complète du circuit primaire principal.
L’utilisation du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ne pourra être autorisée au-delà du 31 décembre 2024.
Les engagements d’Areva NP et d’EDF, formulés par les courriers des 6 et 9 juin 2017 susvisés, notamment en ce qui concerne le programme d’essais de suivi du vieillissement thermique et les contrôles lors du fonctionnement du réacteur, devront être intégrés dans la demande d’autorisation prévue à l’article 9 de l’arrêté du 30 décembre 2015.
Areva NP devra confirmer, dans cette demande d’autorisation, les chargements mécaniques sur le couvercle dans la situation d’éjection de grappe.
Fait à Montrouge, le 10 octobre 2017.
Le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire,
Signé par Pierre-Franck CHEVET
Sylvie CADET-MERCIER, Philippe CHAUMET-RIFFAUD
Lydie EVRARD, Margot TIRMARCHE
Commentaire Gazette
L’avis comporte exactement les mêmes références en « Vu les décrets et les considérants » (Vérifier avec le texte projet publié dans la gazette 285), ce qui, au moins pour les considérants prouve que la consultation des citoyens et donc leur avis est absent de l’avis.
Plus grave pour Flamanville3 (EPR) : la vérification des équipements fabriqués dans l’usine du Creusot a été achevée début 2017 et a conduit à ouvrir 95 fiches d’anomalie et 16 fiches de non-conformité.
ET même si il est ajouté
Mis à part ce dernier cas dont les résultats seront plus tardifs, les justifications apportées par AREVA sont en cours de validation, d’abord par EDF puis par des organismes indépendants mandatés par l’ASN. Ce travail de justification ne remet pas en cause le planning global du projet annoncé en 2015 et qui prévoit le chargement et le démarrage du réacteur au quatrième trimestre 2018.
En conséquence il est impossible de donner un avis positif pour le démarrage d’un réacteur qui n’est pas conforme (la rupture de la cuve sur la base de dispositions particulièrement exigeantes retenues en matière de conception, de fabrication et de suivi en service) est-il assuré mais de fait l’acier n’a pas la bonne nuance et ceci est sûr.
Il faudrait que les essais soient vraiment représentatifs, or ce n’est pas le cas car chaque lingot est unique.