Mot d’humeur de Raymond Sené
Depuis le début des frimas... et surtout depuis l’éventualité de la mise en œuvre des dispositions de la loi de 2015 sur la transition énergétique, nous sommes assaillis de toutes part, par des articles de presse, de la pub à la télé, des courriels, des coups de téléphone... qui nous annoncent la pire catastrophe pour l’alimentation en électricité cet hiver.
A cause de nombreux réacteurs à l’arrêt, des éoliennes, des menaces de fermeture de Fessenheim... nous aurions des coupures cet hiver.
Mais c’est la même chose tous les ans ! Depuis de nombreuses années, EDF nous annonce la même catastrophe pour le jour du plus grand appel sur le réseau, dans le temps, c’était le 3ème jeudi de décembre, maintenant c’est le 3ème mercredi.
C’est la période de l’année où les jours sont les plus courts, donc le français moyen allume la lumière chez lui. Dans les villes, les magasins sont illuminés, c’est jour de congé scolaire. En fin d’après-midi les entreprises fonctionnent, donc consomment encore... en bref, c’est le PIC d’appel sur le réseau, et à la distribution, c’est le pied de guerre. Tout ce qui peut produire est mis en œuvre et même on importe d’Allemagne.
J’allais oublier le chauffage électrique... miracle du lobbying d’EDF. Au début du mirage du nucléaire, il y avait la commission PEON, bien connue, (voir Gazette N°15/16, le rapport SCHLOESING), mais il y avait aussi la commission du Plan où siégeait EDF qui y faisait décider le nombre des constructions de logements dotés d’un chauffage électrique... dont le chiffre de la consommation prévisible permettait de justifier le programme de construction de réacteurs.
Mais pourquoi est-on dans ce schéma de risque de coupures? Il aurait fallu construire plus de centrales nucléaires nous clament les chantres du nucléaire. Mais pendant le reste de l’année, on a environ une douzaine de tranches excédentaires. Alors en avoir 2 ou 3 en plus, pour ne produire que quelques dizaines d’heures par an, serait un gâchis monstre. D’où l’intérêt de l’hydraulique de barrage (on ouvre une vanne et hop, la turbine produits ses kilowatts), des turbines à gaz et autres moyens à démarrage très rapide.
EDF nous serine que maintenant ils sont capables de faire monter en puissance très rapidement un réacteur. Cela va faire travailler les gaines des combustibles, créer des chocs thermiques sur le primaire, donc ajouter des sollicitations dans l’inventaire, sachant que tous ces éléments sont conçus pour pouvoir en subir un nombre maximum à ne pas dépasser, sinon on entre dans la zone du risque de rupture par fatigue.
Et puis voila que suite à la COP 21, quelques « inconscients » parlent de réduire la part du nucléaire à 50%.
Quelle horreur ! alors qu’EDF est lancée... (boff ) dans son grand carénage, opération destinée à prolonger le service jusqu’à... au moins 40 ans. Pour les « p’tits jeunes », il y a au moins une trentaine d’années, je me souviens qu’EDF nous avait présenté au CSSIN (précurseur du HTCINun dossier dénommé « Durée de vie » qui était déjà le grand carénage !!!
Et en plus, il y a les opérations de mise à niveau « post-Fukushima »... alors (seulement) devoir envisager d’arrêter définitivement une bécane vétuste sur laquelle on commence tout juste à resserrer les boulons... c’est pas humain !
Mais, comme Monique l’avait écrit dans un rapport d’expertise (ce qui avait fortement choqué le grand chef local), la cerise sur le gâteau c’est que arrêt définitif, signifie démantèlement... quelle horreur ! BRENNILIS, UNGG (CHINON A2, A3, St LAURENT A1, A2, BUGEY 1 ... mornes plaines. Les petits génies de la filiale nous expliquent qu’ils savent faire, la preuve, ils viennent de terminer CHOOZ A1... boff elle est arrêtée depuis 1991 cette petite chose de 350 MW.
Et ne parlons pas de BRENNILIS, arrêtée depuis 1985 et pour laquelle les petits chefs continuent à se gratter l’occiput. Et les UNGG, que faire des milliers de tonnes de graphite, contaminé en surface et activé dans la masse avec production de C14 et Cl 36. EDF en est à déclarer, le plus sérieusement du monde, que cela attendra jusque les années 2100.
Dans les dossiers d’enquête publique des centrales, il y a une quarantaine d’années, figuraient quelques lignes sur le démantèlement. C’était évasif, avec des temps d’exécution des divers épisodes évalués au doigt mouillé. Mais cela se terminait en apothéose, sur un joli petit dessin montrant l’état du retour à la nature : une butte de terre, avec un arbre dessus, et en dessous, enfouie, la cuve !!!
Nos brillants ingénieurs semblent découvrir que les opérations de démantèlement ne sont pas évidentes et surtout vont générer des m3 de déchets contaminés et qu’il faudra bien les mettre quelque part. Certains futés pensent et disent que, dans le fond, le site pourri où est implanté un réacteur pourrait être utilisé comme site d’entreposage de longue, très longue durée...
Le terrain leur appartient déjà et moyennant une petite subvention locale, la contestation serait certainement étouffée.
De la même façon qu’Alphonse Allais envisageait d’éclairer les rues en plaçant des tigres aux carrefours (la tradition populaire parle toujours des yeux de tigres qui brillent la nuit...), comme nos ingénieurs sont très brillants, on pourrait faire de même, les utiliser pour l’éclairage public (à la limite on pourrait les installer sur un vélo accouplé à une gégène grâce à laquelle, en pédalant, ils produiraient quelques kW).
La hargne pro-nucléaire se déploie contre les éoliennes. Elles sont laides, font du bruit,... etc.
Mais qu’ils utilisent leur verve vis à vis des lignes haute tension.
J’ai le « privilège » d’habiter pas loin du gigantesque couloir de lignes qui viennent aboutir au grand poste d’interconnexion national de Villejust (91). Quand on est sur le plateau de Nozay (91) l’horizon est saturé de lignes THT sur près de 360 degrés. Quand au bruit... il m’est arrivé de camper à proximité d’une ligne moyenne tension, et bien je peux vous assurer que par temps humide, le grésillement est incessant. A noter que le champ électrique au niveau du sol est suffisant pour allumer un tube fluorescent.
Pour en finir avec les prévisions alarmiste concernant l’alimentation du pays cet hiver, EDF oublie de signaler que nombre d’installations (une vingtaine aujourd’hui) sont à l’arrêt pour rechargement, travaux d’entretien, et autres amusements du genre pannes et incidents dus à la vétusté et au manque d’entretien de ces unités vieillissantes.
Mais que diable, que font nos brillants prévisionnistes d’EDF qui (en principe) planifient ces opérations. Cela me rappelle le toit du bâtiment turbine de Super Phénix, à Creys Malville, qui s’était écroulé sous le poids de la neige... les ingénieurs du bureau d’étude ne savaient pas que dans cette région, la neige était fréquente (ils devaient passer leurs vacances d’hiver au Maroc !) .
A priori, il semblerait qu’on devrait programmer les opérations de maintenance pour les périodes de l’année de faible niveau de consommation.
C’est vraisemblablement une remarque d’un niveau tellement terre à terre qu’elle ne peut pas être prise en considération dans les super logiciels de planification.
Mais comme, pour prouver qu’ils ont raison et que les arguments présentés à Hulot étaient les bons, ils sont encore capables d’organiser quelques perturbations.
Donc prévoyez quelques bougies, lampes de poches et réserves de piles et si vous avez froid , vous pouvez vous équiper de petits chauffage d’appoint... pas électriques, bien sûr !, mais au gaz avec une bonne bouteille de butane... cela marche très bien et c’est efficace.