Abolition des armes nucléaires
Maison de Vigilance (AAN) est la fusion de la Maison de Vigilance (1983) et Stop essais/ Armes nucléaires STOP (1989). AAN est membre de ICAN, prix Nobel de la paix 2017. C’est un collectif associatif de militants et d’une vingtaine d’associations françaises. Parmi ses activités, AAN organise chaque année un jeûne d’interpellation du 6 au 9 août pour commémorer Hiroshima et Nagasaki et exprimer un soutien aux victimes des essais nucléaires.

Rapport d'activité 2017

Notre association qui a regroupé les forces de Armes nucléaires STOP et de La Maison de Vigilance a vu augmenter ses activités par rapport à celles de ces deux associations.

Notons tout d'abord notre participation au Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Nous avons été plusieurs à New York pour sa rédaction, et plusieurs à Oslo pour recevoir le prix Nobel que ce traité a valu à la campagne ICAN dont nous faisons partie.

Notre jeûne-action du 6 au 9 août s'est déroulé dans une dizaine de villes, sa visibilité a été forte à Paris et Montpellier du fait des dirigeables que nous avons utilisés. Les vigies devant le Ministère de la Défense se sont poursuivies sans interruption et leur analyse nous a amené à proposer ce type d'action plus largement.

Nous espérons que ces vigies se mettront en place dans plusieurs villes.

Nous avons été présents dans de nombreux débats et manifestations. Claude, Dominique, Izadora, Luigi, Marlène, Pablo, Patrice, Pierre, ont été présents et sont intervenus dans une trentaine d'occasions : à New York pour le TIAN, à Bonn pour la Cop23 et dans de nombreuses villes d'Italie (Luigi) et de France. Le film « La bombe et nous » a permis plusieurs interventions. Nous avons contribué à l'animation d'ICAN-France et du FSM antinucléaire.

Le bulletin a été diffusé plus largement du fait de sa gratuité et de nouveaux adhérents et donateurs se sont manifestés à sa lecture.

Un nouveau site sur Internet a été mis en place permettant de mettre à disposition le bulletin, nos différentes analyses et compte rendu d’activités de l’association.

Rapport d'orientation 2018

Au cours de l'année 2017, a été franchie une étape majeure pour le désarmement nucléaire. Le Traité d'interdiction (TIAN), qui devrait entrer en vigueur en 2018 (et qu'il faudra faire appliquer!) devient l'outil indispensable pour stigmatiser la menace de frappe nucléaire et donc les doctrines de dissuasion qui régissent actuellement les rapports internationaux. Cette dynamique de remise en cause fondamentale se retrouve dans les mouvements forts comme l'appel à la solidarité lancé par Edgar Morin, et signé par de très nombreuses associations, pour une remise en cause en profondeur des priorités du monde actuel. Est annoncé le « Rappel des solidarités » en 2018. Le Traité d'interdiction fait partie des remises en cause en profondeur. Nous nous situons donc dans ce très vaste mouvement de remise en cause.

La question, pour notre association, est de travailler avec d'autres en ne perdant jamais de vue notre apport propre dans ces luttes.

Nous continuerons à alimenter par nos analyses le débat de remise en cause de la dissuasion. La dissuasion nucléaire est un leurre car en cas d'agression majeure elle n'est pas une protection. Le questionnement de « responsables » politiques ou militaires conduit à la conclusion que jamais une frappe nucléaire ne peut être décidée pour se défendre. Il s'agit donc d'un leurre avec un effet pervers terrible, celui de ne pas prévoir notre survie. Nous continuerons donc cette année à travailler les questions de fond de remise en cause de la dissuasion et de lobbying pour une signature du TIAN par tous les États dont le nôtre, la France.

Notre objectif est de changer l'opinion publique, de lui donner la possibilité d'exprimer son désaccord avec la dissuasion nucléaire, et donc de franchir l'omerta des politiques suivie par beaucoup de médias. De façon à briser l'inertie de chacun face aux nombreux problèmes de société.

Nous continuerons nos actions de « visibilité » avec les vigies conçues comme des spectacles de rue pour une interpellation facilitant l'interrogation et le dialogue sur le sujet de la pertinence de la dissuasion. De même les jeûnes-actions du 6-9 août devraient pouvoir se développer dans de nombreuses villes du fait de notre soutien. Ce sont des occasions pour créer des débats ! Créer des débats dans notre dynamique de non-violence active nous semble pourvoir se réaliser dans nos actions, nos présences, nos conférences et nos relations avec nos autres partenaires, c'est notre objectif pour les années qui viennent.

Le TIAN nous donne un immense espoir de réussite, nous serons donc présents avec tous les mouvements pour son soutien, en particulier dans la campagne ICAN. Nous travaillerons sur les remises en cause du système bancaire qui facilite les programmes de modernisation des armes nucléaires, avec ATTAC et le Réseau Sortir du nucléaire. Notre association est un collectif d'une vingtaine d'associations, nous travaillerons, dans cette dynamique associative, en étant ouvert à de nouvelles participations.

Forum social mondial 2-4 novembre 2017 Séance plénière d'ouverture
Intervention de Dominique Lalanne

Nous allons parler de nucléaire militaire dans ce Forum social mondial sur le nucléaire. Un simple rappel, le nucléaire militaire est à l'origine du nucléaire civil. Dans cette salle, nous le savons tous !

La première annonce importante sur ce sujet est que le prix Nobel de la paix 2017 a été attribué à la campagne ICAN, la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires.

(applaudissements)

Et nous sommes nombreux dans cette salle à pouvoir dire que nous avons reçu ce prix Nobel ! Nous pouvons applaudir ces nombreux amis !

(applaudissements)

Ce prix Nobel vient couronner le succès auquel nous avons contribué, celui de faire voter à l'ONU un Traité d'interdiction des armes nucléaires au mois de juillet 2017 : 122 pays ont voté pour le texte final, un seul pays, les Pays-Bas ont voté contre, soumis à de fortes pressions diplomatiques, aucun des pays nucléaires n'a voulu participer au vote. Un texte qui interdit la possession et la fabrication d'armes nucléaires et aussi la menace de frappe nucléaire, c'est à dire toute doctrine d'utilisation, et toute doctrine de « dissuasion nucléaire ».

Ce fut un processus sur les dix dernières années. Les Etats nucléaires ont fait preuve d'une telle mauvaise foi depuis 70 ans que les pays non-nucléaires ont pris l'initiative d'imposer cette législation internationale. En effet, les 5 Etats nucléaires qui existaient en 1970 se sont engagés dans un traité international à éliminer « de bonne foi » leurs armes nucléaires. C'est le Traité de non-prolifération qui précise cela dans son article 6. Depuis cette date, 4 nouveaux pays ont acquis des armes nucléaires et aucun des pays nucléaires n'envisage d'abandonner ce type d'arme. Et ces pays nucléaires ont tous des programmes de modernisation pour les 50 prochaines années !

C'est donc une fronde internationale qui s'est levée. Les 2/3 des pays se sont prononcés pour un tel traité en décembre 2016 alors que les 5 membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont tout fait pour empêcher ce vote. Les Etats-Unis et la France en tête. Les pressions diplomatiques, les menaces, tous les moyens ont été mis en œuvre depuis 10 ans contre un tel traité d'interdiction. Nous avons gagné. Pour nous, c'est une première étape.

Ce Forum social mondial va nous permettre de faire le point pour passer à l'étape suivante, celle où les armes nucléaires seront éliminées réellement, afin de proclamer leur abolition, comme cela fut le cas pour l'esclavage. Vous pourrez participer à plusieurs ateliers, pour information et débat, pour réfléchir à notre impact dans les opinions publiques de nos pays, pour analyser les blocages des « décideurs », pour organiser la pression sur les complexes militaro-industriels qui dictent leur choix pour conserver, voire augmenter, la manne financière de 100 milliards d'euros chaque année pour les armes nucléaires. Un scandale pour l'Humanité qui doit affronter des graves problèmes liés au réchauffement climatique, aux injustices et à la prédation de l'environnement.

Actuellement, 15.000 bombes nucléaires sont disponibles pour nous anéantir. Dont 2000 en état d'alerte permanent. Vous êtes ici en France et la France dispose d'un sous-marin prêt à envoyer en permanence 96 bombes nucléaires d'une puissance de frappe correspondant à 1000 fois Hiroshima.

Vous êtes dans un pays qui se vante d'assurer la sécurité internationale grâce à sa « dissuasion nucléaire » qui menace d'insécurité et de mort tous ceux qui pourraient atteindre ses «intérêts vitaux ». Vous êtes dans l'Union européenne qui compte 4 Etats qui hébergent des armes nucléaires américaines et qui disent participer au partage nucléaire de l'OTAN, c'est à dire que les pilotes des bombardiers de ces pays sont prêts à partir pour commettre des crimes contre l'Humanité en bombardant des villes. Vous êtes sur une planète où les dirigeants de 9 pays s'octroient le droit de vie et de mort sur toute la population du monde ! Le terrorisme de ces Etats est leur doctrine officielle, et beaucoup de groupes extrémistes voient donc dans la violence et la destruction la seule réponse à la violence majeure des Etats.

Le traité d'interdiction des armes nucléaires est une grande étape, quelles sont les étapes suivantes que nous allons étudier pendant ces 3 jours ?

Pensons tout d'abord aux victimes des essais nucléaires. Les pays nucléaires ont fait exploser plus de 2000 bombes dont certaines avaient la puissance de plus de 1000 fois Hiroshima. Ce sont des millions de victimes. Beaucoup sont morts, beaucoup ont eu leur santé ravagée, et les dégats génétiques apparaissent maintenant. Il y aura des ateliers avec les associations de vétérans et de victimes. Comment réparer les préjudices humains et les dégâts environnementaux ? Le traité d'interdiction en fait une obligation.

Dans de nombreux pays de l'Union européenne les élus parlementaires ont exprimé leur opposition aux armes nucléaires. C'est le cas dans les pays qui hébergent les armes états-uniennes, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique et l'Italie. Mais les exécutifs de ces pays refusent cette décision démocratique. Le Parlement européen a voté une résolution en novembre 2016 demandant à tous les pays membres de soutenir le Traité d'interdiction. En Europe, 7 pays sont favorables au traité d'interdiction, l'Autriche, le Danemark, l'Irlande, Malte (4 pays de l'UE) ainsi que l'Islande, la Norvège et la Suisse. L'arme nucléaire est clairement incompatible avec la démocratie. Cela ne

pose pas de problème dans les pays non-démocratiques mais ici en France, comment peut-on tolérer qu'un homme seul, le Président de la République, puisse décider tout seul, sur des critères volontairement flous, et en un temps très bref de quelques dizaines de minutes de lancer des frappes nucléaires de 1000 Hiroshima ? Le refus de démocratie contre le nucléaire militaire entraîne inévitablement le refus de démocratie contre le nucléaire civil et de nombreux autres secteurs de société, des grands projets inutiles et des injustices sociales. Là encore, on voit le lien fort entre nucléaire civil et nucléaire militaire. Le nucléaire militaire a transformé nos sociétés en dictature du nucléaire. Le traité d'interdiction ouvre un questionnement à l'opinion publique, il est temps d'ouvrir le débat, il est temps que les élus soient à l'écoute des peuples, il est temps que les citoyens s'expriment sur leur refus d'une arme de destruction massive et qu'ils imposent leurs choix aux décideurs.

Enfin le traité d'interdiction ouvre des perspectives d'action. Car sont interdites toutes les activités qui, de près ou de loin, participent aux armes nucléaires. Les industries, les banques, les travailleurs... La France vend des bombardiers nucléaires à l'Inde, ce sera interdit par le Traité, mais seront interdits aussi la construction de ces avions, les prêts bancaires pour faciliter les opérations, la fabrication de toutes les pièces de ces avions, depuis le bouchon de plastique jusqu'aux circuits électroniques.

Le prix Nobel de la Paix qui nous est attribué cette année est un label de qualité, certes, mais surtout un encouragement pour tous, les groupes, les citoyennes, les citoyens. Nous devons interpeller l'opinion publique pour qu'elle se manifeste et impose à chaque pays l'obligation de signature du Traité d'interdiction afin de libérer le monde des armes nucléaires.

Je vous souhaite un bon Forum social mondial, nous sommes sur la bonne route.

Oui, nous allons gagner !