Sûreté nucléaire en Normandie :
les antinucléaires normands critiquent la tiédeur des appréciations de l’ASN
L'autorité de sûreté nucléaire normande a livré ses appréciations
sur la sécurité des principales installations de la région.
Les antinucléaires locaux, c'est un euphémisme, ne sont pas tout à fait sur la même longueur d'ondes...
Manuel SANSON, 19 septembre 2017
Chaque année, c’est une mécanique bien rodée : la division de Caen de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) organise une conférence de presse pour présenter le résultat de ses travaux et dresser un bilan de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en région Normandie. Cette année, la rencontre avec les gratte-papiers avait lieu dans les locaux de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) à Rouen.
Pour 2016, le niveau de sûreté en Normandie est resté « globalement satisfaisant », dixit Hélène Héron, la chef de division. Certes, 13 évènements classés au niveau 1 – autrement dit des anomalies en matière de sûreté - sont à recenser . Certes ici où là, « des progrès », « des améliorations », ou encore « de la rigueur » sont réclamés aux exploitants. Hélène Héron indique par ailleurs qu’Areva et EDF doivent «rester rigoureux dans la conduite de leurs activités. Malgré tout, le rapport 2016 apparaît gentillet. Surtout dans le contexte actuel.
Sûreté nucléaire « globalement satisfaite » en 2016
Si l’année 2016 est jugée globalement satisfaisante, il n’en demeure pas moins qu’elle a été jalonnée par plusieurs évènements des plus fâcheux pour la filière nucléaire normande. Avec en particulier, la chute d’un des générateurs de vapeur du réacteur n°2 de Paluel survenu lors de l’opération de grand carénage visant à prolonger la durée de vie de la centrale jusqu’à 40 années. Et la tendance ne semble pas devoir s’inverser. En 2017, plusieurs pépins sont également survenus. Notamment un incendie dans la centrale de Flamanville ou bien encore la contamination radioactive de plusieurs travailleurs à Penly. Sans parler des multiples problèmes observés dans l’enceinte de l’usine Areva La Hague. Malgré tout, Hélène Héron se veut rassurante évoquant «une démarche d’amélioration continue de la sûreté et un niveau d’exigence en constante augmentation, en lien notamment avec les retours d’expérience post-Fukushima ».
Qu’en pensent, de leur côté, les antinucléaires locaux ? Sans surprise, leur jugement est beaucoup plus sévère. De manière générale, ils décrivent une situation inquiétante tandis qu’ils remettent en cause la supposée indépendance de l’ASN. Didier Anger, président du CRILAN, rappelle «qu’en France, l’Etat s’occupe à la fois du contrôle via l’ASN mais aussi de la production nucléaire via ses participations dans les groupes Areva et EDF. ». « Dans ces conditions, il ne peut y avoir d’indépendance véritable, assène-t-il.
Guillaume Blavette, membre du collectif Stop EPR Ni à Penly ni ailleurs, pointe le fait que la conférence de presse ait eu lieu en présence du patron de la DREAL : «Sa présence donne à voir que l’ASN ne dispose pas de toute l’autonomie que l’on est en droit d’attendre pour le contrôle d’une « industrie sensible ». Hélène Héron s’est livrée à un exercice contraint ne pouvant ni tout dire ni le dire n’importe comment.« Et de poursuivre : On a affaire à une normalisation du discours de l’ASN. Dans un contexte très contraint, alors que la charge de travail explose sans que les moyens dédiés suivent, l’ASN se protège et livre le discours que ses tutelles administratives attendent... C’est circulez, il n y’a rien à voir ! ».
Grand carénage ou « grand rafistolage »
Selon l’antinucléaire, «si les réacteurs normands n’ont pas connus de problèmes majeurs c’est d’abord « du fait d’arrêts fréquents – faible taux de disponibilité -qui donnent à voir la dégradation et l’obsolescence d’installation que l’exploitant a bien du mal à maintenir en état de fonctionnement...«De son côté, Didier Anger reconnaît « que l’on peut se satisfaire qu’il n’y ait pas eu d’accident majeur ». Pour autant, cet historique de la contestation atomique n’en reste pas moins inquiet.
Et de rappeler « que les centrales normandes ont été conçues pour durer 30 ans et qu’elles arrivent toutes en fin de vie ».
A Paluel, EDF a bien lancé l’opération dite du «grand carénage »pour prolonger l’existence des ibstallations. Mais cela ne trouve pas grâce aux yeux de Didier Anger qui parle plutôt « d’un grand rafistolage «.«Les centrales normandes sont vieillissantes et les problèmes financiers des exploitants pourraient avoir des répercussions sur la sûreté, estime-t-il.
Faut-il craindre un relâchement eu égard à leurs difficultés financières respectives ? «Nous ne regardons pas les choses comme ça. On impose des prescriptions aux exploitants, à eux d’y répondre et de proposer des solutions qui permettent de les appliquer. Après, on connaît le contexte général..., botte en touche Hélène Héron glissant au passage «que l’ASN ne regarde pas 100 % des choses.. ».. On n’est jamais trop prudent...
Il y a un site en particulier qui alerte, de manière plus aiguë, les opposants à l’atome normand. C’est l’usine de retraitement des déchets de La Hague.»«La situation y est encore pire que dans les centrales,estime Guillaume Blavette. Il y a tellement d’éléments anciens et récents qui rappellent à chacun l’extrême concentration de risques et de nuisances sur ce site que les quelques remarques de l’ASN paraissent bien fades, en tout cas très insuffisantes. « Pour Didier Anger, l’ASN ferait même « l’autruche » « en refusant de voir la réalité en face ».
A la décharge de l’ASN, on notera tout de même une subtilité sémantique à propos du site Areva la Hague. Le gendarme de l’atome normand ne livre plus une appréciation «globalement satisfaisante » , mais simplement « assez satisfaisante »
Le début d’un – léger – rapprochement entre l’ASN et les antinucléaires normands ?
Avis GSIEN : manifestement les antinucléaires normands sont assez loin de faire confiance à l’ASN pour donner un avis mais tout de même notent qu’il n’y a pas eu de catastrophe ; Souhaitons que cela dure