09 et 10 avril 2019 • GPESPN

GROUPE PERMANENT D'EXPERTS POUR LES EQUIPEMENTS SOUS PRESSION NUCLEAIRES

Avis relatif à la démarche d'EDF de traitement des écarts affectant les soudures des lignes principales

de vapeur en exclusion de rupture du réacteur EPR de Flamanville.

Réunion tenue à Montrouge les 09 et 10/04/2019

Conformément à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), par sa lettre CODEP-DEP- 2019-011267, le Groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires s’est réuni les 9 et 10 avril 2019 pour examiner la démarche de traitement des écarts affectant les soudures des lignes principales de vapeur (lignes VVP) en exclusion de rupture du réacteur EPR de Flamanville. Des membres du Groupe permanent d’experts pour les réacteurs ont également pris part à la séance et aux travaux.

Le Groupe permanent a pris connaissance des conclusions de l’examen par le rapporteur du dossier transmis par EDF et de l’avis de l’IRSN sollicité en vue de constituer son rapport. Le Groupe permanent a examiné la démarche de traitement des écarts proposée par EDF portant sur les soudures des traversées de l’enceinte de confinement réalisées en atelier.

Le Groupe permanent a pris connaissance de scénarios de remise en conformité de ces soudures présentés par EDF et de sa position relative aux risques associés à ces scénarios. Le Groupe permanent a également pris connaissance des difficultés exprimées par EDF quant à la renonciation à la mise en œuvre d’une démarche d’exclusion de rupture pour les tuyauteries concernées.

Le Groupe permanent a également examiné le scénario de l’acceptation en l’état dans le cas où les réparations présenteraient des contraintes techniques rédhibitoires ou des détriments pour la sûreté. À cette fin, le Groupe permanent a examiné les éléments de justification apportés par EDF pour répondre, avec un haut niveau de confiance, aux différents objectifs de conception et de fabrication qui sous-tendent la démarche d’exclusion de rupture.

Le Groupe permanent a notamment examiné :

- Le caractère suffisant des essais mécaniques réalisés en fabrication et des programmes d’essais proposés par EDF :

* pour acquérir la compréhension du comportement du matériau tel que mis en œuvre, permettant notamment d’expliquer et de reproduire les valeurs basses de résilience et l’inversion des valeurs de résistance à la traction entre les essais réalisés à température ambiante et ceux réalisés à chaud ;

* pour obtenir une caractérisation, avec un haut niveau de confiance, des propriétés des matériaux des soudures réalisées, compte tenu des résultats des qualifications de mode opératoire de soudage ou des assemblages témoins de production ainsi que de la nature, du nombre d’écarts détectés et des réparations effectuées ;

- l’adéquation des performances des contrôles non destructifs volumiques mis en œuvre ou prévus par EDF vis-à-vis du haut niveau de confiance attendu dans la compacité des matériaux, notamment en matière de nature et de taille des défauts détectables ;

- l’acceptabilité de la démarche de calcul de nocivité proposée par EDF pour justifier le maintien en l’état du défaut non-volumique présent sur une soudure en exclusion de rupture, qui présente par ailleurs des propriétés mécaniques dégradées ;

- plus globalement, la possibilité, compte tenu du nombre et de la nature des écarts détectés, de démontrer l’atteinte des objectifs de la démarche d’exclusion de rupture par une démarche de justification s’appuyant sur une analyse de mécanique à la rupture brutale et un renforcement du suivi en service, et le cas échéant sur les données d’entrée du calcul de mécanique à la rupture brutale et les conservatismes qui seraient alors à retenir.

I. Écarts

Le Groupe permanent constate un ensemble particulièrement élevé d’écarts rencontrés dans les choix techniques, le processus de réalisation, les résultats de recette, ainsi que dans la surveillance externe, ajouté à des choix de matériaux d’apport inadaptés, qui conduisent à un niveau de qualité nettement inférieur à celui qui était requis. Ces écarts sont notamment matérialisés par certaines valeurs de résilience sur coupons témoins très basses. Ces éléments constituent des obstacles majeurs à l’application d’une démarche d’exclusion de rupture. Ces écarts découlent notamment de défaillances depuis la spécification jusqu’à la surveillance, en incluant le traitement des écarts. Le Groupe permanent considère indispensable que cette situation soit analysée en profondeur et que les différents acteurs en tirent les conclusions.

II. Démarche de traitement

Le Groupe permanent note qu’EDF, compte tenu des incertitudes actuelles portant sur la faisabilité industrielle et les délais de réalisation des opérations de remise en conformité des soudures des traversées, envisage d’apporter, par une démarche finalisée par un calcul de résistance à la rupture brutale, la garantie du maintien de l’intégrité de ces soudures tout au long de la vie de l’installation afin de justifier leur acceptation en l’état.

Le Groupe permanent considère qu’EDF, à défaut de renoncer à tout ou partie de l’exclusion de rupture, doit procéder à la remise en conformité de ces traversées. Compte tenu des risques avancés par EDF pour les scénarios de remise en conformité présentés, il est indispensable d’ouvrir le champ des investigations.

III. Compréhension du comportement et caractérisation du matériau des joints soudés

L’examen du dossier de traitement des écarts sur les soudures de traversée des lignes VVP a conduit le Groupe permanent à constater le caractère fortement incomplet du « dossier matériau » pour les joints soudés de ces lignes. Il formule à cet égard la recommandation n° 1 en annexe.

IV. Compacité des joints soudés

Le Groupe permanent note que, conformément aux dispositions de l’arrêté ESPN, le fabricant a spécifié les défauts qu’il considère comme inacceptables au regard de la maîtrise de ses procédés de fabrication, et qu’il a défini des END permettant leur détection.

Il considère que les éléments apportés par EDF pour justifier des performances des END mis en œuvre vis-à-vis de la détection des défauts considérés par le fabricant comme inacceptables au regard de la maîtrise de ses procédés doivent être complétés. Ceci conduit le Groupe permanent à formuler la recommandation n° 2 en annexe.

Recommandations du Groupe permanent

Recommandation n° 1

Dans le cadre du « dossier matériau » pour les soudures des lignes VVP, le Groupe permanent recommande que soit approfondie la compréhension des phénomènes observés en matière de vieillissement sous déformation et de variations des propriétés mécaniques avec les principaux paramètres de soudage. Il recommande que le fabricant apporte les éléments de quantification de ces phénomènes, en particulier sur la ténacité.

Recommandation n° 2

Le Groupe permanent recommande qu’EDF justifie que les procédés d’END volumiques (RT et UT) ont la capacité de détecter et d’identifier les indications possédant les caractéristiques définies par le fabricant pour les défauts inacceptables, et que le dossier « défauts inacceptables au regard de la maîtrise des procédés » du fabricant mentionne la mise en œuvre d’END UT pour la détection de défauts non-volumiques.