décembre 2020 •

Revue de presse, actualités

Nucléaire : pourquoi la centrale de Flamanville ne produit plus d’électricité depuis six mois

Les deux réacteurs normands sont à l’arrêt à la suite à de nombreuses défaillances

relevées par l’Autorité de sûreté nucléaire.

Publié le 27/02/2020 par Louisa Benchabane

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/02/26/nucleaire-pourquoi-la-centrale-de-flamanville-ne-produit-plus-d-electricite-depuis-six-mois_6030944_3234.html

A Flamanville (Manche), il n’y a pas que les déboires de l’EPR. Outre le chantier catastrophique du réacteur de troisième génération, la centrale nucléaire normande abrite deux réacteurs relativement récents, construits en 1985 et 1986. Mais ils sont à l’arrêt. Le numéro un, depuis le 18 septembre 2019, et le numéro deux, depuis janvier 2019. En cause : des travaux de mise à niveau qui n’en finissent pas.

Pour prolonger la durée de vie d’un réacteur en garantissant le respect de toutes les règles de sûreté, EDF doit obtenir une autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Un sésame que le groupe espère bien décrocher à grands coups de travaux. Les visites décennales – qui consistent à la fois à assurer la maintenance du réacteur et à actualiser les normes de sécurité – sont alors un passage obligé.

Les tourments, à Flamanville, ont commencé lors d’une visite décennale longue et laborieuse pour le réacteur numéro un. Alors qu’en moyenne elle ne dure que cent jours, la procédure a traîné près de six mois. Pendant l’arrêt de cette tranche, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a signalé différents dysfonctionnements qui ont contraint l’électricien à prolonger la mise hors tension.

Défaut de surveillance

Après une première reprise, le réacteur n’a fonctionné qu’en pointillés entre le 18 février et le 18 septembre 2019, avant de s’éteindre pour une durée indéfinie. Le motif ? La découverte de traces de corrosion sur des diesels de secours. Un dispositif qui doit permettre, en cas de perte totale de courant électrique, de rétablir l’alimentation des systèmes de sûreté de la centrale. « Leur parfaite tenue n’était pas assurée en cas de séisme », précise EDF.

La visite décennale du second réacteur, commencée en janvier 2019 – toujours en cours, aujourd’hui –, a décuplé l’effectif de sous-traitants présents sur place. Comme celle du premier réacteur s’éternisait, EDF a dû gérer ces deux événements en même temps. Un scénario inédit et imprévu pour l’entreprise.

« Nous accueillons entre 1 000 et 2 000 employés lors de ce chantier », précise EDF. Autant de monde que l’électricien doit gérer. Non sans difficultés : le suivi n’aurait pas été à la hauteur des standards de sûreté. Derrière les défaillances observées, le défaut de surveillance des gestes exécutés – le plus souvent – par des sous-traitants, a été dénoncé par l’ASN.

« L’objectif, prolonger la durée de fonctionnement

de dix ans »

Toutefois, les associations hostiles à l’atome critiquent « la négligence » de l’exploitant. Derrière les incidents recensés, Martial Château, porte-parole de l’association CAN-Ouest, met en cause « une cadence des tâches importante à assumer pour les salariés, au détriment de la sécurité ».

Après avoir été épinglée par le gendarme du nucléaire, la centrale se retrouve en « surveillance renforcée ». Le dispositif, exceptionnel, consiste en la multiplication des contrôles. Sous l’impulsion de l’ASN, Patrice Gosset, directeur du site de Flamanville, a proposé un plan d’action visant à remettre les réacteurs en l’état attendu. L’objectif ? « Réinfuser » la culture de la sûreté chez les employés. « Nous avons un code de la route que chaque employé doit suivre scrupuleusement », précise l’énergéticien. « Nous prenons le temps de faire tous les travaux de remise aux normes nécessaires, assure EDF. L’objectif est à terme de pouvoir prolonger la durée de fonctionnement de la centrale de dix ans. L’investissement est nécessaire. »

Mais le temps n’est pas sans conséquences. L’arrêt d’une tranche cause selon plusieurs estimations un manque à gagner d’environ 1 million d’euros par jour.

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Commentaire GSIEN : toujours le sempiternel problème du contrôle des travaux des sous-traitants et du manque de culture de sûreté. Plus surprenant, EDF découvre des problèmes de corrosion dans une centrale en bord de mer...

Par ailleurs, dans la lettre d’information de la centrale de Flamanville « Grand Angle » du mois d’avril, on remarque l'affichage de O milliard de KWh produits depuis le 1er janvier 2020 jusqu'à fin mai. Il eut fallu, pour être juste et exact, afficher un - (moins) quelque chose car non seulement l'installation ne produit pas mais elle consomme !

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Dépêche AFP

Nucléaire : le redémarrage de Flamanville à nouveau repoussé

Caen, France | AFP | 03/03/2020 18:33 UTC+2

Le redémarrage des deux réacteurs de Flamanville (Manche) est à nouveau reporté de plusieurs mois, a-t-on appris auprès d'EDF alors que la centrale nucléaire cumule les déboires. Le réacteur 2, en maintenance depuis janvier 2019, et le réacteur 1, arrêté en septembre en raison de problèmes de corrosion, sont indisponibles jusqu'au 31 mai, selon EDF. Mi-décembre le groupe évoquait un redémarrage le 29 février pour le réacteur 2 et le 31 janvier pour le réacteur 1.

Le géant de l'énergie a depuis annoncé devoir remplacer le moteur de la turbine à combustion qui alimente en électricité les systèmes de secours des réacteurs. Des "microfissures" y ont en effet été détectées, selon un communiqué d'EDF du 24 février. Un incident classé au niveau 1 sur l'échelle internationale des incidents nucléaires INES, graduée de 0 à 7, selon EDF.

Interrogé mardi par l'AFP, EDF a assuré qu'il n'y avait pas de "lien particulier" entre cet incident et le retard. Ces reports sont liés à "des mises en conformités dans le cadre de recontrôles" qui font partie du "plan de rigueur" lancé par la centrale lorsqu'elle a été placée sous surveillance renforcée par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en septembre, selon EDF.

Le réseau Sortir du nucléaire dénonce pour sa part dans un communiqué un "délabrement des équipements" à Flamanville.

En décembre, l'Institut de sûreté nucléaire (IRSN), bras technique de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a estimé que la situation de la centrale de Flamanville était "très préoccupante" étant donné les "écarts majeurs sur différents équipements classés de sûreté" et que les deux réacteurs ne pouvaient être redémarrés en l'état. Dans un compte-rendu à l'ASN, l'IRSN y relevait de "nombreux écarts au niveau des matériels classés de sûreté", avec une "corrosion" parfois "avancée" en plusieurs endroits dans les stations de pompage (qui servent au refroidissement). L'Institut y évoque aussi "une fuite" sur des circuits de la troisième barrière de confinement.

En outre l'IRSN "considère anormale que les différents processus afférant à la sûreté (...) n'aient pas permis de prévenir la dégradation d'équipements importants pour la sûreté". L'Institut estimait toutefois que "la mise sous surveillance renforcée par l'ASN et le plan d'action d'EDF sont de nature à améliorer la situation observée depuis plusieurs années sur le site".

La centrale de Flamanville a connu 7 incidents de niveau 1 en 2019, 5 en 2018.

A côté des réacteurs 1 et 2 de Flamanville, EDF construit l'EPR, qui connaît lui aussi de nombreux retards et surcoûts.