Saga des soudures du circuit secondaire principal de l'EPR de Flamanville
Avis IRSN/2018-00301 du 12 novembre 2018 à :
Monsieur le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire
Objet : Réacteur EPR de Flamanville – Examen automatique par ultrasons des soudures des lignes VVP en exclusion de rupture.
Réf. 1. Lettre ASN – CODEP-DEP-2018-027796 du 11 juin 2018 ; 2. Avis IRSN/2018-00273 du 9 octobre 2018
Lors des examens non destructifs réalisés dans le cadre de la visite complète initiale du réacteur EPR de Flamanville, Électricité de France (EDF) a déclaré avoir relevé des indications correspondant à des défauts de fabrication inacceptables sur des soudures des circuits secondaires principaux, mettant en cause leur conformité au référentiel de conception.
Suite à cela, EDF a mis en place, à partir d’avril 2018, un nouveau programme de contrôle des soudures des circuits secondaires principaux, comportant en particulier des contrôles par ultrasons des soudures des lignes vapeur principales (VVP) en exclusion de rupture.
En réponse à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) citée en première référence, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a évalué les performances des examens non destructifs par ultrasons réalisés à l’occasion de la reprise de ces contrôles sur les soudures des lignes VVP en exclusion de rupture. La cohérence de la procédure afférente avec les exigences du RCC-M a également été analysée. Enfin, l’IRSN a examiné la mise en œuvre et les résultats des contrôles. Les contrôles manuels par ultrasons des soudures des lignes VVP réalisées sur site ont fait l’objet de l’avis cité en seconde référence.
L’IRSN présente, dans cet avis, son analyse des contrôles automatisés par ultrasons des huit soudures, réalisées en atelier, qui relient les tuyauteries des lignes VVP aux flasques de traversée du bâtiment du réacteur (soudures des traversées VVP). Les contrôles automatisés des soudures des traversées VVP ont été réalisés par EDF depuis la paroi extérieure des tuyauteries. Les modalités de contrôle permettent un examen de la zone comprenant le métal déposé pour la réalisation du joint soudé ainsi que le métal de base de part et d’autre du joint soudé. Dans un premier temps, EDF a réalisé des contrôles en ondes transversales inclinées à 45° et à 60°, ainsi qu’en ondes longitudinales à 0°, permettant de rechercher, préférentiellement, des défauts orientés parallèlement à l’axe de la soudure. Pour EDF, ces nouveaux contrôles sont des contrôles contradictoires réalisés au titre de sa propre surveillance et non pas des nouveaux contrôles de fin de fabrication.
Lors de ces nouveaux contrôles, EDF a mis en évidence plusieurs indications :
- des indications sur différentes soudures qu’il attribue à la présence de singularités géométriques situées principalement en paroi interne des soudures ;
- une indication caractéristique d’un défaut plan. Le défaut est localisé à proximité de la paroi externe de l’une des soudures et a fait l’objet d’une caractérisation.
Par ailleurs, lors d’investigations complémentaires réalisées pour analyser certains signaux ultrasonores, EDF a mis en évidence la présence d’un revêtement (une peinture de protection temporaire) en paroi externe dans la zone d’examen. EDF a accepté en l’état les acquisitions réalisées en présence de ce revêtement car celui-ci n’a, selon EDF, pas d’impact sur la sensibilité de détection. Au terme de son analyse des contrôles par ultrasons des huit soudures des traversées VVP, l’IRSN estime tout d’abord, contrairement à la position d’EDF, que le défaut détecté sur l’une des soudures lors des nouveaux contrôles aurait dû être détecté par les contrôles non destructifs réalisés en atelier. L’absence de détection de ce défaut remet en cause la fiabilité des contrôles de fin de fabrication. L’IRSN considère que la qualité des contrôles réalisés en fin de fabrication ne permettait pas de répondre aux objectifs du référentiel technique relatif aux soudures des traversées VVP en exclusion de rupture et que les nouveaux contrôles réalisés ne relèvent donc pas uniquement de l’analyse contradictoire. Pour l’IRSN, ces nouveaux contrôles doivent être considérés comme des contrôles de fin de fabrication.
En ce qui concerne les modalités de contrôle de soudures en exclusion de rupture, l’IRSN estime que tous les doutes sur l’absence de défauts, qu’ils soient orientés parallèlement ou perpendiculairement à l’axe des soudures, doivent être levés. Ceci est d’autant plus nécessaire que des écarts sur des prescriptions visant à éviter les risques de fissuration à froid ont été constatés sur l’activité de soudage sur site des lignes VVP. Dans le cadre de son évaluation, l’IRSN a donc considéré qu’EDF devait réaliser de nouveaux contrôles par ultrasons pour la recherche de défauts perpendiculaires à l’axe de la soudure. EDF a réalisé ces contrôles et a communiqué une synthèse des résultats. L’IRSN considère cette démarche de reprise des contrôles satisfaisante. Aucune indication à caractère inacceptable n’a été notée lors de ces contrôles.
Par ailleurs, l’IRSN souligne deux points de nature à limiter les performances des contrôles liés aux états de surface des zones à contrôler : la présence d’un revêtement en paroi externe et les états de surface en paroi interne. EDF précise que le revêtement en paroi externe a une influence négligeable sur la sensibilité d’examen et, paradoxalement, EDF constate même une légère augmentation de la qualité du signal en sa présence. L’IRSN n’a reçu aucun élément de la part d’EDF permettant d’expliquer ce constat. De plus, les documents d’EDF stipulent que, sur les soudures des traversées VVP, une zone de 200 mm de part et d’autre du bord de cordon de soudure doit être exempte de protection temporaire pour le bon fonctionnement des contrôles ultrasonores automatisés. De même, la procédure d’examen par ultrasons exige un état de surface satisfaisant pour garantir les performances de contrôle. L’IRSN estime donc qu’EDF doit mettre la zone à examiner en conformité avec les exigences du procédé ultrasonore et réaliser de nouveaux contrôles. Ceci fait l’objet de la recommandation n°1 en annexe.
En ce qui concerne les états de surface en paroi interne, EDF a transmis à l’IRSN huit procès-verbaux d’arasage de la paroi interne. Parmi les huit procès-verbaux, trois relevés de profils n’ont pas été transmis à l’IRSN après les réparations des soudures concernées. L’analyse de l’IRSN a donc porté sur les états de surface en paroi interne des zones à contrôler de cinq soudures. Les relevés de profils des parois internes sont conformes et ne présentent pas de singularités géométriques en paroi interne. Or, les nouveaux contrôles réalisés par EDF ont conduit à relever des indications localisées en paroi interne sur plusieurs soudures. EDF attribue ces indications à des échos provenant de bourrelets de pénétration, ce qui n’est pas cohérent avec les relevés de profils. Selon l’IRSN, aucune indication ne peut être attribuée à des échos provenant de bourrelets de pénétration si ces derniers ne sont pas visibles sur les procès-verbaux d’arasage. En conséquence, l’IRSN estime que la présence de défauts ne peut pas être exclue en paroi interne sur la base des résultats de contrôles et des relevés de profils. L’IRSN considère qu’EDF doit caractériser ces indications en cohérence avec les relevés de profils en paroi interne. Ceci fait l’objet de la recommandation n°2 en annexe.
Enfin, l’indication caractéristique d’un défaut plan a été dimensionnée et localisée avec deux procédés de contrôle différents afin de dimensionner de manière robuste le défaut. Le premier a été qualifié par EDF car il est prévu pour être appliqué lors de la visite complète initiale et lors du suivi en service. Le second a été utilisé en mode expertise par EDF pour apporter une évaluation plus précise de la taille réelle du défaut. L’IRSN estime que la démarche de caractérisation du défaut présentée par EDF est satisfaisante. Toutefois, les dimensions que retient EDF pour ce défaut obtenues avec le premier procédé enveloppent, par conservatisme, une estimation plus réaliste déduite des mesures effectuées avec le second procédé utilisé en expertise, plus précis. Dans le cas où le défaut serait laissé en l’état, les dimensions retenues par EDF doivent être issues de contrôles permettant de garantir la meilleure évaluation possible de la taille réelle de ce défaut. De plus, les contrôles réalisés avant la mise en service et lors de la visite complète initiale doivent être identiques à ceux réalisés en service, ou équivalents. Cette précaution permet d’assurer la cohérence requise entre les moyens ayant permis d’établir l’état de référence de ce défaut avant la mise en service et les moyens qui permettront d’en suivre l’évolution au cours de l’exploitation du réacteur. Ceci fait l’objet de la recommandation n°3 en annexe.
Pour le Directeur général et par délégation,
Thierry PAYEN :
Adjoint à la Directrice des systèmes, des nouveaux réacteurs et des démarches de sûreté
Annexe à l’Avis IRSN/2018-00301 du 12 novembre 2018
Recommandations
Recommandation n°1 :
L’IRSN recommande qu’EDF mette en conformité les états de surface en écart par rapport à la procédure de mise en peinture et des exigences du procédé d’examen ultrasonore qui demandent d’éliminer le revêtement de part et d’autre des soudures des traversées VVP. EDF devra réaliser de nouveaux contrôles sur les soudures en écart.
Recommandation n°2 :
L’IRSN recommande qu’EDF caractérise les indications détectées en paroi interne des soudures des traversées VVP en cohérence avec les relevés de profils en paroi interne. EDF pourra proposer une adaptation des moyens de contrôles pour statuer sur l’origine des indications.
Recommandation n°3 :
L’IRSN recommande qu’EDF retienne, dès la visite complète initiale, un procédé de contrôle adapté pour évaluer avec la meilleure précision possible la taille réelle du défaut détecté sur la traversée EPP6208TWM-S1, dans le cas où celui-ci serait laissé en l’état.