décembre 2020 • GSIEN

Présence de bouchons de bore
sur l’injection de sécurité
Centrale nucléaire du Blayais - 2008

Le circuit d’injection de sécurité (RIS) assure l’injection dans le réacteur de l’eau contenant du bore lors d’un accident de brèche sur le circuit primaire. Cela permet d’une part d’apporter l’eau nécessaire au refroidissement du combustible et d’autre part d’injecter de "l’antiréactivité" dans le cœur nucléaire. Régulièrement, EDF teste ce système de sauvegarde primordial en cas d’accident grave.

Il peut arriver que l’injection de sécurité ne fonctionne pas correctement comme ce fut le cas au Blayais en août 2008 lors d’un essai périodique sur la tranche n° 3. La lecture d’une « Fiche de synthèse » interne d’EDF est instructive : il y a eu un « constat d’obturation de 2 des 3 lignes d’injection de sécurité haute pression branche froide » pendant l’essai de sûreté. Deux des trois circuits d’injection présentaient des « bouchons de bore obturant complètement la section de passage » depuis plus de quatre mois. De plus, la seule ligne d'injection (presque) opérationnelle est passée par une « phase de débit non nul, puis débit nul, et enfin montée à 60 m3/h » pour un débit de « 100 m3/h attendu ». Par conséquent, la dernière file était également bouchée et elle « se serait rapidement débouchée », selon l’appréciation d’EDF, avec « une réduction de un tiers du débit injecté ». Soulignons que les trois lignes d'injection sont redondantes (hormis au niveau du « barillet » du RIS HP [Haute Pression], commun aux trois files d’injection) et servent à faire face une « situation accidentelle » [1]. Entre mars et août 2008, si par malheur la tranche n° 3 du Blayais s’était retrouvée dans une telle situation, la gestion d’un accident grave aurait été fortement compromise.

De son côté, l’ASN publie le 17 septembre 2008 un « Avis d’incident » révélant « qu’une partie du circuit d’injection de sécurité du réacteur n° 3 n’était pas opérationnelle » avec « un débit d’injection d’eau borée inférieur à la valeur habituellement constatée ». L’ASN explique : « Entre le 9 et le 25 août, l’exploitant a mené une analyse pour déterminer l’origine de ce faible débit et a constaté que du bore cristallisé réduisait la section de passage de l’eau dans une partie du circuit d’injection de sécurité » [2]. L’incident est classé au niveau 1 de l’échelle INES.

Une recherche minutieuse sur le site Interne de l’ASN permet de trouver une « lettre de suite d’inspection » ayant pour objet une brumeuse « Inspection inopinée sur le thème Évènement significatif pour la sûreté déclaré le 2 septembre 2008 ». Le chef de la division de Bordeaux de l’ASN révèle : « Les investigations menées (…) ont mis en évidence que deux vannes de réglage de débit sur trois étaient colmatées par du bore cristallisé » [3].

Dans le Rapport annuel 2008 du Centre Nucléaire de Production Électrique du Blayais, l’incident est singulièrement minimisé : il est question de « découverte de bore cristallisé dans le circuit d’injection de sécurité occasionnant une obturation partielle » causée par le « transfert de quelques litres d’une solution concentrée de bore dans une portion de tuyauterie non tracée (chauffée) » [4]. L’accent est mis sur le bouchage partiel de la seule file opérationnelle (à 60%). En oubliant son obturation momentanée et l’obturation complète des deux autres files d’injection de sécurité. D’un point de vue sûreté le problème est autrement plus grave. Une partie du circuit de communication d’EDF aurait’elle été elle aussi bouchée ?

Dans sa fiche de synthèse [1], EDF indique avoir réalisé une analyse de sûreté en testant sur simulateur plusieurs scénarii d’accidents. Dans le cas d’un Accident de perte de réfrigérant primaire par une brèche intermédiaire (APRP BI) sur la seule ligne d’injection en partie efficiente, l’Injection de sécurité haute pression (ISHP) est inopérante : la ligne d’injection débite à la brèche, les deux autres ne peuvent pas injecter l’eau borée dans le circuit primaire à cause de « la formation de bouchons de 10 à 15 cm ». Dans ce cas, le cœur se découvre à T0 = 3mn après l’ouverture de la brèche. Si l’opérateur « intervient trop tardivement (à T0 = 21mn dans la simulation réalisée) » cela « conduit la pression primaire à se stabiliser à une pression supérieure à celle de fonctionnement de l’ISBP [Injection de sécurité basse pression] ce qui bloque l’apport d’eau de refroidissement dans le circuit primaire » [1].

Sans refroidissement, c’est la fusion du réacteur.

Entre mars et août 2008, l’injection de sécurité de la tranche n° 3 du Blayais n’aurait pas été capable d’assurer pleinement sa fonction de sauvegarde du cœur nucléaire.

Le GSIEN pense que cet incident aurait dû être classé au niveau 2 de l’échelle INES compte tenu des conséquences potentielles en termes de sûreté mises en évidence par EDF.

Schéma du circuit RIS (REP 900)

Sources :

[1] Fiche de synthèse task force UNIE – Constat d’obturation de 2 des 3 lignes d’injection de sécurité haute pression branche froide lors de l’arrêt de tranche – EDF UNIE, 16/02/2009

[2] Avis d’incident – Indisponibilité partielle du circuit d'injection de sécurité – ASN, 17/09/2008

https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Indisponibilite-partielle-du-circuit-d-injection-de-securite

[3] Contrôle des installations nucléaires de base – Centre nucléaire de production d'électricité du Blayais – Inspection INS-2008-EDFBLA-0025 du 4 septembre 2008 – ASN, 23 septembre 2008

Inspection inopinée sur le thème Evénement significatif pour la sûreté déclaré le 2 septembre 2008

[4] Rapport annuel 2008 – Installation nucléaire de Blayais – EDF CNPE du Blayais, mai 2009 [cf. page 28]