Commentaire GSIEN
À propos de : Courrier de l’ASN à EDF
La revue générale de qualité demandée à EDF par l’ASN « a mis en évidence un écart sur les soudures de ces trois piquages [qui] ne respectaient pas l’ensemble des exigences de la démarche d’exclusion de rupture ». Or pour ces soudures, EDF avait sorti son Joker « exclusion de rupture ». Avec des « soudures d’implantation de 507 mm » de diamètre, la taille de la « grosse brèche » à considérer serait de 2018 cm², ce qui occasionnerait une fuite bien plus importante que celles envisagées dans le rapport de sûreté (840 cm2)1. Et probablement beaucoup plus difficile à gérer. Si tant est que ce soit gérable... Voilà pourquoi EDF tente de classer ces soudures en « exclusion de rupture » bien que les exigences de « haute qualité de fabrication » n’aient pas été respectées. Dans ces conditions, il est difficile de justifier du « caractère hautement improbable de la rupture des équipements », les soudures des piquages en question.
L’IRSN a décrit dans un « Document du référentiel d’expertise de sûreté »2 les « conditions à satisfaire » pour la démarche d’exclusion de rupture :
Cas 1
La
prise en compte de la rupture d’un équipement mécanique ne peut
pas être envisagée, car ses conséquences ne peuvent pas être
limitées par des moyens dédiés ou la démonstration de leur
efficacité ne peut être apportée en suivant les règles
d’étude usuelles.
Il s'agit d'une situation où l’exclusion
de rupture est une nécessité ; elle ne résulte pas d’un choix
car il n’existe pas d’alternative. Des exigences renforcées en
matière de conception, de fabrication et de surveillance sont dans
ce cas nécessaires, de telle sorte que la rupture puisse être
considérée comme extrêmement improbable avec un haut degré de
confiance.
La
rupture complète des gros composants du CPP des réacteurs
électronucléaires français relève typiquement du cas 1.
Un
lien peut alors être fait entre la démarche d’exclusion de
rupture et celle d’élimination pratique.
Cas 2
La prise en compte de la rupture complète d’un équipement mécanique en tant qu’évènement déclencheur n'est pas envisagée par l’exploitant qui estime qu'il peut justifier que les exigences de conception, de fabrication et de surveillance qu’il a prévues sont telles que cette rupture peut être considérée comme extrêmement improbable avec un haut degré de confiance.
Il
s'agit donc d'une situation où l’exclusion de rupture résulte
généralement d’un choix délibéré de l’exploitant : elle
repose sur l'excellence et la bonne mise en œuvre des exigences de
conception, de fabrication et de surveillance au vu de l'absence «
choisie » de dispositions de limitation des conséquences.
Ce
choix permet à l’exploitant une certaine optimisation de ses
moyens dès lors qu’il s’affranchit d’un certain nombre
d’études et du déploiement de ces dispositions de limitation
des conséquences.
Tout d’abord, l’IRSN souligne qu’il n’existe pas de réglementation ou de référentiel technique prescriptif qui fixe les exigences qu’un exploitant doit retenir pour justifier l’exclusion de rupture ».
« Par ailleurs, le retour d’expérience de la réalisation de certains équipements mécaniques du réacteur EPR de Flamanville a récemment mis en évidence des lacunes organisationnelles, tant au niveau des spécifications et de la fabrication qu’au niveau des contrôles associés, malgré les exigences applicables. Cela conduit à s’interroger sur l’efficacité globale du système de surveillance mis en œuvre pour de tels équipements.
Un renforcement de la surveillance de la conception et de la fabrication des équipements mécaniques pour lesquels une démarche d’exclusion de rupture est retenue, doit donc être mis en œuvre. Ce renforcement devra notamment permettre de détecter au plus tôt tout écart. »
Rappellez-vous : « hautement improbable » … comme Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima, Bhopal, AZF, Lubrisol, Beyrouth, de quoi faire un REX, le fumeux Retour d’expérience, sur la nature plus qu’incertaine du hautement improbable !
1 Rapport de sûreté de Flamanville 3 – Version Demande de Mise En Service – Chapitre 15.2.4F1 – EDF, octobre 2014 (voir pages 29 et 34)
2 La démarche d’exclusion de rupture – Document du référentiel d’expertise de sûreté – IRSN, 1/07/2019