5 mai 2021 • Solène Lavenu, La presse de la Manche

Nucléaire : à l'usine de la Hague,
la « supercherie » d'une entreprise de soudure démasquée

Par Solène Lavenu, La presse de la Manche, 5 mai 2021

Une entreprise sous-traitante, implantée en Croatie, a falsifié des documents afin que trois soudeurs puissent intervenir sur l’un des plus gros chantiers actuels de La Hague.

Pour souder sur le site nucléaire d’Orano La Hague, dans le Cotentin, les travailleurs doivent avoir une qualification soudure particulière, pas si évident que cela à obtenir, d’ailleurs.

Une entreprise sous-traitante, dont le siège social est implanté en Croatie, Techni D.O.O, a falsifié ces documents afin que trois soudeurs puissent intervenir sur l’un des plus gros chantiers actuels du site de la Hague, le chantier NCPF. Ce dernier, rappelons-le, permettra le remplacement des évaporateurs existants par de nouveaux équipements sur deux ateliers d’extraction, R2 et T2, qui assurent la séparation de l’uranium, du plutonium et des produits de fission.

« Nous subissons aujourd’hui le jeu du marché. Nous allons au moins cher, et là, notamment, c’est le groupement d’entreprise Foselev, qui a sous-traité à un patron croate peu scrupuleux, Techni D.O.O, qui a reconnu avoir falsifié les qualifications de ses soudeurs pour obtenir le marché », selon Arnaud Baudry, Délégué syndical central, CFDT

Réaction rapide d’Orano

Sur le site, on assure s’être « rapidement rendu compte de la supercherie », explique le service communication Orano La Hague. Une inspection en interne a révélé en décembre dernier l’anomalie.

« Il y avait en effet un écart entre des documents sur les qualifications des soudeurs, l’entreprise a été tenue de s’expliquer et a reconnu les faits. L’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) a été informée le 15 février et a décidé aussitôt d’inspecter les soudures. Ce sont 25 tuyauteries qui sont concernées », selon Orano La Hague, Service communication,

L’inspection s’est donc déroulée le 23 mars, et a conclu que « l’organisation définie et mise en œuvre sur le site pour investiguer ces irrégularités apparaît globalement satisfaisante. […] Ces soudures, au nombre de vingt-cinq, ont toutes été contrôlées par tirs radiographiques, avec un contrôle de second niveau systématique effectué par le personnel d’Orano Projet. Parmi ces soudures, quatorze sont classées EIP2 de rang 1, dont quatre sont considérées comme appartenant au « noyau dur 3 ». L’exploitant a indiqué que ces quatorze soudures subiront une épreuve hydraulique avant mise en service. »

Un événement qui pose question

En somme, ces 14 soudures en zone sensible subiront de nouvelles vérifications de la part d’Orano et seront de nouveau validées par l’ASN. Si les soudures semblent correctes, reste que l’événement interpelle dans le milieu du nucléaire.

« D’autant plus à l’heure où une entreprise telle que ACPP habilitée et habituée à ce genre de travail, est en liquidation judiciaire, et que des soudeurs qualifiés peuvent perdre leur travail, souligne Arnaud Baudry. Nous ne cessons d’alerter sur les compétences et le danger de validation de contrats low cost, on se doit d’être les meilleurs possibles pour éviter tout accident. »

Le sujet devrait être à l’ordre du jour de la prochaine commission locale d’information (CLI).

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